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05/04/2023 | FRANCE | N°22/00059

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre premier président, 05 avril 2023, 22/00059


N° RG 22/00059 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JGUA





COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ



DU 5 AVRIL 2023











DÉCISION CONCERNÉE :



Décision rendue par le tribunal de commerce de Rouen en date du 25 juillet 2022





DEMANDERESSE :



Sas PASTACORP

RCS de Nanterre 423 068 303

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDI

E, avocat au barreau de Rouen et Me Marion NGO, avocat au barreau de Paris,







DÉFENDERESSE :



Sasu ACIERINOX MATERIEL

RCS de Rouen 422 703 363

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par Me Yves MAHIU de la SELA...

N° RG 22/00059 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JGUA

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 5 AVRIL 2023

DÉCISION CONCERNÉE :

Décision rendue par le tribunal de commerce de Rouen en date du 25 juillet 2022

DEMANDERESSE :

Sas PASTACORP

RCS de Nanterre 423 068 303

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de Rouen et Me Marion NGO, avocat au barreau de Paris,

DÉFENDERESSE :

Sasu ACIERINOX MATERIEL

RCS de Rouen 422 703 363

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Yves MAHIU de la SELARL DE BEZENAC ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen

DÉBATS  :

En salle des référés, à l'audience publique du 8 mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 5 avril 2023, devant Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont attribuées,

Assistée de Mme Catherine CHEVALIER, greffier

DÉCISION :

Contradictoire

Prononcée publiquement le 5 avril 2023, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signée par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*****

Par jugement du 25 juillet 2022, le tribunal de commerce de Rouen a :

- fixé le montant de la prestation relative à la réalisation d'un poste de déchargement portuaire livré à la Sas Pastacorp par la Sasu Acierinox matériels à la somme de

530 250 euros HT outre la TVA au taux en vigueur,

- condamné la Sas Pastacorp à verser à la Sasu Acierinox matériels le solde dû au titre de cette prestation après déduction de la somme de 227 600 euros réglée à titre d'acomptes soit la somme de 302 650 euros HT outre la TVA au taux en vigueur,

- condamné la Sas Pastacorp à une indemnité de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sas Pastacorp aux dépens qui comprendront les frais d'expertise dont les frais de greffe liquidés à la somme de 70,91 euros.

Par déclaration reçue au greffe le 28 octobre 2022, la Sas Pastacorp a formé appel de la décision.

Par assignation en référé délivrée le 27 octobre 2022 puis par conclusions notifiées le 7 février 2023, la Sas Pastacorp demande, au visa de l'article 514-3 du code de procédure civile, l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement entrepris, la condamnation de la Sasu Acierinox à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

Elle expose qu'elle a sollicité en première instance l'absence de prononcé de l'exécution provisoire du jugement ; qu'elle est recevable à agir en référé même si le tribunal a omis de statuer sur cette demande.

Elle invoque des moyens sérieux de réformation de la décision :

- le tribunal ne pouvait pas réviser le prix contractuellement convenu entre les parties en requalifiant notamment le contrat de vente en contrat d'entreprise ;

- le montant de la condamnation prononcée est fondé sur un calcul erroné puisque l'évaluation faite par le tribunal aboutit à un investissement de 84 820 euros HT soit un investissement de 2,6 fois supérieur au montant initialement prévu et sans plus-value pour elle, sans chiffrage intermédiaire ;

- le tribunal a manifestement violé la loi et le droit à un procès équitable en ce que la motivation n'est qu'apparente et ne comporte aucune analyse des éléments du dossier, des pièces produites, vise également une décision de la Cour de cassation postérieure à l'audience et donc sans débats sur ce point.

Elle expose qu'en outre, elle justifie des risques de conséquences manifestement excessives de l'exécution provisoire applicable à la décision critiquée : même si le chiffre d'affaires de l'entreprise est conséquent, il n'en reste pas moins que ses bénéfices sont faibles au prorata dans un contexte économique complexe imposant la prudence.

Par conclusions notifiées le 10 janvier 2023, soutenues à l'audience du 8 mars 2023, la Sasu Acierinox demande le débouté des demandes de la Sas Pastacorp, le cantonnement de l'exécution provisoire du jugement à la somme de 205 250 euros en raison de l'erreur de calcul commise par le tribunal, la condamnation de la Sas Pastacorp à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens qui comprendront les frais d'expertise.

Il conteste l'argumentation développée par la demanderesse en rappelant la possibilité pour une juridiction de requalifier la relation contractuelle entre les parties, parfaitement justifiée en l'espèce en ce que la complexité de l'installation acquise et les avenants régularisés, non utilement critiqués par la partie adverse, entre les parties conduisent à la requalification de la convention. La mauvaise appréciation qui lui reprochée du projet initial à l'origine des modifications des prestations d'une part et l'absence de valeur ajoutée des équipements au fonctionnement de la Sas Pastacorp d'autre part sont des arguments qui peuvent être écartés à la lecture notamment du rapport d'expertise.

Le calcul erroné effectué par la première juridiction justifie, acomptes déduits, l'évaluation du solde dû à la somme de 205 250 euros au lieu de 302 000 euros comme visé dans le jugement.

Elle reprend les chiffres relatifs à la santé financière de la Sas Pastacorp pour soutenir que le paiement de la condamnation dans la limite ci-dessus indiquée n'emporterait pas les conséquences alléguées, la débitrice ne faisant pas la démonstration de réelles difficultés au regard des bénéfices et éléments favorables sur son développement.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 8 mars 2023.

MOTIFS

L'article 514-3 du code de procédure civile dispose qu'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

Sur la recevabilité de la demande

Il est acquis aux débats que le tribunal n'a pas statué sur la demande relative à l'exécution provisoire de la décision formée par la Sas Pastacorp.

En effet, le tribunal rappelle en page 5 de sa décision le principe de l'exécution provisoire de plein droit de la décision expliquant ne pas avoir à statuer 'sur cette demande'. Il ressort toutefois que le premier juge dispose en application de l'article 514-1 du code de procédure civile d'écarter la règle susvisée.

Il n'y a pas lieu de sanctionner la Sas Pastacorp de ce chef, sa demande étant recevable au sens de l'article 514-3 du même code.

Sur l'arrêt de l'exécution provisoire

Les moyens sérieux de réformation de la décision

Sans qu'il ne soit nécessaire d'entrer dans l'argumentation développée par les parties sur les conditions d'exécution du contrat et sa requalification, il convient de relever des manquements dans le jugement entrepris susceptibles de provoquer son infirmation :

- pour dire que le contrat liant les parties est un contrat d'entreprise au sens de l'article 1787 du code civil, la juridiction cite, expressément et exclusivement, les motifs d'un arrêt de la Cour de cassation du 20 avril 2022, prononcé postérieurement à l'audience de plaidoiries qui s'est tenue le 7 mars 2022, en violation manifeste du principe du contradictoire, sans se référer aux pièces du dossier permettant à la fois d'établir l'intention des parties et la nature du contrat ;

- pour qualifier le marché de forfaitaire, la décision reprend dans les mêmes conditions un arrêt de la Cour de cassation du 30 mars 2004, sans description et analyse des pièces versées aux débats ;

- quant au montant de la prestation due, la juridiction renvoie au rapport d'expertise sans autres précisions quant aux éléments fondant sa propre évaluation des sommes dues ;

- enfin, les parties conviennent d'une erreur de calcul par la juridiction à hauteur d'environ 100 000 euros soit une créance due de 205 250 euros HT au lieu de

302 650 euros HT.

Il existe en raison de ces différentes constatations permettant de caractériser un défaut de motivation de la décision et une violation du principe du contradictoire des moyens sérieux d'infirmation de la décision.

Sur les conséquences manifestement excessives de l'exécution provisoire

Même si les parties conviennent de l'erreur de calcul justifiant une réduction des condamnations, l'exécution provisoire d'un titre entaché d'une erreur importante constitue une conséquence significative. L'augmentation du coût soit plus de

800 000 euros au lieu de 325 000 HT lors de la commande du 21 mars 2013 représente un investissement échappant à la prévision comptable et financière initiale, ce d'autant plus que les aléas de livraison et de jugement créent une insécurité économique pour la Sas Pastacorp, débitrice mais néanmoins cliente de la Sasu Acierinox elle-même tenue dans l'exécution des prestations à certaines obligations.

Le montant du chiffre d'affaires de la société en 2021 s'est élevée à la somme de

77 011 896 euros, les charges ont représentées la somme de 75 033 050 euros pour un résultat net de 822 926 euros soit 68 577,16 euros par mois. En 2022, le chiffre d'affaires à prospérer pour atteindre 99 293 273 euros mais 104 714 494 euros de charges et un résultat net déficitaire de 1 380 281 euros.

Compte tenu des incertitudes quant au principe de la créance et à son montant, alors que la Sas Pastacorp bénéficie certes d'une croissance d'activité mais supporte également des exigences soutenues quant à la gestion des charges imposées par l'activité, l'exécution provisoire d'un jugement erroné pour un montant important ne peut que contribuer à majorer lesdites charges, supérieures au chiffres d'affaires en 2022, dans un contexte inflationniste.

Les conséquences attachées à cette exécution seraient manifestement excessives pour la Sas Pastacorp alors que la Sasu Acierinox a reçu des acomptes proches du montant initial de la commande.

Il est fait droit à l'arrêt de l'exécution provisoire de la décision critiquée..

Sur les mesures accessoires

La décision étant rendue dans l'intérêt exclusif de la Sas Pastacorp et avant toute décision au fond de la cour, celle-ci supportera les dépens de la procédure de référé sans qu'il y ait lieu de statuer sur les dépens générés notamment par l'expertise judiciaire en ce qu'ils relèvent de la procédure au fond.

En équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

statuant par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe,

Prononce l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement prononcé le 25 juillet 2022 par le tribunal de commerce de Rouen,

Déboute les parties de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Sas Pastacorp aux dépens du présent référé.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre premier président
Numéro d'arrêt : 22/00059
Date de la décision : 05/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-05;22.00059 ?
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