La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/04/2023 | FRANCE | N°21/00063

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 06 avril 2023, 21/00063


N° RG 21/00063 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IUWY





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE



ARRET DU 06 AVRIL 2023











DÉCISION DÉFÉRÉE :





Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE BERNAY du 11 Décembre 2020





APPELANT :





Monsieur [W] [V]

[Adresse 2]

[Localité 3]



représenté par Me Laurent TAFFOU de la SELARL CABINET TAFFOU, avocat au barreau de l'EURE



<

br>






INTIMEE :





Société ETA GIBEAUX SEBASTIEN

[Adresse 1]

[Localité 4]



représentée par Me Céline VERDIER de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de l'EURE substituée par Me Cassandre BROGNIART, avocat au barrea...

N° RG 21/00063 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IUWY

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 06 AVRIL 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE BERNAY du 11 Décembre 2020

APPELANT :

Monsieur [W] [V]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Laurent TAFFOU de la SELARL CABINET TAFFOU, avocat au barreau de l'EURE

INTIMEE :

Société ETA GIBEAUX SEBASTIEN

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Céline VERDIER de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de l'EURE substituée par Me Cassandre BROGNIART, avocat au barreau de l'EURE

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 03 Février 2023 sans opposition des parties devant Madame ALVARADE, Présidente, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ALVARADE, Présidente

Madame POUGET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 03 Février 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Avril 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 06 Avril 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame ALVARADE, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [W] [V] (le salarié) a été engagé par la SARL Eta Gibeaux Sébastien (la société - l'employeur) en qualité de chauffeur agricole par contrat du 16 juillet 2018.

Les parties étaient soumises à la convention collective régionale de travail du 3 juillet 1970 concernant les entreprises de travaux agricoles et ruraux de Haute Normandie.

Le 16 avril 2019, le salarié a été victime d'un accident du travail reconnu en tant que tel par la mutualité sociale agricole de Haute-Normandie le 16 juillet 2019.

Se prévalant de manquements de l'employeur à ses obligations, prétendant notamment avoir été victime de harcèlement moral, suivant requête du 25 juillet 2019, le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail, condamner l'employeur au paiement de rappels de salaire, d'indemnités et de dommages et intérêts.

Lors de la visite de reprise du 7 octobre 2019, le médecin du travail a rendu un avis d'aptitude avec les restrictions suivantes : « limiter les manutentions manuelles $gt; 15 kg - favoriser la conduite d'engin ou le traiteur ». Le salarié a contesté l'avis d'aptitude et suivant ordonnance en la forme des référés du 14 novembre 2019, le conseil de prud'hommes a rejeté sa demande. Le salarié ne reprendra pas son poste de travail.

Par courrier de son conseil du 27 mai 2020, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur au motif de la dégradation de son état de santé psychique.

Par jugement du 11 décembre 2020, le conseil de prud'hommes de Bernay a :

- dit que M. [W] [V] n'a pas été victime de harcèlement moral,

en conséquence,

- débouté M. [W] [V] des demandes suivantes :

dommages et intérêts résultant du harcèlement moral : 15 000 euros,

dommage et intérêts résultant de la violation de l'employeur de son obligation de prévention des faits de harcèlement : 10 000 euros,

- dit que la prise d'acte de la rupture de M. [W] [V] datée du 27 mai 2020, ne produit pas les effets d'un licenciement nul, mais ceux d'une démission,

en conséquence,

- débouté M. [W] [V] des demandes suivantes :

indemnité compensatrice de préavis : 1 804,87 euros,

congés payés afférents : 180,49 euros,

indemnité conventionnelle de licenciement : 1 249,53 euros,

20 000 euros nette de CSG et de CDRS pour licenciement nul,

- condamné la SARL Eta Gibeaux à verser à M. [W] [V] les sommes suivantes :

rappel sur le minimum conventionnel du 16 juillet 2018 au 16 avril 2019 : 1 068,79 euros,

congés payés afférents : 106,88 euros,

dommages et intérêts résultant du non-paiement de l'intégralité de son salaire : 400 euros,

rappel d'heures supplémentaires : 620, 44 euros,

congés payés afférents : 62,04 euros,

rappel de rémunération des heures de nuit : 126,63 euros,

congés payés afférents : 12,66 euros,

indemnité de nourriture : 235,60 euros,

dommages et intérêts résultant de la violation de la durée maximum de travail : 2 500 euros,

dommages et intérêts résultant de la violation de la durée minimum de repos : 2 500 euros,

indemnité compensatrice de repos compensateur : 630,17 euros,

dommages et intérêts résultant de l'absence de formation à la sécurité : 1 500 euros,

- débouté M. [W] [V] des demandes suivantes :

indemnité de grand déplacement : 450 euros,

indemnité forfaitaire résultant du travail dissimulé : 17 679,87 euros,

dommages et intérêts résultant de l'absence d'équipements de sécurité : 2 500 euros,

dommages et intérêts résultant de la soustraction frauduleuse de la caisse à outils : 631,26 euros,

- ordonné la remise par la SARL Eta Gibeaux à M. [W] [V] d'un bulletin de salaire rectifié et une attestation Pôle emploi conforme à la décision,

- condamné la SARL Eta Gibeaux à verser à M. [W] [V] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, débouté la SARL Eta Gibeaux de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile, rappelé que l'exécution provisoire est de droit pour les sommes mentionnées à l'article R.1454-28 1°, 2° et 3° du code du travail, condamné la SARL Eta Gibeaux aux dépens de l'instance.

Le salarié a interjeté appel de cette décision dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 janvier 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 avril 2021, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, le salarié demande à la cour de voir :

- infirmer le jugement en ce qu'il a à tort dit qu'il n'a pas été victime de harcèlement moral, en conséquence,

- l'a débouté des demandes suivantes :

dommages et intérêts résultant du harcèlement moral : 15 000 euros,

dommage et intérêts résultant de la violation de l'employeur de son obligation de prévention des faits de harcèlement : 10 000 euros,

- dit que la prise d'acte de la rupture ne produit pas les effets d'un licenciement nul, mais ceux d'une démission,

- l'a débouté des demandes suivantes :

indemnité compensatrice de préavis : 1 804,87 euros,

congés payés afférents : 180,49 euros,

indemnité conventionnelle de licenciement : 1 249,53 euros,

20 000 euros nets de CSG et de CDRS pour licenciement nul,

- l'a débouté des demandes suivantes :

indemnité de grand déplacement : 450 euros,

indemnité forfaitaire résultant du travail dissimulé : 17 679,87 euros,

dommages et intérêts résultant de l'absence d'équipements de sécurité : 2 500 euros,

dommages et intérêts résultant de la soustraction frauduleuse de la caisse à outils : 631,26 euros,

statuant à nouveau,

- dire qu'il a été victime de harcèlement moral au sein de la société Eta Gibeaux Sébastien,

- dire que la prise d'acte de la rupture doit produire les effets d'un licenciement nul,

- condamner la société Eta Gibeaux Sébastien à lui verser les sommes suivantes :

rappel d'heures supplémentaires : 4 613,21 euros,

congés payés y afférents : 461,32 euros,

rappel de rémunération sur les heures de nuit : 126,63 euros,

congés payés y afférents : 12,66 euros,

indemnité de grand déplacement : 450 euros,

indemnité forfaitaire résultant du travail dissimulé : 17,679,87 euros,

dommages et intérêts résultant de l'absence d'équipement de sécurité : 2 500 euros,

dommages et intérêts résultant du harcèlement moral : 15 000 euros,

dommages et intérêts résultant de la violation par l'employeur de son obligation de prévention des faits de harcèlement : 10 000 euros,

à titre d'indemnité compensatrice de préavis : 1 804,87 euros,

congés payés y afférents : 180,49 euros,

indemnité conventionnelle de licenciement : 1 249,53 euros,

indemnité résultant de la nullité du licenciement : 20 000 euros nets de CSG et de CRDS,

dommages et intérêts résultant de la soustraction frauduleuse de la caisse à outils: 631,26 euros,

indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile : 3 500 euros,

- dire que les sommes porteront intérêts au taux légal à compter du dépôt de la requête,

- ordonner à la société Eta Gibeaux Sébastien de lui remettre un bulletin de paie rectifié et une attestation Pôle emploi conforme à la décision et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, courant à compter du 15e jour suivant la notification de la décision,

- se réserver compétence pour la liquidation,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision, sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile,

- condamner la société Eta Gibeaux Sébastien aux dépens, en ce compris l'article 10 du décret du 12 décembre 1996.

Le salarié fait valoir qu'il a accompli de nombreuses heures supplémentaires, allant parfois jusqu'à 15 heures par jour, sans avoir été indemnisé, ce que reconnaît l'employeur qui toutefois dans son décompte ne tient pas compte du temps de transport pour emmener et ramener les engins et matériaux, sans qu'il ne puisse opposer le paiement de ces heures pour tout ou partie par un repos compensateur incluant la majoration, en l'absence d'un accord collectif l'y autorisant et prévoyant les conditions de cette déduction, tenant notamment à l'information et la consultation du salarié, à la nature et au volume des heures pouvant être compensées,

que l'employeur n'a pas respecté les dispositions légales relatives à la durée maximale de travail et au temps de repos, ni appliqué les majorations pour travail de nuit,

qu'il a utilisé son travail de façon dissimulée,

que son taux horaire ne correspond pas aux stipulations de la convention collective,

qu'il a en outre fait l'objet de harcèlement moral, l'employeur ayant manqué à son obligation de prévention de tels agissements, ainsi qu'aux règles les plus élémentaires de sécurité,

qu'en raison de la gravité de ces manquements, il était fondé à prendre acte de la rupture du contrat de travail, laquelle produira les effets d'un licenciement nul ou à défaut, sans cause réelle et sérieuse.

Par conclusions remises le 5 juillet 2021, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, la société demande à la cour de :

- à titre liminaire,

- juger irrecevable la demande de l'appelant tendant à la réformation du jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 620,44 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, et 62,04 euros au titre des congés payés afférents et, en conséquence, demander à ce que la société soit condamnée au paiement de la somme de 4 613,21euros brut à titre de rappel d'heures supplémentaires et 461,32 euros brut au titre des congés payés afférents,

à titre principal,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. [W] [V] les sommes suivantes :

rappel sur le minimum conventionnel du 16 juillet 2018 au 16 avril 2019 : 1 068,79 euros,

congés payés afférents : 106,88 euros,

dommages et intérêts résultant du non-paiement de l'intégralité de son salaire : 400 euros,

rappel d'heures supplémentaires : 620,44 euros,

congés payés afférents : 62,04 euros,

indemnité de nourriture : 235,60 euros,

dommages et intérêts résultant de la violation de la durée minimum de repos : 2 500 euros,

dommages et intérêts résultant de l'absence de formation à la sécurité : 1 500 euros,

et statuant à nouveau,

- débouter M. [W] [V] de l'ensemble de ces chefs de demandes,

- réformer le jugement en ce qu'il n'a pas statué sur sa demande tendant à la condamnation du salarié au paiement d'une indemnité correspondant au préavis conventionnel de 8 jours et condamner M. [W] [V] au paiement de la somme de 451,22 euros,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions,

- débouter M. [W] [V] de toutes ses demandes,

à titre subsidiaire,

- fixer le montant des dommages et intérêts pour licenciement nul à 13 239,68 euros brut,

en tout état de cause,

- condamner M. [W] [V] au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [W] [V] aux entiers dépens.

La société expose que le salarié s'est ingénié à la poursuivre à trois reprises devant la juridiction des référés, puis au fond,

qu'il a été placé en arrêt de travail et n'a pas souhaité reprendre son poste, alors qu'il a été déclaré apte par la médecine du travail, alternant les arrêts de travail émanant de différents médecins pour rechute d'accident de travail ou pour maladie de droit commun,

qu'elle a appris de façon incidente qu'il travaillait pour une autre entreprise, la société CCF Toiture,

que d'ailleurs, le 27 mai 2020, un emploi lui ayant été proposé dans cette entreprise, il a opportunément pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Elle fait valoir :

sur les heures supplémentaires

que la demande devra être déclarée irrecevable, la cour n'en étant pas saisie,

que subsidiairement, le salarié ne pourra qu'être débouté de sa demande, non fondée, l'entreprise pratiquant la récupération d'une partie des heures supplémentaires conformément aux dispositions conventionnelles applicables, ce qui explique le solde d'heures non réglé au moment de la saisine de la juridiction, alors que le contrat étant toujours en cours, les sommes dues ayant fait l'objet d'un règlement à la rupture du contrat,

qu'elle était en droit conformément à l'accord national du 23 décembre 1981 concernant la durée du travail dans les exploitations et entreprises agricoles, étendu par arrêté du 3 mars 1982, de prévoir le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires par l'octroi de repos compensateurs, le salarié ayant reçu toutes les informations obligatoires, contrairement à ce qu'il soutient,

qu'il a ainsi récupéré des heures en décembre 2018, ainsi que cela résultent des documents intitulés 'heures en attente' produits par les deux parties, sur lesquels il a apposé sa signature à côté de la mention de la récupération des heures supplémentaires et du témoignage de M. [F], qui atteste en sa faveur et qui confirme l'existence de ce système de récupération,

que contrairement à ce qui est soutenu, elle a bien tenu compte des majorations dans le calcul des heures à récupérer, 1h30 de repos compensateur ayant été octroyées pour chaque heure supplémentaire réalisée au-delà des huit premières heures,

que le décompte du salarié est faussé, dès lors qu'il ne déduit pas les heures récupérées en décembre 2018, les heures payées à la rupture du contrat de travail, ni les heures payées chaque mois ;

sur le rappel au titre du minimum conventionnel et les dommages et intérêts découlant du non paiement de ces sommes,

que la demande de rappel de salaire sur le minimum conventionnel fixé en fonction du coefficient figurant au contrat de travail est injustifiée, alors que le salarié n'a pas signé ledit contrat,

qu'en tout état de cause, elle n'est pas fondée alors qu'il n'effectue pas de tâches lui permettant de bénéficier de la classification au niveau III échelon 1 ou d'un coefficient supérieur,

que la demande de dommages et intérêts pour non respect du minimum conventionnel devra être rejetée ;

sur les autres demandes,

que les demandes au titre de la violation des durées maximale de travail et minimale de repos devront être écartées en l'absence de preuve de l'existence d'un préjudice, ainsi que celles au titre de l'indemnité de repas, des frais de déplacement, qui sont injustifiées ;

sur l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

que la preuve d'une dissimulation intentionnelle n'est pas rapportée,

sur le harcèlement moral,

que le salarié n'établit aucun fait laissant supposer qu'il a été victime de harcèlement moral,

sur le manquement à l'obligation de prévention et de sécurité,

que ces demandes ne sont pas fondées et il n'est caractérisé l'existence d'aucun préjudice, son accident du travail étant sans lien avec une quelconque violation de ses obligations,

sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail,

que quand bien même les manquements seraient établis, ils ne permettent pas de justifier une prise d'acte au regard de leur ancienneté.

MOTIFS

1 - Sur l'étendue de la saisine de la cour

L'intimée observe que dans ses conclusions, l'appelant sollicite la réformation du jugement du conseil de prud'hommes de Bernay en ce qu'il a condamné la société ETA Gibeaux au paiement de la somme de 620,44 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, et 62,04 euros au titre des congés payés afférents et, en conséquence, demande à ce que la société soit condamnée au paiement de la somme de 4 613,21 euros brut à titre de rappel de salaire et 461,32 euros brut au titre des congés payés afférents et soutient que la cour ne pourra que déclarer irrecevable cette demande dont elle n'est pas saisie dans la mesure où ce chef du jugement n'était pas expressément critiqué dans la déclaration d'appel.

Elle ajoute que dans l'hypothèse où la cour s'estimerait valablement saisie de cette demande, elle ne pourra qu'en débouter l'appelant.

L'appelant pour sa part ne développe aucun moyen en réplique.

Selon l'article 562, alinéa 1er, du code de procédure civile, l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

Il résulte de ce texte que le juge qui décide qu'il n'est saisi d'aucune demande, excède ses pouvoirs en statuant au fond.

En l'espèce, le salarié a régularisé une unique déclaration d'appel le 6 janvier 2021 dans laquelle il limite la portée de son appel aux chefs de jugement expressément critiqués, indiquant que l'appel tend à la réformation de la décision en ce qu'elle a, à tort, étant listées à la suite certaines dispositions du jugement, en ce non comprise celle relative aux heures supplémentaires, de sorte qu'il ne peut être conséidéré que la cour est saisie de ladite demande, la décision des premiers juges n'étant pas critiquée s'agissant de ce chef de dispositif.

2 - Sur les demandes au titre de l'exécution du contrat de travail

2-1 - Sur le rappel au titre du minimum conventionnel sur la période du 16 juillet 2018 au 16 avril 2019

La qualification professionnelle d'un salarié et sa classification dépendent des fonctions qu'il exerce réellement et les autres éléments, notamment le montant de la rémunération ou la mention sur les bulletins de salaire, n'ont à cet égard qu'une valeur relative.

Le salarié qui sollicite l'application d'un taux relevant d'une classification doit apporter la preuve que la nature des fonctions réellement accomplies relevait de la classification qu'il revendique. La simple mention sur le bulletin du salarié d'un coefficient ou d'une classification dès lors que la rémunération correspondante n'a pas été versée, est insuffisante à elle seule à caractériser une volonté claire et non équivoque de l'employeur de surclasser l'intéressé.

Il résulte du contrat de travail que le salarié a été recruté en qualité de chauffeur agricole, moyennant un salaire fixé à la fin de la période d'essai, soit à compter du 1er septembre 2018, à la somme de 1 638,04 euros, sur la base d'un taux horaire de 10,80 euros, et d'un coefficient niveau IV échelon 1.

Pendant la période d'essai du 16 juillet 2018 au 31 août 2018, il était prévu un salaire à hauteur de 1571,30 euros, correspondant au salaire de base, au taux horaire de 10,36 euros et au coefficient niveau III échelon 1.

Le contrat mentionne en outre que le salarié exerce les fonctions suivantes : chauffeur de différents matériels agricoles (tracteur, presse à balles rondes, matériel de fenaison), assemblage et pose de bâtiments agricoles, ossature bois ou métallique (charpente, couverture, ossature bardage, bardage).

Le salarié sollicite l'application du contrat de travail et le versement de la rémunération convenue et réclame un rappel de salaire calculé en fonction du taux horaire prévu à la convention collective, filière technique, soit 10,49 euros au lieu de 10,36 euros et 11,45 euros au lieu de 10,80 euros.

La société fait grief aux premiers juges d'avoir appliqué les taux correspondants au minimum conventionnel prévu pour les niveaux III et IV, sans avoir recherché les fonctions exactement exercées par le salarié.

Elle allègue une erreur contenue au contrat de travail, non créatrice de droits, expliquant que lors de son embauche, le salarié avait fait valoir la qualification qui lui était reconnue chez son ancien employeur qui appliquait une convention collective différente, que le coefficient a été repris sans qu'aucune vérification ne soit effectuée par rapport aux fonctions de l'intéressé, que ce coefficient n'est pas en adéquation avec la rémunération convenue, ni avec les fonctions confiées, que le salarié relèverait bien plus du niveau II échelon 2.

Il résulte de la convention collective applicable que le salarié de Niveau II échelon 2 est défini comme suit : 'salarié exécutant des travaux plus complexes nécessitant une expérience professionnelle et une maîtrise des compétences, pouvant participer à des travaux qualifiés, prenant occasionnellement des initiatives, travaillant sous une surveillance intermittente d'un supérieur ou de l'employeur, à partir des consignes données.

Emploi nécessitant des aptitudes à détecter des anomalies ou incidents rencontrés couramment, à prévenir le chef d'exploitation ou un supérieur hiérarchique et à prendre des dispositions d'urgence qui s'imposent.

Ex : conducteur de tracteur attelé confirmé avec entretien journalier, mécanicien d'atelier.

Tâches : tassage de maïs au tracteur, conduite de matériel de récolte (presse à balles rectangulaires), traitement de culture (sans dosage).

Matériels : porte-char, épandeur à chaux, semoir à betteraves, semoir à mais, pulvérisateur traîné, faucheuse conditionneuse, presse à balles rectangulaires, épareuse, balayeuse de route, lame pour tasser les silos à maïs ou fourche arrière'

Il est capable d'utiliser le matériel suivant :

'tracteur avec benne, tonner à lisier, épandeur à fumier, herse, canadien, rotovator, charrue, semoir à céréales, faucheuse rotative, presse à balle

rondes, enrubanneuse, gyrobroyeur, broyeur, presse à cidre'.

Quant au niveau de classification III, il est attribué au salarié exécutant des tâches qualifiées relatives aux activités de l'entreprise nécessitant des connaissances approfondies et une bonne expérience professionnelle, avec contrôle a posteriori (exemple cité par la convention : conducteur d'engins débutant (1 an maximum), mécanicien qualifié).

Il s'agit d'un emploi qui « implique une certaine autonomie et une prise d'initiative dont les conséquences ont un certain caractère de gravité néanmoins, limité, sur le plan économique et celui de la sûreté des personnes ».

Le salarié ayant ce niveau de qualification exerce les tâches et utilise les machines suivantes :

«Tâches : arrachage de tubercules, conduite d'une machine automotrice (moissonneuse-batteuse, arracheuse de betteraves), conduite de remorques

(permis E) et conduite de camions jusqu'à 26 tonnes de PTAC (permis C), utilisation de l'informatique embarquée, réglage des machines de récolte, remplacement de pièces sensibles 'roulements'».

« Matériels : 'dumpe' (tombereau), télescopique, épandeur d'engrais automoteur, pulvérisateur automoteur, décapsuleuse-batteuse, arracheuse à lin, enrouleuse à lin automotrice, moissonneuse-batteuse, ensileuse avec pick-up (herbe), ensileuse avec bec (maïs), automotrice à betteraves, pelle à pneus ou à chenilles, tracto-pelle, mini pelle, nacelle ».

Le salarié revendique la prise en compte des dispositions de son contrat de travail. Il apparaît toutefois que les fonctions telles que décrites audit contrat se rapprochent du descriptif du niveau II échelon 2, alors qu'il ne justifie pas effectuer des tâches permettant de lui faire bénéficier du niveau III, voire d'un niveau supérieur, ne disposant pas de l'autonomie nécessaire, ne possédant pas de diplôme ou d'équivalence, ni d'expérience dans le domaine agricole, n'étant pas en outre titulaire du permis E ou du permis C, le fait que les bulletins de salaire mentionnent de juillet à décembre 2018 une qualification niveau IV échelon 1 puis, niveau III échelon 1 à compter du mois de janvier 2019, n'étant pas déterminant, les dites mentions relevant manifestement d'une erreur matérielle, alors que de fait, il lui a été appliqué des coefficients supérieurs à ceux prévus pour le niveau II.

Le jugement qui a alloué un rappel de salaire au titre du minimum conventionnel résultant de la classification sera infirmé.

2-2 - Sur la demande de dommages et intérêts résultant du non paiement de l'intégralité des salaires

La société sollicite l'infirmation du jugement qui a alloué au salarié la somme de 400 euros à titre de dommages et intérêts pour non-paiement de l'intégralité du salaire résultant de la non application du minimum conventionnel, sans caractériser l'existence d'un préjudice.

Compte tenu de ce qui précède, le jugement sera infirmé de ce chef.

2-3 - Sur la violation de la durée maximale de travail et la durée minimale de repos

Les premiers juges, après examen des plannings des mois de juillet et août 2018, mois au cours desquels l'activité de la société était particulièrement importante, ont octroyé une somme de 2 500 euros pour chaque chef de préjudice, relevant que les violations des durées maximales du travail et minimale de repos étaient caractérisées.

La société observe que cette période ne reflète pas la réalité du travail réalisé par le salarié au cours de l'année, alors qu'il bénéficiait par ailleurs des repos quotidiens et hebdomadaires légaux et qu'il ne dépassait pas la durée maximale de travail autorisée.

La société ne conteste pas l'existence de ces violations, rappelant leur caractère exceptionnel et fait valoir que le salarié ne rapporte pas la preuve d'un quelconque préjudice, ne s'étant à aucun moment plaint de ces manquements avant l'introduction de la présente instance.

Le dépassement de la durée moyenne maximale de travail et le non respect de la durée minimale de repos constituent en soi une violation des dispositions légales en la matière, au regard de l'impératif de protection de la santé des salariés. Il est dés lors nul besoin de démontrer l'existence d'un préjudice spécifique.

Le jugement sera en conséquence confirmé.

2-4 - Sur la demande au titre du travail dissimulé

Le salarié fait valoir que l'employeur a orchestré la dissimulation de ses heures supplémentaires en organisant, notamment, un système de récupération frauduleux sous forme de repos compensateur ou le versement de primes exceptionnelles, dans le seul objectif de tirer profit de sa force de travail sans le rémunérer desdites heures supplémentaires, que la volonté de l'employeur d'occulter une partie de la durée du travail de son salarié est caractérisée, de sorte qu'il est fondé à obtenir une indemnité de 17.679,87 euros, correspondant à la rémunération dont il aurait dû bénéficier entre octobre 2018 à mars 2019.

L'article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.

Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du même code relatif au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L'article L.8221-5, 2° du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

Au cas d'espèce, il n'est pas établi que l'employeur a utilisé sciemment le travail du salarié sans le rémunérer pour l'ensemble des heures effectuées, alors que s'agissant des heures de récupération, l'employeur établit qu'il était informé de son droit à repos compensateur, lui remettant régulièrement des décomptes des heures à récupérer, que le surplus des heures supplémentaires était réglé dans sa quasi-intégralité, le rappel de ce chef se chiffrant à 620,44 euros, n'étant pas établi que certaines heures étaient payées sous forme de prime.

Le salarié sera en conséquence débouté de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé et le jugement confirmé.

2-5 - Sur le harcèlement moral

En application des dispositions de l'article L1152-1 du code du travail, «aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Aux termes du même article et de l'article L.1154-1 du code du travail, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Lorsqu'une telle situation est alléguée, il revient à cour de rechercher si le salarié rapporte la preuve de faits qu'il dénonce au soutien de son allégation d'un harcèlement moral, si les faits qu'il présente, appréhendés dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral et dans l'affirmative, si l'employeur justifie que les agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L'article 1154-1 précité présuppose donc que les éléments de fait présentés par le salarié soient des faits établis puisqu'il n'est pas offert à l'employeur de les contester mais seulement de démontrer qu'ils étaient justifiés.

Le salarié fait valoir que le 16 avril 2019, il a été victime d'une chute sur son lieu de travail et pendant le temps de travail, qu'un certificat initial d'accident de travail a été établi, que l'employeur a toutefois refusé d'effectuer la déclaration d'accident de travail, manifestant expressément son refus par courrier à la Mutualité sociale agricole du 14 mai 2019 et lors de l'enquête de contrôle réalisé par cet organisme le 13 juin 2019,

qu'il a subi des pressions, intimidations et menaces de la part du gérant et de sa compagne, Mme [P] [N], à l'annonce de la prolongation de son arrêt de travail, puis de l'engagement de l'action prud'homale, le déterminant à effectuer des mains courantes et à déposer plainte auprès des services de gendarmerie,

qu'il devait en outre subir une surcharge anormale de travail, se disant corvéable à merci, effectuant parfois plus de quinze heures de travail par jour, ce que la société ne conteste pas à l'examen de ses propres décomptes horaires, alors qu'il a été contraint de limiter son repos à quelques heures entre deux journées de travail,

que les agissements de l'employeur ont eu pour conséquence la dégradation de son état de santé et la mise en place d'un suivi psychologique et psychiatrique avec traitement médicamenteux.

Il produit au soutien de ses allégations d'un harcèlement moral :

- la déclaration de main courante effectuée le 10 juillet 2019 pour des faits des pressions et menaces subies en raison de la prolongation de son arrêt de travail et des démarches initiées pour bénéficier de la reconnaissance d'un accident de travail, alors que l' employeur lui aurait dit qu'il ne fallait pas qu'ils se croisent sur la route car il ne serait pas gêné pour lui rentrer dedans... que s'il voulait récupérer ses affaires sur son lieu de travail il faudrait qu'il vienne accompagner car il ne se gênerait pas pour s'occuper de son cas..,

- la déclaration de main courante du 1er août 2019, dans laquelle il rapporte que son employeur est passé à son domicile après avoir reçu la convocation devant la juridiction prud'homale, qu'il se serait emporté contre lui et l'aurait prévenu que cela allait mal se passer,

- la plainte déposée le 22 mars 2020 et le procès-verbal d'audition du 9 avril 2020 aux termes duquel il dénonce une atteinte à l'intimité de sa vie privée, alors que l'employeur s'était présenté à son domicile le 22 mars et l'avait pris en photo ou en vidéo dans sa propriété en train de jardiner,

- les certificats du docteur [U], psychiatre, établis le 24 décembre 2019, indiquant qu'il est régulièrement suivi depuis le 4 novembre 2019 pour 'un état dépressif réactionnel à des difficultés professionnelles et précisant que le vécu de préjudice et l'intensité de son sentiment de victimisation professionnelle rendent impossible toute perspective de reprise de son travail chez son employeur actuel et doivent faire envisager une mise en inaptitude définitve à tout poste dans son entreprise, car une reprise forcée pourrait avoir pour effet un risque de passage à l'acte suicidaire par désespoir aigu',

et le 5 septembre 2020 attestant le 'suivre régulièrement et encore actuellement en consultation (') pour un état dépressif chronique réactionnel à un vécu de souffrance au travail',

- l'attestation établie par M. [F], ancien salarié, précisant : « Mme [N] qui passait son temps à nous hurler dessus et nous manquer de respect, exemple «On ne va pas se faire chier avec un merdeux pareil ».

Les pressions, intimidations et menaces reposent sur les seules déclarations et plaintes du salarié, alors que l'employeur les conteste fermement, l'attestation établie par M. [F] étant sans portée utile, ce dernier ne faisant état que de propos irrespectueux qui auraient été tenus par la compagne du gérant, l'employeur précisant en outre que ce dernier après avoir déclaré à la fin de son contrat à durée déterminée en février 2019, ne plus jamais vouloir revenir dans l'entreprise, devait solliciter Mme [N] pour y retravailler par sms en avril et mai 2019, ce qui permet de douter de l'objectivité de ce témoignage. Les faits dénoncés, non établis, ne seront pas retenus.

Le surcroît de travail et/ou la réalisation d'heures de travail importantes, notamment liés à l'activité de l'entreprise, ne permettent pas en soi de démontrer l'existence d'un harcèlement moral. L'employeur a admis que le salarié a effectué des heures supplémentaires et il a été retenu que des dépassements de la durée maximale de travail et le non-respect de la durée minimale de repos que sur les mois de juillet et août 2018.

Le salarié présente en outre des certificats médicaux et notamment ceux du docteur [U] qui atteste qu'il est suivi pour des soins psychologiques à raison d'un état dépressif réactionnel à des difficultés professionnelles, depuis le 4 novembre 2019. Ils ne constituent toutefois qu'une retranscription des dires du patient. Ainsi, le docteur [U] ne manque pas de préciser : 'il affirme ressentir une importante souffrance au travail à partir de la date de son accident du travail évoque des agissements de son employeur à son encontre 'harcèlement, discrédit, menaces, chantage qu'il présente comme étant la cause directe de son état dépressif', étant observé que le médecin du travail l'a déclaré apte à son poste de travail le 7 octobre 2019.

La surcharge de travail est établie avec ses conséquences sur le temps de travail et de repos. Cependant, ce seul fait ne suffit pas à caractériser des agissements de harcèlement moral, alors qu'elle a concerné une période limitée, de sorte que le salarié sera débouté de ses demandes en reconnaissance et en indemnisation d'une situation de harcèlement moral.

2- 6 - Sur le manquement à l'obligation de sécurité

En application de l'article L.4121-1 du code du travail l'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Cette obligation, non seulement lui interdit de prendre, dans l'exercice de son pouvoir de direction, toutes mesures de nature à compromettre la santé physique et mentale des travailleurs mais lui impose de mener des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d'information et de formation, outre la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

Par ailleurs, en application des dispositions de l'article L.1152-1 du code du travail, «aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Aux termes de l'article L.1152- 4 du code du travail « l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Manque à son obligation de sécurité, l'employeur qui, tenu d'en assurer l'effectivité, s'abstient de mettre en oeuvre les mesures nécessaires aux fins de prévenir de tels agissements et les faire cesser.

2-6 - 1 Sur l'obligation de prévention du harcèlement moral et des risques psycho-sociaux afférents à la surcharge anormale de travail et à une privation des heures de repos

Le salarié réclame une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le manquement de l'employeur à son obligation de prévention, alors qu'il avait parfaitement connaissance de la surcharge anormale de travail, qu'il n'a pas pris les mesures appropriées pour y faire face, ni pour prévenir tout fait de harcèlement moral, aucune enquête n'ayant été réalisée concernant les risques psycho-sociaux afférents à une telle surcharge anormale de travail et à une privation des heures de repos.

Outre le fait que le harcèlement moral n'a pas été retenu, il ne résulte pas du dossier que le salarié ait dénoncé de tels agissements avant son action prud'homale, de sorte qu'il ne peut être reproché à l'employeur de n'avoir diligenté aucune enquête, ni entrepris aucune action coercitive.

Quant à la surcharge de travail, il n'est pas justifié d'un préjudice distinct qui n'aurait pas été réparé et s'agissant des dépassements de la durée maximale de travail et du non respect du droit au repos, il n'est pas non plus démontré que le salarié a subi un préjudice distinct de celui qui ne soit déjà réparé au titre de la violation par l'employeur des dispositions relatives à la durée du travail.

Le jugement sera confirmé sur ces points.

2-6 - 2 Sur l'absence de formation aux règles de sécurité

L'article L.4141-1 alinéa 1 du code du travail dispose 'L'employeur organise et dispense une information des travailleurs sur les risques pour la santé et la sécurité et les mesures prises pour y remédier.'

L'article L.4141-2 du code du travail énonce 'L'employeur organise une formation pratique et appropriée à la sécurité au bénéfice des travailleurs qu'il embauche.

L'employeur fait valoir que le salarié a bien suivi une formation pratique à la sécurité contrairement à ce qu'il prétend, et notamment une formation concernant les équipements de travail mobiles automoteurs et les équipements de travail servant au levage et qu'il s'est vu remettre une autorisation de conduite, que l'intéressé ne respectait du reste aucune consigne de sécurité et ne démontre en outre l'existence d'aucun préjudice.

Si l'employeur produit deux lettres recommandées adressées au salarié le 30 avril 2019, faisant référence à un précédent courrier expédié en octobre 2018, réitéré le 5 octobre 2019, lui rappelant la nécessité de respecter les règles de sécurité, pour autant, il ne justifie aucunement des formations dispensées, de sorte que le jugement qui a fait droit à la demande de dommages et intérêts à hauteur de 1 500 euros sera confirmé.

2-6 - 3 Sur l'absence d'équipement de protection

Le salarié fait valoir qu'il travaillant en partie en hauteur qu'il ne bénéficiait pas de toutes les protections nécessaires, que les courriers versés au débat par la société et sollicitant que le salarié utilise les moyens de protection ne servent qu'à le déresponsabiliser en cas d'accident. Il produit l'attestation établie par son ancien collègue, M. [F], déclarant : « Mme [N] trouvait que mettre les sécurités en place prenait trop de temps sur la réalisation des chantiers (') Nous n'avons jamais travaillé avec la ligne de vie ou des filets de sécurité ».

Les courriers recommandés précités rappellent expressément au salarié la nécessité de se munir des équipements de sécurité. Ainsi par courrier du 30 avril 2019, l'employeur lui écrivait ' vous devez impérativement vous servir des matériels mis à votre disposition, à savoir, entre autres télescopiques, nacelles, EPI (casques, lunette de protection, harnais de sécurité). Nous vous l'avons déjà signalé par lettre recommandée AR en octobre 2018".

Il ne saurait en conséquence se prévaloir d'un manquement de l'employeur alors qu'il a fait l'objet de plusieurs rappels à l'ordre, le jugement étant confirmé de ce chef.

2-7 - Sur l'indemnité de repas

La société fait valoir qu'en application des dispositions de l'article 32 de la convention collective, elle fournissait des repas au salarié comme à chacun de ses salariés. Elle produit aux fins de confirmer ses dires l'attestation de l'un d'entre eux, M. [C], qui indique que les 'patrons fournissaient le repas du midi gratuitement'.

Il est suffisamment établi que la société fournissait les repas à ses salariés, de sorte que la demande non fondée sera rejetée.

2-8 - Sur l'indemnité de déplacement

Le salarié fait valoir qu'il a été contraint d'exercer ses missions dans le cadre d'un grand déplacement, sans jamais être indemnisé, qu'il est en droit de solliciter une indemnité de 450 euros.

La société répond que le salarié travaillait principalement sur l'exploitation située à [Localité 4] la puthenaye et sur des chantiers situés dans le département de l'Eure, à moins de 50 kilomètres de son lieu de résidence situé à [Localité 3],

qu'il regagnait chaque soir son domicile lorsqu'il était en déplacement,

qu'il ne rapporte aucun élément démontrant qu'il travaillait à plus de 50 km et ne donne aucune indication quant aux chantiers à l'occasion desquels il prétend avoir effectué un grand déplacement.

Le salarié sera débouté de sa demande en l'absence de justification de ses déplacements au delà de 50 km.

3 - Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail

Il est constant que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

C'est au salarié qu'il incombe de rapporter la preuve des manquements invoqués à l'encontre de son employeur.

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture, qui entraîne la cessation immédiate du contrat de travail, produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

En l'espèce le salarié, a par lettre du 27 mai 2020, par la voie de son conseil, pris acte de la rupture de son contrat de travail en ces termes ' ...une procédure est actuellement en pendante devant le conseil de prud'hommes de Bernay.

Malheureusement, l'engagement de cette action n'a pas apaisé les choses, bien au contraire, et vous n'avez jamais régularisé la situation.

Au regard de la dégradation de son état de santé psychique, M. [V] est contraint de prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société et ce, immédiatement et sans préavis...'.

Dans ses écritures, le salarié reprend les manquements allégués à l'appui de sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail, faisant valoir que par leur répétition et leur impact sur son état de santé psychique, ils ont empêché la poursuite du contrat de travail.

Les manquements examinés ci-avant (rémunération non conforme au contrat de travail, non versement de l'intégralité du salaire, dissimulation d'emploi salarié, harcèlement moral, manquement à l'obligation de prévention et de sécurité et absence des équipements de sécurité), considérés comme infondés, ne seront pas retenus au soutien de la demande.

Ceux subsistants, tenant aux heures supplémentaires et à la surcharge de travail en résultant, à la violation de la durée maximale de travail et de la durée minimale de repos, à l'absence de formation à la sécurité ne présentent pas un caractère de gravité suffisant pour empêcher la poursuite du contrat de travail, au regard de leur ancienneté et de leur caractère ponctuel ou limité dans le temps et dans leur quantum, alors encore que la plupart des heures supplémentaires ont été réglées, l'employeur ayant été condamné au paiement d'un solde d'heures supplémentaires à hauteur de 620,44 euros et que les manquements relatifs à la durée du travail et du temps de repos n'ont portés que sur deux mois en juillet et août 2018.

Ils ne sauraient dès lors fonder une prise d'acte de la rupture du contrat de travail, laquelle produit les effets d'une démission, le salarié étant débouté de ses demandes afférentes à la rupture du contrat de travail. Le jugement sera confirmé de ce chef.

4 - Sur la demande au titre du préavis non exécuté

Dès lors que la prise d'acte produit les effets d'une démission, l'indemnité de préavis non exécuté est due par le salarié à l'employeur qui en fait la demande. Le salarié sera en conséquence condamné au paiement de la somme non utilement contesté en son quantum de 451,22 euros.

5 - Sur la demande de restitution de ses outils de travail ou de condamnation à hauteur de la valeur de remplacement (631,26 euros)

Le salarié fait valoir que ses outils personnels sont toujours en possession de la société en dépit d'une demande de restitution formulée le 4 février 2020, dont il présente une liste établie par la société CCF Toiture le 15 juillet 2018, 'valant titre de propriété'.

La société soutient avoir toujours fourni à ses salariés les outils nécessaires à leur travail et qu'il n'existe aucune raison pour que le salarié ait apporté sa caisse à outils personnelle sur son lieu de travail.

Le salarié qui ne justifie pas avoir apporté ses outils sur son lieu de travail, ni les avoir utilisés dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail, sera débouté de sa demande de restitution ou de paiement de la valeur de remplacement.

6 - Sur les intérêts

Les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation.

Les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris sur les sommes confirmées et du présent arrêt pour le surplus.

7 - Sur la remise de documents

La cour ordonne à la société de remettre au salarié un bulletin de salaire et une attestation destinée au Pôle emploi conformes à la présente décision.

Il n'est pas nécessaire d'assortir cette obligation d'une astreinte.

8 - Sur les frais du procès

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, le salarié qui succombe sera condamné aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 1 000 euros.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,

Déclare irrecevable la demande au titre des heures supplémentaires,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ses dispositions relatives au rappel de salaire au titre du minimum conventionnel résultant de la classification et des congés payés y afférents, au titre des dommages et intérêts pour non paiement de l'intégralité des salaires et au titre de l'indemnité de repas,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Déboute M. [W] [V] de ses demandes de rappel de salaire au titre du minimum conventionnel, au titre des dommages et intérêts pour non paiement de l'intégralité de ses salaires et au titre de l'indemnité de repas,

Y ajoutant,

Condamne M. [W] [V] à payer à la SARL Eta Gibeaux Sébastien la somme de 451,22 euros au titre du préavis non exécuté,

Condamne M. [W] [V] à payer à la SARL Eta Gibeaux Sébastien la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles,

Ordonne à SARL Eta Gibeaux Sébastien de remettre à M. [W] [V] un bulletin de salaire et l'attestation Pôle emploi rectifiés conformes au présent arrêt,

Dit n'y avoir lieu de prononcer une astreinte,

Dit que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris sur les sommes confirmées et du présent arrêt pour le surplus,

Dit que les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,

Dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision,

Condamne M. [W] [V] aux dépens de la procédure d'appel,

Rejette toute autre demande.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00063
Date de la décision : 06/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-06;21.00063 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award