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05/04/2023 | FRANCE | N°21/01471

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 05 avril 2023, 21/01471


N° RG 21/01471 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IXR6







COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 5 AVRIL 2023









DÉCISION DÉFÉRÉE :



11-20-0927

tribunal judiciaire d'Evreux du 22 mars 2021



APPELANTS :



Monsieur [V] [M]

né le 25 septembre 1940 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Localité 3]



comparant, représenté par Me Quentin ANDRE de la Scp BARON COSSE ANDRE, avocat au barreau de l'Eure et assisté par Me Mich

el BARON





Madame [E] [M]

née le 19 mai 1942 à [Localité 7]

[Adresse 4]

[Localité 3]



comparante, représentée par Me Quentin ANDRE de la Scp BARON COSSE ANDRE, avocat au barreau de l'Eure et assistée p...

N° RG 21/01471 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IXR6

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 5 AVRIL 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

11-20-0927

tribunal judiciaire d'Evreux du 22 mars 2021

APPELANTS :

Monsieur [V] [M]

né le 25 septembre 1940 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Localité 3]

comparant, représenté par Me Quentin ANDRE de la Scp BARON COSSE ANDRE, avocat au barreau de l'Eure et assisté par Me Michel BARON

Madame [E] [M]

née le 19 mai 1942 à [Localité 7]

[Adresse 4]

[Localité 3]

comparante, représentée par Me Quentin ANDRE de la Scp BARON COSSE ANDRE, avocat au barreau de l'Eure et assistée par Me Michel BARON

INTIMEE :

Madame [S] [R] divorcée [Z]

née le 12 janvier 1948 à [Localité 9]

[Adresse 5]

[Localité 3]

comparante, représentée et assistée par Me Xavier HUBERT de la Scp HUBERT - ABRY LEMAITRE, avocat au barreau de l'Eure

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 7 novembre 2022 sans opposition des avocats devant Mme Magali DEGUETTE, conseillère, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,

M. Jean-François MELLET, conseiller,

Mme Magali DEGUETTE, conseillère,

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER,

DEBATS :

A l'audience publique du 7 novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 1er février 2023, le délibéré a été prorogé au 5 avril 2023 en raison de la production tardive par les parties de l'original du rapport d'expertise judiciaire du 20 juillet 2012 qui leur a été demandée en cours de délibéré, les photographies contenues dans les exemplaires de ce rapport produits en photocopie par les parties à l'issue des débats étant inexploitables.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 5 avril 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mme [S] [R] est propriétaire d'une parcelle située n°[Adresse 5], cadastrée section AX n°[Cadastre 2], et voisine de la parcelle appartenant à M. [V] et Mme [E] [M] située au n°28 et cadastrée section AX n°[Cadastre 1].

Par ordonnance du 18 janvier 2011, le juge des référés du tribunal d'instance d'Evreux, saisi par Mme [S] [R] le 20 octobre 2010, a ordonné une expertise pour établir un rapport d'arpentage et de délimitation desdites parcelles et a désigné à cet effet M. [P] [X], géomètre-expert. Celui-ci a établi son rapport d'expertise le 20 juillet 2012.

Suivant acte d'huissier de justice du 31 juillet 2020, Mme [S] [R] a fait assigner ses voisins devant le tribunal judiciaire d'Evreux, aux fins d'ordonner le bornage de leurs propriétés, de leur enjoindre de réimplanter leur clôture, d'arracher une haie de thuyas implantée sur leur fonds, de mettre aux normes leur cheminée et de l'indemniser de ses préjudices.

Par jugement du 22 mars 2021, le tribunal judiciaire d'Evreux a :

- dit que la limite de propriété entre les parcelles de Mme [S] [R] sise au [Adresse 5], cadastrée sous le numéro [Cadastre 2], et de M. [V] [M] et Mme [E] [M], cadastrée sous le numéro [Cadastre 1], s'établit selon la ligne droite brisée figurée les points 103, 104, 101, 102 et K', portés au plan annexé au rapport d'expertise judiciaire du 20 juillet 2012, annexé au présent jugement,

- ordonné le bornage des parcelles selon cette limite, aux frais communs de Mme [S] [R], d'une part, et de M. [V] [M] et Mme [E] [M], d'autre part,

- condamné M. [V] [M] et Mme [E] [M] à supprimer les clôtures implantées sur la propriété de Mme [S] [R],

- condamné M. [V] [M] et Mme [E] [M] à arracher les arbres implantés sur leur propriété à moins de cinquante centimètres de la limite de propriété de Mme [S] [R],

- débouté Mme [S] [R] de sa demande de paiement au titre de la réparation de son mur,

- débouté Mme [S] [R] de sa demande de mise aux normes de sa cheminée,

- débouté Mme [S] [R] de sa demande d'indemnisation au titre du trouble anormal de voisinage,

- débouté M. [V] [M] et Mme [E] [M] de leur demande de paiement de la somme de 85,80 euros,

- débouté Mme [S] [R], M. [V] [M] et Mme [E] [M] de leurs demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens de l'instance seront supportés par moitié par les parties,

- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire,

- rejeté toute demande plus ample ou contraire.

Par déclaration du 8 avril 2021, les époux [M] ont formé un appel contre le jugement.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 5 juillet 2022, M. [V] et Mme [E] [M] demandent de voir :

- infirmer le jugement rendu le 22 mars 2021 par le tribunal judiciaire d'Evreux en ce qu'il a :

. dit que la limite de propriété entre les parcelles de Mme [S] [R] sise au [Adresse 5], cadastrée sous le numéro [Cadastre 2] et de M. [V] [M] et Mme [E] [M] cadastrée sous le numéro [Cadastre 1], s'établit selon la ligne droite brisée figurée les points 103, 104, 101, 102 et K', portés au plan annexé au rapport d'expertise judiciaire du 20 juillet 2012, annexé au présent jugement,

. ordonné le bornage des parcelles selon cette limite, aux frais communs de Mme [S] [R], d'une part, et de M. [V] [M] et Mme [E] [M], d'autre part,

. condamné M. [V] [M] et Mme [E] [M] à supprimer les clôtures implantées sur la propriété de Mme [S] [R],

. condamné M. [V] [M] et Mme [E] [M] à arracher les arbres implantés sur leur propriété à moins de cinquante centimètres de la limite de propriété de Mme [S] [R],

. débouté M. [V] [M] et Mme [E] [M] de leur demande de paiement de la somme de 85,80 euros,

. débouté Mme [S] [R], M. [V] [M] et Mme [E] [M] de leurs demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner le bornage des parcelles respectives des parties selon la ligne figurée sur le plan joint au rapport d'expertise judiciaire de M. [X] du 20 juillet 2012 entre les points 103, 104, 101, I, K', K et j,

- dire n'y avoir lieu à déplacement ou enlèvement des clôtures qu'ils ont établies sur leur fonds, en déboutant Mme [S] [R] de ce chef de demande,

- à titre subsidiaire, et pour le cas où la cour confirmerait le jugement de première instance en ce qu'il a fixé la limite séparative entre les points 101 et 102 dudit plan, dire que la mesure de déplacement de la clôture ne portera que sur cette partie du tracé de cette limite séparative,

- débouter Mme [S] [R] de sa demande tendant à l'arrachage de la haie de thuyas situés sur leur parcelle le long de la limite marquée par les points K à j dudit plan,

- condamner Mme [S] [R] à leur payer la somme de 85,80 euros au titre des frais de remplacement du grillage, outre celle de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés à l'occasion de l'expertise judiciaire et de la procédure de première instance,

- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a :

. débouté Mme [S] [R] de sa demande de paiement au titre de la réparation de son mur,

. débouté Mme [S] [R] de sa demande de mise aux normes de sa cheminée,

. débouté Mme [S] [R] de sa demande d'indemnisation au titre du trouble anormal de voisinage,

- condamner Mme [S] [R] à leur payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés à l'occasion de la procédure d'appel, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

Ils exposent que, s'agissant de la portion de la [Adresse 5] jusqu'à la maison de Mme [S] [R], il ressort des titres de propriété des 7 juin 1927 et 17 novembre 1937 que la limite de propriété avec le fonds voisin passe au milieu du mur qui existait déjà en 1937, même s'il est aujourd'hui très dégradé, et qu'elle doit donc être entérinée selon les conclusions de l'expert judiciaire sur une ligne passant par les points 103, 104, 101, I' et I sur son plan.

Ils contestent le tracé de la ligne divisoire du point 101 au point 102, car aucun élément ne justifie que l'angle ouest de leur maison (point I) ne soit pas reconnu comme fixant la limite séparative, ce qui les prive de la bande de terrain entre les points 101, 102 et I, que le débord du toit de la maison de Mme [S] [R] de 41 centimètres sur leur fonds sur toute la longueur du pignon ne constitue pas la preuve de la propriété de la partie de terrain située au-dessous au regard de la jurisprudence sur l'article 552 du code civil ; que les traces de scellement existant sur le mur de leur maison ne sont pas celles de l'ancienne clôture mais d'un ancien auvent qu'ils ont supprimé.

Ils précisent ensuite que le tribunal n'a pas tenu compte du point I, à l'angle de leur maison, alors qu'il n'existait aucune divergence pour que la ligne divisoire soit constituée par le nu extérieur du pignon nord-ouest de leur maison du point I au point K', qu'ils se trouvent ainsi privés de la propriété du triangle formé par les points 102, I et K ; qu'il n'existe pas de litige sur la ligne séparative constituée par la clôture mitoyenne du point K au point j ; que le cadastre n'a jamais constitué la preuve d'un droit de propriété ou d'une limite séparative de sorte que le postulat de Mme [S] [R] est erroné ; que la clôture en grillage installée de la rue jusqu'à la maison de leur voisine est implantée sur leur fonds très en-decà du mur ancien.

Ils font valoir qu'à partir de 2009, Mme [S] [R] a refusé qu'ils passent chez elle pour effectuer la taille annuelle des thuyas plantés sur leur fonds le long de la limite séparative entre les points k et j ; que le tribunal a retenu à tort qu'ils étaient plantés à moins de 50 centimètres de la limite séparative ; que Mme [S] [R] ne produit aucun justificatif de ce non-respect de l'article 671 du code civil ; qu'ils justifient de l'intervention d'une entreprise au cours de l'hiver 2021-2022 pour tailler annuellement ladite haie ; que la demande de Mme [S] [R] se heurte à la prescription de l'article 672 du code précité puisque cette haie a été plantée en 1985, soit depuis plus de 30 ans.

Ils ajoutent que Mme [S] [R] ne démontre pas que les traces montrées à Me [I] lors de son constat de juin 2019 étaient de la suie et provenaient de leur cheminée ; qu'en tout état de cause, ils ont fait remplacer leur ancienne chaudière au fioul par une chaudière au gaz en octobre 2021 ; que le mur en palplanches de Mme [S] [R], qui n'est pas mitoyen, n'a jamais été entretenu et qu'il lui incombe d'en supporter seule le coût de la réfection ou de la reconstruction.

Ils indiquent enfin qu'à de nombreuses reprises, ils ont protesté contre la suppression par leur voisine de la partie inférieure de la clôture métallique mitoyenne située au fond de leurs jardins respectifs entre les points k et j qui a contribué à affaiblir le grillage dans son ensemble, de sorte qu'elle leur est redevable du coût d'un grillage d'1,50 mètre de hauteur sur 38 mètres de longueur de 85,80 euros.

Par dernières conclusions notifiées le 26 octobre 2021, Mme [S] [R] divorcée [Z] sollicite de voir :

- infirmer le jugement du 22 mars 2021 rendu par le tribunal judiciaire d'Evreux en ce qu'il a :

. dit que la limite de propriété entre les parcelles de Mme [S] [R] sise au [Adresse 5], cadastrée sous le numéro [Cadastre 2] et de M. [V] [M] et Mme [E] [M] cadastrée sous le numéro [Cadastre 1], s'établit selon la ligne droite brisée figurée les points 103, 104, 101, 102 et K', portés au plan annexé au rapport d'expertise judiciaire du 20 juillet 2012, annexé au présent jugement,

. débouté Mme [S] [R] de sa demande de paiement au titre de la réparation de son mur,

. débouté Mme [S] [R] de sa demande d'indemnisation au titre du trouble anormal de voisinage,

. débouté Mme [S] [R] de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

. dit que les dépens de l'instance seront supportés par moitié par les parties,

- ordonner le bornage des parcelles respectives des parties selon une ligne partant au sud-ouest de la propriété sur la moitié du poteau séparatif des deux propriétés (à la pointe de diamant) jusqu'aux points 102, K, et J du rapport d'expertise [X],

- condamner les appelants au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre du trouble anormal de voisinage,

- condamner les appelants aux dépens de première instance et d'appel et au paiement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens,

- confirmer le jugement de première instance pour les autres dispositions en ce qu'il a :

. condamné M. [V] [M] et Mme [E] [M] à supprimer les clôtures implantées sur la propriété de Mme [S] [R],

. condamné M. [V] [M] et Mme [E] [M] à arracher les arbres implantés sur leur propriété à moins de cinquante centimètres de la limite de propriété de Mme [S] [R],

. débouté M. [V] [M] et Mme [E] [M] de leur demande de paiement de la somme de 85,80 euros.

Elle fait valoir que la division du fonds originaire de M. et Mme [T] est intervenue le 7 juin 1927 selon une ligne géométrique excluant toute ligne brisée comme en témoigne l'extrait du plan cadastral ; que pour déterminer l'axe de la ligne séparative, il faut se reporter à l'acte d'acquisition de M. et Mme [M] faisant obligation à leur auteur d'édifier un mur à cheval sur la ligne de division ; que le pignon de leur maison a été construit conformément à cette clause ; que la ligne séparative des deux propriétés doit partir de la ligne médiane du mur large de 40 centimètres et en ligne droite ; que son point de départ est la baguette positionnée au milieu du pilier à partir de laquelle se trouvent au sol des fondations en ciment réalisées par M. [O], auteur de M. et Mme [M], suivant une ligne droite qui forme l'exacte limite de propriété.

Elle ajoute que M. et Mme [M] ont tenté d'effacer cette limite en adossant une clôture en grillage contre le mur vétuste et dégradé de M. [Y], constructeur de sa maison, qu'il avait édifié en retrait sur sa propriété et qui ne constitue pas la limite séparative des fonds.

Elle précise ensuite que les thuyas de ses voisins plantés à moins de 50 centimètres de la ligne séparative des fonds et qui dépassent deux mètres en violation des articles 671 et 672 du code civil doivent nécessairement être arrachés ; qu'elle a subi un trouble anormal de voisinage du fait des suies de la cheminée de ses voisins et de la privation de la jouissance de la totalité de sa propriété, qu'en effet, les époux [M] ont empiété sur sa propriété sur la partie sud-est de la ligne séparative et ont laissé leur haie de thuyas déborder de plusieurs mètres sur son fonds ; que ces derniers ne justifient pas qu'elle a supprimé pour partie la clôture mitoyenne située au fond de leurs parcelles.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 12 octobre 2022.

MOTIFS

Sur le bornage

Selon l'article 646 du code civil, tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës. Le bornage se fait à frais communs.

Les énonciations du cadastre et les délimitations cadastrales n'ont aucune valeur, en présence de titres clairs et précis, mais, à défaut, elles peuvent être utilisées comme éléments de la décision du juge à titre de présomption.

- Sur le point de départ du tracé de la limite séparative

Il est constant que les parcelles des parties constituaient jusqu'au 7 juin 1927 un terrain d'un seul tenant appartenant à M. et Mme [T]. A cette date, ces derniers ont divisé leur propriété. Ils ont vendu la parcelle AX n°[Cadastre 2] à M. [Y] et la parcelle contigüe AX n°[Cadastre 1] à M. [O] avec les conditions suivantes :

- l'obligation pour M. [O], au cas où il voudrait clore son terrain par un mur et le ferait édifier seul, de construire ce mur à cheval sur la ligne de division séparant les deux terrains de façon que, si M. [Y] voulait acquérir la mitoyenneté de ce mur, il n'aurait à rembourser que la moitié de la valeur de la construction. Il a été prévu que cette obligation soit étendue aux héritiers et représentants de M. [O] ainsi qu'à ses acquéreurs futurs,

- la même obligation tant pour M. [Y] que pour ses acquéreurs futurs, ses héritiers et représentants, en cas de vente de son terrain.

Aux termes de l'acte de vente de leur parcelle à M. [C] du 17 novembre 1937, M. et Mme [Y] ont indiqué avoir fait construire à leurs frais un mur sur la ligne de division séparant leur terrain de celui voisin appartenant à cette époque à

M. [U]. Cette clause a été reproduite dans l'acte de vente de M. et Mme [C] à M. et Mme [J] du 11 février 1964.

Ce mur n'est pas celui qui est situé le long du fonds de M. et Mme [M], au sud-est, et dont Mme [R] revendique la propriété. M. [U] n'est pas un des auteurs de M. et Mme [M], ni d'ailleurs M. [L] dont le nom figure dans l'acte de vente du 11 février 1964. Il s'agit du mur séparant la parcelle AX n°[Cadastre 2] des parcelles contigües situées au nord-ouest.

Dans l'acte de vente de M. [D] à M. et Mme [M] du 27 novembre 1973, a été inséré un extrait de l'acte de vente de M. [O] à M. [A] du 11 septembre 1935 visant l'obligation précitée et, à la page 6, l'indication selon laquelle 'Mme [O] venderesse déclare que son défunt mari et elle n'ont pas fait édifier de mur, pour séparer leur propriété de celle de Mr [Y], mais ont simplement installé une cloture en treillage dépendant de la propriété présentement vendue.'.

L'implantation de cette clôture sur le fonds de M. et Mme [M], dont le muret de base a été conservé, n'est pas utilement remise en cause.

Mme [R] produit uniquement un extrait cadastral qui ne permet pas de l'infirmer ou de la confirmer.

En revanche, la localisation de cette clôture est corroborée par l'analyse de l'expert judiciaire selon laquelle le pilier sur la face intérieure duquel avait été fixée cette ancienne clôture et qui est surmonté d'un chapeau en pointe de diamant appartient à la parcelle des époux [M]. Celui-ci a noté qu'en façade sur rue, le mur du côté de la propriété de M. et Mme [M] est en pierres de Vernon alors qu'il est enduit du côté de la propriété de Mme [R] et que les piliers constituant le mur de la propriété de M. et Mme [M] sont surmontés d'un chapeau en pointe de diamant, alors que ceux supportant la barrière de Mme [R] le sont d'un chapeau plat.

Les titres de propriété ne renseignent pas sur l'auteur et la date de l'édification du mur en palplanches ancien et vétuste dont le départ se situe à proximité du pilier donnant sur la rue de [Localité 8] et s'arrête au droit de l'angle sud-est de la maison de Mme [R] par un retour d'équerre sur celle-ci.

Mme [R] affirme que M. [Y] a construit ce mur. De leur côté, M. et Mme [M] indiquent que ce mur est la propriété exclusive de celle-ci puisqu'il a été construit par un de ses prédécesseurs et qu'il n'est pas mitoyen.

Ce mur a été édifié par un propriétaire de la parcelle AX n°[Cadastre 2] à cheval sur la ligne de division séparant les deux terrains, conformément à l'obligation conventionnelle précitée pesant sur M. [Y] ou ses acquéreurs successifs en cas de vente. L'expert judiciaire a d'ailleurs relevé que ce mur ne s'accrochait pas sur l'angle du pilier. Il s'en déduit que cet angle est bien situé sur le fonds de M. et Mme [M] et juste en-deçà et en parallèle de la ligne séparative matérialisée par ce mur qui appartient à Mme [R].

Dès lors, la ligne séparant les fonds des parties prend pour point de départ le point 103, puis le point 104, et se prolonge jusqu'au point 101 sur le milieu de la largeur du mur vétuste, tel que représentée par l'expert judiciaire sur le plan de masse modifié et annexé à son rapport d'expertise.

- Sur le tracé de la limite séparative à partir du point 101

L'expert judiciaire a pris en compte l'aplomb de la gouttière de la maison de Mme [R] et les marques de scellement dans la façade sud-ouest de la maison de M. et Mme [M] pour définir la limite séparative à partir du point 101 jusqu'au point 102. Il précise que le point I doit être déplacé de 18 centimètres vers le sud-est pour correspondre au point 102 situé à 45 centimètres du nu du mur de l'habitation de Mme [R].

Cependant, d'une part, comme justement souligné par M. et Mme [M], le propriétaire du dessus n'est pas présumé propriétaire du sol. En effet, l'article 552 du code civil prévoit uniquement que la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous. L'aplomb de la gouttière n'est donc pas un critère de détermination de la limite divisoire des fonds.

D'autre part, M. et Mme [M] justifient, au moyen de cinq clichés photographiques, que les trois traces de scellement existant à 16 centimètres du pignon de leur maison ne sont pas celles de la fixation de l'ancienne clôture, mais celles d'un auvent installé par leurs auteurs sous forme de plaques scellées au mur par une structure métallique pour supprimer le courant d'air passant à cet endroit et qu'ils ont enlevé. Cet élément ne peut donc pas être retenu.

Le moyen de Mme [R], selon lequel le pignon de la maison de M. et Mme [M] a été construit conformément à l'obligation faite aux auteurs de ceux-ci d'édifier un mur à cheval sur la limite séparative des deux propriétés et doit être le critère de détermination de celle-ci en ligne droite, ne peut pas davantage être pris en compte. Cette condition a été prévue uniquement dans l'intention de se clore et non pas dans l'intention de régir l'implantation des immeubles à venir sur la parcelle.

En conséquence, la ligne séparative des fonds des parties à partir du point 101 se prolonge jusqu'au point I à l'angle de l'immeuble d'habitation M. et Mme [M], jusqu'aux points successifs k', k, et j.

En définitive, le bornage des parcelles AX n°[Cadastre 2] et [Cadastre 1] sera ordonné selon la limite séparative matérialisée par la ligne reliant les points 103, 104, 101, I, k', k et j. La demande de suppression des clôtures de ses voisins présentée par Mme [R] sur le fondement de l'article 555 du code civil sera rejetée. La décision du premier juge ayant retenu un tracé différent et accueilli cette prétention de Mme [R] sera infirmée.

Sur l'arrachage des thuyas

L'article 671 du code civil précise qu'il n'est permis d'avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu'à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d'un demi-mètre pour les autres plantations.

L'article 672 du même code prévoit que le voisin peut exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l'article précédent, à moins qu'il n'y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire. Si les arbres meurent ou s'ils sont coupés ou arrachés, le voisin ne peut les remplacer qu'en observant les distances légales.

Dans le cas présent, M. et Mme [M] soulèvent uniquement la fin de non-recevoir tirée de la prescription de cette demande dans les motifs de leurs écritures, et non pas dans le dispositif. En application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour d'appel n'est pas saisie de l'examen de ce moyen d'irrecevabilité.

Aux termes de son procès-verbal du 14 juin 2019, Me [I], huissier de justice, a constaté dans le jardin à l'arrière de la maison de Mme [R], le long de la limite séparative, que :

- des branches avançaient sur environ 1,50 mètre depuis la clôture sur une distance d'environ 9 mètres depuis la dépendance de Mme [R] et étaient d'une hauteur d'environ 2,10 à 2,30 mètres,

- à hauteur de cette dépendance, des branches mesuraient 2,40 à 2,50 mètres depuis la clôture sur toute la largeur du pignon et étaient d'une hauteur d'environ 2,10 à

2,30 mètres,

- au fond du jardin, la haie était constituée uniquement de troncs du côté de Mme [R] dont la coupe semblait récente. Existaient une distance d'environ

45 centimètres entre le centre d'un premier tronc et la clôture, sur le second, une distance de 48 centimètres, et sur le troisième, une distance de 38 centimètres.

Lors de son procès-verbal du 17 septembre 2021, Me [I] a constaté notamment :

- sur le pignon de la dépendance de Mme [R], la présence de branches importantes de résineux qui avançaient depuis le fonds de M. et Mme [M] sur celui de Mme [R] jusqu'à toucher le pignon de cette construction, les troncs de ces branches traversant la clôture séparative,

- à l'arrière de cette dépendance, la présence de branches coupées qui traversaient le grillage séparatif des fonds,

- à la suite, la présence de jeunes rameaux et d'une importante branche d'une longueur d'environ 3 mètres qui traversaient aussi la clôture séparative.

M. et Mme [M] démontrent au moyen des factures postérieures des 21 septembre 2020 et 15 mars 2022 de la société Accès Sap, de l'attestation de l'Eurl [M] David du 21 septembre 2020, et des clichés photographiques joints des 21 et 22 septembre 2020, qu'ils ont fait effectuer la taille de la haie de thuyas à hauteur de deux mètres.

Toutefois, les trois photographies qu'ils versent aux débats (leur pièce 23) dont une est datée du 7 janvier 2021, pour prouver une distance moindre de 50 centimètres de deux troncs d'arbres par rapport à la clôture séparative, ne sont pas suffisantes à justifier de l'objectivité des mesures ainsi effectuées. Ils n'établissent pas que le non-respect de la distance légale de 50 centimètres par rapport à la limite séparative tel que relevé ci-dessus par Me [I] n'existe plus.

La décision du premier juge ayant ordonné l'arrachage des arbres implantés sur le fonds de M. et Mme [M] à moins de cinquante centimètres de la limite de propriété, sera confirmée.

Sur l'indemnisation d'un trouble anormal de voisinage

Le premier juge a considéré que la preuve de la non-conformité du conduit de cheminée de M. et Mme [M] aux prescriptions du Dtu et de l'existence de dépôts de suie causés par les fumées s'en échappant n'était pas apportée.

Les deux clichés photographiques produits par Mme [R] représentent des poussières noires mélangées à des feuilles, balayées sur sa terrasse. Ils ne sont corroborés par aucun autre élément. Dans son constat du 14 juin 2019, Me [I] n'a effectué aucune constatation personnelle. Il a uniquement relaté ce qu'il voyait sur l'une de ces photographies. Dans son constat du 17 septembre 2021, il a seulement relevé l'existence de deux cheminées sur la maison de M. et Mme [M] et leur situation par rapport au faîtage.

En cause d'appel, Mme [R] ne produit aucun élément probant complémentaire.

Elle ne justifie pas davantage d'avoir été privée de la jouissance de la totalité de sa propriété du fait de ses voisins qui n'ont pas été auteurs d'un empiétement. S'il est exact, comme il a été jugé ci-dessus, que leur haie de thuyas a débordé sur son fonds, ce fait n'a pas excédé les inconvénients normaux de voisinage et l'accès à son jardin n'en a pas été rendu impossible même partiellement.

La décision du premier juge ayant rejeté cette demande indemnitaire sera confirmée.

Sur la réparation du mur en palplanches

Mme [R] sollicite la réformation de la décision du tribunal ayant rejeté cette réclamation, sans développer aucun moyen.

Cette disposition du jugement sera donc confirmée.

Sur le paiement de la somme de 85,80 euros

Comme le premier juge l'avait déjà souligné, M. et Mme [M] ne démontrent pas que la clôture mitoyenne située au fond de leur jardin a été partiellement supprimée par Mme [R].

En conséquence, la décision du tribunal ayant rejeté leur demande de règlement de la somme de 85,80 euros sera confirmée.

Sur les dépens et les frais de la procédure

Les dispositions de première instance sur les dépens et les frais de la procédure seront confirmées.

Chaque partie succombant, il sera fait masse des dépens auxquels seront condamnés M. et Mme [M] et Mme [R] avec répartition à hauteur de 50 %.

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile. Les demandes présentées à ce titre seront donc rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a :

- dit que la limite de propriété entre les parcelles de Mme [S] [R] sise au [Adresse 5], cadastrée sous le numéro [Cadastre 2], et de M. [V] [M] et Mme [E] [M], cadastrée sous le numéro [Cadastre 1], s'établit selon la ligne droite brisée figurée les points 103, 104, 101, 102 et K', portés au plan annexé au rapport d'expertise judiciaire du 20 juillet 2012, annexé au présent jugement,

- ordonné le bornage des parcelles selon cette limite, aux frais communs de Mme [S] [R], d'une part, et de M. [V] [M] et Mme [E] [M], d'autre part,

- condamné M. [V] [M] et Mme [E] [M] à supprimer les clôtures implantées sur la propriété de Mme [S] [R],

Statuant à nouveau sur ces chefs infirmés et y ajoutant,

Ordonne le bornage des parcelles cadastrées section AX n°[Cadastre 2] et AX n°[Cadastre 1]selon la limite séparative matérialisée par la ligne reliant les points 103, 104, 101, I, k', k et j figurant sur le plan joint au rapport d'expertise judiciaire du 20 juillet 2012 et annexé à la présente décision, et ce, aux frais communs de Mme [S] [R], d'une part, et de M. [V] et Mme [E] [M], d'autre part,

Déboute Mme [S] [R] de sa demande de suppression des clôtures implantées sur son fonds par M. [V] et Mme [E] [M],

Déboute les parties du surplus des demandes,

Fait masse des dépens et condamne Mme [S] [R] et M. [V] et Mme [E] [M], pris ensemble, aux dépens d'appel et condamne chacun à en supporter la moitié.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 21/01471
Date de la décision : 05/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-05;21.01471 ?
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