N° RG 20/04101 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IUDG
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 24 MARS 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
19/586
Jugement du POLE SOCIAL DU TJ D'EVREUX du 12 Novembre 2020
APPELANTE :
CAISSE DE COORDINATION AUX ASSURANCES SOCIALES DE LA [6]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Catherine LANFRAY MATHIEU de la SELEURL CLMC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Magdeleine LECLERE, avocat au barreau de PARIS
INTIME :
Monsieur [B] [R]
[Adresse 3]
[Localité 1]
comparant en personne
assisté de Me Agathe GENTILHOMME, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 01 Février 2023 sans opposition des parties devant Madame ROGER-MINNE, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame ROGER-MINNE, Conseillère
Madame POUGET, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
M. CABRELLI, Greffier
DEBATS :
A l'audience publique du 01 Février 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 Mars 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 24 Mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par M. CABRELLI, Greffier.
* * *
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La caisse de coordination aux assurances sociales de la [6] (la caisse) a reçu une déclaration d'accident du travail concernant M. [B] [R], employé de la [6], ainsi qu'un certificat médical initial daté du 20 août 2017, mentionnant une lombalgie aiguë.
Après avoir procédé à une enquête, la caisse a refusé de prendre en charge l'accident déclaré à titre professionnel, par décision du 25 octobre 2017.
M. [R] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable de la caisse qui a confirmé la décision de refus de prise en charge, le 24 septembre 2019.
M. [R] a alors poursuivi sa contestation devant le tribunal de grande instance d'Évreux, devenu tribunal judiciaire.
Par jugement du 12 novembre 2020, le tribunal a :
- infirmé la décision de la caisse du 25 octobre 2017 et la décision de la commission de recours amiable du 19 septembre 2019,
- dit que l'accident survenu le 20 août 2017 devait être reconnu au titre de la législation sur les risques professionnels,
- invité la caisse à en tirer toutes les conséquences de droit,
- condamner la caisse aux dépens et à payer à M. [R] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La caisse a relevé appel de cette décision le 12 décembre 2020.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions remises le 24 janvier 2023, soutenues oralement à l'audience, la [6], prise en qualité d'organisme spécial de sécurité sociale dénommée caisse de coordinations assurances sociales, demande à la cour de :
- infirmer le jugement,
- confirmer sa décision de refus de prise en charge de l'accident déclaré et la décision de la commission de recours amiable,
- débouter M. [R] de ses demandes,
- le condamner aux dépens et à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose que l'article 77 de son règlement intérieur est une transposition à droit constant de la règle de principe de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, ce dont il résulte que pour pouvoir bénéficier de la présomption d'imputabilité d'un accident au travail, encore faut-il que le salarié démontre l'existence d'un événement au temps et lieu de travail ainsi que d'une lésion résultant de cet événement. Elle considère que le salarié n'a rapporté au cours de l'enquête aucun élément de nature à justifier un fait accidentel malgré ses sollicitations, alors que l'employeur a contesté la matérialité des faits immédiatement, en ne confirmant pas l'existence de véritables nids de poule sur le trajet emprunté, que le bus, très récent, n'aurait pas pu amortir. Elle ajoute que le certificat médical initial ne fait pas mention de l'origine de la lombalgie aiguë et que le médecin prescripteur des prolongations ne peut valablement indiquer que la lombalgie fait suite au passage sur un nid de poule, puisqu'il ne s'agit pas d'une constatation médicale. Elle soutient également que la prise en charge du salarié par M. [M] n'est pas de nature à objectiver ses seules déclarations, alors qu'il est reparti seul de l'hôpital avec son véhicule, n'a pas souhaité faire appel aux pompiers, n'a pas interrompu son tour et n'a pas demandé l'intervention de la voiture de régulation, envoyée par prudence par l'employeur. La caisse estime qu'il existe des doutes sérieux quant au caractère probant des attestations produites dans le cadre du litige pour les besoins de la cause.
Elle fait valoir qu'en réalité la pathologie déclarée résulte d'un état antérieur indépendant du travail pour lequel le salarié était suivi depuis 2012.
Par conclusions remises le 27 janvier 2023, soutenues oralement à l'audience, M. [R] demande à la cour de :
- confirmer le jugement,
- condamner la caisse à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- subsidiairement, ordonner une expertise sur le fondement de l'article L. 141- 1 du code de la sécurité sociale afin que le médecin désigné détermine si l'accident du 20 août 2017 a pour cause un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte.
Il expose que le jour des faits, il circulait [Adresse 5] et est passé sur un nid de poule qui a provoqué une secousse du bus ainsi qu'une violente douleur au dos ; qu'il a continué à conduire jusqu'au terminus mais que la douleur s'amplifiant, il a contacté par radio la régulation et a proposé de reconduire son bus au Champ-de-Mars, où il avait laissé son véhicule personnel, afin de se rendre aux urgences ; qu'au Champ-de-Mars, MM [M] et [I], affectés à la voiture de secteur, ont constaté son mal de dos violent et ont proposé de le conduire aux urgences. Il considère que l'accident est bien survenu au temps et au lieu du travail et fait observer que l'employeur, qui n'a pas contesté la réalité de la présence de nids-de-poule sur la voie qu'il a empruntée, ne démontre ni que leur hauteur maximum était de 5 cm ni que cette hauteur aurait été insuffisante pour causer l'accident ni que le véhicule conduit aurait été presque neuf, alors qu'une de ses collègues atteste qu'un des nids-de-poule, de 50 cm de diamètre, avait une profondeur d'environ 20 cm et que les véhicules étaient vétustes.
Il considère par ailleurs qu'il n'est pas démontré que son état antérieur évoluerait pour son propre compte et que l'accident du 20 août 2017 aurait une cause totalement étrangère au travail, indiquant que ses précédents arrêts de travail étaient en mars 2016 et en février 2014.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé détaillé de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur la matérialité d'un accident du travail
C'est par de justes motifs que la cour adopte que le tribunal a reconnu l'existence d'un accident du travail dont a été victime M. [R] le 20 août 2017 au regard des déclarations constantes du salarié sur le déroulement des faits, de la reconnaissance par l'employeur de l'existence de nids-de-poule sur la chaussée empruntée, des constatations médicales effectuées le jour même, du témoignage de M. [M] - qu'il n'y a pas lieu de remettre en cause pour la seule raison qu'il n'a pas été produit devant la commission de recours amiable qui avait pourtant sursis à statuer en attendant qu'il lui soit communiqué -, des déclarations de Mme [X], employée de la [6], contredisant celles de l'employeur sur la profondeur du nid de poule et l'état des véhicules, du fait que le salarié a interpellé le régulateur après avoir réalisé 40 rotations sur la ligne et a signalé la lésion plusieurs heures après sa prise de service, étant observé qu'il n'a pas été en mesure de travailler jusqu'à la fin de son horaire de travail.
C'est encore à juste titre que le tribunal a considéré que l'avis du médecin-conseil de la caisse, mentionnant l'existence d'un état antérieur de lombalgies pour lequel le salarié était suivi depuis 2012, ne permettait pas d'établir l'existence d'une cause totalement étrangère au travail de nature à écarter la présomption d'imputabilité.
Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement.
2. Sur les frais du procès
L'appelante qui succombe en son appel sera condamnée aux dépens et condamnée à payer à M. [R] la somme de 1 500 euros sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort :
Confirme le jugement,
Y ajoutant :
Condamne la [6] prise en qualité d'organisme spécial de sécurité sociale, dénommée caisse de coordinations aux assurances sociales, aux dépens ;
La condamne à payer à M. [B] [R] une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE