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02/05/2023 | FRANCE | N°23/00472

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre premier président, 02 mai 2023, 23/00472


N° RG 23/00472 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JJD2





COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





ORDONNANCE DU 2 MAI 2023





DÉCISION DÉFÉRÉE :



ordonnance de taxe de bâtonnier de [Localité 3] du 12 janvier 2023





DEMANDEUR AU RECOURS :



Monsieur [L] [F]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]



comparant en personne







DÉFENDERESSE AU RECOURS :



Selarl BAUDEU & ASSOCIES AVOCATS <

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nouvellement dénommée Selarl LE CAAB

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par Me Sophie DUVAL, avocat au barreau de Rouen









DEBATS :



A l'audience publique du 7 mars 2023, devant Mme Marie-Christine LEPRINCE, première...

N° RG 23/00472 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JJD2

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 2 MAI 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

ordonnance de taxe de bâtonnier de [Localité 3] du 12 janvier 2023

DEMANDEUR AU RECOURS :

Monsieur [L] [F]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparant en personne

DÉFENDERESSE AU RECOURS :

Selarl BAUDEU & ASSOCIES AVOCATS

nouvellement dénommée Selarl LE CAAB

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Sophie DUVAL, avocat au barreau de Rouen

DEBATS :

A l'audience publique du 7 mars 2023, devant Mme Marie-Christine LEPRINCE, première présidente de la cour d'appel de Rouen, assisté de Mme Catherine CHEVALIER, greffier ; après avoir entendu les observations des parties présentes, la première présidente a mis l'affaire en délibéré au 2 mai 2023.

DECISION :

CONTRADICTOIRE

Prononcée publiquement le 2 mai 2023, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signée par Mme Marie-Christine LEPRINCE et par Mme Catherine CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [F], licencié pour faute grave, a pris contact avec le Selarl Baudeu & Associés (nommée Selarl Le Caab depuis le 1er janvier 2023) afin de contester son licenciement.

M. [F] est illettré. Il s'est donc fait accompagner dans sa démarche par

M. [O], référent local de la communauté portugaise de Guinée Bissau.

Le 29 juin 2020, M. [F] a signé une convention d'honoraires d'un montant total de 1'440 euros TTC.

Trois factures couvrant l'intégralité de la somme ont été émises par la Selarl Baudeu & Associés en dates des :

-1er juillet 2020 pour un total de 600'euros TTC

-19 mars 2021 pour un total de 480'euros TTC

-15 novembre 2021 pour un total de 360'euros TTC

Monsieur [F] s'est acquitté de la première facture, soit de la somme de 600'euros le 7 janvier 2021.

Il prétend également, sans produire de justificatif, avoir effectué un deuxième paiement de 480'euros.

La Selarl Baudeu & Associés quant à elle soutient que le restant dû est de 840'euros'TTC, lequel a fait l'objet de plusieurs relances demeurées sans réponse dont la dernière rédigée le 21 mars 2022 a été envoyée par LRAR.

Ce courrier a été retourné avec la mention 'Pli refusé par le destinataire'.

Le jugement du conseil de prud'hommes a quant à lui été rendu le 23 février 2022.

Un ultime courrier en lien avec le jugement, et portant demande de règlement du solde à payer de 840'euros'TTC a été envoyé par la Selarl Baudeu & Associés à

M. [F] le 20 mai 2022. Le pli a été adressé le 21 mai 2022 et non réclamé.

Par saisine du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Rouen en date du 30'septembre'2022, la Selarl Baudeu & Associés a sollicité la taxation de ses honoraires à la somme de 840'euros'TTC.

Par décision du 12 janvier 2023, la délégataire du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Rouen a fait droit à la demande et a ordonné le versement par M. [F] à la Selarl Baudeu & Associés de la somme de 840'euros TTC, outre 40'euros correspondant à la participation aux frais d'ouverture de dossier et de taxation d'honoraires.

La décision a été notifiée à M. [F] par lettre recommandée avec avis de réception envoyée le 18 janvier 2023 et réceptionnée le 24 janvier 2023.

Par lettre recommandée avec avis de réception reçue au greffe de la cour d'appel de Rouen le 6 février 2023, M. [F] a déposé un recours contre l'ordonnance de taxation d'honoraires du bâtonnier.

L'audience a été fixée au 7 mars 2023.

A l'audience, M. [F] demande l'infirmation de l'ordonnance de taxation d'honoraires rendue par le délégataire du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Rouen en date du12'janvier'2023.

Il soutient en substance que son avocat ne lui a pas proposé de demander l'aide juridictionnelle alors qu'il y avait droit, que son avocat ne l'a pas représenté le jour de l'audience devant le conseil de prud'hommes puisque c'est une collaboratrice du cabinet qui a plaidé son dossier.

Ne sachant ni lire, ni écrire, M. [F] estime avoir été victime de négligence. Il expose que la Selarl Baudeu & Associés a tiré profit de sa vulnérabilité et que

M. [O] qui l'accompagnait dans ses démarches était absent le jour de la signature de la convention d'honoraires. M. [F] affirme, par ailleurs, sans produire de justificatif, avoir payé deux factures, la première de 600'euros et la seconde de 480'euros.

La Selarl Le Caab, représentée à l'audience par Me Duval, demande la confirmation de l'ordonnance de taxation d'honoraires du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Rouen, et le débouté des demandes de M. [F].

La Selarl soutient être engagée dans la défense des salariés devant les juridictions prud'homales et intervenir fréquemment au titre de l'aide juridictionnelle. Elle indique que M. [F] n'y était pas éligible, ce qui a conduit à lui proposer une convention d'honoraires. La société d'avocats intimée soutient que M. [F] n'a réglé que la seule somme de 600'euros sur le total de 1'440'euros qui était dû.

Elle indique que la convention d'honoraires comportait un formulaire de rétractation qui n'a pas été retourné par M. [F] et qu'elle a été signée par M. [F] après les explications données en présence de M. [O], lequel est connu du cabinet comme un tiers accompagnant les justiciables ne parlant pas ou ne lisant pas le français. Elle s'insurge en faux sur le fait que la vulnérabilité de M. [F] aurait été exploitée.

Les diligences accomplies comprennent notamment l'audience de conciliation devant le conseil de prud'hommes, l'audience de mise en état, les échanges de conclusions avec la partie adverse, et l'audience de plaidoirie.

Elle souligne qu'il est de coutume que le cabinet envoie un collaborateur à l'audience. En l'espèce l'avocate collaboratrice présente aux conseil de prud'hommes exerce depuis 10'ans au sein du cabinet, elle connaissait parfaitement le dossier et est une spécialiste du droit du travail.

Elle ajoute que la défense de M. [F] a été compliquée par le fait qu'il ne répond pas aux courriers et emails qui lui sont adressés.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes portant sur la responsabilité de l'avocat

Préalablement à toutes considérations au fond, il convient de rappeler que la procédure de contestations en matière d'honoraires et de débours d'avocats prévue à l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, concerne les seules contestations relatives au montant et au recouvrement de leurs honoraires.

Dès lors, le juge de l'honoraire n'a pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l'avocat à l'égard de son client résultant d'un manquement dans l'exercice de sa mission, et il n'est conséquemment pas tenu par les demandes qui s'y rattachent.

En l'espèce, M. [F] reproche à la Selarl Baudeu & Associés un manquement à son devoir de conseil et d'information, en ce qu'il ne lui a pas été conseillé de faire une demande d'aide juridictionnelle. Il prétend également que la teneur de la convention d'honoraires qu'il a signée ne lui a pas été expliquée.

M. [F] argue également du fait que constitue une faute la présence d'une collaboratrice au jour de l'audience de plaidoirie devant le conseil de prud'hommes, en lieu et place de son interlocuteur et avocat de référence au sein du cabinet.

Or, ces questions ne relèvent pas de la compétence du juge de l'honoraire.

En conséquence, les moyens arguant de l'exploitation de la vulnérabilité de M. [F], et de la négligence dont aurait fait preuve la Selarl Baudeu & Associés à son égard, doivent être écartés.

Sur les honoraires de l'avocat

L'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 tel qu'il résulte de la modification de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 prévoit que :

'Les honoraires de postulation, de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.

Sauf en cas d'urgence ou de force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.

Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci'.

En l'espèce, il est établi que M. [F] a signé une convention d'honoraires le 29 juin 2020 pour un montant total de 1'440'euros'TTC.

Comme ce dernier l'indique, il était accompagné dans sa démarche auprès du cabinet d'avocat par M. [O], prétendument absent au moment de la signature, empêchant sa bonne compréhension de la teneur du document.

Pourtant, M. [F] a signé la convention et s'est engagé dans la procédure de contestation de son licenciement, accompagné par les avocats de la Selarl Baudeu & Associés jusqu'à l'audience de plaidoirie devant le conseil de prud'hommes, sans plus questionner les honoraires tant dans leur principe que dans leur montant.

Or, il affirme lui-même avoir payé les sommes de 600 et 480'euros - la réalité de ce second paiement est contestée par la Selarl - au titre des honoraires dus, demontrant ainsi sa connaissance des montants réclamés et sa compréhension des conditions de la rémunération de l'avocat.

Partant, M. [F] qui a donné mandat à la Selarl Baudeu & Associés jusqu'à l'audience de plaidoirie, et qui par ailleurs lui a versé plusieurs centaines d'euros en paiement de ses honoraires, ne peut prétendre n'avoir pas compris le contenu de la convention d'honoraires d'avocats qu'il a signé au motif qu'elle ne lui aurait pas été expliquée.

Ainsi M. [F] a-t-il bien donné son accord lors de la signature de la convention d'honoraires.

Considérant les diligences accomplies : la Selarl Baudeu & Associés a échangé des conclusions avec la partie adverse, elle a participé aux audiences de conciliation, de mise en état et de plaidoirie devant le conseil de prud'hommes.

Ces diligences ont fait l'objet d'une facturation pour un montant total de

1 440'euros'TTC, lequel est tout à fait raisonnable compte tenu des prestations effectuées et de la réputation du cabinet.

Les parties s'opposent sur la réalité des paiements réalisés.

M. [F] soutient avoir réglé en deux fois la somme de 1 080'euros, soit respectivement des versements de 600 et 480'euros pour lesquels il ne fournit aucune pièce justificative.

La Selarl Baudeu & Associés produit quant à elle une facture acquittée d'un montant de 600'euros. Elle verse également à son dossier plusieurs factures et courriers de relances, outre la saisine du bâtonnier de [Localité 3], faisant mention d'un solde restant dû de 840'euros'TTC.

Il est également justifié, par la production de plusieurs plis refusés ou avisés et non réclamés, de la volonté de M. [F] de ne pas répondre aux sollicitations tant de la Selarl Baudeu & Associés que de l'ordre des avocats du barreau de Rouen.

En conséquence, au regard des allégations confuses et non étayées de M. [F], ainsi que des pièces produites au dossier par la Selarl Baudeu & Associés - nouvellement Le Caab -, l'ordonnance de taxation d'honoraires rendue par la délégataire du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Rouen sera confirmée en ce qu'elle fixe à la somme de 840'euros, outre 40'euros pour l'instruction de la demande, soit un total de 880'euros, le montant des honoraires restant dus par M. [F].

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance de taxe rendue le 12 janvier 2023 par la délégataire du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Rouen,

Condamne M. [L] [F] aux entiers dépens.

La greffière La première présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre premier président
Numéro d'arrêt : 23/00472
Date de la décision : 02/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-02;23.00472 ?
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