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05/04/2023 | FRANCE | N°23/00014

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre premier président, 05 avril 2023, 23/00014


N° RG 23/00014 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JJJN





COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ



DU 5 AVRIL 2023







DÉCISION CONCERNÉE :



Décision rendue par le juge de l'exécution de Rouen en date du 18 janvier 2023





DEMANDERESSE :



Sarl AMEX

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par Me Antoine ETCHEVERRY de la SELARL DAMC, avocat au barreau de Rouen





DÉFENDERESS

E :



Sarl BERTRAND LEPICARD

[Adresse 2]

[Localité 4]



représentée par Me Pauline LYNCEE, avocat au barreau de Rouen







DÉBATS  :



En salle des référés, à l'audience publique du 8 mars 2023, où l'affaire a été mi...

N° RG 23/00014 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JJJN

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 5 AVRIL 2023

DÉCISION CONCERNÉE :

Décision rendue par le juge de l'exécution de Rouen en date du 18 janvier 2023

DEMANDERESSE :

Sarl AMEX

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Antoine ETCHEVERRY de la SELARL DAMC, avocat au barreau de Rouen

DÉFENDERESSE :

Sarl BERTRAND LEPICARD

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Pauline LYNCEE, avocat au barreau de Rouen

DÉBATS  :

En salle des référés, à l'audience publique du 8 mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 5 avril 2023, devant M. Thierry REVENEAU, président de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désigné par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont attribuées,

Assistée de Mme Catherine CHEVALIER, greffier,

DÉCISION :

Contradictoire

Prononcée publiquement le 5 avril 2023, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signée par M. REVENEAU, président et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*****

Par ordonnance en date du 21 septembre 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Rouen a autorisé la saisie conservatoire pratiquée le 25 octobre 2022 à la demande de la société AMEX, promoteur immobilier, sur le patrimoine de la SARL BERTRAND LEPICARD, sous-traitante de la société AMEX en charge de la réalisation d'espaces verts, en garantie du paiement de la somme de 399 498,08 euros correspondant (selon la société AMEX) au montant de factures indument acquittées par elle au profit de la société BERTRAND LEPICARD au titre de travaux inexistants ou surfacturés, ces faits ayant été constatés et qualifiés du chef du délit de complicité d'escroqueries par un arrêt aujourd'hui définitif de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Rouen en date du 2 décembre 2020 .

Par jugement n° RG 22/04477 en date du 18 janvier 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Rouen, saisi par la société BERTRAND LEPICARD d'un recours dirigé contre cette saisie conservatoire :

- a ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire susmentionnée pratiquée à son encontre le 25 octobre 2022 à la demande de la société AMEX ;

- a néanmoins débouté la société BERTRAND LEPICARD de sa demande de dommages et intérêts ;

- a condamné la société AMEX à payer la somme de 1 000 euros à la société BERTRAND LEPICARD en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- a débouté la société AMEX de sa demande présentée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- a condamné la société AMEX aux entiers dépens ;

- a rappelé que la décision était de droit exécutoire à titre provisoire.

Par déclaration enregistrée sur le Réseau Privé Virtuel des Avocats (RPVA) le 26 janvier 2023, la société AMEX a interjeté appel de la décision susvisée du 18 janvier 2023 portant mainlevée de la saisie.

Par assignation en référé à comparaître devant Mme la première présidente de la cour d'appel de Rouen le 8 mars 2020 à 9h30, délivrée le 10 février 2023 à la société BERTRAND LEPICARD, la société AMEX demande, au visa des dispositions des articles R.121-22 du code des procédures civiles d'exécution :

- le sursis à l'exécution provisoire s'attachant au jugement susvisé du 18 janvier 2023 ;

- la condamnation de la société BERTRAND LEPICARD au paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamnation de la société BERTRAND LEPICARD aux dépens de l'instance.

Par conclusions déposées à l'audience du 8 mars 2023, la société BERTRAND LEPICARD demande à Mme la première présidente de la cour d'appel de Rouen de :

- la déclarer recevable et bien-fondée en ses demandes ;

- débouter la société AMEX de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société AMEX à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- condamner la société AMEX à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux dépens.

Les conseils des parties ont été entendus en leur plaidoirie à l'audience du 8 mars 2023.

L'affaire a été mise en délibéré par mise a disposition au greffe au 5 avril 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

1. Aux termes des dispositions de l'article R.121-22 du code des procédures civiles d'exécution : 'En cas d'appel, un sursis à l'exécution des décisions prises par le juge de l'exécution peut être demandé au premier président de la cour d'appel. La demande est formée par assignation en référé délivrée à la partie adverse et dénoncée, s'il y a lieu, au tiers entre les mains de qui la saisie a été pratiquée. Jusqu'au jour du prononcé de l'ordonnance par le premier président, la demande de sursis à exécution suspend les poursuites si la décision attaquée n'a pas remis en cause leur continuation ; elle proroge les effets attachés à la saisie et aux mesures conservatoires si la décision attaquée a ordonné la mainlevée de la mesure.

Le sursis à exécution n'est accordé que s'il existe des moyens sérieux d'annulation ou de réformation de la décision déférée à la cour [...].'.

2. En vertu des dispositions de l'article L.511-1 du même code : 'Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement. La mesure conservatoire prend la forme d'une saisie conservatoire ou d'une sûreté judiciaire.'.

3. Or, en application de l'article L.512-1 dudit code des procédures civiles d'exécution : 'Même lorsqu'une autorisation préalable n'est pas requise, le juge peut donner mainlevée de la mesure conservatoire s'il apparaît que les conditions prescrites par l'article L.511-1 ne sont pas réunies [...]'.

4. Il résulte de la combinaison de l'ensemble des dispositions précitées que, si les conditions ayant présidé à la délivrance par le juge de l'exécution de l'autorisation de pratiquer une saisie conservatoire étaient bien réunies, et si la mainlevée de cette saisie conservatoire a néanmoins subséquemment été ordonnée par le juge de l'exécution, la juridiction premier-présidentielle est fondée à ordonner le sursis à l'exécution provisoire de cette décision de mainlevée, dès lors qu'il existe des moyens sérieux d'annulation ou de réformation de cette décision ayant à tort opéré mainlevée de la saisie conservatoire litigieuse.

5. Il importe en conséquence et en l'espèce de rechercher si le jugement n°RG 22/04477 en date du 18 janvier 2023 par lequel le juge de l'exécution a donné mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 25 octobre 2022 à la demande de la société AMEX sur le patrimoine de la SARL BERTRAND LEPICARD en garantie du paiement de la somme de 399 498,08 euros, d'une part était fondé en son principe, d'autre part était menacée de recouvrement par des circonstances dûment justifiées par la société créancière.

6.1. Il ressort des pièces du dossier, en premier lieu, que si le principe de la culpabilité de la société BERTRAND LEPICARD a été affirmé de façon définitive par la chambre des appels correctionnels de Rouen dans son arrêt définitif en date du 2 décembre 2020, cette décision ne se prononce pas sur les intérêts civils, et, par suite, sur le quantum des sommes exactement détournées par la société BERTRAND LEPICARD au préjudice de la société AMEX. Dans ces conditions, et dans l'impossibilité en l'état pour la juridiction premier-présidentielle, non seulement de connaître, mais même d'évaluer approximativement le quantum du préjudice subi par la société AMEX, et, par suite, de déterminer le montant exact ou approximatif de sa créance (ce montant pouvant ainsi être compris entre 1 euro et 399 498,08 euros) le bien-fondé de la créance de 399 498,08 euros de la société AMEX ne peut dès lors être regardé comme établi en l'état.

6.2. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que la société BERTRAND LEPICARD s'est d'ores et déjà acquittée du paiement au Trésor public de l'amende de 100 000 euros prononcée à son encontre par la chambre des appels correctionnels en son arrêt du 2 décembre 2020, et que les documents comptables la concernant établissent la réalité de sa solvabilité, tant au regard des liquidités présentes sur ses comptes bancaires (400 472,80 euros présents sur les deux comptes bancaires de la société BERTRAND LEPICARD à la date de la saisie conservatoire pratiquée) que de la provision pour charges constituée comptablement par elle en prévision de la créance à régler dans le cadre du litige.

7. Il résulte de ce qui précède d'une part, que le bien-fondé de la créance de

399 498,08 euros de la société AMEX à l'encontre de la société BERTRAND LEPICARD n'est pas établi avec certitude, d'autre part que la preuve n'est pas rapportée de ce que des circonstances particulières menaceraient le recouvrement de cette créance par la société AMEX.

8. D'où il suit en conséquence et par ailleurs, que la société AMEX ne justifie pas davantage de l'existence de conséquences manifestement excessives pour elle, au sens des dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile, de l'exécution provisoire qui s'attache au jugement du 18 janvier 2023 ayant ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire litigieuse initialement pratiquée à sa requête.

9. La demande de la société AMEX tendant à ce que soit ordonné le sursis à l'exécution provisoire du jugement du 18 janvier 2023 ne peut, dans conditions, qu'être rejetée.

10. La société BERTRAND LEPICARD ne justifiant cependant pas pour autant, de son côté, de la nature et de l'étendue du préjudice ayant résulté pour elle de la demande de sursis à exécution introduite par la société AMEX, sa demande tendant à la condamnation de la société AMEX au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ne peut qu'être rejetée également.

Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

1. Aux termes des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile : 'Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; 2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat' ;

2. Il sera fait une équitable appréciation des circonstances de l'espèce en condamnant la société AMEX à verser à la société BERTRAND LEPICARD la somme de

3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .

Sur les dépens :

1. Aux termes des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile : 'La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie ['.]'.

2. La société AMEX sera condamnée aux entiers dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

statuant par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe,

Déboute la société AMEX de ses entières demandes ;

Déboute la société SARL BERTRAND LEPICARD de sa demande de dommages et intérêts ;

Condamne la société AMEX à verser à la société BERTRAND LEPICARD la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société AMEX aux entiers dépens.

Le greffier, Le président de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre premier président
Numéro d'arrêt : 23/00014
Date de la décision : 05/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-05;23.00014 ?
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