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10/05/2023 | FRANCE | N°22/01446

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 10 mai 2023, 22/01446


N° RG 22/01446 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JCEJ





COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 10 MAI 2023









DÉCISION DÉFÉRÉE :



17/01977

Tribunal judiciaire du Havre du 17 juin 2021





APPELANTS :



Monsieur [F] [E]

né le 12 octobre 1960 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 2]



représenté et assisté par Me Sébastien MARETHEU de la SELARL ADVOCARE, avocat au barreau de Rouen





SCI E

LLEGE

RCS de Caen 827 531 302

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée et assistée par Me Sébastien MARETHEU de la SELARL ADVOCARE, avocat au barreau de Rouen







INTIMEE :



SARL STEPHANE [D] TRANSACTIONS

[Adresse 4]

[Lo...

N° RG 22/01446 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JCEJ

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 10 MAI 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

17/01977

Tribunal judiciaire du Havre du 17 juin 2021

APPELANTS :

Monsieur [F] [E]

né le 12 octobre 1960 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté et assisté par Me Sébastien MARETHEU de la SELARL ADVOCARE, avocat au barreau de Rouen

SCI ELLEGE

RCS de Caen 827 531 302

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée et assistée par Me Sébastien MARETHEU de la SELARL ADVOCARE, avocat au barreau de Rouen

INTIMEE :

SARL STEPHANE [D] TRANSACTIONS

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Vincent GACOUIN de la SELARL POINTEL & ASSOCIES, avocat au barreau de Rouen et assistée par Me Marc REYNAUD de la SCP INTERBARREAUX CALEX, avocat au barreau de Lisieux substitué par Me Vincent GACOUIN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 8 février 2023 sans opposition des avocats devant Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

M. Jean-François MELLET, conseiller

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER,

DEBATS :

A l'audience publique du 8 février 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 avril 2023, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 10 mai 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 10 mai 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par mandat donné à la Sarl Stéphane [D] Transactions, la Sarl GDG [Localité 6] Dumont lui a confié le soin de procéder à la vente de l'immeuble situé [Adresse 3] (14). Une promesse unilatérale de vente a été conclue le 2 novembre 2016 entre M. [F] [E], auquel la Sci Ellege s'est ultérieurement substituée et la Sci GDG [Localité 6] Dumont moyennant un prix de 525 000 euros net vendeur.

Par acte authentique du 3 mars 2017, la vente immobilière a été régularisée. Par la suite, la Sci Ellege et M. [E] ont contesté le montant des honoraires à payer à la Sarl Stéphane [D] Transactions. Par actes des 12 et 13 septembre 2017, cette dernière a fait assigner M. [E] et la Sci Ellege afin de les voir condamner à lui payer la somme de 25 000 euros au titre des honoraires impayés.

Par jugement contradictoire du 17 juin 2021, le tribunal judiciaire du Havre a essentiellement, avec exécution provisoire :

- condamné la Sci Ellege à payer à la Sarl Stéphane [D] Transactions la somme de 25 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 septembre 2017,

- débouté la Sarl Stéphane [D] Transactions de sa demande en paiement contre

M. [E],

- condamné la Sci Ellege à verser à la Sarl Stéphane [D] Transactions une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la Sci Ellege et M. [E] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sci Ellege aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 3 août 2021, M. [F] [E] et la Sci Ellege ont formé appel de la décision et ont conclu au fond le 2 novembre 2021. Dans le cadre d'un incident de procédure, par ordonnance du 14 décembre 2021, le magistrat chargé de la mise en état a, en raison du défaut d'exécution de la décision prononcée le 17 juin 2021 :

- ordonné la radiation du rôle de la cour de la procédure d'appel,

- dit que l'affaire serait de nouveau enrôlée sur présentation des justificatifs de paiement des condamnations prononcées en première instance,

- condamné la Sci Ellege à payer à la Sarl Stéphane [D] Transactions la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sci Ellege aux dépens.

Par conclusions notifiées le 15 avril 2022, les appelants ont sollicité la réinscription au rôle de l'affaire, demande à laquelle il a été fait droit par un enrôlement le jour même.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS

Par dernières conclusions notifiées le 17 janvier 2023, M. [F] [E] et la Sci Ellege demandent à la cour, au visa de l'article 6 de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970, de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- condamné la Sci Ellege à payer à la Sarl Stéphane [D] Transactions la somme de 25 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 septembre 2017,

- condamné la Sci Ellege à verser à la Sarl Stéphane [D] Transactions une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la Sci Ellege et M. [E] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sci Ellege aux dépens,

et statuant à nouveau,

- débouter la Sarl Stéphane [D] Transactions de ses demandes,

- condamner la Sarl Stéphane [D] Transactions à leur payer la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

- condamner la Sarl Stéphane [D] Transactions aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la Selarl Advocare.

Ils font valoir que le premier juge n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations puisqu'il a constaté que l'agence immobilière n'avait pas de mandat au moment d'engager les négociations sans en tirer les conséquences sur la validité des engagements et particulièrement l'obligation de payer les honoraires. Ils affirment que même en datant le mandat le 7 octobre 2016, une visite des lieux avait eu lieu la veille après envoi d'une lettre de présentation le 4 octobre 2016 ; qu'ainsi lorsque le bien immobilier a été soumis au candidat à l'acquisition, le professionnel n'avait pas de mandat écrit tel que l'impose la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et son décret d'application. Ces textes comportent des dispositions d'ordre public et dès lors, l'agent immobilier ne peut prétendre au paiement d'honoraires en l'absence de mandat écrit préalable, sans qu'il y ait lieu à rechercher l'existence d'une nullité absolue ou relative de l'engagement.

Le premier juge a dès lors commis une erreur de droit en condamnant l'acquéreur au paiement de la somme de 25 000 euros : en effet, ils n'invoquent pas l'absence ou l'irrégularité de mentions portées dans le mandat entre l'agent immobilier et son client mais seulement l'absence de mandat à la date de l'intervention de l'agent immobilier. La sanction est la déchéance du droit aux honoraires pour le professionnel. En l'absence de mandat régulier, il est admis que l'agent immobilier puisse percevoir une contrepartie financière si la situation est régularisée par une convention soumise à deux conditions : elle doit être postérieure à l'acte authentique de vente et la vente doit être intervenue entre les parties rapprochées par cet agent immobilier. En l'espèce, le mandat a été signé par le vendeur ; la mention portant sur le droit à rémunération de l'agent immobilier n'est pas postérieure à l'acte authentique de vente ; la vente n'est pas intervenue formellement entre M. [E] et le vendeur mais entre la Sci Ellege et la société CDG investissement.

La partie adverse ne peut soutenir qu'un accord serait intervenu entre M. [E] et M. [D] ; le tribunal a, à juste titre, écarté toute condamnation à l'encontre de la Sci Ellege. M. [E] a avisé le notaire, le jour de la vente, d'un désaccord sur les honoraires.

Les appelants insistent sur l'absence d'octroi d'une indemnité procédurale au profit de M. [E] malgré l'absence de condamnation à paiement prononcée à son encontre.

Par dernières conclusions notifiées le 20 janvier 2023, la Sarl Stéphane [D] Transactions demande à la cour de :

- débouter les appelants de leur appel,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

- condamner la Sci Ellege à payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles devant la cour,

- condamner solidairement les appelants aux dépens de première instance et d'appel.

Elle rappelle que tant dans la promesse que dans l'acte authentique, les clauses prévoyaient l'obligation pour le bénéficiaire puis l'acquéreur de supporter la charge des honoraires à hauteur de 25 000 euros ; que le différend est né postérieurement à la régularisation de la vente, M. [E] proposant de ne verser que la somme de

18 000 euros par lettre du 6 mars 2017 ; que les appelants, particulièrement

M. [E], sont de mauvaise foi puisqu'ils contestent l'obligation nonobstant les termes des actes signés. Elle précise que le mandat de vendre lui a été confié avant signature de la promesse et conformément aux dispositions des articles 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et 72 et 73 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972.

Elle soutient que le mandat de vente a pour vocation de protéger le mandant de sorte que la nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l'intérêt général et elle est relative lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l'intérêt privé ; que la nullité relative peut être couverte par la ratification ultérieure des actes de gestion accomplis sans mandat ; qu'en l'espèce, les appelants n'étaient pas parties au mandat mais ont accepté de supporter le montant des honoraires dus ; que le tribunal a fait une analyse conforme au droit par motifs repris.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 1er février 2023.

MOTIFS

Sur les honoraires dus à l'agence immobilière

L'article 6 I de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 dispose que les conventions conclues avec les personnes visées à l'article 1er ci-dessus et relatives aux opérations qu'il mentionne en ses 1° à 6°, doivent être rédigées par écrit et préciser conformément aux dispositions d'un décret en Conseil d'Etat.' Aucun bien, effet, valeur, somme d'argent, représentatif d'honoraires, de frais de recherche, de démarche, de publicité ou d'entremise quelconque, n'est dû aux personnes indiquées à l'article 1er ou ne peut être exigé ou accepté par elles, avant qu'une des opérations visées audit article ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l'engagement des parties.

L'article 73 du décret 72-678 du 20 juillet 1972 précise que le titulaire de la carte professionnelle portant la mention 'Transactions sur immeubles et fonds de commerce', son ou ses représentants légaux ou statutaires, s'il s'agit d'une personne morale, qui doit recevoir le mandat prévu à l'article 72 ne peut demander, ni recevoir directement ou indirectement, d'autre rémunération ou d'autres honoraires à l'occasion d'une opération spécifiée à l'article 1er (1° à 5°) de la loi susvisée du 2 janvier 1970 que celle dont les conditions de détermination sont précisées dans le mandat.

Le mandat doit préciser si cette rémunération est à la charge exclusive de l'une des parties à l'opération ou si elle est partagée. Dans ce dernier cas, les conditions et modalités de ce partage sont indiquées dans le mandat et reprises dans l'engagement des parties. Le montant de la rémunération ou des honoraires, ainsi que l'indication de la ou des parties qui en ont la charge sont portés dans l'engagement des parties. Il en est de même, le cas échéant, des honoraires de rédaction d'actes et de séquestre.

En l'espèce, M. [E] et la Sci Ellege démontrent que l'agence immobilière intimée a entrepris les négociations et fait procéder à la visite de l'immeuble avant obtention du mandat du vendeur, la Sarl CDG [Localité 6] Dumont. En effet, dès le 4 octobre 2016, le représentant de la Sarl Stéphane [D] Transactions, M. [D], a adressé par courriel un dossier de présentation des locaux qu'il s'agissait de céder. Par cet écrit, ce dernier confirmait le rendez-vous pour procéder à une visite des lieux le 6 octobre à 10 heures. Une synthèse des frais d'acquisition et un plan cadastral étaient notifiés au futur acquéreur le 6 octobre à 19 heures. Par courriel du 7 octobre à 9h24, M. [E] confirmait sa volonté d'acquérir le bien.

Or le mandat de vente sans exclusivité n'a été signé que le 7 octobre 2016 par le vendeur soit de façon manifeste après la négociation consistant en la proposition du bien à la vente et la visite des lieux. L'agence immobilière ne peut prétendre dès lors à la perception d'une rémunération pour les missions accomplies avant cette convention en application des textes susvisés.

Contrairement aux arguments avancés par l'intimée, le moyen allégué par les appelants ne constitue pas une nullité dont la régularisation pourrait être envisagée mais de l'absence de mandat lors des négociations immobilières. Le jugement entrepris sera dès lors infirmé en toutes les dispositions soumises à la cour, en ce qu'elles portent condamnation de la Sci Ellege.

La Sarl Stéphane [D] Transactions sera déboutée de ses demandes en paiement.

Sur les frais de procédure

Le jugement étant infirmé sur le fond, il le sera sur les dépens.

Partie succombante en appel, la Sarl Stéphane [D] Transactions supportera outre les dépens de première instance, également les dépens d'appel dont distraction au profit de la Selarl Advocare en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Au regard des relations personnelles voire amicales qui existaient entre les parties lors des négociations, de la confirmation écrite par M. [E], à trois reprises, de son engagement de payer les honoraires dus à l'agence, et enfin de l'absence de sa part de contestation au cours des jours suivants sur le principe même d'une dette mais uniquement de son montant, il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit ni de M. [E] ni de la Sci Ellege, ce en équité.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Dans les limites de l'appel formé,

Infirme le jugement entrepris,

Et statuant à nouveau,

Déboute la Sarl Stéphane [D] Transactions de ses demandes principales et accessoires,

Déboute M. [F] [E] et la Sci Ellege de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Sarl Stéphane [D] Transactions aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la Selarl Advocare.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 22/01446
Date de la décision : 10/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-10;22.01446 ?
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