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12/04/2023 | FRANCE | N°23/00010

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre premier président, 12 avril 2023, 23/00010


N° RG 23/00010 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JI6H





COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ



DU 12 AVRIL 2023











DÉCISION CONCERNÉE :



Décision rendue par le conseil de prud'hommes - formation paritaire de Bernay en date du 30 décembre 2022







DEMANDERESSE :



Selarl MICHEL PORCHER VIEL

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par Me Joseph BENOIT de la SELARL CABI

NET BENOIT, avocat au barreau de l'Eure











DÉFENDERESSE :



Madame [H] [E] épouse [O]

[Adresse 4]

[Localité 3]



représentée par Me Céline VERDIER de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de l'Eure pla...

N° RG 23/00010 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JI6H

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 12 AVRIL 2023

DÉCISION CONCERNÉE :

Décision rendue par le conseil de prud'hommes - formation paritaire de Bernay en date du 30 décembre 2022

DEMANDERESSE :

Selarl MICHEL PORCHER VIEL

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Joseph BENOIT de la SELARL CABINET BENOIT, avocat au barreau de l'Eure

DÉFENDERESSE :

Madame [H] [E] épouse [O]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Céline VERDIER de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de l'Eure plaidant par Me Cassandre BROGNIART

DÉBATS  :

En salle des référés, à l'audience publique du 8 mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 avril 2023, devant M. Thierry REVENEAU, président de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désigné par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont attribuées,

Assistée de Mme Catherine CHEVALIER, greffier,

DÉCISION :

Contradictoire

Prononcée publiquement le 12 avril 2023, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signée par M. REVENEAU, président et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*****

Mme [H] [E] épouse [O] a été embauchée par contrat de travail à durée indéterminée en date du 15 mars 2007 par la Selarl Nadine MICHEL-PORCHER & [Z] VIEL, notaires, afin d'assurer 'l'accueil, le standard et le secrétariat classique' de l'étude notariale située à [Localité 2] (27).

Plusieurs avenants à son contrat de travail ont été signés successivement les 1er novembre 2008, 14 octobre 2010, 17 septembre 2011, 28 juillet 2012, 11 février 2016, et 10 octobre 2017, portant sa rémunération brute mensuelle initiale de

1 304 euros à 1 782 euros en 2017, outre différents compléments de salaire. Elle a en définitive acquis le statut de 'technicien' au sens de la convention collective applicable et percevait à ce titre en 2021 un salaire brut mensuel de 2 299 euros environ.

Le 2 février 2021, Mme [O] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement par courrier recommandé, entretien tenu le 13 février 2021.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 17 février 2021, Mme [O] a été licenciée pour faute grave.

Aux termes de ce courrier il est fait grief à Mme [O] :

'A la suite de notre entretien du 13 courant, nous sommes contraintes de vous notifier votre licenciement pour faute grave. Vous aviez, seule, la responsabilité de la bonne tenue du répertoire officiel, au niveau de l'édition, et de sa vérification, jusqu'au 15 octobre 2020, date à laquelle nous vous avons déchargée de cette tâche pour la confier à l'une de vos collègues. A cette date, vous ne nous avez signalé aucun retard et/ou irrégularité dans l'édition dudit répertoire. Le 30 octobre 2020, à notre demande, vous avez donné les consignes concernant la tenue du répertoire à votre collègue, sans lui faire part à nouveau d'une quelconque irrégularité. Le 15 janvier 2021, alors que cette collègue s'apprêtait à imprimer le répertoire jusqu'au 31 décembre 2020, celle-ci nous a immédiatement informée de ce qu'elle venait de constater à savoir :

- Que le répertoire officiel était imprimé uniquement jusqu'au 23 juin 2020, alors

qu'iI aurait dû l'être au moins jusqu' au 10 octobre 2020. (Article B67-1 du CGI et art. 23 - 25 du décret 71-941 du 26411/1971 relatif aux actes établis par les notaires, la tolérance étant qu'un retard ne doit pas excéder 2 jours)

- Et que le répertoire comportait une numérotation erronée, puisque le dernier acte de février 2020 porte le n°187, et le premier acte de mars 2020 le n°371, soit 184 actes inexistants et une erreur de tous les numéros d'actes subséquents du 1er mars au 23 juin 2020.

Dans le prolongement de l'authenticité des actes notariés, vous savez que chaque acte est inscrit dans le répertoire officiel, que le notaire doit déposer chaque année (au plus tard en février) auprès du tribunal judiciaire du ressort. Ce répertoire est un registre fondamental d'une étude notariale et les actes authentiques y sont répertoriés par ordre de date et de numéros. Il ne peut donc être modifié ou rectifié unilatéralement sans que les autorités judiciaires et ordinales soient informées, à défaut de quoi, le notaire engage sa responsabilité personnelle et s'expose à des sanctions disciplinaires et financières.

De plus, ce répertoire établit l'existence des actes et contribue éventuellement à leur reconstitution (article 1430 a 1434 du code de procédure civile). ll empêche les antidates.

Le rapport d'inspection, qui est transmis au procureur de la République, ne manquera pas de souligner cette erreur de numérotation et de créer auprès de ce dernier et de nos instances professionnelles une suspicion de mauvaise tenue de notre étude.

ll s'avère en conséquence que vous n'avez pas vérifié la bonne tenue du répertoire dont vous aviez seule la charge :

* non seulement le 16 octobre 2020, avant de nous le remettre.

* ni le 30 octobre 2020 lors de la transmission des instructions à votre collègue,

* mais pas non plus le 13 mars 2020, lors de l'édition de la période du 1er au 13 mars 2020, car vous avez fait une impression le 13 mars 2020, et vous avez ensuite, au début du mois de juillet 2020, imprimé du 14 mars au 23 juin 2020, sans prendre la peine de vérifier la bonne numération.

Si vous aviez pris la précaution de vérifier votre travail lors de l'impression en brouillon du répertoire du 1er au 13 mars 2020, la difficulté que nous rencontrons aujourd'hui aurait pu être évitée.

Vous saviez qu'il faut imprimer le répertoire régulièrement et par petites périodes pour éviter les problèmes.

En effet, vous aviez la consigne d'éditer les pages en brouillon avant d'imprimer sur les pages officielles tamponnées par la Chambre des notaires. Cette édition en brouillon indique sur la dernière page le nombre d'actes. Ce nombre grossièrement erroné aurait dû vous alerter au vu du nombre d'actes habituels de l'étude pour une même période, d'autant que vous avez la responsabilité du répertoire officiel depuis plusieurs années.

Cela entraîne donc une interruption dans la tenue du répertoire laquelle normalement ne doit pas avoir lieu, le signalement de cette interruption et de la numération erronée, a dû être faite auprès de nos instances, du service des inspections, et du président du tribunal judiciaire.

A ce jour cette révélation tardive, ne nous permet pas de respecter notre obligation de déposer au tribunal judiciaire le répertoire 2020 au plus tard en février 2021 et nous ne savons pas comment remédier à cette difficulté sans risque.

Ces faits d'une grande gravité pour une étude notariale mettent en cause la bonne marche de l'entreprise et notre probité vis-à-vis des autorités judiciaires et professionnelles et ne nous permettent plus de vous maintenir dans l'entreprise.

Vous ne pouvez banaliser ces faits et vous retrancher derrière une prétendue surcharge de travail qui n'a d'ailleurs aucune réalité pour tenter de justifier avoir été dans l'impossibilité de tenir à jour et d'imprimer, après vérification, le répertoire officiel.

De plus et malgré votre ancienneté de plus de 13 ans, nous avons constaté depuis plusieurs mois une attitude désinvolte et un manque total d'investissement à votre travail dont la qualité s'est considérablement dégradée.

Votre désintérêt pour la rédaction se manifeste, indépendamment du manque de productivité :

- par une accumulation d'erreurs grossières dans la rédaction des actes en eux-mêmes, dans les sous-produits et dans les taxes, et ce malgré votre expérience. Ces erreurs sont liées à une absence des vérifications de base d'un dossier, sans lien avec un aspect juridique, et qui relèvent plutôt du domaine d'un secrétariat de qualité.

Notamment quelques exemples : [...]

Cette mission de rédaction des actes courants simples vous a été confiée, et vous l'avez acceptée en octobre 2010, dans le cadre d'un avenant, suivi d'autres et dont un dernier en 2017, et ce en guise de promotions, avec augmentations de salaire.

Lors de l'entretien annuel du 15 octobre 2020, vous nous avez indiqué ne pas aimer ce que vous faisiez et regrettiez votre poste d'avant, invoquant que vous trouviez la mission difficile, et ce alors même que vous avez l'expérience, et qu'aucun dossier confié ne révélait de difficultés juridiques non réglées en amont par le notaire en charge du dossier. ll ne vous a jamais été demandé d'étudier l'aspect juridique du dossier, ni même de l'analyser, le travail de rédaction se faisant continuellement sous la surveillance et le contrôle d'un notaire, que vous pouviez interroger à tout instant, si ce n'est physiquement, au moins par courriel. De même, par courriel du 21 octobre 2020, pour vous conforter dans vos acquis, il vous a été proposé une formation dont le thème était 'Les clés pour bien traiter un dossier de vente (formalités et rédaction d'actes)' d'une durée de deux jours. ll vous a été demandé de nous répondre par courriel sur l'acceptation ou non de cette formation. Vous n'avez pas répondu.

Vous nous avez indiqué regretter la mission de constitution préalable des dossiers alors même que :

Le 1er juillet 2020, en vue des congés de votre collègue de [Localité 3] en juillet, il vous avait été demandé de procéder aux formalités préalables dans des dossiers [...].

Comme à l'habitude et surtout depuis ces deux dernières années, vous n'avez pas manqué de nous répondre, en voyant ce courriel comme un reproche, il vous avait alors été répondu ce qui suit : 'il ne vous est rien reproché, il vous est juste demandé de faire ce qui nous semble possible d'être fait.'

Lors de son retour de congés, début août 2020, Maître VIEL n'a pu que constater, que les dossiers de vente confiés pour être formalisés pour des signatures en septembre 2020 n'avaient pas été traités, malgré notre demande du 1er juillet, et alors même que vous n'aviez pas traité l'intégralité des 20 dossiers de succession, et au demeurant sans que vous preniez la précaution de prévenir votre collègue de [Localité 3] que ce n'était pas fait, et ce alors que pendant cette période vous n'avez eu à rédiger que 3 actes très simples (un bail, deux ventes de parcelles de terre).

Cela a entraîné un risque de devoir décaler les ventes prévues en septembre et nous avons dû procéder à la constitution en urgence avec demandes pressantes aux administrations, ce qui n'aurait pas été nécessaire si le travail avait été fait à temps. Le plus grave étant de ne pas avoir prévenu que ce n'était pas fait et que nous nous en sommes rendues compte seulement à la suite d'un appel de client.

Lors de notre entretien préalable au cours duquel vous étiez assistée de Monsieur [Y] [V], conseiller salarié, les explications que vous avez cru bon devoir tenir sur un ton péremptoire et sans jamais aucune remise en question, ne nous ont pas permis de modifier cette appréciation.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, nous vous informons que nous sommes contraintes de vous notifier votre licenciement pour faute grave.'.

Saisi par Mme [O] d'un recours contre cette décision, le conseil de prud'hommes de Bernay (27), par jugement en date du 30 décembre 2022 a :

- dit que le licenciement pour faute grave de Mme [H] [O] est sans cause réelle et sérieuse ;

- fixé le salaire de référence de Mme [H] [O] à 2 484,67 euros ;

- condamné la Selarl MICHEL-PORCHER VIEL à payer à Mme [H] [O] la somme de 17 392, 69 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour

licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la Selarl MICHEL-PORCHER VIEL à payer à Mme [H] [O] la somme de 9 455,55 euros bruts au titre de l'indemnité de licenciement ;

- condamné la Selarl MICHEL-PORCHER VIEL à payer à Mme [H] [O] la somme de 7 454,01 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 745,40 euros bruts de congés payés y afférents ;

- dit que les rémunérations et indemnités mentionnées à l'article R.1454-14 du code du travail, dans la limite de 9 mois de salaire calculés sur la moyenne des 3 derniers mois de salaire sont de droit exécutoires en application de l'article R.1454-28 du code du travail, la moyenne des trois derniers mois de salaires s'élevant à 2 484,67 euros ;

- ordonné le remboursement par la Selarl MICHEL-PORCHER VIEL, aux organismes concernés, des indemnités de chômage payées à du jour de son licenciement au jour du présent jugement, dans la limite de six mois ;

- débouté Mme [H] [O] de sa demande de dommages et intérêts pour défaut de formation professionnelle ;

- débouté Mme [H] [O] de sa demande de dommages et intérêts pour manquements de l'employeur à son obligation de sécurité et pour exécution déloyale du contrat de travail ;

- condamné la Selarl MICHEL-PORCHER VIEL au paiement de la somme de

1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision à intervenir sur la totalité des condamnations en application des dispositions de l'article 515 du code de procédure civile ;

- débouté la Selarl MICHEL-PORCHER VIEL de l'intégralité de ses demandes ;

- condamné la Selarl MICHEL-PORCHER VIEL aux entiers dépens.

Pour ce faire, le conseil de prud'hommes s'est fondé sur la circonstance que :

'La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise y compris pendant la durée du préavis, et il revient à l'employeur d'en apporter la preuve. Qu'en l'espèce, concernant le motif d'erreurs dans la rédaction des actes indiqué dans la lettre de licenciement, les dossiers cités par l'employeur datent de plus de deux mois, qu'il n'a jamais été formulé de reproches sur cette tâche dont Madame [H] [O] était en charge depuis octobre 2017 lors de ses entretiens annuels d'évaluation, notamment le dernier intervenu le 15 octobre 2020, qu'il est indiqué par l'employeur dans la lettre de licenciement que cette activité de rédaction d'actes se fait sous la surveillance et le contrôle d'un notaire. Qu'en l'espèce, concernant le motif relatif à un manque de concentration dans les dossiers, la lettre de licenciement fait état d'un seul dossier de décembre 2020, que Madame [H] [O] a informé l'employeur à plusieurs reprises, par courriel en date du 13 février 2020, puis lors de son entretien annuel en octobre 2020, de ses difficultés pour la réalisation de cette tâche. Qu'en l'espèce, concernant le motif lié à un retard dans la constitution des dossiers au cours des mois de juillet-août 2020, la lettre de licenciement stipule que l'employeur a constaté ce retard début août 2020.

Qu'en l'espèce, concernant le motif lié à une attitude désinvolte, un manque d'investissement, de productivité et en qualité de travail dégradée de Madame [H] [O], l'employeur indique dans la lettre de licenciement avoir constaté ces manques et cette dégradation depuis plusieurs mois, que ces points n'ont pas été abordés avec Madame [H] [O] lors de son entretien d'évaluation annuel du 15 octobre 2020.

Qu'en l'espèce, concernant les irrégularités constatées dans la tenue et l'édition du répertoire officiel dont Madame [H] [O] était en charge jusqu'au 15 octobre 2020, l'édition du répertoire est subordonné aux visas des clercs, qu'il est justifié par des mails internes à l'entreprise que des manquements concernant les tâches de répertoires établies par les clercs sont récurrents et empêchement] l'édition de celui-ci, qu'il est confirmé par l'employeur que l'édition du répertoire officiel n'a été réalisée qu'en septembre 2021, qu'à la date du licenciement de Madame [H] [O] soit le17février2021 la Selarl MICHEL-PORCHER VIEL avait connaissance au moins depuis le 28 janvier 2021 que l'erreur de numérotation du répertoire était due à un bug informatique, Madame [H] [O] n'ayant d'ailleurs pas la main dans le logiciel pour une numérotation manuelle puisque celui-ci est paramètre en automatique, que les inspecteurs de la Chambre des notaires indiquent dans leur rapport d'inspection du 9 juin 2021 qu'il s'agissait simplement d'une 'erreur matérielle de numérotation des actes' et ont demandé à la Selarl MICHEL-PORCHER VIEL de mettre à jour le répertoire de l'année 2020 et 2021, que la rectification de ces irrégularités par la Selarl MICHEL-PORCHER VIEL n'est intervenue qu'au mois de septembre 2021 soit 7 mois après le licenciement pour faute grave de Madame [H] [O], que l'erreur de numérotation du répertoire ne peut se voir sur le répertoire officiel brouillon car la numérotation des actes n'y figure pas, que la Selarl MICHEL-PORCHER VIEL n'apporte aucun élément probant quant à la gravité, ni au préjudice consécutif subi par l'entreprise. Qu'en conséquence, le conseil juge le licenciement pour faute grave de Madame [H] [O] sans cause réelle et sérieuse au motif que les griefs retenus par l'employeur dans la lettre de licenciement sont soit prescrits soit non imputables à la seule responsabilité de Madame [H] [O] et non justifiés dans leur gravité [par] la Selarl MICHEL-PORCHER VIEL.'.

La Selarl MICHEL-PORCHER VIEL a interjeté appel de cette décision le 19 janvier 2023 selon déclaration n°23/00222.

Par assignation en référé en date du 8 mars 2023, la Selarl MICHEL-PORCHER VIEL a sollicité de Mme la première présidente de la cour d'appel de Rouen, au visa de l'article 514-3 du code de procédure civile :

- l'arrêt de l'exécution provisoire qui s'attache au jugement susvisé du 30 décembre 2022 ;

- à titre subsidiaire d'ordonner à la Selarl MICHEL-PORCHER VIEL de consigner sur le compte séquestre de Mme la bâtonnière de l'Eure dans les 15 jours de la décision la somme de 36 547,65 euros jusqu'à décision au fond de la cour d'appel de Rouen ;

- de dire que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.

Par conclusions en réponse enregistrées sur le RPVA le 6 mars 2023, Mme [O] demande à Mme la première présidente, par les moyens pour l'exposé duquel il est renvoyé à ses écritures :

- de débouter purement et simplement la société Selarl MICHEL-PORCHER VIEL de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- en conséquence, confirmer l'exécution provisoire attachée au jugement du conseil de prud'hommes de Bernay en date du 30 décembre 2022 ;

- de condamner la société demanderesse à régler à Mme [O] la somme de

1 440 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de la condamner enfin aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

1. Aux termes des dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile : 'En cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance [...].'.

2. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier, en premier lieu, que le versement par la Selarl MICHEL-PORCHER VIEL des sommes au paiement desquelles cette dernière a été condamnée au profit de Mme [O] (2 484,67 euros,

17 392,69 euros bruts, 9 455,55 euros bruts, 7 454,01 euros bruts, 745,40 euros bruts hors frais irrépétibles, soit moins de 40 000 euros) emporterait des conséquences manifestement excessives sur la comptabilité et la trésorerie de cette étude notariale, la Selarl MICHEL-PORCHER VIEL n'ayant au demeurant versé aucune pièce aux débats concernant l'étendue de sa surface financière.

3. Il ne peut raisonnablement être soutenu par ailleurs que la situation de précarité professionnelle qui semble être celle de Mme [O] à ce jour placerait nécessairement celle-ci dans l'impossibilité de restituer le montant des condamnations prononcées à son encontre en cas d'infirmation du jugement du conseil de prud'hommes, la dissipation de ces sommes par Mme [O] étant précisément d'autant moins prévisible que la précarité de sa situation financière et professionnelle est certaine.

4. En troisième lieu, eu égard au déficit de pilotage, de contrôle, de supervision et de vigilance de l'employeur au sein de l'étude notariale susvisée, manifestement à l'origine des dysfonctionnements soulignés par le conseil de prud'hommes, et, par suite, compte tenu de la responsabilité ainsi à tout le moins partagée entre l'employeur et la salariée, la Selarl MICHEL-PORCHER VIEL ne justifie pas de l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision attaquée au sens des dispositions précitées de l'article 514-3 du code de procédure civile.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la demande d'arrêt de l'exécution provisoire qui s'attache à la date décision du 30 décembre 2022 ne peut qu'être rejetée.

Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

1. Aux termes des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile : « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; 2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat »;

2. Il sera fait une équitable application des dispositions précitées en condamnant la Selarl MICHEL-PORCHER VIEL à payer à Mme [H] [O] la somme de 1 440 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens :

1. Aux termes des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile : « La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie ['.] ».

2. La Selarl MICHEL-PORCHER VIEL sera condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

statuant par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe

Déboute la Selarl MICHEL-PORCHER VIEL de ses entières demandes, en ce compris celle tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire qui s'attache au jugement n° RG F 21/00076 rendu le 30 décembre 2022 par le conseil de prud'hommes de Bernay ;

Condamne la Selarl MICHEL-PORCHER VIEL à payer à Mme [H] [O] la somme de 1 440 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Deboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

Condamne la Selarl MICHEL-PORCHER VIEL sera condamnée aux entiers dépens.

Le greffier, Le président de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre premier président
Numéro d'arrêt : 23/00010
Date de la décision : 12/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-12;23.00010 ?
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