N° RG 21/00928 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IWOL
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 06 AVRIL 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DU HAVRE du 15 Février 2021
APPELANTE :
SELARL [F] [W] liquidateur judiciaire de la société ST2R
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Yannick ENAULT de la SELARL YANNICK ENAULT-CHRISTIAN HENRY, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Nicolas CHATAIGNIER, avocat au barreau du HAVRE
INTIMES :
Monsieur [H] [E]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me François-Xavier LE COZ, avocat au barreau du HAVRE
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 6]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 6]
représentée par Me Etienne LEJEUNE de la SCP SAGON LOEVENBRUCK LESIEUR LEJEUNE, avocat au barreau du HAVRE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 09 Février 2023 sans opposition des parties devant Madame POUGET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame ALVARADE, Présidente
Madame POUGET, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 09 Février 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Avril 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 06 Avril 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 1er février 2018, M. [H] [E] a été engagé en qualité de tuyauteur par la SAS ST2R (la société) par contrat à durée indéterminée.
Le 4 janvier 2019, le tribunal de commerce du Havre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société. Puis, le 19 avril 2019, ce même tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société et désigné la SELARL [F] [W] en qualité de liquidateur judiciaire, laquelle a, par courrier du 2 mai 2019, notifié à titre conservatoire, à M. [E], son licenciement pour motif économique.
Le CGEA-AGS de [Localité 6] a refusé toute demande d'avance au titre d'éventuels salaires concernant M. [E], en raison de l'absence de preuve de sa qualité de salarié.
Aussi, M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes du Havre qui, par jugement du 15 février 2021, a :
- dit qu'il justifiait de sa qualité de salarié,
- débouté la SELARL [F] [W], ès qualités, de « sa demande de voir déclarer le conseil de prud'hommes matériellement incompétent pour connaître des demandes du salarié en l'absence de justification de cette qualité, et l'inviter à mieux se pourvoir, s'il le souhaite, devant le tribunal de commerce du Havre, et de débouter la CGEA de [Localité 6] de sa demande de se déclarer incompétent au profit du tribunal de commerce du Havre »,
- fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société les créances de M. [E] aux sommes suivantes :
596,06 euros au titre du salaire de mars 2019,
1 992,97 euros au titre du salaire d'avril 2019,
2 461,63 euros au titre du salaire de mai 2019,
505,06 euros au titre des congés payés sur salaire de mars 2019 à mai 2019,
1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. [E] de sa demande d'indemnisation à hauteur de 2 000 euros,
- dit que l'AGS-CGEA de [Localité 6] devrait garantir l'intégralité des créances fixées par le jugement conformément aux dispositions législatives,
- donné acte au CGEA de [Localité 6] de sa qualité de représentant de l'AGS dans l'instance,
- dit que le jugement à intervenir était opposable au CGEA de [Localité 6],
- dit et jugé que la garantie de l'AGS était plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis aux articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail,
- dit et jugé que l'AGS ne devrait procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-6 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-8 et suivants du code du travail,
- débouté la SELARL [F] [W], ès qualités, de ses autres demandes,
- débouté le CGEA de [Localité 6] de ses autres demandes,
- dit que les dépens seraient employés en frais privilégiés par la liquidation judiciaire.
La SELARL [F] [W], ès qualités, a relevé appel de cette décision, le 2 mars 2021 et, par conclusions remises le 4 novembre 2021, elle demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris,
- déclarer le conseil de prud'hommes matériellement incompétent pour connaître des demandes de M. [E] en l'absence de justification de sa qualité de salarié et l'inviter a mieux se pourvoir, s'il le souhaite, devant le tribunal de commerce du Havre,
à titre subsidiaire,
- débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes,
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté M. [E] de sa demande de 2 000 euros à titre d'indemnisation d'un « préjudice complémentaire »,
en toute hypothèse,
- condamner M. [E] à lui payer, ès qualités, la somme de 3 000 euros sur le fondement article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel,
- débouter M. [E] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions remises le 17 août 2021, M. [E] demande à la cour de :
- confirmer, en toutes ses dispositions, le jugement du conseil de prud'hommes du 15 février 2021,
- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société sa créance salariale d'une somme de 5 050,66 euros, représentant ses salaires de mars, avril et mai 2019,
- condamner la SELARL [F] [W], ès qualités, à la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
- dire que l'AGS, représentée par le CGEA, devra être appelée en garantie par la SELARL [F] [W], ès qualités, pour lesdites sommes en cas d'insuffisance d'actif,
- débouter la SELARL [F] [W], ès qualités, de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions remises le 19 juillet 2021, l'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 6] demande à la cour de :
- réformer le jugement entrepris,
- se déclarer incompétente au profit du tribunal de commerce du Havre,
à titre subsidiaire, débouter M. [E] de l'intégralité de ses demandes,
à titre infiniment subsidiaire :
- lui donner acte de sa qualité de représentant de l'AGS dans l'instance,
- dire l'arrêt à intervenir opposable à son égard,
- dire et juger que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis aux articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail,
- dire et juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-6 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-8 et suivants du code du travail.
L'ordonnance de clôture a été fixée au 19 janvier 2023.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la compétence de la juridiction prud'homale
L'article L. 1411-1 du code du travail dispose que le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient.
S'il est exact que pour revendiquer l'existence d'un contrat de travail, un mandataire social doit rapporter la preuve qu'il occupait un emploi effectif en justifiant de l'existence de fonctions techniques distinctes de celles exercées dans le cadre dudit mandat, d'une rémunération distincte et d'un lien de subordination, il en va autrement en présence d'un contrat apparent.
En effet, dans ce cas, il existe une présomption simple de contrat de travail qui peut être renversée par celui qui en invoque le caractère fictif à charge d'en rapporter la preuve.
S'il est établi qu'en vertu des statuts du 15 décembre 2015, M. [E], associé de la société ST2R, était également membre de son organe de direction, il est également produit deux contrats de travail à durée indéterminée aux termes desquels M. [E] est engagé par celle-ci en qualité de tuyauteur à compter du 1er février 2018 pour un temps complet puis pour une durée de 169 heures à compter du 1er juillet 2018 dans le cadre du second contrat.
Ainsi, l'intéressé bénéficiait d'un contrat de travail apparent et il appartient en conséquence au mandataire liquidateur, ès qualités et aux AGS, qui en invoquent le caractère fictif, d'en rapporter la preuve, ce qu'ils échouent à faire puisqu'ils se limitent à soutenir l'existence d'un mandat social et à remettre en cause les pièces produites (contrats de travail, bulletins de salaires et attestations du président et d'un salarié de la société ST2R) par M. [V], sans fournir la moindre pièce utile pour critiquer le caractère probant desdits éléments. L'existence d'une procuration bancaire est insuffisante, à elle seule, pour combattre la présomption ci-dessus édictée.
Par conséquent, faute de preuve du caractère fictif du contrat de travail de M. [V], la décision déférée est confirmée en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence, ainsi qu'en ses autres dispositions, notamment celles relatives aux sommes allouées à titre de rappel de salaire des mois de mars, avril et mai 2019, lesquelles ne sont pas utilement discutées par le salarié, étant observé que ce dernier ne sollicite pas l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
En qualité de partie succombante, la SELARL [F] [W], ès qualités, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.
Pour la même raison, elle est condamnée à payer au salarié la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes du Havre du 15 février 2021, sauf en sa disposition relative aux dépens,
Statuant dans cette limite et y ajoutant,
Rappelle que les intérêts au taux légal ne courent pas sur les sommes allouées à M. [E] ;
Condamne la Selarl [F] [W], ès qualités, à payer à M. [V] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne la Selarl [F] [W], ès qualités, aux dépens de première instance et d'appel.
La greffière La présidente