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23/03/2023 | FRANCE | N°22/01194

France | France, Cour d'appel de Rouen, Ch. civile et commerciale, 23 mars 2023, 22/01194


N° RG 22/01194 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JBRY







COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE



ARRET DU 23 MARS 2023









DÉCISION DÉFÉRÉE :



2020006636

TRIBUNAL DE COMMERCE DE ROUEN du 21 Mars 2022





APPELANTE :



Madame [F] [N]

née le 11 Septembre 1955 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 4]



représentée et assistée de Me Philippe DUBOS de la SCP DUBOS, avocat au barreau de ROUEN







INTIMEE :



S.A. GROUPE ELABOR

[Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN et assistée de Me Lucille COULON, avocat au barreau de DIJON, plaid...

N° RG 22/01194 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JBRY

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 23 MARS 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

2020006636

TRIBUNAL DE COMMERCE DE ROUEN du 21 Mars 2022

APPELANTE :

Madame [F] [N]

née le 11 Septembre 1955 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée et assistée de Me Philippe DUBOS de la SCP DUBOS, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

S.A. GROUPE ELABOR

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN et assistée de Me Lucille COULON, avocat au barreau de DIJON, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 04 Jjnvier 2023 sans opposition des avocats devant M. URBANO, Conseiller, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme FOUCHER-GROS, Présidente

M. URBANO, Conseiller

Mme MENARD-GOGIBU, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DEVELET, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 4 janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 mars 2023 puis prorogée au 23 mars 2023.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Rendu publiquement le 23 mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme Foucher-Gros, Présidente et par Mme Riffault, Greffière lors de la mise à disposition

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La SA Groupe Elabor exerce une activité de bureau d'études spécialisé dans l'aménagement des territoires.

Selon un premier contrat du 11 mai 2011, elle a confié à Mme [N], née le 11 septembre 1955, le mandat de la représenter auprès de sa clientèle composée de communes afin de placer les produits qu'elle commercialise qui permettent notamment la gestion des cimetières. Par un second contrat du 12 février 2014, la SA Groupe Elabor a élargi le territoire de prospection de Mme [N] à tous les départements normands et à l'Eure et Loire.

Par courrier du 27 janvier 2020, Mme [N], indiquant que son état de santé ne lui permettait plus d'assurer ses fonctions d'agent commercial de la SA Groupe Elabor, a indiqué à cette dernière qu'elle cesserait de les exercer à l'issue d'un préavis de six mois expirant le 30 juin 2020, a réclamé ses commissions dues jusqu'à cette date et a avisé la SA Groupe Elabor qu'elle réclamerait une indemnité de fin de contrat. Estimant que Mme [N] ne justifiait pas que la rupture du contrat était nécessitée par son état de santé, la SA Groupe Elabor a refusé de lui verser l'indemnité réclamée.

Par acte d'huissier du 28 octobre 2020, Mme [N] a fait assigner la SA Groupe Elabor devant le tribunal de commerce de Rouen en paiement de commissions arriérées et d'une indemnité de rupture de 59 724,30 euros.

Par jugement du 21 mars 2022, le tribunal a statué comme suit :

- Se déclare territorialement compétent pour connaître du litige,

- Condamne le Groupe Elabor à payer à Madame [F] [N], la somme de 7.229,40 euros HT, en deniers ou quittances, avec intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2020,

- Déboute les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions.

- Dit que les parties garderont chacune à leur charge ses frais irrépétibles.

- Rappelle l'exécution provisoire du jugement, conformément à l'article 514 du code de procédure civile.

- Condamne le Groupe Elabor aux dépens, dont les frais de greffe liquidés à la somme 111,10 €.

Par déclaration du 8 avril 2022, Mme [N] a interjeté appel de cette décision.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 janvier 2023.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS

Vu les conclusions du 27 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments de Mme [N] qui demande à la cour de:

Réformant le jugement en ce que le tribunal a rejeté sa demande au titre de l'indemnité compensatrice du préjudice subi du fait de la rupture,

Vu les articles L134-12 et suivants du code de commerce,

Condamner la société Groupe Elabor à payer à [F] [N] la somme de 59.724,30 € au titre de l'indemnité compensatrice de préjudice subi, et ce avec intérêt de droit à compter de la mise en demeure du 26 juin 2020 et le bénéfice de l'anatocisme.

Condamner la société Groupe Elabor à payer à [F] [N] la somme de

8.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.

Mme [N] soutient que :

- l'article L 134-13 2° du code de commerce prévoit que l'agent commercial a droit à une indemnité lorsque la cessation de son contrat est justifiée par des circonstances dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie, par suite desquelles la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ;

- elle souffre depuis 2017 d'une fibromyalgie, ne peut plus assumer ses fonctions;

- elle a souhaité laisser du temps à la SA Groupe Elabor pour qu'elle puisse s'organiser en conséquence et a ainsi fixé son préavis à six mois, la rupture du contrat étant survenue le 30 juin 2020, au lieu de trois mois contractuellement prévus ; elle a accepté d'aider son remplaçant postérieurement à la date d'effet de son préavis ;

- le fait qu'elle se soit présentée aux élections municipales de la commune de [Localité 5] et qu'elle assume un mandat électif, ne constitue pas la preuve qu'elle pouvait continuer à exercer son activité d'agent commercial supposant de fréquents déplacements en voiture ;

- Mme [N] se déclare prête à se soumettre à une expertise médicale si la cour l'estimait nécessaire ;

- il est d'usage que l'indemnité due à l'agent commercial soit calculée sur la moyenne mensuelle des 36 derniers mois de commissions, rappels de commission compris, et soit égale à 24 mois de cette moyenne.

Vu les conclusions du 8 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments de la SA Groupe Elabor qui demande à la cour de:

Vu les articles 9 et 700 du code de procédure civile

Vu les articles L134-12, L134-13 et L134-16 du code de commerce

Juger la société Groupe Elabor recevable et bien fondée en ses demandes

Y faisant droit

Infirmer le jugement du 21 mars 2022 du tribunal de commerce de Rouen en ce qu'il a :

Dit que les parties garderont chacune à leur charge ses frais irrépétibles

Condamné le Groupe Elabor aux dépens, dont les frais de greffe liquidés à la somme 111,10 €.

Statuant à nouveau

Débouter Madame [F] [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions

Condamner Madame [F] [N] à payer à la société Groupe Elabor la somme de 13 252 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile relative à la procédure devant le tribunal de commerce de Rouen

Condamner Madame [F] [N] aux entiers dépens de 1ère instance

Condamner le jugement du 21 mars 2022 du tribunal de commerce de Rouen pour le surplus

A titre subsidiaire

Dire que le montant de l'indemnité compensatrice de fin de contrat d'agent commercial prévue par l'article L134-12 du code de commerce ne peut être supérieur à 47.884 euros

Y ajoutant

Condamner Madame [F] [N] à verser à la société Groupe Elabor la somme de 4 055 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile relative à la procédure d'appel

Condamner Madame [F] [N] aux entiers dépens d'appel.

La SA Groupe Elabor soutient que :

- les certificats médicaux produits par Mme [N] ne sont pas probants, sont établis en termes généraux, certains étant postérieurs au 27 janvier 2020, date de rupture du contrat à laquelle son prétendu état devait être nécessairement constaté et ne démontrent pas qu'elle était atteinte à cette date par une maladie la rendant inapte à ses fonctions ;

- Dès lors que c'est au jour de la rupture du contrat que doivent exister les circonstances d'âge et de maladie justifiant l'arrêt des activités de l'agent, tout élément de preuve antérieur ou postérieur est dénué de caractère probant et il en est ainsi d'une éventuelle expertise médicale qui interviendrait trois ans après la rupture du contrat ;

- le fait qu'elle ait spontanément offert un préavis de six mois démontre qu'elle était en état de poursuivre ses activités. En outre, elle les a poursuivies postérieurement au 30 juin 2020 y compris à l'insu de la SA Groupe Elabor ;

- Mme [N] s'est présentée en tête d'une liste aux élections municipales de sa commune, ce qui tend à faire penser que la rupture du contrat était motivée par ses engagements politiques ;

- à titre subsidiaire, le commissaire aux comptes de la SA Groupe Elabor a établi la base de calcul de l'indemnité qui serait éventuellement due à Mme [N] et qui ne saurait dépasser 47 884 euros (hors taxes).

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l'article L134-12 du code de commerce: ' En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

L'agent commercial perd le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits.(...)'

Aux termes de l'article L134-13 du même code : 'La réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans les cas suivants : (...)

2° La cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ;

(...).'

Par contrats des 11 mai 2011 puis du 12 février 2014, la SA Groupe Elabor a mandaté Mme [N] afin qu'elle agisse en qualité d'agent commercial et lui a assigné divers départements afin qu'elle y prospecte une clientèle. Devant la cour, la SA Groupe Elabor ne conteste plus la qualité d'agent commercial de Mme [N].

L'agent peut invoquer son état de santé postérieurement à sa décision de cesser son activité dès lors qu'il établit qu'il était effectivement dans l'impossibilité d'exécuter sa mission à cette date.

Par courrier du 27 janvier 2020, Mme [N] a avisé la SA Groupe Elabor de ce que son état de santé ne lui permettait plus de poursuivre son activité d'agent commercial et qu'elle annexait au courrier un certificat médical de son médecin, le Dr [V]. Elle précisait en outre qu'elle cesserait son mandat le 30 juin 2020 et qu'elle réclamait une indemnité de cessation de ses fonctions.

Le certificat médical du Dr [V] du 14 janvier 2020 est rédigé comme suit : « certifie que l'état de santé de Mme [N] [F] nécessite l'arrêt définitif de son activité professionnelle ».

Mme [N] verse en outre aux débats :

- la notification du 7 mai 2018 d'une décision de l'Assurance Maladie l'exonérant du ticket modérateur pour une affection de longue durée non inscrite sur la liste établie à l'article D 160-4 du code de la sécurité sociale ;

- un certificat médical du Dr [I], neurologue, du 9 juillet 2020 aux termes duquel ce praticien indique « suivre en consultation régulièrement depuis 2018 Mme [F] [N] pour fibromyalgie' » et lui pratiquer des séances de stimulation magnétique transcrânienne ;

- un certificat complémentaire du Dr [V] du 20 juillet 2022 aux termes duquel celle-ci indique « je confirme que sa pathologie a été diagnostiquée en 2017, Mme [N] a continué à travailler jusqu'en 2020, date à laquelle son état de santé ne paraissait plus compatible avec une activité professionnelle. » ;

- une note expliquant ce qu'est la fibromyalgie (douleurs chroniques, diffuses et persistantes aggravées par une intense fatigue et éventuellement des troubles digestifs, du sommeil, de la cognition et des perturbations émotionnelles).

Il résulte des trois certificats médicaux produits que Mme [N] souffrait de fibromyalgie depuis l'année 2017. Mais, le premier certificat du docteur [V] n'est pas circonstancié, le deuxième établi par le même médecin deux ans plus tard n'est plus affirmatif quant à l'impossibilité d'exercer une activité professionnelle.

Mme [N] justifie que le 27 janvier 2020, elle a demandé à mettre un terme à son contrat d'agent commercial avec son second mandant, la société Gaillard Rondino, et qu'elle a invoqué les dispositions des articles L134-12 et L134-13 du code de commerce. Mais le protocole d'accord du 9 octobre 2020 se borne à mentionner que 'les parties se sont rapprochées' afin de trouver une solution au litige après que le mandant ait exprimé des doutes quant à la légitimité de la demande de l'agent. Il ne ressort pas de ce protocole que l'âge et l'état de santé de Mme [N] sont à l'origine de la rupture du contrat.

Mme [N] affirme que postérieurement au 30 juin 2020, la SA Groupe Elabor a fait appel à elle « pour le suivi des dossiers en cours », qu'elle a assuré ce suivi et qu'elle a continué à assurer la formation de son remplaçant jusqu'au mois d'avril 2021. Cette affirmation est corroborée par des échanges de courriels produits aux débats. Il en ressort qu'en outre, au mois de septembre 2020, Mme [N] s'est déplacée pour une prospection, au sein de la commune de [Localité 5].

Il ressort d'un extrait du journal Paris-Normandie et d'un extrait du site France 3-régions.francetvinfo produits par la société Elabor qu'en vue des élections municipales du mois de juin 2020, elle a mené une liste électorale et brigué le fauteuil de maire. Si l'on peut retenir qu'un mandat d'agent commercial implique des déplacements, cet engagement impliquait lui aussi des déplacements sur le terrain et des décisions à prendre en délais contraints.

Ce n'est qu'au mois d'octobre 2020, que Mme [N] a refusé d'accompagner sur le terrain le directeur commercial de la société Groupe Elabor au motif qu'elle s'absentait pour des soins.

Ainsi, et sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise que Mme [N] ne demande pas dans le dispositif de ses conclusions, et qui ne peut avoir pour objet de pallier la carence d'une partie dans l'administration de la peuve, les pièces médicales produites par l'appelante ne démontrent pas que son état de santé ne lui permettait plus raisonnablement de poursuivre son activité d'agent commercial à compter du 30 juin 2020.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [N] de sa demande d'indemnité de fin de contrat.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire et dans les limite de l'appel;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions;

Y ajoutant;

Condamne Mme [N] aux dépens en cause d'appel;

Déboute les parties de leurs demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Ch. civile et commerciale
Numéro d'arrêt : 22/01194
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-23;22.01194 ?
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