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25/05/2023 | FRANCE | N°21/01415

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 25 mai 2023, 21/01415


N° RG 21/01415 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IXOE





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE



ARRET DU 25 MAI 2023







DÉCISION DÉFÉRÉE :



Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 23 Février 2021





APPELANTS :



Monsieur [S] [H]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 9]



représenté par Me Fiodor RILOV de la SCP SCP RILOV, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Sarah DJABRI, avocat au

barreau de PARIS





Madame [X] [R]

[Adresse 1]

[Localité 8]



représentée par Me Fiodor RILOV de la SCP SCP RILOV, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Sarah DJABRI, avocat au barreau de PA...

N° RG 21/01415 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IXOE

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 25 MAI 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 23 Février 2021

APPELANTS :

Monsieur [S] [H]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 9]

représenté par Me Fiodor RILOV de la SCP SCP RILOV, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Sarah DJABRI, avocat au barreau de PARIS

Madame [X] [R]

[Adresse 1]

[Localité 8]

représentée par Me Fiodor RILOV de la SCP SCP RILOV, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Sarah DJABRI, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [V] [A]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 10]

représenté par Me Fiodor RILOV de la SCP SCP RILOV, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Sarah DJABRI, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES :

SOCIETE ARCOLE INDUSTRIES

[Adresse 5]

[Localité 7]

représentée par Me Marie-Alice JOURDE de l'AARPI JASPER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Marine GESLIN, avocat au barreau de PARIS

Me [L] [J] (SELARL MMJ) - Mandataire liquidateur de Société MORY DUCROS

[Adresse 6]

[Localité 12]

représenté par Me Hubert MARTIN DE FREMONT, avocat au barreau de PARIS

Association CGEA IDF EST

[Adresse 3]

[Localité 11]

représentée par Me Emmanuelle DUGUÉ-CHAUVIN de la SCP EMO AVOCATS, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Clémence MOREAU, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 06 Avril 2023 sans opposition des parties devant Madame POUGET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ALVARADE, Présidente

Madame POUGET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme WERNER, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 06 Avril 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 25 Mai 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 25 Mai 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE'

La société Mory Ducros est issue de la fusion, intervenue le 31 décembre 2012 à effet rétroactif au 1er janvier 2012, entre les sociétés Ducros Express et Mory. Elle est spécialisée dans la messagerie (transport, livraison de colis, entreposage et affrètement).

Par jugement du 26 novembre 2013, le tribunal de commerce de Pontoise a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de la société Mory Ducros et nommé M. [L] en qualité de mandataire judiciaire ainsi que MM. [N] et [K] comme co-administrateurs de celle-ci.

La société Arcole industries, holding de la société Mory Ducros, a fait une proposition de reprise en la soumettant à des conditions suspensives et en prévoyant une clause de substitution au profit de la société Newco MD, société en formation.

Par jugement du 6 février 2014, le même tribunal a arrêté le plan de cession au profit de la société Newco MD, autorisé la reprise des sociétés Mory Ducros, Spad et Arcatime Caudan dont elle a prononcé la liquidation judiciaire avec poursuite d'activité durant trois mois, ainsi que le licenciement de 2 882 salariés. Elle a également désigné M. [L] en qualité de liquidateur et maintenu les mandats de MM. [N] et [K].

Les administrateurs judiciaires ont alors élaboré le document unilatéral prévu par l'article L.1233-24-4 du code du travail dans sa version applicable au litige, lequel a été homologué par une décision du 3 mars 2014 de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (la Direccte).

Par jugement du 7 juillet 2014, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision d'homologation de la Direccte. Ce jugement a été confirmé par arrêt du 22 octobre 2014 de la cour administrative d'appel, au motif que le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements devait être apprécié au niveau de l'entreprise et non de chaque agence. Cet arrêt est devenu définitif par suite de l'arrêt du Conseil d'État du 7 décembre 2015 ayant rejeté le pourvoi formé à son encontre.

Par courriers des 24 février et 5 mars 2014, la société Mory Ducros (la société) a proposé à M. [S] [H], Mme [X] [R] et M. [V] [A], anciens cadres de la société Mory Ducros, des postes de reclassement en interne et au sein du groupe.

Le 13 mars 2014, il leur a été notifié leur licenciement pour motif économique.

Par requête distincte du 16 février 2015, plusieurs salariés dont M. [S] [H], Mme [X] [R] et M. [V] [A] ont saisi le conseil de prud'hommes de Rouen, lequel par jugement du 23 février 2021, a':

- ordonné la jonction des affaires,

- fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Mory Ducros l'indemnité mentionnée à l'article L. 1 233-58-II du code du travail à hauteur de':

16 300 euros pour M. [H],

39 000 euros pour Mme [R],

25 600 euros pour M. [A],

14 200 euros pour Mme [D],

20 800 euros pour Mme [W],

- dit et jugé que les sociétés Mory Ducros et Arcole industries n'étaient pas co-employeurs,

- en conséquence, décidé la mise hors de cause de la société Arcole industries et le rejet des demandes du CGEA-AGS formulées à titre subsidiaire à l'encontre de cette dernière,

- dit et jugé que M. [L], ès qualités, avait respecté l'obligation de reclassement,

- rejeté les demandes de M. [H], Mme [R], M. [A] et Mme [D] formulées au titre du coemploi et de l'obligation de reclassement,

- dit et jugé que le jugement serait opposable au CGEA ' AGS d'Île de France Est,

- dit qu'il n'y avait pas lieu à exécution provisoire du jugement, hormis celle de droit,

- rejeté chacune des demandes formulées par l'ensemble des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la procédure abusive tant sur l'incident qu'au fond,

- condamné la liquidation judiciaire de la société Mory Ducros aux dépens.

Le 1er avril 2021, seuls, M. [S] [H], Mme [X] [R] et M. [V] [A] ont interjeté appel de la décision.

Par conclusions remises le 16 mars 2023, ces derniers demandent à la cour de':

- infirmer le jugement dont appel,

1) juger que suite à l'annulation de la décision d'homologation du 3 mars 2014, leur licenciement est illégal,

- condamner la société Mory Ducros sur le fondement de l'article L.1233-58 du code du travail et de leur allouer les indemnités suivantes':

32 500 euros pour M. [H],

200 142,21 euros pour Mme [R],

86 726,96 euros pour M. [A],

- fixer ces mêmes créances au passif de la société Mory Ducros,

- dire le jugement à intervenir opposable au CGEA d'Île de France Est,

2) juger que les sociétés Mory Ducros et Arcole ont la qualité de co-employeurs,

- en conséquence, condamner la société Arcole à leur payer les indemnités suivantes':

32 500 euros pour M. [H],

200 142,21 euros pour Mme [R],

86 726,96 euros pour M. [A],

3) juger que M. [L], ès qualités, a manqué à l'obligation de reclassement individuel et violé l'article L. 1 233-4 du code du travail,

- en conséquence, leur allouer les indemnités suivantes':

32 500 euros pour M. [H],

200 142,21 euros pour Mme [R],

86 726,96 euros pour M. [A],

- fixer ces mêmes créances au passif de la société Mory Ducros,

- dire le jugement à intervenir opposable au CGEA d'Île de France Est,

- condamner la société Mory Ducros et la société Arcole à payer à chacun d'eux une indemnité de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- assortir les condamnations à intervenir d'intérêts au taux légal,

- condamner les sociétés Mory Ducros et Arcole aux entiers dépens.

Par conclusions remises le 8 septembre 2021, M. [L], ès qualités, demande à la cour de':

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les salariés de leurs demandes,

- infirmer ledit jugement en ce qu'il a fixé les créances des salariés aux sommes de':

16 300 euros à M. [H],

39 000 euros à Mme [R],

25 600 euros à M. [A],

- limiter les sommes allouées aux montants suivants':

16 250 euros au profit de M. [H],

29 232 euros au profit de Mme [R],

21 907 euros au profit de M. [A],

- en toute hypothèse,

- dire et juger que les salariés ne peuvent prétendre qu'à l'indemnité prévue à l'article L. 1 233-58 II à l'exclusion de toute autre indemnité qui pourrait être due, notamment au titre d'une violation de l'obligation individuelle de reclassement,

- fixer cette indemnité à six mois de salaire,

- débouter les salariés de leur demande au titre d'une indemnité pour violation de l'obligation individuelle de reclassement,

en tout état de cause,

- débouter les salariés de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuer ce que de droit sur les dépens,

- déclarer la décision à intervenir opposable à l'AGS-CGEA.

Par conclusions remises le 16 mars 2023 à 10h49, la société Arcole industries demande à la cour de':

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté les salariés de l'intégralité de leurs demandes,

- juger de l'absence de coemploi entre la société Mory Ducros et elle-même,

- juger de l'absence de lien contractuel entre les salariés et elle-même,

en conséquence,

- la mettre hors de cause et ne pas lui rendre opposable le jugement qui serait rendu à l'encontre de M. [L], ès qualités,

- débouter les salariés de l'ensemble de leurs demandes,

en tout état de cause, à titre reconventionnel,

- condamner les salariés à lui payer chacun la somme de 150 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions remises le 3 décembre 2021, l'AGS CGEA d'Île de France Est demande à la cour de':

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a':

dit et jugé que les sociétés Mory Ducros et Arcole industries n'étaient pas co-employeurs,

décidé de la mise hors de cause de la société Arcole,

dit et jugé que le mandataire liquidateur de la société Mory Ducros avait respecté l'obligation de reclassement,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé les sommes suivantes au passif de la société Mory Ducros':

16 300 euros à M. [H],

39 000 euros à Mme [R],

25 600 euros à M. [A],

- débouter les salariés de leurs demandes,

à titre subsidiaire,

- limiter les fixations aux sommes suivantes':

16 250 euros à M. [H],

29 232 euros à Mme [R],

27 907 euros à M. [A],

à titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale,

- dire et juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L. 3 253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens dudit article L. 3 253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en 'uvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 étant ainsi exclus de la garantie,

- dire et juger qu'aux termes des dispositions de l'article L. 3 253-17 du code du travail, la garantie est nécessairement plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D. 3 253-5 du code du travail,

en tout état de cause,

- statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à sa charge.

L'ordonnance de clôture a été fixée au 16 mars 2023.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé détaillé de leurs moyens et arguments.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur l'existence d'un coemploi

Il résulte de l'article L. 1221-1 du code du travail que, hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.

Ainsi, il a été récemment considéré que la société employeur qui a perdu tout client propre et se trouve sous la totale dépendance économique de la société mère, laquelle lui sous-traite et organise elle-même les transports qui constituaient son activité, que ses dirigeants ont perdu tout pouvoir décisionnel, que la société mère s'est substituée à sa filiale dans la gestion de son personnel dans les relations tant individuelles que collectives et assure également sa gestion financière et comptable, sont des éléments qui caractérisent une immixtion permanente dans la gestion économique et sociale, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de la société employeur, ce dont il se déduit l'existence d'une situation de coemploi.

En l'espèce, les appelants ne concluent pas à l'existence d'un lien de subordination direct avec la société Arcole industries. Ils ne justifient ni même ne prétendent que, dans le cadre de l'exécution de leur prestation de travail, ils étaient placés sous l'autorité de ladite société qui aurait eu le pouvoir de leur donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de les sanctionner en cas de manquements.

En effet, après de longs développements sur le droit applicable et la jurisprudence en la matière et en se référant concrètement à leur seule pièce n° 40, les appelants, pour soutenir que les sociétés Mory Ducros et Arcole industries étaient leurs coemployeurs au moment de leur licenciement pour motif économique, affirment que M. [I], directeur général de la société Arcole industries, et son équipe, se sont immiscés dans la gestion économique et sociale de la société Mory Ducros, dépassant toute relation normale entre une société mère et sa fille. Ils considèrent que le fait que ce dernier ait été le signataire de la lettre de sollicitation de poste de reclassement adressée à toutes les sociétés du groupe, constitue «'un aveu'» de la société Arcole de sa qualité d'employeur.

Or, la pièce n° 40 atteste seulement que M. [I], directeur général de la société Arcole industries, ce qui n'est pas contesté et l'administrateur judiciaire, M. [G] [K] ont signé conjointement des courriers, datés des 6 et 11 février 2014, adressés à plusieurs sociétés du groupe pour connaître leurs besoins en matière d'emploi, dans l'hypothèse où ils seraient amenés à procéder à des licenciements pour motif économique.

Cette seule démarche préalable de recherche d'emplois disponibles au sein du groupe qui peut s'expliquer par les liens capitalistiques existant entre les deux sociétés considérées, est bien insuffisante à démontrer, à elle seule, l'ingérence alléguée et ce, d'autant que la société Arcole industries produit des pièces qui attestent que de nombreux cadres occupant des postes élevés au sein de la société Mory Ducros, notamment au sein du service RH, n'étaient pas liés contractuellement, issus ou mis à disposition par la société Arcole industries.

Faute d'autres éléments à l'appui des allégations des appelants, la cour ne peut que confirmer la décision déférée en ce qu'elle a écarté toute situation de coemploi et mis hors de cause la société Arcole industries.

2) Sur le licenciement

L'article L. 1233-58- II du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, dispose qu'en cas de licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés, l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 est validé et le document mentionné à l'article L. 1233-24-4, élaboré par l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, est homologué dans les conditions fixées aux articles L. 1233-57-1 à L. 1233-57-3 aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 1233-57-4 et à l'article L. 1233-57-7.

Les délais prévus au premier alinéa de l'article L. 1233-57-4 sont ramenés, à compter de la dernière réunion du comité d'entreprise, à huit jours en cas de redressement judiciaire et à quatre jours en cas de liquidation judiciaire.

L'employeur, l'administrateur ou le liquidateur ne peut procéder, sous peine d'irrégularité, à la rupture des contrats de travail avant la notification de la décision favorable de validation ou d'homologation, ou l'expiration des délais mentionnés au deuxième alinéa du présent II.

En cas de décision défavorable de validation ou d'homologation, l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur consulte le comité d'entreprise dans un délai de trois jours. Selon le cas, le document modifié et l'avis du comité d'entreprise ou un avenant à l'accord collectif sont transmis à l'autorité administrative, qui se prononce dans un délai de trois jours.

En cas de licenciements intervenus en l'absence de toute décision relative à la validation ou à l'homologation ou en cas d'annulation d'une décision ayant procédé à la validation ou à l'homologation, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. L'article L. 1235-16 ne s'applique pas.

Il a été précédemment rappelé que la décision de la Direccte d'homologation du document unilatéral déterminant, notamment, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et les critères d'ordre de licenciement, a été définitivement annulée par les juridictions administratives, de sorte que les appelants sont fondés à être indemnisés sur le fondement textuel ci-dessus rappelé.

En revanche, ils ne peuvent valablement solliciter, en sus, l'application des dispositions des articles L. 1233-4 et L. 1235-3 du code du travail, et le cumul d'indemnisation en découlant, au motif que l'indemnité prévue par l'article L. 1233-58-II alinéa 5 du code du travail prévoit une sanction de plein droit résultant de l'annulation de la décision d'homologation et que les seconds textes réparent le préjudice subi en raison de la perte de chance de conserver et de retrouver un emploi, ainsi que le préjudice moral consécutif à la perte dudit emploi.

En effet, l'indemnité prévue par l'article L. 1233-58, II, alinéa 5, répare le préjudice résultant pour le salarié du caractère illicite de son licenciement et ne se cumule pas avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui répare le même préjudice lié à la perte injustifiée de l'emploi. Aussi, les appelants ne peuvent être indemnisés une seconde fois sur les autres fondements textuels dont ils se prévalent.

Aussi, la décision déférée est confirmée, par substitution de motifs, en ce qu'elle a rejeté la demande formée au titre de la violation de l'article L. 1233-4 du code du travail.

Par conséquent, eu égard à leur ancienneté respective, à leur âge au moment de la rupture, au fait qu'ils ont bénéficié des dispositions du contrat de sécurisation professionnelle et à l'absence d'éléments concernant leur situation postérieure à la rupture de leur contrat de travail, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qui concerne les sommes allouées à MM. [H] (2 ans d'ancienneté, 41 ans) et [A] (8 ans d'ancienneté et 36 ans), lesquelles réparent leur entier préjudice, tel qu'ils le décrivent, découlant de la perte de leur emploi.

Concernant Mme [R], âgée de 46 ans au moment de la rupture de son contrat de travail et ayant une ancienneté de 15 années, le même préjudice sera plus justement réparé par l'octroi d'une somme de 49 000 euros, la décision déférée est infirmée sur ce point.

Enfin, la cour rappelle que les intérêts au taux légal ne courent pas sur cette somme, ni sur celles allouées à MM. [H] et [A] et que l'Ags-Cgea d'Île de France Est sera tenue à garantie pour cette somme dans les termes des articles L.3253-8 et suivants du code du travail, seulement en l'absence de fonds disponibles.

3) Sur les dépens et les frais irrépétibles

Chacune des parties succombant partiellement dans ses prétentions conservera la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré sauf en sa disposition relative au montant de l'indemnité allouée à Mme [X] [R],

Statuant dans cette limite et y ajoutant,

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Mory Ducros la créance de Mme [X] [R] à la somme de 49 000 euros au titre de l'indemnité prévue par l'article L.1233-58-II du code du travail dans sa version applicable au litige';

Dit que les intérêts au taux légal ne courent pas sur cette somme, ni sur celles allouées à MM. [H] et [A] ;

Déclare l'Ags-Cgea d'Île de France Est sera tenue à garantie pour les sommes allouées dans les termes des articles L.3253-8 et suivants du code du travail, seulement en l'absence de fonds disponibles ;

Déboute les parties de leurs autres demandes';

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens d'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01415
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;21.01415 ?
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