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02/05/2023 | FRANCE | N°22/04176

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre premier président, 02 mai 2023, 22/04176


N° RG 22/04176 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JH7M





COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





ORDONNANCE DU 2 MAI 2023





DÉCISION DÉFÉRÉE :



ordonnance du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Rouen du 15 novembre 2022



DEMANDERESSE AU RECOURS :



Sarl ATELIER D

en la personne de son représentant légal, M. [G] [N]

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par Me Catherine CANU-PITOIS, avocat au barreau de Rouen>






DÉFENDEUR AU RECOURS :



Maître [H] [P]

[Adresse 2]

[Localité 3]



représenté par Me Adrienne DURAND, avocat au barreau de Rouen







DEBATS :



A l'audience publique du 4 avril 20...

N° RG 22/04176 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JH7M

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 2 MAI 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

ordonnance du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Rouen du 15 novembre 2022

DEMANDERESSE AU RECOURS :

Sarl ATELIER D

en la personne de son représentant légal, M. [G] [N]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Catherine CANU-PITOIS, avocat au barreau de Rouen

DÉFENDEUR AU RECOURS :

Maître [H] [P]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Adrienne DURAND, avocat au barreau de Rouen

DEBATS :

A l'audience publique du 4 avril 2023, devant Mme Marie-Christine LEPRINCE, première présidente de la cour d'appel de Rouen, assistée de Mme Catherine CHEVALIER, greffier ; après avoir entendu les observations des parties présentes, l'affaire a été mise en délibéré au 6 juin 2023.

DECISION :

CONTRADICTOIRE

Prononcée publiquement le 2 mai 2023, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile que le délibéré qui devait initialement être prononcé le 6 juin 2023, date indiquée à l'issue des débats, était avancé au 2 mai 2023,

Signée par Mme LEPRINCE, première présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [N], gérant de la Sarl Atelier D a été assisté par Me [H] [P] pour mener à bien la rupture des contrats de travail de quatre de ses salariées. Il s'agissait de deux procédures de licenciement pour motif économique et deux ruptures conventionnelles du contrat de travail.

Il n'est pas contesté qu'aucune convention d'honoraires n'a été établie.

Une première facture du 20 juin 2020, d'un montant de 624'euros TTC a été acquittée par M. [N].

Deux autres factures datées du 09 novembre 2020, d'un montant de 420'euros TTC pour l'une et de 1'440'euros TTC pour l'autre, sont demeurées impayées.

Une ultime relance a été adressée par Me [P] à M. [N] par courrier recommandé avec avis de réception avisé le 16 septembre 2021.

Par requête reçue à l'ordre des avocats de [Localité 3] le 15 mars 2022, Me [P] a saisi le bâtonnier aux fins de la taxation de ses honoraires pour un montant total de 1'860'euros TTC.

Par décision du 15 novembre 2022, la délégataire du bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 3] a fait droit à la demande et a ordonné le versement par M. [N] à

Me [P] de la somme de 1'860'euros TTC, outre celle de 40'euros correspondant à la participation aux frais d'ouverture de dossier et de taxation d'honoraires.

La décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec avis de réception

distribuées le 1er décembre 2022.

Par lettre recommandée avec avis de réception reçue à la cour d'appel le 26 décembre 2022, M. [N] a déposé un recours contre l'ordonnance de taxation d'honoraires.

L'audience a été fixée au 4 avril 2022.

A l'audience, M. [N] représenté par Me Canu-Pitois, demande l'infirmation de l'ordonnance de taxation des honoraires rendue par la délégataire du bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 3] en date du 15 novembre 2022; la fixation du montant des honoraires restant dûs à la somme de 420'euros ; le débouté de l'ensemble des demandes de Me [P] et le versement de la somme de 1'000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient en substance être entré en contact avec Me [P] suite à un démarchage de cette dernière. Monsieur [N] indique que Me [P] ne l'a jamais informé du montant de ses honoraires en lien avec les diligences accomplies et qu'aucune convention d'honoraires n'a été proposée. M. [N] précise qu'il n'a jamais rencontré Me [P] à son cabinet, et il ajoute qu'aucune consultation juridique ne lui a été délivrée.

M. [N] rappelle qu'il a réglé une facture de 624'euros mais qu'il n'a jamais été informé de l'existence d'autres facturations ultérieures et indique toutefois accepter de payer la somme de 420'euros correspondant à la deuxième facture.

Me [P], représentée par Me Durand, sollicite la confirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions ; le débouté de l'ensemble des demandes, fins et conclusions de M. [N] ; sa condamnation au paiement de la somme de 1'000'euros pour procédure abusive et le versement de la somme de 1'000'euros sur le fondement de l'article 700'du code de procédure civile.

Elle soutient en substance que la Sarl Atelier D n'a pas fait l'objet d'un démarchage mais que ce client lui a été amené par son époux, avocat habituel de la dite société.

Elle confirme qu'un rendez-vous a bien eu lieu dans les locaux de la Sarl Atelier D à la demande de M. [N] et reconnaît qu'aucune convention d'honoraires n'a été établie. Elle souligne que pour autant des échanges ont eu lieu sur le montant des honoraires et qu'elle a contacté l'assurance de protection juridique de son client. En tout état de cause, elle rappelle que l'absence de convention ne doit pas priver l'avocat du droit de percevoir des honoraires pour ses diligences.

Me [P] précise que toutes les diligences facturées ont bien été accomplies et que si les intitulés apparaissant sur les factures sont les mêmes c'est qu'elles ont été réitérées, s'agissant pour chaque facturation de dossiers différents. Me [P] expose qu'au moins trois rendez-vous téléphoniques se sont tenus avec M. [N].

Me [P] considère l'appel de M. [N] comme constituant une procédure abusive et vexatoire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les honoraires de l'avocat

L'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 tel qu'il résulte de la modification de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 dispose en ses alinéas'1, 3 et 4':

'Les honoraires de postulation, de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.

[...]

Sauf en cas d'urgence ou de force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.

Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci'.

Il est admis par les parties qu'aucune convention d'honoraires n'a été régularisée après mandat donné à Me [P] pour assister M. [N] dans ses procédures de ruptures de plusieurs contrats de travail. Néanmoins, l'absence de convention ne prive pas l'avocat de son droit à obtenir la juste indemnisation de ses diligences. En l'absence de convention, les honoraires sont déterminés selon les critères de l'article 10 alinéa 4 de la loi du 31 décembre 1971 précité.

En l'espèce, il ressort des pièces produites par Me [P] qu'une consultation juridique écrite a été adressée à M. [N] le 06 mai 2020. De plus, les échanges de sms attestent la tenue d'un rendez-vous physique entre M. [N] et Me [P] dans les locaux de la Sarl Atelier D le 10 juin 2020 aux alentours de 08h30 sans que puisse être déterminée la durée. En outre, plusieurs emails évoquent trois échanges téléphoniques intervenus entre avocat et client les 17, 20 et 31 juillet 2020.

Il n'est pas contesté que Me [P] a assisté M. [N] afin de permettre à sa société de se séparer de quatre salariées, via deux procédures de licenciement pour motif économique, et deux ruptures conventionnelles de contrat de travail qui ont été menées à terme avec succès.

Cet accompagnement juridique a fait l'objet de courriers circonstanciés. Ils contiennent des indications relatives au cadre légal applicable aux procédures, ainsi que des demandes traduisant le suivi des dossiers, outre des recommandations sur la marche à suivre pour les ruptures des contrats de travail en cours. Il sera noté que sont joints aux courriers tous les documents prérédigés nécessaires à la réalisation des licenciement et des ruptures conventionnelles dont notamment': tableau pour la notation des salariées, lettre de recherche de reclassement, convocation à un entretien préalable, lettre justifiant du motif économique du licenciement, lettre de proposition de poste dans le cadre d'un reclassement, lettre de licenciement, formulaire cerfa pré-rempli pour une rupture conventionnelle d'un contrat de travail...

Une première facture a été émise le 20 juin 2020 portant sur la procédure de rupture conventionnelle d'une première salariée pour un montant de 624'euros'TTC et régulièrement acquittée.

Par courriers distincts, tous deux envoyés par voie électronique le 09 novembre 2020, deux nouvelles factures ont été adressées à M. [N]. La première d'un montant de 420'euros TTC porte sur la dernière rupture conventionnelle qui n'est pas aujourd'hui contestée et la seconde d'un montant de 1'440'euros TTC au titre de la procédure de deux licenciements collectifs pour motif économique.

Au regard des diligences accomplies, nonobstant l'absence de convention d'honoraires, il apparaît que le montant réclamé au titre des factures du 9 novembre 2020, objet du présent litige, soit un total de 1'860'euros est tout à fait raisonnable.

Il sera relevé que les diligences ne sont pas contestées par M. [N], sauf concernant la réalité des consultations juridiques dispensées, ces dernières allégations étant démenties par les pièces produites. Il n'est pas plus établi que Monsieur [N] aurait été démarché par Me [P].

Si Me [P] n'a pu justifier avoir dûment avisé son client du montant total des honoraires qu'il entendait pratiquer, il ressort de l'analyse du dossier que la première facture émise le 20 juin 2020 qui a été régulièrement réglée et donc non contestée précisait bien qu'elle concernait la procédure de rupture conventionnelle d'une seule salariée. Elle constitue à ce titre un indicateur quant aux montants exigés pour les ruptures des contrats des autres salariés. Il n'est pas contesté que M. [N] a souhaité poursuivre les procédures après émission de ladite facture. Le reste des diligences accomplies entre le 1er juillet et le 20 juillet 2020 allait nécessairement engendrer des frais nouveaux que M. [N] ne pouvait raisonnablement ignorer.

La décision de la délégataire du bâtonnier en date du 15 novembre 2022 sera confirmée.

Sur l'abus de procédure

Me [P] sollicite une indemnisation pour procédure abusive et vexatoire de la part de M. [N] dont il lui appartient de rapporter la preuve. Or ne saurait être constitutive d'une faute, le fait pour M. [N] d'user de son droit à interjeter appel d'une décision de justice rendue à son encontre. Il sera en outre relevé que l'absence de convention d'honoraires n'a pu que conforter l'appelant dans sa démarche procédurale.

La demande d'indemnisation pour procédure abusive et vexatoire sera en conséquence rejetée.

Sur les demandes accessoires

Sur la base de la même analyse, il sera jugé qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de Me [P] la charge des frais qu'elle a exposés dans le cadre de sa défense en appel.

M. [N] sera en revanche condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance de taxe rendue le 15 novembre 2022 par la délégataire du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Rouen,

Déboute Me [H][P] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire et de celle présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Sarl Atelier représentée par son représentant légal M. [G] [N] aux entiers dépens.

Le greffier, La première présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre premier président
Numéro d'arrêt : 22/04176
Date de la décision : 02/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-02;22.04176 ?
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