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10/05/2023 | FRANCE | N°21/04077

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 10 mai 2023, 21/04077


N° RG 21/04077 - N° Portalis DBV2-V-B7F-I5D6







COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 10 MAI 2023









DÉCISION DÉFÉRÉE :



21/00214

Tribunal judiciaire d'Evreux du 10 juin 2021





APPELANTE :



Mme [F] [K] divorcée [D]

née le 13 octobre 1971 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]



représentée et assistée par Me Pascale HOUVENAGHEL, avocat au barreau de l'Eure plaidant

par Me Adrienne DURAND



(bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle numéro 2021/012947 du 22/11/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)





INTIMEE :



SAS BAIE BLEUE

RCS de Douai n° 404 324 ...

N° RG 21/04077 - N° Portalis DBV2-V-B7F-I5D6

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 10 MAI 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

21/00214

Tribunal judiciaire d'Evreux du 10 juin 2021

APPELANTE :

Mme [F] [K] divorcée [D]

née le 13 octobre 1971 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée et assistée par Me Pascale HOUVENAGHEL, avocat au barreau de l'Eure plaidant par Me Adrienne DURAND

(bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle numéro 2021/012947 du 22/11/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)

INTIMEE :

SAS BAIE BLEUE

RCS de Douai n° 404 324 790

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me François DELACROIX de la SELARL SELARL DELACROIX, avocat au barreau de l'Eure

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 6 mars 2023 sans opposition des avocats devant Mme Magali DEGUETTE, conseillère, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,

M. Jean-François MELLET, conseiller,

Mme Magali DEGUETTE, conseillère,

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme [Z] [O],

DEBATS :

A l'audience publique du 6 mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 10 mai 2023.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 10 mai 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Aux termes d'une garantie à première demande sous signature privée conclue le 19 avril 2018, M. [G] [D] et Mme [F] [K], son épouse ont accepté de garantir, au bénéfice exclusif du groupe Fpee, composé des Sas Fpee Industries, Baie Bleue, et Mixal les encours facturation que ce dernier est disposé à accorder à la société Mp Fermetures dont M. [G] [D] est le gérant, pour tout montant jusqu'à concurrence de la somme de 25 000 euros et pour une durée de 12 mois.

Une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte contre la société Mp Fermetures le 19 juillet 2018.

Par actes d'huissier de justice des 8 février et 4 mars 2021, la Sas Baie Bleue a fait assigner M. et Mme [D] devant le tribunal judiciaire d'Evreux en paiement de la somme de 4 952,01 euros et de dommages et intérêts.

Suivant jugement du 10 juin 2021, le tribunal a :

- condamné in solidum M. [G] [D] et Mme [F] [K] épouse [D] à payer à la Sas Baie Bleue la somme de 4 952,01 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2020,

- débouté la Sas Baie Bleue de sa demande de dommages-intérêts,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné in solidum M. [G] [D] et Mme [F] [K] épouse [D] à verser à la Sas Baie Bleue la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. [G] [D] et Mme [F] [K] épouse [D] aux entiers dépens,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration du 22 octobre 2021, Mme [F] [K] épouse [D] a formé un appel contre le jugement uniquement à l'encontre de la Sas Baie Bleue.

Le divorce de M. et Mme [D] a été prononcé le 12 juillet 2022.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 19 juillet 2022, Mme [F] [K] sollicite de voir :

- réformer la décision rendue le 10 juin 2021 par le tribunal judiciaire d'Evreux,

et statuant à nouveau,

- à titre principal, constater le défaut de qualité à agir de la Sas Baie Bleue et débouter celle-ci de l'ensemble de ses demandes,

- subsidiairement, dire et juger nulle et de nul effet la garantie à première demande qu'elle a régularisée, pour violation de l'article L.313-10-1 du code de la consommation, devenu aujourd'hui l'article L.314-19,

- en tout état de cause, dire et juger prescrite, conformément à l'ancien article L.137-2 du code de la consommation devenu L.218-2, l'action intentée par la Sas Baie Bleue à son encontre,

- très subsidiairement, requalifier en acte de cautionnement la garantie à première demande qu'elle a régularisée, et ce faisant, le dire et juger nul et de nul effet pour défaut de formalisme, d'information, et de mise en garde pour violation des articles 1147, 1326, 1376, 2015 du code civil et L.314-15 et suivants, L.331-1, L.332-1, L.343-2, L.331-2, L.343-2, L.343-4 du code de la consommation,

- condamner la Sas Baie Bleue au paiement d'une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts et de celle de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens.

Elle fait valoir que la Sas Baie Bleue est irrecevable en son action fondée sur une garantie à première demande régularisée au profit du groupe Fpee pour défaut de qualité à agir.

Elle indique subsidiairement qu'en sa qualité de cocontractante non avertie et simple consommatrice, elle doit bénéficier des dispositions du code de la consommation, notamment de l'article L.314-19, qui prévoit que la garantie autonome ne peut pas être souscrite à l'occasion de crédits mobiliers ou immobiliers relevant du code de la consommation, que la garantie autonome en cause est donc nulle.

Elle soutient en tout état de cause que l'action de la Sas Baie Bleue est prescrite en application de l'article L.218-2 du code de la consommation, deux ans s'étant écoulés depuis le 1er août 2018, date d'envoi des premiers courriers recommandés de réclamation, sans être interrompus, que l'assignation ne lui a été délivrée qu'en février 2021.

Elle expose très subsidiairement que son engagement et celui de son ex-époux ont eu pour objet de garantir au groupe Fpee le paiement, non pas d'une somme déterminée, mais de celles que pourrait lui devoir la société Mp Fermetures au moment de l'appel de la garantie de sorte qu'ils constituent dès lors des cautionnements ; que le groupe Fpee leur a fait régulariser l'acte de garantie autonome dans le but d'échapper aux règles impératives et protectrices du cautionnement imposant un formalisme et un devoir d'information et de mise en garde qui n'ont pas été respectés en l'espèce alors qu'ils étaient prescrits à peine de nullité ; que son engagement manuscrit n'est pas daté, ni signé, et était totalement disproportionné par rapport à ses biens et revenus lors de sa conclusion, qu'elle n'a pas été informée de l'évolution de la situation après le courrier recommandé de novembre 2018 ; que les engagements régularisés sont nuls.

Elle ajoute qu'elle a subi un préjudice du fait de la procédure abusive dont elle a été l'objet et contre laquelle elle a été contrainte de se défendre.

Par dernières conclusions notifiées le 20 février 2023, la Sas Baie Bleue demande de voir en application des articles 2224, 2240, et 2321 du code civil :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Evreux le 10 juin 2021 en ce qu'il a :

. condamné in solidum M. [G] [D] et Mme [F] [K] épouse [D] à payer à la Sas Baie Bleue la somme de 4 952,01 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2020,

. condamné in solidum M. [G] [D] et Mme [F] [K] épouse [D] à verser à la Sas Baie Bleue la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

. condamné in solidum M. [G] [D] et Mme [F] [K] épouse [D] aux entiers dépens,

- débouter Mme [F] [K] épouse [D] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner celle-ci à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens.

Elle soutient que l'appelante ne mentionne aucun moyen de droit pour fonder son défaut de qualité à agir ; que chaque société composant le groupe Fpee est bénéficiaire individuellement de la garantie autonome du 19 avril 2018, de sorte qu'elle a qualité à agir contre elle.

Elle indique que les dispositions du code de la consommation visées par l'appelante ne s'appliquent pas car la garantie autonome en cause n'a pas été souscrite à l'occasion d'un crédit à la consommation ou d'un crédit immobilier et cette dernière n'avait pas le statut de consommateur lors de la signature de cette garantie. Elle conclut à la validité de celle-ci.

Elle précise que le délai de prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil est applicable, et non pas celui de l'article L.218-2 du code de la consommation ; qu'ayant dénoncé la garantie autonome par courrier recommandé du 1er août 2018, elle n'a pas agi tardivement contre M. et Mme [D] ; que, même si le délai de prescription de deux ans s'appliquait, il aurait été interrompu en application de l'article 2240 du code civil par la reconnaissance non équivoque par ceux-ci de sa créance en son principe et son montant lors de l'accord de règlement échelonné qu'elle leur a accordé le 20 novembre 2018 et par leur dernier règlement survenu le 3 juillet 2020 ; que son action est donc recevable.

Elle expose que l'acte souscrit par M. et Mme [D] au profit des sociétés du groupe Fpee réunit l'ensemble des critères d'une garantie à première demande au sens de l'article 2321 du code civil ; que son objet visant à payer une somme déterminée de 25 000 euros est propre et prédéterminé ; que cet acte mentionne l'inopposabilité des exceptions ; qu'elle a adressé les mises en demeure recommandées à M. et Mme [D] à l'adresse qu'ils lui avaient déclarée ; que l'appelante est de mauvaise foi lorsqu'elle indique ne pas en avoir été destinataire ; que celle-ci ne l'a pas informée de la séparation du couple, ni de son changement d'adresse, ni encore de son invalidité au moment de la signature de son engagement.

Elle ajoute que l'appelante n'invoque aucun fondement juridique à l'appui de sa demande de dommages et intérêts et ne prouve aucun préjudice.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 1er mars 2023.

MOTIFS

Sur le défaut de qualité à agir de la Sas Baie Bleue

Aux termes du dispositif de ses écritures, Mme [K] sollicite de voir constater le défaut de qualité à agir de la Sas Baie Bleue et débouter celle-ci de l'ensemble de ses demandes. Elle ne sollicite pas l'irrecevabilité de cette dernière.

Or, en application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. Le constat du défaut de qualité à agir de l'intimée ne constitue pas une prétention au sens de l'article 4 du code précité.

En conséquence, la cour d'appel n'a pas à statuer sur ce point. La demande tendant au débouté de la Sas Baie Bleue sera examinée dans les développements ci-dessous relatifs au fond.

Sur la nullité de la garantie à première demande

Selon l'article L.314-19 du code de la consommation, la garantie autonome définie à l'article 2321 du code civil ne peut être souscrite à l'occasion d'un crédit relevant des chapitres II et III du présent titre, lesquels ont trait aux crédits à la consommation et aux crédits immobiliers.

Dans le cas présent, la garantie autonome souscrite par Mme [K] ne l'a pas été dans le cadre de tels crédits. Ce texte ne s'applique donc pas.

Le moyen invoqué par cette dernière sur la base de ces dispositions n'est pas fondé. Elle sera déboutée de sa demande de nullité de la garantie à première demande.

Sur la prescription de l'action de la Sas Baie Bleue

Selon l'article L.218-2 du code de la consommation, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

Il en résulte que cette prescription ne s'applique pas aux actions fondées sur un crédit consenti pour les besoins d'une activité professionnelle.

L'application du droit de la consommation à une opération de crédit dépend de la destination contractuelle de celle-ci et non pas de la personnalité de ceux qui s'y engagent.

En l'espèce, la destination professionnelle de l'acte souscrit le 19 avril 2018 ressort des élément suivants visés dans ses stipulations :

- l'activité professionnelle du groupe Fpee, fabricant de fenêtres et de menuiseries extérieures,

- la qualité de gérant de M. [D] de la société Mp Fermetures,

- l'objectif de cette société de développer des relations commerciales durables avec le groupe Fpee,

- la contrepartie de la garantie à première demande consistant dans l'octroi d'un crédit fournisseur par ce groupe à la société Mp Fermetures au moyen d'encours facturation.

La circonstance que Mme [K] soit cocontractante avec son époux de ce crédit et qu'elle soit étrangère à l'activité pour les besoins de laquelle il a été consenti est sans effet sur la qualification professionnelle de ce crédit.

En conséquence, cette action est régie par les dispositions de droit commun de la prescription.

L'article 2224 du code civil précise que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

L'article 2240 du même code prévoit que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.

Une telle reconnaissance peut résulter du paiement d'un ou de plusieurs acomptes par le débiteur. Chaque paiement intervenu est interruptif de la prescription de la créance litigieuse.

Enfin, l'article 2241 du code précité indique que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

En l'espèce, la Sas Baie Bleue a dénoncé la garantie autonome à M. et Mme [D] par courrier recommandé du 3 août 2018 selon cachet postal, date non contestée par les parties comme constituant le point de départ du délai de la prescription.

Au cours d'un entretien le 22 octobre 2018, M. et Mme [D] ont indiqué à la Sas Baie Bleue ne pas être en mesure de lui régler immédiatement la totalité de sa créance de 7 406,51 euros. Aux termes de son courrier recommandé du 21 novembre 2018 selon cachet postal, cette dernière leur a confirmé son accord pour mettre en place à compter de janvier 2019 un échéancier pour régler cette somme.

M. et Mme [D] ont effectué des versements, manifestant leur reconnaissance non équivoque de leur dette à l'égard de la Sas Baie Bleue, d'un montant total de 4 760,30 euros entre le 5 décembre 2018 et le 3 juillet 2020. Le délai de prescription, interrompu par ces règlements successifs, a de nouveau couru le 3 juillet 2020 et a été interrompu par l'assignation délivrée par la Sas Baie Bleue le 8 février 2021.

En conséquence, cette action, non affectée par la prescription, est recevable.

Sur la demande de paiement

- Sur la requalification de la garantie à première demande

L'article 2321 du code civil définit la garantie autonome comme l'engagement par lequel le garant s'oblige, en considération d'une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues. Le garant ne peut opposer aucune exception tenant à l'obligation garantie. Sauf convention contraire, cette sûreté ne suit pas l'obligation garantie.

Il en résulte que le garant s'oblige à payer la dette d'un tiers de manière autonome au regard du contrat de base et que son obligation a un objet distinct de celle du débiteur principal.

Dans le cas présent, l'acte souscrit par M. et Mme [D] et les sociétés constituant le groupe Fpee, intitulé 'GARANTIE A PREMIERE DEMANDE', stipule à la page 2 que :

'- Conformément aux dispositions de l'article 2321 du Code Civil, reprenant les dispositions de l'ordonnance du 23 mars 2006, Monsieur et Madame [D] acceptent, par le présent acte, de garantir, au bénéfice exclusif du Groupe FPEE, les encours facturation que le Groupe FPEE est disposé à accorder à la société MP FERMETURES.

- Cet engagement de garantie est irrévocable et inconditionnel, il est indépendant de la validité et des effets juridiques des contrats et documents sur la base desquels les encours de facturation sont ou seront établis.

- Monsieur et Madame [D] ne pourront faire valoir aucune objection ou exception relative aux dits documents ou contrats.

- En conséquence de cet engagement, Monsieur et Madame [D] s'engagent à régler, au Groupe FPEE, à première demande de paiement de la part de cette dernière, transmise par courrier ou télécopie, tout montant, jusqu'à concurrence de la somme de 25.000 € (vingt cinq mille euros), en couverture des encours susmentionnés.

- La présente garantie est valable pour une durée de 12 mois à compter de sa signature - validité 18/04/2019 - à compter de sa signature.

[...]

- Par convention, les parties sont d'accord sur le fait que la garantie suit la créance.'.

Suivent à la page 3 les mentions manuscrites de M. et de Mme [D] ainsi libellées : 'En me portant garant à première demande de la Société MP FERMETURES, dans la limite de la somme de 25 000 € - vingt cinq mille euros - couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et ce, pour la durée de 12 mois - douze mois- validité 18/04/2019 -, je m'engage à rembourser au prêteur, le Groupe FPEE, les sommes dues sur mes biens personnels si la société MP FERMETURES n'y satisfait pas elle-même.'.

Mme [D], comme son époux, a renoncé expressément à se prévaloir des exceptions découlant de l'obligation principale.

En revanche, la condition de l'autonomie entre son engagement et l'objet de la dette du débiteur la société Mp Fermetures n'est pas remplie.

L'engagement de Mme [K] consiste en effet à régler tout montant dans la limite de 25 000 euros 'en couverture des encours' accordés par le groupe Fpee à la société Mp Fermetures. Il existe donc un lien étroit entre cet engagement et la dette du débiteur principal, qui est incompatible avec le caractère autonome d'une garantie à première demande et qui constitue un engagement accessoire de caution, quel que soit l'intitulé donné à l'acte par les parties. Celles-ci ont d'ailleurs prévu l'insertion d'une mention manuscrite de chaque garant, dont les termes sont quasi-similaires à ceux exigés dans tout cautionnement accordé à un créancier professionnel par l'article L.331-1 du code de la consommation en vigueur le 19 avril 2018, et qui n'était pas nécessaire dans une garantie autonome.

L'obligation de Mme [K] a le même objet que celle de la société Mp Fermetures, bénéficiaire du crédit fournisseur. Elle vise à garantir au groupe Fpee le paiement, non pas d'une somme déterminée, mais de celle que pourrait lui devoir la société Mp Fermetures au moment de l'appel de la garantie. Il ne s'agit pas là d'une obligation nouvelle et distincte de l'obligation garantie qui a en l'espèce pour objet la propre dette du débiteur principal.

L'acte conclu par Mme [K] le 19 avril 2018 improprement qualifié de garantie à première demande constitue un cautionnement.

- Sur la nullité du cautionnement

L'article L.331-1 du code de la consommation en vigueur au jour de l'établissement du cautionnement en cause indique que toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle-ci : " En me portant caution de X...................., dans la limite de la somme de.................... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de...................., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X.................... n'y satisfait pas lui-même. ".

L'article L.343-1 du même code en vigueur au jour de l'établissement du cautionnement en cause précise que les formalités définies à l'article L.331-1 sont prévues à peine de nullité.

En l'espèce, la mention manuscrite de Mme [K] n'est pas suivie de sa signature. Ont seulement été apposées en bas de la page 3 ses initiales et celles des autres parties.

Cette irrégularité constitue une méconnaissance significative des obligations légales qui justifie l'annulation de l'acte de cautionnement à son égard. En effet, selon l'article 1367 du code civil, la signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Les seules paraphes de Mme [K] ne suffisent pas à régulariser son engagement.

En conséquence, la Sas Baie Bleue sera déboutée de sa demande tendant à la condamnation de Mme [K] divorcée [D] au paiement de la somme de 4 952,01 euros. La décision du premier juge l'ayant accueillie sera infirmée. En revanche, elle sera confirmée en sa disposition à l'égard de M. [D].

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

En application de l'article 1240 du code civil, toute faute dans l'exercice des voies de droit, même dépourvue d'intention de nuire, est de nature à engager la responsabilité de son auteur. Il incombe au demandeur d'en apporter la preuve.

Dans le cas d'espèce, Mme [K] ne démontre pas en quoi l'exercice de cette action par la Sas Baie Bleue et le contenu des moyens invoqués au soutien de celle-ci sont fautifs. Elle ne caractérise pas davantage le préjudice qui en a découlé pour elle.

Il ne sera pas fait droit à sa demande.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions de première instance sur les dépens et les frais de procédure à l'égard de Mme [K] seront infirmées. Le surplus sera confirmé.

Partie perdante, la Sas Baie Bleue sera condamnée aux dépens d'appel.

Il n'est pas inéquitable de la condamner également à payer à l'appelante la somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens que celle-ci a exposés.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe ,

Dans les limites de l'appel formé,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a :

- condamné Mme [F] [K] épouse [D] à payer à la Sas Baie Bleue la somme de 4 952,01 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2020,

- condamné Mme [F] [K] épouse [D] à verser à la Sas Baie Bleue la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [F] [K] épouse [D] aux entiers dépens,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare la Sas Baie Bleue recevable en son action engagée contre Mme [F] [K] divorcée [D],

Requalifie en cautionnement la garantie à première demande souscrite le 19 avril 2018 par Mme [F] [K] au bénéfice du groupe Fpee, composé des Sas Fpee Industries, Baie Bleue, et Mixal,

Annule ledit cautionnement,

Condamne la Sas Baie Bleue à payer à Mme [F] [K] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus des demandes,

Condamne la Sas Baie Bleue aux dépens de première instance pour la part concernant exclusivement les frais engagés au titre de l'action dirigée contre Mme [F] [K], et d'appel lesquels seront recouvrés conformément aux textes relatifs à l'aide juridictionnelle.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 21/04077
Date de la décision : 10/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-10;21.04077 ?
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