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10/05/2023 | FRANCE | N°21/03835

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 10 mai 2023, 21/03835


N° RG 21/03835 - N° Portalis DBV2-V-B7F-I4TO





COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 10 MAI 2023





DÉCISION DÉFÉRÉE :



17/00460

Tribunal judiciaire du Havre du 5 août 2021



APPELANTS :



Monsieur [Y] [B]

né le [Date naissance 1] 1988 à [Localité 12]

[Adresse 4]

[Localité 10]



représenté par Me Philippe FOURDRIN de la SELARL PATRICE LEMIEGRE PHILIPPE FOURDRIN SUNA GUNEY ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen

et

assisté de Me William FUMEY de la Selarl ROINE et Associés, avocat au barreau de Paris, plaidant par Me François VATEL



SAS PETIT FORESTIER LOCATION

RCS de Bobigny n° 300 571 049

[Adresse 2]

[A...

N° RG 21/03835 - N° Portalis DBV2-V-B7F-I4TO

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 10 MAI 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

17/00460

Tribunal judiciaire du Havre du 5 août 2021

APPELANTS :

Monsieur [Y] [B]

né le [Date naissance 1] 1988 à [Localité 12]

[Adresse 4]

[Localité 10]

représenté par Me Philippe FOURDRIN de la SELARL PATRICE LEMIEGRE PHILIPPE FOURDRIN SUNA GUNEY ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen

et assisté de Me William FUMEY de la Selarl ROINE et Associés, avocat au barreau de Paris, plaidant par Me François VATEL

SAS PETIT FORESTIER LOCATION

RCS de Bobigny n° 300 571 049

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Philippe FOURDRIN de la SELARL PATRICE LEMIEGRE PHILIPPE FOURDRIN SUNA GUNEY ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen

et assistée de Me William FUMEY de la Selarl ROINE et Associés, avocat au barreau de Paris, plaidant par Me François VATEL

Sa WAKAM

exerçant sous le nom commercial Wakam La Parisienne Assurances

RCS de Paris n° 562 117 085

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Philippe FOURDRIN de la SELARL PATRICE LEMIEGRE PHILIPPE FOURDRIN SUNA GUNEY ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen

et assistée de Me William FUMEY de la Selarl ROINE et Associés, avocat au barreau de Paris, plaidant par Me François VATEL

INTIMES :

Monsieur [N] [K]

né le [Date naissance 8] 1985 au [Localité 14]

[Adresse 7]

[Localité 10]

représenté par Me Philippe BOURGET de la SCP BOURGET, avocat au barreau du Havre

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE

[Adresse 6]

[Localité 10]

non constituée bien que régulièrement constituée par acte d'huissier de justice remis le 19 novembre 2021 à personne habilitée

Mutuelle MACIF

[Adresse 5]

[Adresse 5]

représentée par Me Philippe BOURGET de la SCP BOURGET, avocat au barreau du Havre

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 6 mars 2023 sans opposition des avocats devant Mme Magali DEGUETTE, conseillère, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,

M. Jean-François MELLET, conseiller,

Mme Magali DEGUETTE, conseillère,

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme [D] [G],

DEBATS :

A l'audience publique du 6 mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 10 mai 2023.

ARRET :

REPUTE CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 10 mai 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 22 avril 2015, vers 17h, une collision a eu lieu à [Localité 11], hors agglomération, à hauteur de l'intersection de la route départementale 940 dans le sens [Localité 13]-[Localité 14] et de la [Adresse 15], entre la motocyclette conduite par M. [N] [K] avec sa passagère Mme [E] [L] et la camionnette appartenant à la Sas Petit Forestier Location conduite par M. [Y] [B], lors d'une manoeuvre de dépassement par la gauche effectuée par M. [N] [K].

Celui-ci et Mme [E] [L] ont été hospitalisés. A été diagnostiqué pour M. [N] [K] un traumatisme majeur avec fracas fracturaires de l'hémiface droite, multiples fractures costales droites, fractures vertébrales, hémothorax, et fracture du fémur droit comminutive.

Mme [E] [L] a présenté des lésions aux membres inférieurs et au niveau dorsal.

Par jugement irrévocable du 7 septembre 2016, la juridiction de proximité du Havre a relaxé M. [N] [K] pour l'ensemble des faits contraventionnels qui lui étaient reprochés.

Suivant actes d'huissier de justice des 9, 10, et 27 février 2017, M. [N] [K] et son assureur automobile, la Macif ont fait assigner M. [Y] [B], la Sas Petit Forestier Location et son assureur automobile la Parisienne Assurances, et la Cpam devant le tribunal de grande instance du Havre aux fins de mise en cause de la responsabilté de M. [Y] [B], de paiement d'une provision, et de réalisation d'une expertise médicale.

Par jugement du 5 août 2021, le tribunal judiciaire du Havre a notamment :

- déclaré [Y] [B] intégralement responsable de l'accident et des préjudices subis par [N] [K] et [E] [L],

- dit que [Y] [B], la Sas Petit Forestier Location et la Sa Parisienne Assurances sont tenus in solidum à les indemniser de l'intégralité de leurs préjudices,

- condamné in solidum [Y] [B], la Sas Petit Forestier Location et la Sa Parisienne Assurances à régler à [N] [K] une indemnité provisionnelle d'un montant de 50 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice corporel,

- condamné in solidum [Y] [B], la Sas Petit Forestier Location et la Sa Parisienne Assurances à rembourser à la Macif :

. la somme de 3 000 euros au titre de la provision versée à [N] [K] sur son préjudice corporel,

. la somme de 5 800 euros au titre du préjudice matériel de [N] [K],

. la somme de 267 827,88 euros au titre de la somme versée à [E] [L] pour les postes soumis à recours,

. la somme de 139 553,74 euros au titre de la somme versée à [E] [L] pour les postes non soumis à recours,

. la somme de 138 056,25 euros au titre de la somme versée à la Cpam pour les prestations servies à [E] [L],

- débouté la Macif de sa demande de remboursement des frais d`expertise du véhicule de [N] [K] et des frais de dépannages du véhicule,

- débouté la société Petit Forestier Location de sa demande reconventionnelle au titre des dommages aux biens subis,

- ordonné une mesure d'expertise médicale de M. [N] [K] et commis pour y procéder M. le docteur [Z] [A], expert inscrit sur la liste de la cour d'appel de Rouen, demeurant : [Adresse 9],

- condamné in solidum [Y] [B], la Sas Petit Forestier Location et la Sa Parisienne Assurances à régler aux demandeurs la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum [Y] [B], la Sas Petit Forestier Location et la Sa Parisienne Assurances aux dépens de l'instance,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration du 5 octobre 2021, M. [Y] [B], la Sas Petit Forestier Location, et la Sa Wakam exerçant sous le nom commercial Wakam - La Parisienne Assurances ont formé appel du jugement.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 24 février 2023 et signifiées le 28 février 2023 à la Cpam du [Localité 14], M. [Y] [B], la Sas Petit Forestier Location, et la Sa Wakam demandent de voir en application des articles 1 et 4 de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985, 9 du code de procédure civile, R.414-4, R.413-17, et R.412-19 du code de la route, 1346 et suivants, 1353 et suivants, du code civil, L.121-12 du code des assurances, de l'arrêté du 24 novembre 1967 relatif à la signalisation des routes et des autoroutes, et du décret n°90-1080 du 12 décembre 1996 :

- confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné l'expertise médico-légale des préjudices de [N] [K] et en ce qu'il les a condamnés à régler à ce dernier une indemnité provisionnelle de 50 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice corporel,

- infirmer la décision en ce qu'elle a :

. déclaré [Y] [B] intégralement responsable de l'accident et des préjudices subis par [N] [K] et [E] [L],

. dit que [Y] [B], la Sas Petit Forestier Location et la Sa Parisienne Assurances sont tenus in solidum de les indemniser de l'intégralité de leurs préjudices,

. condamné in solidum [Y] [B], la Sas Petit Forestier Location et la Sa Parisienne Assurances à rembourser à la Macif :

* la somme de 3 000 euros au titre de la provision versée à [N] [K] sur son préjudice corporel,

* la somme de 5 800 euros au titre du préjudice matériel de [N] [K],

* la somme de 267 827,88 euros au titre de la somme versée à [E] [L] pour les postes soumis à recours,

* la somme de 139 553,74 euros au titre de la somme versée à [E] [L] pour les postes non soumis à recours,

* la somme de 138 056,25 euros au titre de la somme versée à la Cpam pour les prestations servies à [E] [L],

. débouté la société Petit Forestier Location de sa demande reconventionnelle au titre des dommages aux biens subis,

. condamné in solidum [Y] [B], la Sas Petit Forestier Location et la Sa Parisienne Assurances à régler aux demandeurs la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

. condamné in solidum [Y] [B], la Sas Petit Forestier Location et la Sa Parisienne Assurances aux dépens de l'instance,

. débouté [Y] [B], la Sas Petit Forestier Location et la Sa Parisienne Assurances de leur demande visant à dire et juger que M. [K] a commis une faute de nature à réduire son droit à indemnisation de 80 % (soit un droit à indemnisation de 20 %),

. débouté [Y] [B], la Sas Petit Forestier Location et la Sa Parisienne Assurances de leur demande visant à dire et juger que la Macif ne rapporte pas la preuve de sa subrogation dans les droits de M. [K], ni de la réalité des préjudices matériels allégués,

. débouté [Y] [B], la Sas Petit Forestier Location et la Sa Parisienne Assurances de leur demande visant à débouter la Macif de l'ensemble de ses demandes concernant M. [K],

. débouté [Y] [B], la Sas Petit Forestier Location et la Sa Parisienne Assurances de leur demande visant à débouter la Macif de sa demande de remboursement de l'indemnité provisionnelle versée à M. [K] et à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice corporel,

. débouté [Y] [B], la Sas Petit Forestier Location et la Sa Parisienne Assurances de leur demande visant à dire et juger que la Macif ne rapporte pas la preuve de sa subrogation dans les droits de Mme [L], ni de la réalité des préjudices allégués,

. débouté [Y] [B], la Sas Petit Forestier Location et la Sa Parisienne Assurances de leur demande visant à débouter la Macif de l'ensemble de ses demandes concernant Mme [L],

. débouté [Y] [B], la Sas Petit Forestier Location et la Sa Parisienne Assurances de leur demande visant à débouter la Macif de sa demande de remboursement au titre du règlement de la créance définitive de la Cpam relative aux prestations servies à Mme [L],

. débouté [Y] [B], la Sas Petit Forestier Location et la Sa Parisienne Assurances de leur demande visant à condamner solidairement M. [K] et la Macif à payer à la Sas Petit Forestier Location la somme de 25 760,41 euros en réparation de ses préjudices résultant de l'accident du 22 avril 2015,

. débouté [Y] [B], la Sas Petit Forestier Location et la Sa Parisienne Assurances de leur demande visant à débouter M. [N] [K] et la Macif de leurs demandes de condamnation in solidum et solidaire des défendeurs,

. débouté [Y] [B], la Sas Petit Forestier Location et la Sa Parisienne Assurances de leur demande visant à débouter M. [N] [K] et la Macif de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

. débouté [Y] [B], la Sas Petit Forestier Location et la Sa Parisienne Assurances de leur demande visant à condamner M. [N] [K] et la Macif à leur verser une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Frédéric Dufieux, avocat au barreau du Havre, qui pourra les recouvrer en application de l'article 699 du code précité,

statuant à nouveau,

- juger que M. [K] a commis une faute de nature à réduire son droit à indemnisation de 80 % (soit un droit à indemnisation de 20 %) et, subsidiairement, à hauteur de 2/3 (soit un droit à indemnisation d'1/3),

- juger que la Macif ne rapporte pas la preuve de sa subrogation dans les droits de M. [K], ni de la réalité des préjudices matériels allégués, et la débouter de l'ensemble de ses demandes, et, subsidiairement, si la cour d'appel devait les condamner au titre des indemnités qui auraient été versées à M. [K] en dépit de l'absence de preuve tant de ce versement que de ses préjudices, elle ne pourra que juger que la Macif devra supporter 80 % de cette indemnisation compte tenu des fautes de conduite de M. [K], de telle sorte que leur condamnation de ce chef ne saurait excéder 1 160 euros (soit 5 800,70 euros/5) ou, très subsidiairement,

1 933 euros (soit 5 800,70 euros/3) si son droit à indemnisation ne devait être réduit que de 2/3,

- juger que la Macif ne rapporte pas la preuve de sa subrogation dans les droits de Mme [L], ni de la réalité des préjudices allégués, et la débouter de l'ensemble de ses demandes, et, subsidiairement, si la cour d'appel devait les condamner au titre de la provision qui aurait été versée à Mme [L] en dépit de l'absence de preuve tant de ce versement que de ses préjudices, elle ne pourra que juger que la Macif devra supporter 80 % de cette indemnisation compte tenu des fautes de conduite de M. [K], de telle sorte que leur condamnation de ce chef ne saurait excéder

27 910 euros (soit 139 553,74 euros/5) ou, très subsidiairement, 46 518 euros (soit 139 553,74 euros/3) si son droit à indemnisation ne devait être réduit que de 2/3,

- débouter la Macif de sa demande de remboursement au titre du règlement de la créance définitive de la Cpam relative aux prestations servies à Mme [L], et, subsidiairement, si la cour d'appel devait les condamner au titre de la créance définitive de la Cpam que prétend avoir réglé la Macif en dépit de l'absence de preuve de ce règlement, elle ne pourra que juger que la Macif devra supporter 80 % de cette indemnisation compte tenu des fautes de conduite de M. [K], de telle sorte que leur condamnation de ce chef ne saurait excéder 27 611 euros (soit 138 056,25 euros/5) ou, très subsidiairement, 46 018 euros (soit 138 056,25 euros/3) si son droit à indemnisation ne devait être réduit que de 2/3, et, toujours subsidiairement, si le tribunal devait les condamner au titre du préjudice matériel de M. [K] résultant de la perte de sa moto en dépit de l'absence de preuve de la subrogation de la Macif dans les droits de ce dernier, il ne pourrait que dire et juger que la Macif n'est susceptible de prétendre qu'à 20 % de ce préjudice compte tenu des fautes de conduite de son assuré, soit 1 111,14 euros (soit 5 555,70 euros/5), ou, très subsidiairement, si le droit à indemnisation de M. [K] ne devait être réduit que des 2/3, à la somme de 1 851,90 euros (soit 5 555,70 euros/3),

- sur la demande au titre du préjudice matériel de la Sas Petit Forestier Location, condamner solidairement M. [K] et la Macif à payer à celle-ci :

. à titre principal, en cas de réduction de 80 % du droit à indemnisation de M. [K] : 5 152 euros,

. à titre subsidiaire, en cas de réduction de 67 % dudit droit : 8 500,80 euros,

. à titre infiniment subsidiaire, si la cour d'appel ne devait retenir aucune réduction dudit droit : 25 760,41 euros,

- juger que les condamnations éventuellement prononcées à leur encontre ne pourront l'être in solidum, ni à titre solidaire, et débouter toute partie de leurs demandes en ce sens,

- débouter toutes parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- juger que chaque partie conservera à sa charge ses propres dépens de première instance et d'appel.

Ils font valoir que M. [K] a commis plusieurs fautes de conduite, toutes et chacune de nature à réduire son droit à indemnisation, et notamment a violé les dispositions des articles R.414-4, R.412-19, et R.413-17 du code de la route ; qu'en effet, il ne s'est pas assuré qu'il pouvait dépasser sans danger avant d'entamer sa manoeuvre, il n'a pas pu reprendre sa place dans le courant normal de la circulation sans gêner celle-ci, il n'est pas resté maître de la vitesse de son véhicule qui n'était pas adaptée aux conditions de circulation et à la configuration des lieux, il a franchi une ligne continue et s'est déporté sans en avoir le droit sur la voie de circulation opposée ou alors il a entamé son dépassement avant la dernière flèche de rabattement alors qu'il devait se rabattre au niveau de celle-ci ou ne pas entreprendre ce dépassement.

Ils précisent que le croquis de l'état des lieux réalisé lors de l'enquête par les gendarmes est inexact au regard des photographies extraites des sites internet Google maps et Géoportail qui montrent qu'en juillet 2014 et mai 2015 l'intersection de la départementale 940 et de la rue de la Fleuritte est précédée d'une ligne continue infranchissable ; que, dans son jugement du 7 septembre 2016, la juridiction de proximité du [Localité 14] ne s'est pas prononcée sur l'infraction de dépassement dangereux prévue par l'article R.414-4 du code de la route, mais uniquement sur celle de l'article R.414-11, de sorte que cette décision n'empêche pas la prise en compte de la faute fondée sur l'article R.414-4 ; que, s'il n'est pas contesté que le pénal tient le civil en l'état, le principe de l'indépendance des fautes pénale et civile n'implique pas que M. [K] n'ait commis aucune faute de conduite.

Ils ajoutent que le tribunal a justifié l'absence de faute de M. [K] au vu des prétendues fautes commises par M. [B] en violation de la jurisprudence constante selon laquelle la faute du conducteur s'apprécie abstraction faite du comportement du conducteur co-impliqué ; que le seul témoignage qui vient contester la version des faits de M. [B] est celui de M. [C] mais que celui-ci est affecté d'un fort doute quant à sa sincérité.

Ils exposent ensuite que la Macif ne prouve pas qu'elle est subrogée dans les droits de M. [K] ; que la preuve des dommages matériels affectant la moto n'est pas apportée car son expertise, dont le rapport n'a pas été signé par l'expert, ce qui le rend nul et à défaut non probant, a été effectuée non contradictoirement et n'est corroborée par aucun autre élément, que le règlement de 5 800 euros à M. [K] n'est pas davantage justifié ; qu'il en est de même de la provision de 3 000 euros que la Macif prétend avoir versée à celui-ci à titre d'avance sur l'indemnisation de son préjudice corporel.

Ils soutiennent que la Macif n'établit pas être subrogée dans les droits de Mme [L] ; qu'elle ne prouve pas l'effectivité du paiement à celle-ci de la somme totale de 407 381,62 euros, que ni le protocole d'accord du 7 mai 2019, ni le relevé de compte bancaire produit, au demeurant illisible, ne le permet ; qu'elle ne démontre pas que le prétendu règlement a été effectué en exécution d'une obligation contractuelle de garantie, que les conditions particulières et générales de la police d'assurance dont elle se prévaut ne sont pas signées.

Ils indiquent que la Macif ne justifie pas du paiement qu'elle prétend avoir effectué auprès de la Cpam en remboursement des prestations servies à Mme [L] au titre du risque maladie.

Ils précisent enfin qu'ils ne peuvent pas être condamnés in solidum car leurs obligations sont divisibles ; que celle de la Sas Petit Forestier Location résulte de sa qualité de propriétaire du véhicule impliqué dans l'accident, alors que celle de la Sa Wakam résulte du contrat d'assurance souscrit par cette dernière auprès d'elle.

Par dernières conclusions notifiées le 27 février 2023, M. [N] [K] et la Macif sollicitent de voir en application de la loi du 5 juillet 1985 et de l'article L.121-12 du code des assurances :

- confirmer la décision rendue par le tribunal judiciaire le 5 août 2021 dans l'intégralité de ses dispositions, sauf en ce qu'elle a rejeté la demande de la Macif au titre des frais de dépannage et d'expertise du véhicule de M. [N] [K],

- infirmer la décision sur ce point,

statuant à nouveau,

- condamner M. [B] et les sociétés Petit Forestier Location et Wakam, in solidum, à payer à la Macif les sommes de 335,70 euros au titre des frais de dépannage du véhicule de M. [K] et de 164,30 euros au titre des frais d'expertise de celui-ci,

- débouter les appelants de l'intégralité de leurs demandes,

- condamner in solidum ces derniers au paiement d'une somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens d'appel.

Ils exposent que le droit à réparation de M. [K] est intégral dès lors qu'aucune faute de conduite ne peut lui être reprochée et n'est prouvée ; qu'il a entrepris une manoeuvre régulière de dépassement de la camionnette conduite par M. [B] qui roulait doucement à un endroit où cela était parfaitement autorisé, sans risque autre que celui imprévisible résultant du changement de direction vers la gauche entrepris subitement par M. [B], qui n'a pas préalablement vérifié dans son rétroviseur, ni mis son clignotant, et qui lui a coupé la route ; que ce dernier a commis une faute de conduite cause exclusive de l'accident, constitutive de l'infraction prévue par l'article R.412-10 du code de la route qui lui interdit de former une demande reconventionnelle.

Ils précisent que les photographies produites par les appelants confirment, d'une part, le croquis et les photographies des gendarmes qui ne sont pas erronés ou contraires à la réalité et, d'autre part, la description invariable des lieux faite par eux-mêmes depuis le début de la procédure ; que rien ne permet de dire que M. [K] aurait entamé son dépassement au niveau des flèches de rabattement, ou après la flèche de rabattement sur les quelques mètres où la ligne discontinue se poursuit, ou même sur les quelques mètres de ligne continue précédant l'intersection ou suivant celle-ci, le témoin M. [C] indiquant l'inverse aux gendarmes ; que la sincérité et la précision de ce témoignage sont remis en cause par les appelants de manière indélicate et gratuite ; que M. [K] a entrepris son dépassement avant les flèches de rabattement ; qu'au surplus, le dépassement même au niveau de ces flèches n'est pas fautif sauf s'il est dangereux.

Ils ajoutent que l'autorité de la chose jugée au pénal s'impose au juge civil relativement aux faits constatés, de sorte qu'il est interdit aux appelants pour invoquer une faute de M. [K] de se fonder sur l'article R.414-4 du code de la route sanctionnant le dépassement dangereux dont il a été relaxé ; que ce dernier avait pour habitude de conduire sa moto avec prudence ; qu'une faute fondée sur les articles R.412-19 et R.413-17 ne peut pas davantage être retenue car, d'une part, elle porterait atteinte à l'autorité de la chose jugée dont sont assorties l'appréciation et l'analyse des faits faites dans la décision pénale et, d'autre part, elle n'a pas été commise.

Ils font ensuite valoir qu'en application de l'article L.121-12 du code des assurances, la Macif est subrogée dans les droits de M. [K] qu'elle a indemnisé en exécution des garanties contractuellement souscrites ('Dommages au véhicule' pour sa moto et 'Accident' pour son préjudice corporel) ; que la preuve de l'effectivité des paiements est rapportée par tout moyen, notamment par des quittances subrogatives ; que les conditions générales de la police d'assurance, auxquelles se réfèrent les conditions particulières, et qui sont datées de décembre 2013, étaient celles en vigueur le jour de l'accident, le contraire n'étant pas démontré par les appelants ; que ces conditions tant générales que particulières ont été acceptées par M. [K] qui en a été destinataire même s'il ne les a pas signées, que l'argumentation des appelants sur ces conditions est hors sujet car elle concerne les rapports de l'assureur et de l'assuré et pas les tiers au contrat d'assurance ; que la réalité du dommage matériel sur la moto est établie par le rapport d'expertise unilatéral, par le dossier pénal, et par des photographies, que son chiffrage n'a pas été contesté par les appelants ; qu'en tout état de cause, les conditions de la subrogation conventionnelle sont réunies pour la provision versée à M. [K] en réparation de son préjudice corporel.

Ils indiquent que la Macif, assureur du véhicule impliqué dans l'accident, a indemnisé Mme [L] en vertu de son obligation de garantie contractuelle et de l'article 3 alinéa 1er de la loi du 5 juillet 1985, qu'elle est subrogée dans les droits de son assuré qui doit indemniser sa passagère en application de l'article L.121-12 précité dont les conditions sont réunies.

Ils précisent qu'en application de la loi du 5 juillet 1985 et du protocole assureurs/organismes sociaux Paos et de son obligation de garantie contractuelle, la Macif, en sa qualité d'assureur gestionnaire, a réglé à la Cpam les prestations servies à Mme [L], qu'elle est donc fondée par le jeu de la subrogation légale à en demander le remboursement.

Ils soutiennent enfin que les fautes de conduite de M. [B] sont de nature à exclure tout droit à indemnisation de la Sas Petit Forestier Location de son préjudice matériel ; qu'il ne peut être tenu compte du rapport d'expertise unilatérale du véhicule établi par l'expert de la Sa Wakam ; que la Sas Petit Forestier Location ne fournit pas d'explication sur l'absence de réparation de son préjudice par son assureur et ne justifie pas qu'il ne l'a pas indemnisée.

La Cpam, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 19 novembre 2021 à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 1er mars 2023.

MOTIFS

Sur le droit à indemnisation de M. [K]

En vertu de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985, la faute commise par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur victime d'un accident de la circulation a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation de son dommage dès lors qu'elle a contribué à sa réalisation.

La faute de la victime permet ou non de réduire ou d'exclure le droit à réparation et non la gravité du préjudice. Elle doit être en relation de causalité directe et certaine avec la réalisation du dommage subi. Peu importe que cette faute soit la cause exclusive ou non du dommage, le seul critère d'appréciation de la limitation ou de l'exclusion de l'indemnisation étant celui du degré de gravité de celle-ci. A cette fin, il n'y a pas lieu de tenir compte du comportement du conducteur de l'autre véhicule impliqué.

Les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l'action publique ont au civil autorité absolue, à l'égard de tous, en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification, et la culpabilité ou l'innocence de celui à qui le fait est imputé. L'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil s'étend, par ailleurs, aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de la décision pénale.

Toutefois, le juge civil peut retenir contre le conducteur relaxé au pénal une faute différente de celle qui avait donné lieu aux poursuites pénales dès lors qu'il s'appuie sur des éléments sur l'existence desquels le juge pénal ne s'est pas prononcé.

En l'espèce, M. [K] a été poursuivi pénalement pour l'infraction de dépassement d'un véhicule à une intersection de routes prévue et réprimée par l'article R.414-11 alinéas 2 à 4 du code de la route. Au cours des débats devant la juridiction de proximité du [Localité 14] le 7 septembre 2016, les faits ont également été examinés sous la qualification de l'infraction de dépassement dangereux définie par l'article R.414-4 du même code à la demande du ministère public.

Pour relaxer M. [K] de ces deux infractions, la juridiction de proximité a pris en compte les éléments suivants :

- le caractère prioritaire de la route départementale 940 sur la [Adresse 15],

- la vitesse normale de M. [K],

- le fonctionnement du clignotant avant d'entreprendre le dépassement de la camionnette conduite par M. [B] avant le carrefour et alors que la chaussée était divisée en deux parties par un axe pointillé dans le sens de circulation de M. [K],

- le constat de l'absence d'un véhicule arrivant en sens inverse ou circulant dans le même sens,

- une bonne visibilité,

- la possibilité pour M. [K] de reprendre sa place dans le courant normal de la circulation sans gêner celle-ci à l'issue de sa manoeuvre de dépassement.

Or, n'ont pas été évoqués :

- l'existence au moins 150 mètres avant le point de choc d'une ligne mixte au sol, composée d'une ligne continue accolée à une ligne discontinue ponctuée de trois flèches successives de rabattement, et à laquelle succédaient une portion de ligne continue sur quelques mètres, puis une portion de ligne discontinue constituée de trois pointillés ou bandes au niveau de l'intersection entre la route départementale 940 et la rue de la Fleuritte. Le croquis de l'état des lieux établi par les gendarmes qui ne vaut qu'à titre de simple renseignement est erroné au vu des clichés photographiques et des vues aériennes produits tant par les appelants que par les intimés. La portion de ligne unique continue située quelques mètres avant le point de choc et avant les trois pointillés matérialisés en face de l'intersection avec la [Adresse 15] n'a pas été strictement reproduite,

- l'existence d'autres intersections de part et d'autre de la route départementale 940, notamment sur la gauche vers la plaine de la Fleuritte, au moins 200 mètres avant le point de choc, comme celle-ci apparaît sur la vue aérienne figurant à la page 26/51 des écritures des appelants. Elle a également été évoquée par M. [B] dans son audition par les gendarmes le 23 avril 2015 qui la décrit comme un chemin champêtre situé entre 150 à 200 mètres avant l'intersection où l'accident s'est produit,

- l'arrière de la camionnette conduite par M. [B], qui transportait des produits surgelés de la marque [I], constituant une masse volumétrique haute et carrée, telle qu'elle apparaît sur la photographie prise par les gendarmes figurant dans leur planche photographique constituant le feuillet n°2/2 de la pièce 2 du dossier pénal.

En conséquence, le jugement du 7 septembre 2016 de la juridiction de proximité ayant décidé de l'absence de faute pénale fondée notamment sur l'article R.414-4 du code de la route ne fait pas obstacle à ce que le juge civil retienne une faute civile qui ne heurte pas l'autorité de la chose jugée attachée à cette décision.

M. [C] a été le seul témoin de l'accident.

La sincérité de ses déclarations faites devant les gendarmes le 25 avril 2015 est remise en cause par les appelants au motif qu'elles seraient incompatibles avec les éléments objectifs que sont la taille et le poids de la camionnette et les explications de M. [B] selon lesquelles il avait réduit sa vitesse à l'approche de l'intersection. Sont également opposés de possibles connaissances en commun de M. [K] par M. [C], qui a eu des nouvelles de celui-ci par le biais de sa petite amie, les termes que M. [C] a employés lors de son témoignage ('je pense', 'je me serai dit'), et son ton affirmatif.

Ces critiques ne sont étayées par aucun élément probant, de sorte que cet argument des appelants est écarté.

M. [C] explique qu'il conduisait son véhicule sur la départementale 940, que la circulation était fluide, qu'il faisait plutôt beau, qu'il ne pleuvait pas, qu'il n'y avait pas de brouillard, et qu'il s'est écarté un peu à droite pour que la moto qui le suivait le dépasse.

Il précise que celle-ci, lorsqu'elle était devant lui roulait à une vitesse entre 90 et 100 km/h, et ne le distançait pas vraiment. Il indique que, devant cette moto, se trouvait une petite camionnette de la société [I], que la moto a mis son clignotant et a voulu la dépasser.

Il déclare qu''Au même moment, le camion s'est déporté légèrement sur la gauche, certainement pour tourner sur la gauche. Avec le recul, je pense que le conducteur de la camionnette a voulu anticiper le virage et a entamé sa manoeuvre à gauche à l'avance. Je n'ai pas vu de clignotant sur le camion. Maintenant, peut être que son ampoule était grillée, mais honnêtement, s'il avait mis son clignotant, je me serai dit que le motard était fou de doubler le camion alors que celui ci allait tourner à gauche. Et là, ce n'était pas le cas. Sur le moment qui a précédé l'accident, aucun signe ne montrait que le camion allait tourner à gauche. Le chauffeur du camion se déportait juste légèrement à gauche, pour emprunter une petite route de campagne.

Lorsque le camion a tourné à gauche, la moto avait déjà commencé sa manoeuvre de dépassement. Elle devait être entre les 1/3 et la moitié du niveau arrière du camion.

La moto est venue percuter le camion au niveau de l'avant gauche, au niveau de la portière.'.

Il ajoute que 'Pour résumer les choses, la moto avait son clignotant, elle avait déjà entrepris sa manoeuvre de dépassement quand le camion de chez [I], qui n'avait pas son clignotant a tourné subitement à gauche. La moto roulait à une vitesse raisonnable. Le conducteur n'était pas un chauffard et était en mode ballade. Je ne connais aucune des personnes impliquées dans cet accident.'.

Tant M. [K] que Mme [L] ont déclaré aux gendarmes qu'ils ne se souvenaient pas de l'accident et qu'ils ne savaient rien du tout. Toutefois, M. [K] affirme aujourd'hui qu'il a commencé sa manoeuvre de dépassement avant les trois flèches de rabattement, soit bien avant la portion de ligne continue décrite ci-dessus et qui apparaît de manière erronée sur le croquis de l'état des lieux comme accolée à la ligne discontinue.

De son côté, lors de son audition, M. [B] n'a donné aucune indication sur la position de la moto car il ne l'a pas vue. Il explique n'avoir compris que l'impact avait été provoqué par une moto que lorsque la camionnette est partie en roue libre dans le champ proche de la [Adresse 15]. Il précise qu'il a mis son clignotant à gauche lorsqu'il a commencé à ralentir. Il ajoute qu'une fois arrivé au carrefour, il a regardé dans son rétroviseur gauche, a constaté que la voie opposée était libre, et a tourné à gauche.

L'arrière du véhicule opaque et imposant de la camionnette a objectivement contraint M. [K] à décélérer et, tout au moins à garder une distance de quelques mètres derrière ce véhicule, pour conserver une visibilité suffisante sur la voie de circulation de gauche, vérifier l'absence de véhicule arrivant en sens inverse sur celle-ci, et ainsi entamer sa manoeuvre de dépassement. La longueur très limitée de la portion de ligne continue et sa proximité de quelques dizaines de mètres avec l'endroit où a eu lieu le choc ne permettaient pas matériellement de débuter une telle manoeuvre.

M. [K] n'a donc pas franchi ou chevauché cette ligne continue, contrairement à ce qu'avancent les appelants invoquant l'infraction afférente prévue par l'article R.412-19 du code de la route.

En revanche, la manoeuvre de dépassement a débuté dans les instants précédant l'approche de cette portion de ligne continue. Si M. [C] ne donne aucune indication sur la position de la moto par rapport aux marquages au sol, il évoque une quasi-simultanéité entre la mise en fonctionnement du clignotant de la moto, l'engagement, puis la position de celle-ci sur la voie de gauche à la hauteur d'environ 1/3 à 1/2 de l'arrière de la camionnette, et l'écart légèrement à gauche opéré soudainement par la camionnette.

Il s'en déduit que la manoeuvre de dépassement a commencé sur la ligne mixte. Si la ligne discontinue se trouvait du côté droit de la voie de circulation permettant à M. [K] qui se trouvait sur celle-ci de franchir cette ligne et d'effectuer un dépassement, trois flèches successives de rabattement y étaient matérialisées et annonçaient une ligne continue. Ces flèches ne lui interdisaient pas d'effectuer sa manoeuvre, mais étaient de nature à l'y faire renoncer.

L'article 8, 3° de l'arrêté du 24 novembre 1967 relatif à la signalisation des routes et des autoroutes dans sa version applicable au présent litige définit les flèches de rabattement comme des flèches légèrement incurvées qui signalent aux usagers circulant dans le sens de ces flèches qu'ils doivent emprunter la ou les voies situées du côté qu'elles indiquent.

Dans le cas présent, ces trois flèches successivement matérialisées au sol et incurvées vers la droite visaient à permettre aux usagers, d'une part, d'anticiper la fin de l'autorisation de dépassement avant le début de la ligne continue, le doublement exigeant une distance nécessaire pour être effectué en toute sécurité, et, d'autre part, de se ranger sur la voie de droite. Était ainsi attirée l'attention des conducteurs sur le risque de dépassement à cet endroit de la chaussée, même si M. [B] indique qu'il avait très largement ralenti en arrivant près du carrefour. M. [C] ne donne aucune indication sur la vitesse de la camionnette.

M. [K] n'a pas fait preuve de toute la prudence et de la patience souhaitées dans la conduite de sa moto alors qu'il roulait sur un axe routier comportant des portions de ligne continue et des intersections notamment à gauche et que le changement de direction du véhicule qui le précédait n'était pas un événement imprévisible. Il ressort des photographies et des vues aériennes versées aux débats qu'après l'intersection où a eu lieu l'accident, une ligne continue délimite les deux sens de circulation. Dans son audition du 24 avril 2015, M. [U], motard qui connaissait M. [K] à l'occasion de sorties en moto et qui est passé à cet endroit quelques minutes avant l'accident, a précisé qu'il connaissait bien ce carrefour et qu'il faisait toujours attention car il savait qu'il était dangereux par le manque de visibilité.

Ces circonstances traduisent l'insuffisance de précaution de M. [K] au regard non seulement des exigences de l'article R.413-17 du code de la route en matière de maîtrise de son véhicule quant aux difficultés de la circulation et aux obstacles prévisibles, mais aussi de la vigilance attendue de tout conducteur pour sa sécurité et pour celle des autres usagers de la route.

M. [K] a commis une faute ayant contribué à son dommage. Son moyen visant à caractériser une faute de M. [B], notamment de son manque préalable de vérification des conditions pour tourner à gauche et de mise en marche de son clignotant, est vain dès lors que, dans le cadre de cette discussion sur la faute de la victime, il n'est pas tenu compte du comportement fautif ou non du conducteur de l'autre véhicule impliqué.

La gravité de cette faute réduit le droit à réparation de M. [K] qui sera indemnisé à concurrence de 20 %. Le jugement du tribunal ayant déclaré M. [B] intégralement responsable de l'accident et des préjudices subis par M. [K] et Mme [L] et ayant mis à la charge in solidum des appelants l'indemnisation de l'intégralité des préjudices de ces derniers sera infirmé.

Sur le recours subrogatoire de la Macif

L'article L.121-12 alinéa 1er du code des assurances précise que l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.

Ce texte institue une subrogation légale spéciale de l'assureur ayant lieu de plein droit lorsqu'il justifie, la preuve lui en incombant, qu'il a réglé à son assuré l'indemnité pour laquelle il se déclare subrogé et qu'il y était tenu par le contrat le liant à ce dernier, en exécution de son obligation contractuelle de garantie.

Le recours de l'assureur est limité au montant de la dette du responsable envers l'assuré subrogeant.

Enfin, dès lors que l'assureur exerce les droits et actions de son assuré, le responsable peut lui opposer tous les moyens de défense qu'il aurait pu invoquer à l'encontre de la victime.

1) pour les indemnités versées à M. [K]

- les indemnités en réparation du préjudice matériel

En l'espèce, la Macif justifie, au moyen de la copie d'écran afférente et des courriers qu'elle a adressés à M. [K] les 10 septembre 2015 et 15 mars 2016 mentionnant les coordonnées de comptes bancaires de celui-ci, lui avoir versé par virement les sommes de 5 535 euros le 8 septembre 2015 et de 265 euros le 11 mars 2016, en règlement respectivement de la valeur vénale de sa moto et de la franchise contractuelle. M. [K] confirme avoir été destinataire du premier virement dans deux attestations et par son relevé de compte bancaire qui en mentionne la réception le 14 septembre 2015 et du deuxième virement par son relevé bancaire qui en vise la réception le 17 mars 2016.

La Macif prouve également que le paiement de cette indemnité d'assurance de

5 800 euros est intervenu en exécution du contrat Deux-roues dont elle verse aux débats les conditions particulières souscrites à compter du 2 janvier 2015 au profit de M. [K] et prévoyant la garantie 'Dommages au véhicule', ainsi que les conditions générales datées de décembre 2013. Selon ces dernières, à la page 31, sont garantis les dommages subis par le véhicule assuré lorsqu'ils résultent d'un choc avec un corps fixe ou mobile et que ce véhicule était sous la garde de l'assuré. Le montant de cette garantie est égal à la perte totale du véhicule assuré correspondant en l'espèce à la valeur de remplacement estimée par l'expert.

Les appelants avancent qu'il n'est pas certain que ces conditions générales, qui ne sont pas signées par M. [K], soient celles qui étaient effectivement en vigueur le 22 avril 2015 ; que les conditions particulières ne s'y réfèrent pas ; que la Macif ne prouve pas la remise effective des conditions afférentes à M. [K] avant la souscription du contrat d'assurance de sorte qu'elles ne sont pas opposables à ce dernier.

Toutefois, tant dans ses écritures que dans deux attestations, M. [K] confirme que la Macif est son assureur et qu'il a bien accepté ces conditions générales et particulières. Il ajoute dans ses écritures que les conditions particulières, dont il a été destinataire, renvoient aux conditions générales dont la version de décembre 2013 lui a été remise.

Le paiement opéré par la Macif au profit de M. [K] est intervenu en exécution de la garantie 'Dommages au véhicule'. Elle est donc subrogée dans les droits de celui-ci.

L'existence des dommages subis par la moto du fait de l'accident du 22 avril 2015 est établie par les constatations des gendarmes, qui font état du caractère irréparable de celle-ci comme cela apparaît très clairement sur les photographies contenues dans les éléments de l'enquête. La partie avant de la moto est calciné et sa roue avant a été retrouvée sous la camionnette. Ces constatations corroborent les conclusions du rapport de l'expertise effectuée unilatéralement par l'expert Avr Expertise mandaté par la Macif le 13 mai 2015 selon lesquelles ce véhicule n'est pas techniquement réparable.

Les appelants ne critiquent pas utilement la valeur de remplacement de la moto arrêtée par l'expert à 5 800 euros TTC. Le seul défaut de signature du rapport d'expertise n'est pas suffisant pour remettre en cause la réalité et le montant de celle-ci.

Un partage de responsabilité existant entre M. [K], le conducteur et le propriétaire de l'autre véhicule impliqué, la Macif, subrogée dans les droits de son assuré, ne peut recourir que pour la quote-part n'incombant pas à celui-ci, soit 20 % de 5 800 euros.

La Sas Petit Forestier Location et la Sa Wakam ne dénient pas leurs qualités respectives de propriétaire du véhicule conduit par M. [B] et impliqué dans l'accident et d'assureur de cette dernière.

Chacun des responsables d'un même dommage doit être condamné à le réparer en totalité, sans qu'il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilité auquel il est procédé entre eux. En conséquence, la Macif, subrogée dans les droits et actions de M. [K], est fondée à obtenir la condamnation in solidum des appelants à lui payer la somme de 1 160 euros. Le montant retenu par le tribunal sera infirmé.

- les indemnités en réparation des frais de l'expertise moto et de dépannage

La Macif ne démontre pas qu'elle a versé les sommes afférentes de 164,30 euros et de 335,70 euros à son assuré. La copie d'écran qu'elle verse aux débats mentionne un virement de 141,28 euros effectué le 4 septembre 2015 au profit de l'expert Avr Expertise. Le rapport d'expertise de la moto vise des frais de dépannage de

335,70 euros, mais n'est produit aucun justificatif relatif au paiement de cette somme.

Les conditions de la subrogation légale dans les droits de son assuré n'étant pas remplies, la Macif sera déboutée de ses réclamations. Le jugement du tribunal ayant statué en ce sens sera confirmé.

- la provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel

La Macif prouve, au moyen des quittances subrogatives signées et datées par M. [K] les 29 mars et 16 septembre 2016 et de la copie d'écran afférente, lui avoir versé par chèque les sommes de 2 000 euros le 29 mars 2016 et de 1 000 euros le 20 septembre 2016, en règlement de provisions à valoir sur l'indemnité définitive à lui revenir au titre de l'accident du 22 avril 2015. M. [K] confirme en avoir été destinataire dans une attestation et par son relevé de compte bancaire qui en mentionne l'encaissement respectivement les 5 avril et 27 septembre 2016.

Elle démontre aussi que le paiement de cette indemnité provisionnelle d'assurance de 3 000 euros est intervenu en exécution du contrat Garantie Accident dont elle verse aux débats les conditions particulières souscrites à compter du 2 janvier 2015 au profit notamment de M. [K], ainsi que les conditions générales datées de janvier 2015.

Les appelants avancent qu'il n'est pas certain que ces conditions générales sont celles applicables au contrat, que les conditions particulières produites, qui ne sont pas signées par M. [K], ne s'y réfèrent pas.

Cependant, tant dans ses écritures que dans une attestation, M. [K] confirme que la Macif est son assureur et qu'il a bien accepté et reçu les conditions générales et particulières du contrat d'assurance. Les conditions particulières mentionnent à la première page qu'elles complètent et personnalisent les conditions générales qui ont été remises à l'assuré.

Subrogée dans les droits de M. [K], la Macif sera remboursée de la somme de 3 000 euros à défaut pour les appelants de solliciter l'application de la quote-part de 20 %. Le jugement du tribunal ayant statué en ce sens sera confirmé.

2) pour les indemnités versées à Mme [L]

- l'indemnité en réparation de ses préjudices personnels soumis à recours

Il ressort de la quittance provisionnelle établie entre la Macif et Mme [L] le 1er avril 2019, du procès-verbal de transaction conclu entre eux le 7 mai 2019, de la lettre-chèque non datée adressée par la Macif à Mme [L] au titre de l'accident du 22 avril 2015, et du relevé du compte bancaire de celle-ci, que la Macif lui a versé la somme totale de 267 827,88 euros par un chèque d'une provision de 7 000 euros et par un virement du solde de 260 827,88 euros le 18 juin 2019 en réparation de ses préjudices personnels soumis à recours.

La Macif établit également que le paiement de cette indemnité d'assurance est intervenu en exécution du contrat Deux-roues précité ayant pris effet le 2 janvier 2015 au profit de M. [K] et prévoyant la garantie 'Responsabilité civile (dommages causés aux tiers)'. Les conditions générales datées de décembre 2013 stipulent, à la page 25, qu'est garantie la responsabilité de l'assuré à l'égard des passagers transportés pour les dommages résultant d'atteintes à leur personne et à la détérioration de leurs vêtements, conséquence de ces atteintes. Pour les motifs spécifiés dans les développements ci-dessus, le moyen des appelants tiré de l'absence de production des conditions particulières et générales de la police d'assurance n'est pas fondé.

Le paiement a été opéré par la Macif au profit de Mme [L] pour le compte de son assuré en exécution de la garantie 'Responsabilité civile'. En application de l'article L.121-12 précité, elle est donc subrogée dans les droits de son assuré à l'égard de Mme [L] dont le droit à indemnisation est intégral. Elle sera remboursée de la somme de 267 827,88 euros à défaut pour les appelants de solliciter l'application de la quote-part de 20 %. Le jugement du tribunal ayant statué en ce sens sera confirmé.

- l'indemnité en réparation de ses préjudices personnels non soumis à recours

Aucun moyen n'est développé par les appelants pour contester le recours subrogatoire de la Macif pour la somme de 139 553,74 euros payée à Mme [L] en réparation de ses préjudices non soumis à recours.

En définitive, les appelants seront condamnés in solidum à payer à la Macif la somme de 27 910,75 euros après application de la quote-part de 20 %. Le montant fixé par le premier juge sera infirmé.

3) pour les sommes versées à la Cpam au titre des prestations servies à Mme [L]

L'effectivité du paiement par la Macif de l'indemnité d'assurance de

138 056,25 euros à la Cpam est démontrée à la fois par :

- la copie d'écran retraçant les règlements effectués au profit d''EREG C761' ou 'ERESP C761' entre le 30 octobre 2015 et le 26 novembre 2018, correspondant au décompte définitif des débours établi par la Cpam le 15 novembre 2018,

- l'attestation de la Cpam du Calvados du 3 avril 2019 selon laquelle la Macif l'a bien indemnisée du montant de sa créance principale de 136 990,25 euros et de l'indemnité forfaitaire de gestion de 1 066 euros, elle est désormais désintéressée, et n'agit pas en justice.

Ce règlement par la Macif des débours effectués par la Cpam pour Mme [L] est intervenu pour le compte de son assuré en exécution de la garantie 'Responsabilité civile' qu'il a souscrite.

Toutes les conditions de la subrogation légale de l'article L.121-12 précité étant réunies, celle-ci se produit de plein droit au profit de la Macif à hauteur de la somme de 27 611,25 euros après application de la quote-part de 20 %. Le montant arrêté par le tribunal à la charge in solidum des appelants sera infirmé.

Sur la demande indemnitaire de la Sas Petit Forestier Location

Celle-ci ne précise pas le fondement sur lequel elle agit pour obtenir des intimés le paiement de la valeur résiduelle de son véhicule accidenté et des frais d'expertise et de remorquage de celui-ci.

Les intimés se réfèrent à l'article 5 de la loi du 5 juillet 1985 pour répondre à cette réclamation.

Selon ce texte, la faute, commise par la victime a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages aux biens qu'elle a subis. Toutefois, les fournitures et appareils délivrés sur prescription médicale donnent lieu à indemnisation selon les règles applicables à la réparation des atteintes à la personne.

Lorsque le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur n'en est pas le propriétaire, la faute de ce conducteur peut être opposée au propriétaire pour l'indemnisation des dommages causés à son véhicule. Le propriétaire dispose d'un recours contre le conducteur.

Dans le cas présent, M. [B] ne réclame pas l'indemnisation des dommages aux biens subis, mais il s'agit du propriétaire du véhicule qu'il conduisait. L'alinéa 1er ne s'applique donc pas.

La Sas Petit Forestier Location ne forme pas sa demande à l'encontre de M. [B], mais de M. [K] qui n'a pas été le conducteur de son véhicule. L'alinéa 2 ne s'applique pas davantage.

Cette réclamation sera donc rejetée. La décision du tribunal ayant statué en ce sens sera confirmée.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions de première instance sur les dépens et les frais de procédure seront confirmées.

Il sera fait masse des dépens d'appel auxquels seront condamnés in solidum les appelants et les intimés, avec répartition à hauteur de 50 % dans leur rapport entre eux.

Il n'est pas inéquitable de rejeter la demande des intimés présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition au greffe,

Dans les limites de l'appel formé,

Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a :

- condamné in solidum [Y] [B], la Sas Petit Forestier Location et la Sa Parisienne Assurances à rembourser à la Macif :

. la somme de 3 000 euros au titre de la provision versée à [N] [K] sur son préjudice corporel,

. la somme de 267 827,88 euros au titre de la somme versée à [E] [L] pour les postes soumis à recours,

- débouté la Macif de sa demande de remboursement des frais d'expertise du véhicule de [N] [K] et des frais de dépannages du véhicule,

- débouté la société Petit Forestier Location de sa demande reconventionnelle au titre des dommages aux biens subis,

- condamné in solidum [Y] [B], la Sas Petit Forestier Location et la Sa Parisienne Assurances à régler aux demandeurs la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum [Y] [B], la Sas Petit Forestier Location et la Sa Parisienne Assurances aux dépens de l'instance,

Confirme le jugement de ces chefs,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que le droit à réparation de M. [N] [K] en raison de sa faute est limité à 20 %,

Condamne in solidum M. [Y] [B], la Sas Petit Forestier Location, et la Sa Wakam à rembourser à la Macif les sommes suivantes :

. 1 160 euros au titre des indemnités versées à M. [N] [K] en réparation de son préjudice matériel,

. 27 910,75 euros au titre de l'indemnité versée à Mme [E] [L] en réparation de ses préjudices personnels non soumis à recours,

. 27 611,25 euros au titre des sommes versées à la Cpam au titre des prestations servies à Mme [E] [L],

Déboute les parties du surplus des demandes,

Fait masse des dépens d'appel et condamne in solidum M. [Y] [B], la Sas Petit Forestier Location, et la Sa Wakam pris ensemble et M. [N] [K] et la Macif pris ensemble, aux dépens d'appel, et dit que, dans leur rapport entre les premiers d'une part, les seconds d'autre part, ils sont condamnés chacun à en supporter la moitié.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 21/03835
Date de la décision : 10/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-10;21.03835 ?
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