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20/04/2023 | FRANCE | N°23/01377

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre premier président, 20 avril 2023, 23/01377


N° RG 23/01377 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JLAB



COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DU 20 AVRIL 2023



EN MATIERE DE CONTESTATION DE FUNERAILLES





DÉCISION DÉFÉRÉE :



jugement du tribunal judiciaire de Rouen du 18 avril 2023





APPELANTS :



Monsieur [T] [B]

[Adresse 1]

[Localité 6]



comparant en personne, assisté de Me Hervé SUXE de l'AARPI BGL AVOCATS, avocat au barreau de Rouen





Ma

dame [H] [B]

[Adresse 4]

[Localité 5]



comparante en personne, assistée de Me Hervé SUXE de l'AARPI BGL AVOCATS, avocat au barreau de Rouen





Madame [O] [M]

[Adresse 2]

[Localité 9]



représentée ...

N° RG 23/01377 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JLAB

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 20 AVRIL 2023

EN MATIERE DE CONTESTATION DE FUNERAILLES

DÉCISION DÉFÉRÉE :

jugement du tribunal judiciaire de Rouen du 18 avril 2023

APPELANTS :

Monsieur [T] [B]

[Adresse 1]

[Localité 6]

comparant en personne, assisté de Me Hervé SUXE de l'AARPI BGL AVOCATS, avocat au barreau de Rouen

Madame [H] [B]

[Adresse 4]

[Localité 5]

comparante en personne, assistée de Me Hervé SUXE de l'AARPI BGL AVOCATS, avocat au barreau de Rouen

Madame [O] [M]

[Adresse 2]

[Localité 9]

représentée par Me Hervé SUXE de l'AARPI BGL AVOCATS, avocat au barreau de Rouen

INTIMÉ :

Monsieur [C] [I]

[Adresse 3]

[Localité 9]

comparant en personne, assisté de Me Océane DUTERDE, avocat au barreau de Rouen

DEBATS :

A l'audience publique du 20 avril 2023, devant Mme Mariane ALVARADE, présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour, pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont attribuées, assistée de Mme Catherine CHEVALIER, greffier ;

après avoir entendu les observations des conseils, la présidente a mis l'affaire en délibéré au 20 avril 2023 dans la journée.

DECISION :

Contradictoire

Prononcée publiquement le 20 avril 2023, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signée par Mme ALVARADE, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent à cette audience.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [U] [M] a épousé M. [B] en 1968. De leur union, sont issus deux enfants, [T] et [H] [B]. Suite à son divorce le 26 mai 2010, Mme [B] s'est remariée le 29 octobre suivant avec M. [C] [I].

Suivant jugement du tribunal judiciaire de Rouen du 31 août 2022, Mme [M], épouse [I], résidant alors à l'EPHAD [8], sis à [Localité 7], a été placée sous tutelle, l'UDAF 76 ayant été désignée en qualité de tuteur. Elle est décédée le 7 avril 2023.

C'est dans ce contexte que par acte d'huissier du 13 avril 2023, M. [T] [B], Mme [H] [B] et Mme [O] [M] ont fait assigner M. [C] [I] aux fins de voir désigner M. [T] [B] pour organiser les funérailles de leur mère et belle-soeur et en particulier pour procéder à son inhumation, après célébration chrétienne, au sein du cimetière communal de [Localité 11], de l'autoriser à renouveler la concession pour la durée nécessaire, de dire que la charge financière de la célébration religieuse et de la reprise de concession sera répartie à parts égales entre les ayant-droits.

Suivant jugement du 18 avril 2023, le tribunal judiciaire de Rouen a :

- déclaré irrecevables les demandes aux fins de paiement des charges funéraires et d'autorisation de renouvellement de la concession souscrite au sein du cimetière de [Localité 11],

- désigné Monsieur [C] [I] pour organiser les funérailles de [U] [I] née [M], son épouse, née le 12 février 1940, à [Localité 10] (76), décédée le 7 avril 2023 à [Localité 7] (76) et pour choisir le lieu de sa sépulture;

autorisé M. [C] [I] à faire transporter le corps de [U] [I] née [M] aux fins de l'inhumer au sein du cimetière de [Localité 9] (76);

- rejeté toute demande plus ample ou contraires,

- condamné M. [T] [B], Mme [H] [B] et Mme [O] [M] à payer à M. [C] [I] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement en raison de l'extrême urgence,

- condamné M. [T] [B], Mme [H] [B] et Mme [O] [M] aux dépens de l'instance, qu'ils supporteront chacun par tiers.

Par acte du 19 avril 2023, M. [T] [B], Mme [H] [B] et Mme [O] [M] ont interjeté appel de la décision.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions du 19 avril 2023, les appelants demandent au premier président de la cour d'appel de voir :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau :

- désigner M. [B] [T], es qualités de personne qualifiée chargée d'organiser les obsèques de Feue [U] [M], épouse [I] ;

- dire que l'inhumation de Mme Feue [U] [M] sera précédée d'une célébration chrétienne, conformément à ses v'ux, à savoir en l'église [12] de [Localité 9], et dont l'organisation sera confiée à M. [B], son fils ;

- dire que la dépouille de Feue [M] [U], épouse [I], sera inhumée, après célébration, au sein de la concession H-3-21, n°01268 sise au cimetière communal de [Localité 11] ;

- dire que M. [B] [T] est autorisé à renouveler la concession de sa mère pour la durée nécessaire ;

- dire que la charge financière de la célébration religieuse et de la reprise de la concession n°13587 sera répartie à parts égales entre les ayants-droits au titre de l'indivision ;

- condamner M. [I] [C] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

- ordonner l'exécution provisoire de l'ordonnance à intervenir ;

Ils s'opposent à l'inhumation de leur mère au cimetière de [Localité 9], comme demandé par M. [C] [I], faisant valoir qu'en 1994, elle avait manifesté la volonté d'être inhumée au cimetière du [Localité 11], pour avoir souscrit une concession le 4 octobre 1995, l'un de ses frères s'y trouvant déjà inhumé ; qu'en l'absence de volonté précise de la part de leur mère, il y a lieu de prendre en compte celle exprimée en pleine conscience et de considérer l'acte signé de sa main en 1995 et non remis en cause depuis lors, alors qu'elle a présenté une dégradation importante de ses facultés cognitives, ayant été atteinte de la maladie d'Alzheimer diagnostiquée en 2017 et placée sous tutelle suivant jugement du 31 août 2022.

Ils ajoutent que le premier juge a commis une erreur d'appréciation en retenant que le choix par [U] [I], née [M] du lieu de célébration de ses funérailles en l'église [12] au [Localité 9], exprimé dans un document manuscrit, non daté et non signé, valait également pour celui de l'inhumation.

Par conclusions du 19 avril 2023, l'intimé demande au premier président de la cour d'appel de :

- confirmer le jugement en toutes ces dispositions, débouter M. [B] [T], Mme [B] [H], et Mme [O] [M] de l'ensemble de leur demandes, et les - condamner solidairement au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Il explique que les relations entre les membres de la famille étaient particulièrement distendues pendant plusieurs années et que les tensions ont perduré ; qu'en 2017, [U] [I], née [M], a été contrainte de révoquer la procuration donnée à sa fille sur ses comptes et que postérieurement son fils, muni d'une procuration générale, procédera à des retraits non autorisés de sommes sur les comptes de sa mère ; que [H] [B] ne visitera plus sa mère en EHPAD et [T] [B] ne lui rendra visite que mensuellement ; que M. [T] [B] ne saurait être désigné comme la personne la mieux qualifiée pour organiser es funérailles de sa mère en raison des difficultés évidentes de connaître les dernières volontés de cette dernière.

Suivant conclusions en réplique aux écritures de l'intimé communiquées le 10 avril 2023, les appelants ont modifié leurs demandes, renonçant à celles tenant aux frais de célébration religieuse et tendant à se voir autoriser à renouveler la concession souscrite le 4 octobre 1995, maintenant le surplus de leurs prétentions.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'appel :

Aux termes de l'article 1061-1 du code de procédure civile, il est statué sur les contestations concernant les conditions des funérailles par le tribunal judiciaire et, en appel, par le premier président de la cour d'appel ou son délégué. Il ne peut être interjeté appel que dans les 24 heures de la décision.

En l'occurrence, l'appel a été interjeté le 19 avril 2023 à 9 heures 56 par M. [T] [B], Mme [H] [B] et Mme [O] [M] dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.

Sur l'organisation des funérailles de [U] [I], née [M] :

Aux termes de l'article 3 de la loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles, tout majeur ou mineur émancipé, en état de tester, peut régler les conditions de ses funérailles, notamment en ce qui concerne le caractère civil ou religieux à leur donner et le mode de sa sépulture. Il peut charger une ou plusieurs personnes de veiller à l'exécution de ses dispositions. Sa volonté, exprimée dans un testament ou dans une déclaration faite en forme testamentaire, soit par devant notaire, soit sous signature privée, a la même force qu'une disposition testamentaire relative aux biens, elle est soumise aux mêmes règles quant aux conditions de la révocation.

Il est constant que lorsque le défunt n'a pas manifesté de façon écrite et/ou explicite ses dernières volontés quant aux modalités d'organisation de ses funérailles, la famille ou, en cas de désaccord, le juge doit chercher par tous moyens à identifier quelles avaient été les intentions du défunt et, à défaut, de désigner la personne la mieux placée pour régler l'organisation du rite funèbre, en fonction notamment de la durée de la vie commune et des liens affectifs ayant uni le défunt à cette personne.

Il n'est pas discuté que [U] [I], née [M] a régularisé un acte de concession trentenaire au cimetière de [Localité 11] souscrit avec effet au 4 octobre 1995, acte pouvant seul valablement traduire selon les appelants, les dernières volontés de la défunte, car ne pouvant être remis en cause, alors que le diagnostic de la maladie d'Alzheimer a été posé.

M. [C] [I] excipe pour sa part un document manuscrit, non signé et non daté, attribué à [U] [I] née [M], rédigé comme suit : 'Madame [U], [I] née [M] ex-[B] (pas d'âge),victime du sang contaminé, la cérémonie religieuse sera célébrée le ''' suivi d'une bénédiction en l'église [12] de [Localité 9]', dont la valeur probante est contestée par les appelants, un extrait de compte livret A de la défunte laissant apparaître au 12 novembre 2018, au débit une somme de 20'000 euros au profit de M. [T] [B], la mise en demeure adressée le 4 avril 2023 par le conseil de l'UDAF 76 à M. [T] [B], lui reprochant d'avoir vidé les comptes épargne de sa mère entre le 16 et le 19 février 2022, alors que ses facultés mentales étaient altérées, de s'être approprié une somme de 45 097,88 euros qu'il a versé sur des comptes d'épargne dont il est titulaire à la caisse d'épargne et le mettant en demeure d'avoir à restituer la somme en cause, la lettre recommandée du 24 novembre 2022 adressée par l'UDAF 76 à M. [C] [I] faisant état de la situation déficitaire du budget mensuel de [U] [I] née [M], à hauteur de 1 933 euros, ainsi que divers messages téléphonés échangés avec M. [T] [B] au cours des derniers mois de la vie de [U] [I] née [M].

A hauteur d'appel, l'intimé produit également l'acte de concession au cimetière de [Localité 9], souscrit le 28 juin 2022 pour leur couple.

La cour relève s'agissant de l'acte de concession du 4 octobre 1995, que la demande de concession avait été faite par [U] [I], née [M] à l'origine 'pour son mari et elle-même', alors que le divorce d'avec son premier époux a été prononcé en 2010, que les attestations produites par les appelants rédigées par [H] [B], [O] [M] et [V] [Y], compagne de [T] [B], sans autre élément objectif, ne sauraient suffire à établir que la défunte souhaitait être inhumée au cimetière de [Localité 11], volonté qu'elle avait exprimée en d'autres circonstances en 1995 ; que les liens de [U] [I], née [M] avec ses enfants se sont par ailleurs quelque peu distendus, alors qu'il résulte des pièces du dossier que les visites à leur mère en EHPAD étaient rares, voir inexistantes, et qu'il n'est pas démontré une quelconque obstruction de la part de M. [C] [I], ce dernier ayant notamment insisté auprès de la fille de cette dernière pour qu'elle prenne contact avec sa mère (courrier du 31 août 2020) ; qu'en revanche, il n'est pas discutable que M. [C] [I] rendait visite à son épouse quotidiennement.

La cour ne peut en outre que s'interroger, à l'instar du premier juge sur les prélèvements effectués par M. [T] [B], en vertu de la procuration détenu sur les comptes de [U] [I], née [M], lequel explique que les sommes en cause sont à dispositon sur des comptes épargnes, dont il s'avère qu'il en est le titulaire.

La cour retiendra la stabilité du couple que M. [C] [I] formait avec [U] [I], née [M], le désir de séparation qu'aurait exprimé [U] [I], née [M] en un temps ne résultant d'aucun élément du dossier, et considérera que

M. [C] [I] apparaît le mieux placé pour prendre en charge l'organisation de ses funérailles, nonobstant l'altération avérée des facultés mentales de la défunte, étant observé que le lieu de la cérémonie religieuse, dont elle a pu exprimer le choix dans un document manuscrit dont la rédaction peut se situer entre 2010 et 2014, n'est pas discuté en l'espèce, les appelants sollicitant l'inhumation de Feue [U] [M] soit précédée d'une célébration chrétienne, conformément à ses v'ux, à savoir en l'église [12] de [Localité 9].

Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les frais du procès

M. [T] [B], Mme [H] [B] et Mme [O] [M] qui succombent dans la présente instance supporteront les dépens in solidum et il y a lieu de les condamner solidairement à payer à M. [C] [I] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de

1 500 euros, en sus de celle qui lui a été allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS,

Statuant après débats en audience publique, par décision contradictoire,

- Déclare l'appel recevable mais non fondé ;

- Confirme la décision déférée,

- Condamne solidairement M. [T] [B], Mme [H] [B] et Mme [O] [M] à payer à M. [C] [I] une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne in solidum M. [T] [B], Mme [H] [B] et Mme [O] [M] aux dépens,

- Rejette toute autre demande.

Le greffier La présidente de chambre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre premier président
Numéro d'arrêt : 23/01377
Date de la décision : 20/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-20;23.01377 ?
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