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30/03/2023 | FRANCE | N°19/02432

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 30 mars 2023, 19/02432


N° RG 19/02432 - N° Portalis DBV2-V-B7D-IGTP





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE



ARRET DU 30 MARS 2023











DÉCISION DÉFÉRÉE :





Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 15 Mai 2019





APPELANTS :





Monsieur [J] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 2]



représenté par Me Mehdi LOCATELLI de la SELARL CABINET LOCATELLI, avocat au barreau de l'EURE





SYNDICAT DES TRAVAILLEURS SOLIDAIRES, UNITAIRES ET DEMOCRATIQUES DE LA CHIMIE dit SUD CHIMIE

[Adresse 3]

[Localité 6]



représentée par Me Mehdi LOCATELLI de la SELARL CABINET LOCATELLI, avocat au barreau de l'EURE







INTIMEE...

N° RG 19/02432 - N° Portalis DBV2-V-B7D-IGTP

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 30 MARS 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 15 Mai 2019

APPELANTS :

Monsieur [J] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Mehdi LOCATELLI de la SELARL CABINET LOCATELLI, avocat au barreau de l'EURE

SYNDICAT DES TRAVAILLEURS SOLIDAIRES, UNITAIRES ET DEMOCRATIQUES DE LA CHIMIE dit SUD CHIMIE

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentée par Me Mehdi LOCATELLI de la SELARL CABINET LOCATELLI, avocat au barreau de l'EURE

INTIMEE :

SA SANOFI CHIMIE

[Adresse 4]

[Localité 5]

représentée par Me Eric DI COSTANZO de la SELARL ACT'AVOCATS, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Sarah BALLUET, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 22 Février 2023 sans opposition des parties devant Madame BACHELET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère, rédactrice

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 22 Février 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 30 Mars 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 30 Mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [J] [Z] a été mis à la disposition de la société Sanofi Chimie par la société Manpower dans le cadre de missions de travail temporaire effectuées entre le 6 janvier 2014 et le 30 juin 2016.

Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective nationale des industries chimiques.

Par requête en réinscription après radiation du 16 mars 2017, M. [Z] et la section syndicale « Sud Sanofi Chimie Elbeuf » ont saisi le conseil de prud'hommes de Rouen en requalification de la relation de travail du salarié en un contrat de travail à durée indéterminée, ainsi qu'en paiement de rappels de salaire et d'indemnités.

Par jugement du 15 mai 2019, le conseil de prud'hommes a dit irrecevable l'action de syndicat Sud Chimie à l'instance, l'a débouté de la totalité de ses demandes, dit qu'i1 y a lieu de fixer à 1 828,93 euros brut le montant du salaire de référence de M. [Z], dit qu'il n'y a pas lieu de prononcer la re-qualification en un unique contrat à durée indéterminée des trois missions effectuées par M. [Z] auprès de Sanofi Chimie du 30 septembre 2013 au 30 juin 2016, débouté M. [Z] de la totalité de ses demandes, débouté la SA Sanofi Chimie de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, laissé les dépens et éventuels frais d'exécution de l'instance à la charge de M. [Z].

M. [Z] et le syndicat Sud Chimie ont interjeté appel de cette décision le 14 juin 2019.

Par conclusions remises le 1er mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, M. [Z] et le syndicat Sud Chimie demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande présentée par la SA Sanofi Chimie au titre des frais irrépétibles, statuant à nouveau, requalifier la relation de travail de M. [Z] avec la SA Sanofi Chimie en contrat de travail à durée indéterminée, avec une date d'ancienneté fixée au 4 janvier 2014, condamner la SA Sanofi Chimie à verser à M. [Z] les sommes suivantes :

indemnité de requalification : 2 941,31 euros,

rappel de participation : 7 705,50 euros,

rappel d'intéressement : 4 713 euros,

indemnité compensatrice de préavis : 5 882,62 euros,

congés payés y afférents : 588,26 euros,

indemnité légale de licenciement : 1 421,63 euros,

dommages et intérêts résultant de la violation des délais de carence : 2 500 euros,

indemnité résultant de la nullité du licenciement, ou à titre subsidiaire, de licenciement sans cause réelle et sérieuse : 35 000 euros nets de CSG et de CRDS,

indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 2 500 euros,

- condamner la SA Sanofi Chimie à verser au syndicat Sud Chimie la somme de 150 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamner la SA Sanofi Chimie aux entiers dépens.

Par conclusions remises le 3 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la SA Sanofi Chimie demande à la cour d'annuler le jugement entrepris pour défaut de respect du contradictoire, confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu, en conséquence, déclarer irrecevable l'action du syndicat Sud Chimie faute pour ce syndicat d'être intervenu dans l'instance initiale, déclarer irrecevable l'action du Sud Chimie faute pour ce syndicat d'avoir justifié non seulement de sa capacité d'ester en justice mais également de son pouvoir d'ester en justice, débouter M. [Z] de ses demandes au demeurant injustifiées et disproportionnées, si des condamnations au titre de la requalification des contrats de travail temporaires de M. [Z] étaient mises à sa charge, dire que la Société Manpower France doit en garantir celles-ci à moitié soit 50 % des condamnations prononcées dans la mesure où elle n'a pas respecté les délais de carence prévus à l'article L. 1251-36 du code du travail et a en conséquence engagé sa responsabilité de ce chef, reconventionnellement, condamner M. [Z] et le syndicat Sud Chimie à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, condamner les demandeurs aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 9 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient de rappeler que, conformément à l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. Aussi, et alors que le syndicat Sud Chimie réclame dans l'exposé de ses moyens une somme de 1 500 euros par salarié à titre de dommages et intérêts, il ne reprend pas cette demande dans son dispositif. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur ce point.

I - Sur la demande d'annulation du jugement déféré

L'article 910-4 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En l'espèce, par conclusions signifiées le 3 juin 2022, la société Sanofi Chimie demande à la cour d'annuler le jugement rendu en première instance pour défaut du respect du contradictoire. Or, cette prétention est nouvelle et contraire aux dispositions de l'article 910-4 susvisé en ce qu'elle n'était pas émise dans les conclusions signifiées le 11 décembre 2009 prise en application de l'article 909 du code de procédure civile.

En conséquence, il convient de déclarer cette demande irrecevable.

II - Sur la recevabilité de l'action du syndicat Sud Chimie

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer son adversaire irrecevable, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité.

Et selon l'article 126 du même code, dans les cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

Conformément à l'article L.2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

En l'espèce, la société Sanofi Chimie soulève l'irrecevabilité de l'action du syndicat Sud Chimie aux motifs qu'il n'est pas intervenu régulièrement à l'instance et qu'il ne justifie pas de sa capacité et de son pouvoir d'ester en justice en l'absence d'un pouvoir spécial donné par le conseil syndical.

L'intervention volontaire du syndicat Sud Chimie aux lieu et place de la section syndicale « Sud Sanofi Chimie Elbeuf » est conforme aux dispositions des articles 328 et suivants et par suite exempte de toute critique, la radiation prononcée le 28 novembre 2016 étant totalement indifférente.

En outre, le syndicat Sud Chimie justifiant avoir déposé ses statuts à la mairie de [Localité 6] le 25 janvier 2016, sa personnalité morale et par suite sa capacité d'ester en justice sont caractérisées.

En revanche, s'agissant du pouvoir de son représentant, il y a lieu de relever que contrairement à ce que soutient la société Sanofi Chimie, l'article 13 des statuts ne confie aucunement au conseil syndical le pouvoir de représenter le syndicat en justice. En effet, cet article 13 est libellé comme suit : ' Entre deux congrès, le syndicat est administré par le conseil syndical. Le conseil syndical a la responsabilité de l'action et de l'organisation du syndicat dans le cadre des orientations définies par le congrès. Le conseil syndical désigne les représentants du syndicat dans l'entreprise dans les conditions définies dans l'article 2 - alinéa 6 et peut les révoquer. La révocation est soumise à la consultation majoritaire des adhérents de l'entreprise. Le conseil syndical se réunit deux fois par an. Il peut être convoqué de façon extraordinaire par le secrétaire national. Ses décisions, dans le respect de celles adoptées par le congrès sont prises à la majorité des membres présents. L'ordre du jour, élaboré par le secrétariat national peut être modifié par le conseil syndical, à la majorité des présents. Les membres du secrétariat National du syndicat, issus du conseil syndical par élection siègent au conseil en qualité de conseillers syndicaux.' Il en ressort que le pouvoir dévolu au conseil syndical est uniquement un pouvoir d'administration qui ne comprend pas celui d'ester en justice.

S'agissant du pouvoir d'action en justice, c'est l'article 20 des statuts qui est applicable et qui prévoit que 'le syndicat étant revêtu de la personnalité civile et juridique fera libre emploi de ses ressources. Il pourra acquérir, posséder, emprunter, prêter, ester en justice et faire tout acte juridique. Après avoir été délibérés et votés par le Secrétariat National, ces divers actes seront réalisés par le Secrétaire du syndicat, un membre du Secrétariat National ou, à défaut par un membre du Conseil syndical désigné et mandaté à cet effet.'

Le syndicat Sud Chimie produit un pouvoir donné le 27 avril 2016 par M. [P] secrétaire national Sud Chimie à M. [M] [N] 'pour assister 13 salariés à l'audience du bureau de jugement du 27 avril 2016 du conseil de prud'hommes de Rouen dans l'affaire qui les opposent à la société Sanofi Chimie'. Il verse également une 'autorisation d'action en justice' établie le 28 février 2022 par M. [S], secrétaire national qui 'sur délibération et décision de son secrétariat national', autorise M. [O] [X] à représenter le syndicat Sud chimie dans le cadre de la présente procédure.

Force est de constater qu'il n'est justifié ni de la délibération et décision du secrétariat national à laquelle l'autorisation d'agir en justice donnée par le secrétaire national ne saurait se substituer, ce dernier ne pouvant lui-même agir en justice que sur autorisation du secrétariat national, ni de la qualité de M [N] en 2016 et de M. [X] en 2022, et plus précisément de leur qualité de membre du secrétariat national ou du conseil syndical, seules ces personnes pouvant valablement, conformément aux dispositions de l'article 20 des statuts, être investies d'un pouvoir spécial d'ester en justice au nom du syndicat.

En conséquence, faute pour le syndicat Sud Chimie de justifier régulièrement du pouvoir d'ester en justice de son représentant personne physique dans le cadre de la présente instance, la cour confirme le jugement entrepris ayant déclaré son action irrecevable.

III - Sur la requalification du contrat de travail

Aux termes de l'article L. 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

Selon l'article L. 1251-6 du même code, sous réserve des dispositions de l'article L. 1251-7, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée 'mission' et seulement dans des cas limitativement énumérés, dont l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ou le remplacement d'un salarié absent.

Il incombe à l'entreprise utilisatrice de rapporter la preuve du motif invoqué, celui-ci s'appréciant au jour de la conclusion du contrat de mission.

En l'espèce, il est constant et établi par les contrats produits aux débats que M. [Z] a été mis à disposition de la société Sanofi Chimie en qualité d'agent de production en exécution de quatre contrats de missions de travail temporaire, une première du 6 janvier 2014 au 5 juillet 2015 en raison d'un accroissement temporaire d'activité liée au démarrage des ateliers UCI, une seconde du 6 juillet au 1er août 2015 en remplacement partiel de M. [B] [R] technicien d'atelier extraction en congés payés, une troisième du 2 août 2015 au 25 août 2015 en remplacement partiel de M. [O] [I] technicien d'atelier extraction en congés payés et une dernière du 25 août 2015 au 20 juin 2016 en raison d'un accroissement temporaire d'activité lié toujours lié au démarrage des ateliers UCI.

M. [Z] soutient que le poste ainsi occupé correspond en réalité à l'activité normale et permanente de la société Sanofi Chimie, qu'elle ne démontre pas que la création de cette ligne de production UCI a engendré un surcroît temporaire d'activité, faisant observer qu'il a été ainsi embauché sur plus de trois ans, ce qui tend à démontrer sur ce seul critère la pérennité de son poste et ce d'autant qu'il soutient avoir été immédiatement remplacé en juin 2016 par un nouveau salarié engagé en intérim pour accroissement temporaire d'activité. En outre, il relève que le délai de carence entre ses missions n'a pas été respecté, ce qui démontre également qu'en l'espèce, le recours au travail temporaire était un moyen pour la société Sanofi Chimie de pourvoir à des besoins structurels liés à un accroissement constant et stable de son activité, précisant à ce titre que le recours pendant un mois à un contrat de travail temporaire pour remplacement partiel d'un salarié est totalement fictif et frauduleux.

Concernant le premier contrat de mission conclu le 6 janvier 2014 et renouvelé jusqu'au 29 mars 2015, s'il n'est pas contesté qu'à partir de 2013, la société Sanofi Chimie a entendu développer une nouvelle chaîne de production d'hydrocortisone par un procédé innovant de fermentation par levure, elle ne démontre pas en quoi la création de cette nouvelle activité a justifié un surcroît temporaire d'activité.

En effet, alors qu'elle explique que la mise en place de cette activité a nécessité la formation des opérateurs permanents de l'entreprise sur les deux phases de fermentation et d'extraction du produit pendant de longues périodes de qualification, situation qui a nécessité le recours à des travailleurs temporaires pour faire face à l'augmentation de travail générée par cette nouvelle activité, elle produit elle-même aux débats les comptes-rendus des réunions du comité d'établissement qui établissent que dès le mois de mai 2013, soit bien avant la conclusion du premier contrat de mission de M. [Z], la société Sanofi Chimie subissait un retard important dans le démarrage de l'atelier UCI dédié à l'hydrocortisone pour lequel il était d'ores et déjà acté que ce démarrage se ferait au plus tôt en décembre 2013. Les comptes-rendus du comité d'établissement établis sur le début de l'année 2014 montre que le retard était plus important que prévu et qu'à cette époque, il n'était toujours pas question du démarrage effectif de l'atelier UCI qui, en réalité n'a commencé à être opérationnel qu'à la fin de l'année 2014.

De même, la production des bilans sociaux des années 2013 à 2017 est totalement inopérante à établir la véracité de ces allégations, puisque ces documents, s'ils reflètent l'activité salariale de l'entreprise, ne permettent aucunement de la relier à des données concernant son activité commerciale et sociale permettant de caractériser l'accroissement temporaire d'activité correspondant à l'augmentation de la présence d'emplois précaires au sein de l'entreprise.

Dans ces conditions, il n'est pas établi qu'au 4 janvier 2014, le besoin de main d'oeuvre supplémentaire pour mise en oeuvre de l'atelier UCI existait déjà.

En outre, l'employeur ne produit aucune pièce établissant que le poste de travail occupé par M. [Z] à compter du 4 janvier 2014 correspondait à un poste permanent laissé vacant pour cause de formation du salarié sur le nouveau projet.

Aussi, il y a lieu de considérer que la société Sanofi Chimie ne rapporte pas la preuve de la réalité du motif d'accroissement temporaire d'activité dès le mois de janvier 2014.

En conséquence, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés par M. [Z] pour justifier son action, il convient d'infirmer le jugement entrepris et d'ordonner la requalification des contrats de travail temporaires exécutés par M. [Z] entre le 4 janvier 2014 et le 20 juin 2016 au profit de la société Sanofi Chimie en un contrat à durée indéterminée.

IV - Sur le délai de carence

A titre liminaire, il convient de déclarer irrecevable le recours en garantie intentée par la société Sanofi Chimie contre la société Manpower, cette dernière n'était pas partie à l'instance.

S'il exact qu'il résulte des articles L. 1251-36 et L. 1251-37 du code du travail que l'entreprise de travail temporaire ne peut conclure avec un même salarié sur le même poste de travail, des contrats de missions successifs qu'à la condition que chaque contrat en cause soit conclu pour l'un des motifs limitativement énumérés par le second de ces textes, au nombre desquels ne figure pas l'accroissement temporaire d'activité, le non-respect de ces dispositions engage uniquement la responsabilité de l'entreprise de travail temporaire et non celle de l'entreprise utilisatrice.

Il s'en suit, qu'en l'espèce, même à considérer que les dispositions susvisées n'aient pas été respectées, la demande indemnitaire présentée par M. [Z] à ce titre contre la société Sanofi Chimie ne peut prospérer, étant surabondamment et en tout état de cause fait observer qu'il ne démontre aucunement l'existence d'un préjudice distinct du préjudice indemnisé au titre de la requalification du contrat de travail.

Le jugement est confirmé sur ce point.

V - Sur les conséquences de la requalification

Il convient de rappeler qu'en application de l'article L. 1251-40 du code du travail, par l'effet de la requalification des contrats de missions temporaires, le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un contrat intérimaire irrégulier. Il en résulte que le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de se prévaloir d'une ancienneté remontant au premier contrat irrégulier.

En l'espèce, la requalification étant effective à compter du 4 janvier 2014, M. [Z] peut se prévaloir d'une ancienneté de 2 ans et 6 mois, la relation contractuelle ayant pris fin le 20 juin 2016.

En outre, les parties s'accordent pour fixer le salaire moyen de M. [Z] à la somme de 2 941,31 euros.

V -a) Sur l'indemnité de requalification

Conformément à l'article L. 1251-41 du code du travail, il convient d'allouer à M. [Z] la somme de 2 941, 31 euros bruts correspondant à un mois de salaire au titre de l'indemnité de requalification.

V - b) Sur la prime d'intéressement et de participation

Conformément aux calculs faits par l'employeur et non contestés par M. [Z], la circonstance que celui-ci ait, par ailleurs, perçu des primes de participation et d'intéressement versées par la société Manpower étant indifférente, il convient d'allouer les sommes suivantes :

7 705,50 euros au titre du rappel sur les primes de participation des années 2013 à 2016,

4 713 euros au titre du rappel sur les primes d'intéressement pour les années 2013 à 2016.

V - c) Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Aux termes de l'article L.1234-1 du code du travail, le salarié qui justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans a droit à un préavis de deux mois. La convention collective applicable ne comporte pas de dispositions plus favorables en la matière.

Par conséquent, il convient d'allouer à M. [Z] la somme de 5 882,62 euros bruts, outre 588,26 euros bruts au titre des congés payés y afférents.

V - d) Sur l'indemnité légale de licenciement

En application des dispositions des articles L.1234-9 et R.1234-1 à R.1234-4 du code du travail dans leur rédaction applicable au présent litige, le salarié licencié qui compte au moins une année d'ancienneté au service du même employeur a droit à une indemnité de licenciement dont le montant ne peut être inférieur à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au delà de dix ans d'ancienneté.

En l'espèce, compte tenu de l'ancienneté de M. [Z], il convient de lui allouer à ce titre une somme de 1 421,63 euros.

V - e) Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

La relation de travail ayant été requalifiée en contrat à durée indéterminée, la rupture est intervenue sans mise en oeuvre d'une procédure de licenciement et sans justification d'un motif, de sorte qu'elle est sans cause réelle et sérieuse.

Il n'y a pas lieu de retenir la nullité du licenciement comme le soutient M. [Z], aucun lien de causalité n'étant valablement établi entre le terme du contrat de mission et l'existence d'une prétendue mesure de rétorsion de la part de l'employeur consécutivement à l'action prud'homale intentée par M. [Z]. Ainsi, s'il est exact qu'il a été mis un terme à la mission de M. [Z] le 20 juin 2016, cette situation ne résulte que de la stricte application des clauses du contrat qui prévoyaient un terme au 30 juin 2016 avec la possibilité de l'avancer au 20 juin ou de le reporter au 17 septembre 2016. L'extrait du comité d'établissement vanté par le salarié pour établir cette mesure de 'rétorsion' est inopérant car 'la souplesse' évoquée dans ce document concerne la critique du délai de carence et non les prévisions contractuelles sur le terme du contrat de mission.

Surabondamment, il sera fait observer que ce moyen est inutile pour fonder une demande indemnitaire à hauteur d'un minimum de six mois de salaires, puisqu'en l'espèce, ce plancher est également prévu par l'article L. 1235 -3 du code du travail qui s'applique dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, eu égard à la date de rupture du contrat.

Aussi, conformément à l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, en considération de l'ancienneté acquise par M. [Z], de son âge (40 ans au moment de la rupture), du montant de son salaire, de ce qu'il était toujours inscrit en qualité de demandeur d'emploi en 2019 sans plus de précision, il y a lieu de lui accorder une indemnité d'un montant de 18 000 euros nets de CSG et de CRDS.

Les conditions de l'article L.1235-4 du code du travail étant réunies, il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés des indemnités chômage versées au salarié licencié dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, du jour de la rupture au jour de la présente décision.

VI - Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner la société Sanofi Chimie aux entiers dépens, y compris ceux de première instance.

L'équité et l'issue du litige commandent de débouter la société Sanofi Chimie et le syndicat Sud Chimie de leur demande respective au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la société Sanofi Chimie à verser à M. [Z] une somme de 500 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,

Déclare irrecevable la demande d'annulation du jugement déféré présentée par la société Sanofi Chimie ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré l'action du syndicat Sud Chimie irrecevable et en ce qu'il a débouté M. [J] [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect du délai de carence ;

Infirme le jugement entrepris pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Ordonne la requalification des contrats de travail temporaires exécutés par M. [J] [Z] entre le 4 janvier 2014 et le 20 juin 2016 au profit de la société Sanofi Chimie en un contrat à durée indéterminée ;

Déclare irrecevable l'action le recours en garantie de la société Sanofi Chimie contre la société Manpower ;

Condamne la société Sanofi Chimie à payer à M. [J] [Z] les sommes suivantes :

2 941,31 euros au titre de l'indemnité de requalification

7 705,50 euros à titre de rappels de primes de participation sur les années 2013 à 2016,

4 713 euros à titre de rappels de primes d'intéressement pour les années 2013 à 2016,

5 882,62 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 588,26 euros au titre des congés payés y afférents,

1 421,63 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

18 000 euros au titre à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Ordonne à la société Sanofi Chimie de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à M. [J] [Z] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois ;

Déboute le syndicat Sud Chimie et la société Sanofi Chimie de leur demande respective au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Sanofi Chimie à payer à M. [J] [Z] la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Sanofi Chimie aux dépens de la présente instance.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/02432
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-30;19.02432 ?
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