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24/05/2023 | FRANCE | N°22/02365

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 24 mai 2023, 22/02365


N° RG 22/02365 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JEDH







COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 24 MAI 2023









DÉCISION DÉFÉRÉE :



20/02020

Tribunal judiciaire de Rouen du 5 mai 2022





APPELANTE :



Madame [E] [N]

née le 26 août 1977 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par Me Jean-Christophe GARIDOU de la SCP MGH AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de l'Eure




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INTIMEE :



Syndicat de copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 5] à [Localité 4]

représenté par son syndic la Sas FONCIA NORMANDIE

RCS de Rouen 394 288 401

[Adresse 3]

[Localité 4]



représentée par Me Aurélie BLONDE de...

N° RG 22/02365 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JEDH

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 24 MAI 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

20/02020

Tribunal judiciaire de Rouen du 5 mai 2022

APPELANTE :

Madame [E] [N]

née le 26 août 1977 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Jean-Christophe GARIDOU de la SCP MGH AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de l'Eure

INTIMEE :

Syndicat de copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 5] à [Localité 4]

représenté par son syndic la Sas FONCIA NORMANDIE

RCS de Rouen 394 288 401

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Aurélie BLONDE de la SELARL CABINET THOMAS-COURCEL BLONDE, avocat au barreau de l'Eure

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 15 mars 2023 sans opposition des avocats devant Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente

M. Jean-François MELLET, conseiller

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER

DEBATS :

A l'audience publique du 15 mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 mai 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 24 mai 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mme [E] [N] est propriétaire des lots 9 (sanitaires), 11 (appartement), 33 (débarras), 40 (cave) dépendant de la copropriété sise [Adresse 5] à [Localité 4].

Par acte d'huissier du 10 octobre 2018, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 4], représenté par son syndic en exercice, la Sas Foncia Hauguel devenue Foncia Normandie l'a fait assigner devant le tribunal d'instance de Rouen en paiement de l'arriéré des charges de copropriété.

Sur décision d'incompétence de la juridiction initialement saisie, l'affaire a été enrôlée devant le tribunal judiciaire de Rouen.

Par jugement du 5 mai 2022, le tribunal judiciaire de Rouen a :

- rejeté l'irrecevabilité soulevée par le syndicat des copropriétaires tirée de l'autorité de la chose jugée,

- déclaré Mme [N] irrecevable en ses demandes formées à l'encontre de la Sas Foncia Hauguel devenue Foncia Normandie,

- déclaré irrecevables les demandes de Mme [N] en application de la clause compromissoire instituée par le règlement de copropriété,

- condamné Mme [N] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de

157,93 euros au titre des charges de copropriété impayées arrêtées au 18 novembre 2021 (provisions sur charges et travaux appelées au 1er octobre 2021 inclus), outre les intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2021,

- dit que les intérêts seront capitalisés en application de l'article 1313-2 du code civil,

- condamné Mme [N] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de

318,40 euros au titre des frais de recouvrement prévus à l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965,

- condamné Mme [N] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de

1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- rejeté toute autre demande,

- condamné Mme [N] aux dépens de l'instance en ce compris les frais de commandement de payer du 22 mai 2018.

Par déclaration reçue au greffe le 13 juillet 2022, Mme [N] a formé appel du jugement.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS

Par dernières conclusions notifiées le 12 octobre 2022, Mme [E] [N] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables ses demandes en application de la clause compromissoire instituée par le règlement de copropriété,

et statuant à nouveau, avant dire droit,

- ordonner une expertise afin essentiellement de vérifier les désordres allégués, leurs causes, d'indiquer les conditions de la remise en état et d'évaluer ses préjudices, de procéder éventuellement au constat de la conciliation intervenue entre les parties,

en tout état de cause,

- condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 33 600 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice occasionné (défaut d'entretien du mur porteur),

- condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- débouter le syndicat des copropriétaires de ses demandes.

Elle rappelle qu'en raison de problèmes financiers importants, de l'impossibilité de respecter ses obligations en tant que copropriétaire, elle a souhaité vendre son appartement ; que ce souhait n'a pu se réaliser en raison de dégâts des eaux datant du 7 de'cembre 2014, de l'apparition de désordres majeurs dans le logement au point de justifier la pose d'étais, les lieux étant désormais inhabitables. Cependant, malgré un apurement mensuel de la dette, elle indique que sur assignation du 14 février 2017, le syndicat des copropriétaires a obtenu une condamnation à son encontre s'agissant des charges de copropriété par jugement du 20 novembre 2017, exécutée.

Par acte d'huissier du 10 octobre 2018, ce dernier l'a de nouveau assignée mais elle a formé des demandes reconventionnelles qui ont été déclarées irrecevables.

Elle conteste l'analyse du premier juge en ce qu'il a écarté ses demandes en raison de la violation de la clause compromissoire contenue dans le règlement de copropriété. Elle soutient que de telles clauses sont nulles pour contrevenir aux dispositions d'ordre public de la loi du 10 juillet 1965 et vise également l'article 2061 du code civil relatif aux clauses compromissoires insérées dans les contrats à raison de l'activité professionnelle. Se référant a' des décisions de différentes cours d'appel, elle affirme ainsi que le syndicat des copropriétaires ne peut se prévaloir de la clause pour voir ses demandes d'indemnisation et expertise écartées. Elle invoque l'état de son appartement pour obtenir une mesure avant dire droit.

Pour obtenir une indemnisation de ses préjudices, elle confirme que suite aux dégâts des eaux affectant le mur porteur de son appartement, le syndic a procédé à une déclaration de sinistre auprès de l'assureur de la copropriété ; que le mur porteur est une partie commune dont la copropriété devait assurer la réparation ; que la dé'gradation de ce mur n'a pas été traitée, le syndicat des copropriétaires étant de parfaite mauvaise foi en affirmant ne pas être concerné par cet état des lieux. Lors de l'assemblée générale du 7 décembre 2017, le syndicat des copropriétaires a décrit les difficultés de la copropriétaire en faisant le constat d'une situation dégradée de l'appartement et ses difficultés financières en faisant observer que l'indemnité d'assurance n'était pas suffisante pour faire exécuter les travaux utiles après expertise ; que les travaux doivent être supportés par le syndicat des copropriétaires.

Par dernières conclusions notifiées le 3 janvier 2023, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 4] représenté par son syndic en exercice la Sas Foncia Normandie demande à la cour de :

- constater, en application de l'article 954 du code de procédure civile, que du chef du jugement ayant déclaré Mme [N] irrecevable en application de la clause compromissoire instituée par le règlement de copropriété,

- confirmer la décision, en application de l'article 1355 du code civil et 122 du code de procédure civile, en ce qu'elle a déclaré irrecevable Mme [N] en ses prétentions,

- débouter Mme [N] de ses demandes, subsidiairement, au visa des articles 14 de la loi du 10 juillet 1965 et 1353 du code civil,

- condamner, en tout état de cause, Mme [N] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.

Il rappelle que le tribunal a tiré les conséquences de la clause compromissoire, Mme [N] n'ayant pas conclu sur son application ; que le juge ne pouvait pas relever le moyen d'office ; que les clauses d'un règlement de copropriété doivent recevoir application tant qu'elles n'ont pas été déclarées non écrites ; que dans un précédent litige, Mme [N] s'était elle-même prévalu de la clause compromissoire ; qu'aucune disposition de la loi du 10 juillet 1965 n'invalide la disposition critiquée ; qu'il est seulement acquis qu'elle ne peut faire obstacle à une disposition d'ordre public ce qui n'est pas le cas dans le cadre d'une simple action indemnitaire. La jurisprudence que vise Mme [N] concerne notamment l'annulation d'un procès-verbal d'assemblée générale et la répartition des charges de copropriété.

Subsidiairement, une mesure d'instruction ne peut suppléer la carence d'une partie : les piè'ces versées par Mme [N] ne permettent pas d'établir la qualification du mur dégradé, porteur et susceptible d'être une partie commune ; le dégât des eaux date de 2014 et provient de parties privatives dont les coproprie'taires ne sont pas dans la cause, le constat signé par Mme [N] indiquant expressément que l'origine du sinistre est privative et doit être recherchée dans le défaut d'étanchéité d'une douche. Les travaux ont été en outre réalisés puisque le procès-verbal cité par l'appelante le précise, les étais ayant été retirés. Ainsi, il revenait à Mme [N] de déclarer le sinistre auprès de son assureur habitation pour obtenir l'indemnite' au titre de la réfection des embellissements.

Il ajoute enfin que la demande indemnitaire est contradictoire avec la prétention à l'organisation d'une expertise puisque ce faisant, Mme [N] admet ne pas disposer des preuves suffisantes de la responsabilité du syndicat des coproprie'taires. Le syndicat des coproprie'taires ne peut être tenu au titre des parties privatives d'une responsabilité quant à un défaut d'entretien comme allégué par Mme [N]. Cette dernière ne justifie pas de préjudices : l'état actuel de l'appartement n'est pas connu, aucun bail n'est communique' ; la perte de la faculté de louer le bien ne pourrait en toute hypothèse faire l'objet que d'un examen au titre d'une perte de chance.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 février 2023.

MOTIFS

L'appel formé par Mme [N] ne porte que sur l'irrecevabilité prononcée par le premier juge quant à ses demandes relatives.

Sur la recevabilité des demandes formées par la copropriétaire

L'article 8 du règlement de copropriété du 13 mai 1964 dispose que « toutes les difficultés de toute nature entre copropriétaires ou certains d'entre eux et le syndicat, et ce relativement à la jouissance et à l'administration des parties communes de l'immeuble et également aux conditions imposées à la jouissance des parties privées,et d'une façon générale, à toutes applications du présent règlement de copropriété et du règlement intérieur dont il a été parlé ci-dessus seront réglées par voie d'arbitrage. Chacun des intéressés choisira son arbitre. ».

En l'absence de moyen soulevé par Mme [N], en suite de la première décision judiciaire du 20 novembre 2017 ayant statué en ce sens, le premier juge a fait application de cette clause pour retenir l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle de Mme [N].

L'aline'a 1er de l'article 43 de la loi du 10 juillet 1965 pose le principe selon lequel toutes clauses contraires aux dispositions des articles 6 à 37, 41-1 à 42 et 46 et celles du décret prises pour leur application sont réputées non écrites.

L'article 2060 du code civil dispose qu'on ne peut compromettre sur différentes questions et plus généralement dans toutes les matières qui intéressent l'ordre public.

Mme [N] soutient que la clause compromissoire est réputée non écrite puisque contraire aux dispositions de la loi du 10 juillet 1965. Pour fonder sa demande en indemnisation à hauteur de 33 600 euros, elle se réfère a' l'article 14 de la loi selon lequel le syndicat des copropriétaires a pour objet la conservation et l'amélioration de l'immeuble ainsi que l'administration des parties communes. Le syndicat des copropriétaires est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions re'cursoires.

Ainsi, si elle se prévaut d'un principe général relatif au caractère illicite de la clause discutée depuis la loi du 10 juillet 1965, cite quelques arrêts de cours d'appel relatifs notamment au fonctionnement des assemblées générales, elle ne développe pas d'argumentation précise au soutien du moyen soulevé. Elle ne justifie pas des conditions d'application tant de l'article 43 de la loi du 10 juillet 1965 que de l'article 2060 du code civil susvise's. Quant à l'article 2061 du code civil, sa rédaction a évolué depuis sa création par la loi du 5 juillet 1972, postérieure au règlement de copropriété qu'il s'agit d'appliquer.

A défaut d'invalidation de la clause compromissoire, la demande de Mme [N] ne peut être déclarée recevable puisque les termes du règlement de copropriété n'ont pas été respectés quant a' l'arbitrage prévu.

De surcroît, comme l'a relevé le premier juge, le tribunal d'instance de Rouen a, par jugement du 20 novembre 2017, évoqué, sans toutefois statuer à défaut d'avoir repris dans les motifs la fin de non-recevoir, le sort de la clause compromissoire alors que Mme [N] s'en prévalait contre le syndicat des copropriétaires d'une part s'agissant des charges et demandait par ailleurs le paiement de dommages et intérêts pour les dégradations affectant son logement en renvoyant Mme [N] à l'application de la clause d'arbitrage « comme étant relative à la jouissance et à l'administration des parties communes de l'immeuble ». De façon factuelle, il convient d'observer que Mme [N] n'a pas tiré les conséquences de cette première analyse.

Ses demandes tant en ce qui concerne la mise en 'uvre d'une expertise que l'indemnisation des pre'judices subis sont irrecevables, le jugement e'tant confirme' de ce chef.

Sur la demande d'expertise au visa des articles 143 et 144 du code de procédure civile

Pour échapper aux effets de la clause compromissoire, Mme [N] invoque les dispositions applicables aux règles de la preuve autorisant le juge a ordonné des mesures d'instruction afin d'être davantage éclairé.

Mme [N] n'invoque aucun fait nouveau susceptible d'être examiné hors champ d'application de la clause susvisée et hors l'appréciation judiciaire acquise par le jugement prononcé le 20 novembre 2017.

Elle réitère ses explications relatives aux infiltrations d'eau affectant le mur porteur de son logement. Le constat d'huissier dressé le 15 novembre 2018 révèle l'état de dégradation et d'abandon de l'appartement pour défaut d'entretien imputable au moins en partie, au propriétaire : les photographies démontrent des lieux inhabitables de longue date compte tenu de l'état de l'ensemble des murs, et non seulement le mur dit porteur litigieux, à l'état brut avec notamment des matériaux de construction apparents, amplement fissurés voire en ruine, des plafonds aux revêtements dégradés voire arrachés, des installations électriques anarchiques avec des fils qui pendent, des pièces totalement inutilisables, l'absence du moindre équipement.

La demande d'expertise, déclarée ci-dessus irrecevable, ne peut autrement aboutir.

Sur les frais de procédure

Mme [N] succombe à l'instance et en supportera les dépens.

L'équité commande sa condamnation à payer à l'intimé la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Dans les limites de l'appel formé,

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Condamne Mme [E] [N] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 4] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [E] [N] aux dépens d'appel.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 22/02365
Date de la décision : 24/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-24;22.02365 ?
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