N° RG 22/00994 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JBC6
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRET DU 23 MARS 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
S 20-10.90
COUR DE CASSATION DE PARIS 01 du 20 Mai 2021
APPELANTE :
S.C.I. SCI [D]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN et assistée de Me Valérie HELLEBOID de la SELARL VALERIE HELLEBOID AVOCAT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant
INTIMEE :
S.A.S. FONCIA NORMANDIE
[Adresse 7]
[Localité 5]
représentée par Me Guillaume DES ACRES DE L'AIGLE de la SCP BONIFACE DAKIN & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 13 Décembre 2022 sans opposition des avocats devant Madame FOUCHER-GROS, Présidente, rapporteur, en présence de M. URBANO, Conseiller,
Mme [K] a été entendu en son rapport.
Les magistrats rapporteurs ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme FOUCHER-GROS, Présidente
M. URBANO, Conseiller
Mme TILLIEZ, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme DEVELET, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 13 décembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 9 mars 2023 puis prorogé au 23 mars 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Rendu publiquement le 9 mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme Foucher-Gros, Présidente et par Mme Riffault, Greffière lors de la mise à disposition
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE':
Par acte authentique du 30 août 1990 la SCI «'[Adresse 1]'» a donné à bail à la SARL «'La Vie Belle'» des locaux situés [Adresse 1] pour une durée de 9 années commençant à courir le 1er janvier 1991 pour se terminer le 31 décembre 1999.
Par acte authentique du 16 novembre 1995 la SARL «'La Vie Belle'» a cédé son bail à Mme [Y] que la bailleresse a autorisé à exercer dans les lieux loués l'activité de salon de coiffure et d'esthétisme. Le bail parvenu à son terme le 31 décembre 1999 s'est poursuivi par tacite reconduction.
Par acte d'huissier du 8 février 2005 la SCI du [Adresse 1] a notifié à Mme [Y] un congé avec offre de renouvellement dans les conditions prévues par l'article 145-9 du code de commerce pour le 31 août 2005 en demandant la fixation du loyer annuel à la somme de 11 400 €.
Par lettre du 26 août 2005 Mme [Y] a fait valoir qu'elle acceptait le principe du renouvellement mais entendait limiter le montant du loyer à la somme annuelle de 4 000 €.
Par acte authentique du 31 janvier 2007 la SCI [Adresse 1] a vendu l'immeuble abritant les locaux loués à Mme [Y] à la SCI [D].
Le 13 février 2007 la SCI [D] a donné mandat de gérer cet immeuble à l'EURL Jean Lavigne dont les parts sociales ont été cédées le 13 avril 2007 à la société Foncia Bastard aux droits de laquelle vient la société Foncia rives de Manche (ci après la société Foncia), l'EURL étant dissoute et son patrimoine transmis à l'associée unique, la société Foncia, le 5 décembre 2017.
Le 17 septembre 2007 maître Godet, conseil de Mme'[Y], a écrit à la SCI [D] que plus de deux années s'étaient écoulées depuis le 1er septembre 2005 sans qu'aucune demande de fixation du prix du bail renouvelé n'ait été faite, que la prescription biennale étant acquise le renouvellement du bail s'était donc opéré à compter du 1er septembre 2005 «'aux mêmes clauses et conditions que celles du bail antérieur et à l'ancien prix'».
En vue de chiffrer le préjudice qu'elle estimait subir du fait de l'impossibilité d'obtenir la fixation d'un loyer «'déplafonné'» à l'encontre de sa locataire la SCI [D] a obtenu, par ordonnance du 2 décembre 2010 du juge des référés du tribunal de grande instance de Caen, la désignation de M. [P] en qualité d'expert judiciaire avec mission d'évaluer la valeur locative des locaux donnés à bail. Celui-ci a déposé son rapport le 5 septembre 2011.
Par acte du 25 novembre 2011 la SCI [D] a assigné la société Foncia devant le tribunal de grande instance de Caen en réparation de ce préjudice.
La société [D] a fait délivrer à Mme [Y] pour le 31 décembre 2014 un congé pour faute sans offre de renouvellement'.
Par jugement du 21 septembre 2015 assorti de l'exécution provisoire le tribunal de grande instance de Caen a :
- débouté la société Foncia de sa demande tendant au prononcé de la nullité du rapport d'expertise judiciaire de M. [M] [P],
- débouté la société [D] de ses demandes indemnitaires relatives à la période allant du 1er septembre 2005 au 31 janvier 2007,
- condamné la société Foncia à payer à la société [D] la somme de 75 775,70 € au titre du préjudice financier subi du 1er février 2007 au 31 août 2014,
- sursis à statuer sur les demandes indemnitaires présentées par la société [D] au titre de la période postérieure au 31 août 2014 jusqu'à ce que l'on connaisse, par le biais d'une décision passée en force de chose jugée, le sort définitif du bail commercial suite au congé sans offre de renouvellement délivré par la société [D] à Mme [T] [Y] née [H],
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- condamné la société Foncia à payer à la société [D] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens incluant les frais de la procédure de référé et de l'expertise judiciaire de M. [P],
- ordonné le retrait du rôle et dit que l'affaire sera rétablie à la demande de la partie la plus diligente sur justification de la survenance de l'événement ayant motivé le sursis à statuer partiel.
Le 8 octobre 2015 la société Foncia a relevé appel de ce jugement.
La société [D] a succombé dans la procédure en délivrance du congé sans offre de renouvellement et a été condamnée au paiement d'une indemnité d'éviction de 140 000 €'.
Par arrêt du 18 janvier 2018, la cour d'appel de Caen a':
- confirmé le jugement rendu le 21 septembre 2015 par le tribunal de grande instance de Caen dans ses dispositions déboutant la société Foncia Bastard aux droits de laquelle vient la société Foncia rives de Manche de sa demande d'annulation du rapport d'expertise de M. [P] et dans celles relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance,
- l'a réformé pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les dispositions réformées et y ajoutant,
- condamné la société Foncia rives de Manche venant aux droits de la société Foncia Bastard à payer à la SCI [D] la somme de 22 503 € en réparation de la perte de loyers subie du 1er septembre 2005 au 1er septembre 2008,
- débouté la SCI [D] du surplus de ses demandes,
- condamné la SCI [D] aux dépens de la procédure d'appel,
- condamné la SCI [D] à payer à la société Foncia rives de Manche la somme de 2000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la SCI [D] de sa demande au titre des frais irrépétibles.
La société [D] a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.
Le 19 janvier 2018, la société [D] a notifié à Mme [Y] un droit de repentir.
Par arrêt du 20 mai 2021, la cour de cassation a':
- cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Caen, mais seulement en ce qu'il a :
* condamné la société Foncia rives de Manche venant aux droits de la société Foncia Bastard à payer à la SCI [D] la somme de 22 503 euros en réparation de la perte de loyers subie du 1er septembre 2005 au 1er septembre 2008 ;
* débouté la SCI [D] du surplus de ses demandes ;
* condamné la SCI [D] aux dépens de la procédure d'appel,
* condamné la SCI [D] à payer à la société Foncia rives de Manche lasomme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté la SCI [D] de sa demande au titre des frais irrépétibles,
- remis, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.
La cour de cassation a retenu, au visa de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et le principe de la réparation intégrale du préjudice, que':
Il résulte de ce texte et de ce principe que les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit.
Seule constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable. L'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences, sans que la victime soit tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable.
Pour limiter l'indemnisation du préjudice de la SCI, l'arrêt retient qu'en ne saisissant pas, avant l'acquisition de la prescription biennale, le juge des loyers commerciaux d'une demande en fixation du montant du loyer du bail renouvelé à la valeur locative, la société Lavigne a commis une faute dans l'exécution de son mandat de gérance, mais que le préjudice subi par la SCI, qui s'analyse en une perte de chance d'obtenir la fixation du loyer du bail renouvelé au 1er septembre 2005 à la valeur locative telle que proposée par l'expert judiciaire, a cessé dès que la bailleresse a recouvré la possibilité de saisir à nouveau ce magistrat en vue de voir fixer le loyer à la valeur locative, en application de l'article L. 145-38 du code de commerce qui autorise le bailleur à demander la révision du loyer tous les trois ans et pour la première fois le 1er septembre 2008.
En statuant ainsi, alors que la procédure de révision judiciaire du loyer prévue par l'article L. 145-38 du code de commerce ne permettait pas à la bailleresse d'obtenir la fixation du loyer à la valeur locative dans les mêmes conditions que celles résultant des dispositions de l'article L. 135-34 du même code, qui prévoient notamment que le déplafonnement est de plein droit lorsque, par l'effet d'une tacite reconduction, la durée du bail excède douze ans, de sorte que la SCI avait été privée de la chance d'obtenir le déplafonnement du prix du bail renouvelé selon ces dernières dispositions, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés.
La SAS Foncia Normandie a saisi la cour de renvoi par déclaration du 13 juillet 2021.
L'affaire a été retirée du rôle à l'audience du 23 février 2022 avant d'être a nouveau enrôlée le 21 mars 2022
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 décembre 2022.
A l'audience de plaidoiries la cour, a demandé aux parties de présenter une note en délibéré sur le périmètre de la saisine de la cour de renvoi.
Par note du 2 février 2023 la société [D] expose que':
* la cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Caen en ce qu'il a condamné la société Foncia rives de Manche venant aux droits de la société Foncia Bastard à payer à la SCI [D] la somme de 22 503 euros en réparation de la perte de loyers subie du 1er septembre 2005 au 1er septembre 2008, et débouté la SCI [D] du surplus de ses demandes';
* la cour de renvoi est ainsi saisie de l'ensemble des demandes de la SCI [D] tendant à l'indemnisation de son préjudice et sur lesquelles s'était prononcée la cour d'appel de Caen, y compris pour la période postérieure au 1er septembre 2008 pour laquelle elle avait demandé qu'il soit sursis à statuer.
Par note du 12 janvier 2023 la société Foncia expose que la cour de cassation n'a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Caen qu'en ce qu'il a condamné la société Foncia rives de Manche venant aux droits de la société Foncia Bastard à payer à la SCI [D] la somme de 22 503 euros en réparation de la perte de loyers subie du 1er septembre 2005 au 1er septembre 2008, de sorte que la saisine de la cour d'appel de renvoi est limitée à l'éventuelle perte de loyers pour la période du 1er septembre 2005 au 1er septembre 2008.
EXPOSE DES PRETENTIONS':
Vu les conclusions du 12 décembre 2022 auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la société [D] qui demande à la cour de':
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
* débouté la société [D] de ses demandes indemnitaires relatives à la période allant du 1er septembre 2005 au 31 janvier 2007 et du 1er septembre au 31 décembre 2014 ;
- susis à statuer sur les demandes indemnitaires présentées par la société [D] au titre de la période postérieure à la fin du bail 2005-2014 jusqu'à ce que l'on connaisse, par le biais d'une décision passée en force de chose jugée, le sort définitif du bail commercial suite au congé sans offre de renouvellement délivré par la société [D] à Madame [T] [Y] née [H],
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* condamné la Société Foncia Bastard à payer à la Société [D] la somme de
75 775.70 € au titre du préjudice financier subi du 1er février 2007 au 31 aout 2014
* condamné la société Foncia Bastard à payer à la Société [D] la somme de
3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- condamné la société Foncia Bastard aux entiers dépens en ce compris les frais de procédure de référé et de l'expertise judiciaire de Monsieur [M] [P]
Statuant à nouveau, dans les limites de la cassation
- condamner la société Foncia Normandie à payer à la société [D] les sommes suivantes :
* 89 931,60 € au titre du préjudice subi par la société [D] depuis le 1er septembre 2005 jusqu'au 31 août 2014 ;
* 3 330,80 € au titre du préjudice subi par la société [D] du 1 er septembre au 31 décembre 2014 ;
* 23 456,00 € au titre du préjudice subi par la société [D] du 1 er janvier 2015 au 18 janvier 2018 ;
* 47 096,00 € au titre du préjudice subi par la société [D] du 19 janvier 2018 au 31 décembre 2021.
* pour l'année 2022': 11 921 €
- surseoir à statuer sur les demandes indemnitaires présentées par la société [D] au titre de la période postérieure au 31 décembre 2021, en fonction des circonstances d'exécution du bail [D] ' [Y] et ce, au plus tard jusqu'au 18 janvier 2027, date à laquelle ledit bail prendra fin,
- condamner la société Foncia Normandie à payer à la SCI [D] :
* une somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation de son préjudice subi du fait des tracas et dépenses résultant des procédures qu'elle a engagées à l'encontre de Madame [Y] ou des recours formées par cette dernière ;
* une somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
- condamner la société Foncia Normandie aux dépens d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Vu les conclusions du 7 novembre 2022 auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la société Foncia Normandie qui demande à la cour de':
- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- débouter la société [D] de ses demandes,
- constater que la SCI [D] ne fait pas la preuve d'un quelconque préjudice,
- dire n'y avoir lieu de surseoir à statuer.
Subsidiairement,
- dire n'y avoir lieu de statuer sur un préjudice futur, éventuel et incertain dont il n'est pas justifié,
En toute hypothèse,
- dire que la SCI [D] ne justifie pas de son préjudice futur et incertain,
En toute hypothèse dire qu'il ne s'agit que d'une perte de chance,
- condamner la SCI [D] au paiement d'une somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit des avocats de la cause.
MOTIFS DE LA DECISION':
Sur le périmètre de saisine de la cour de renvoi':
Devant la cour de renvoi, le différend entre les parties ne porte plus sur la responsabilité de la société Foncia, mais uniquement sur le principe du préjudice de la société [D] et le montant de l'indemnisation.
La société [D] avait saisi le premier juge d'une demande indemnitaire pour la période comprise entre le 1er septembre 2005 et le 31 août 2014 et pour la période postérieure au 31 août 2014.
Devant la Cour d'appel de Caen, la société [D] a demandé que la société Foncia soit condamnée au paiement d'une somme de 92 429,70 € au titre du préjudice subi depuis le 1er septembre 2005 jusqu'au 31 décembre 2014, qu'il soit sursis à statuer sur les demandes indemnitaires présentées à compter du 1er janvier 2015.
La cour d'appel de Caen a condamné la société Foncia au paiement d'une somme de 22 503 € en réparation de la perte de loyer subie du 1er septembre 2005 au 1er septembre 2008 et a débouté la société [D] du surplus de sa demande indemnitaire et de sa demande de sursis à statuer.
L'arrêt de la cour d'appel de Caen a été cassé sur ses deux points.
Dès lors que devant la cour de renvoi, l'instruction est reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation, la cour d'appel de Rouen est saisie de la demande indemnitaire de la société [D] à compter du 1er septembre 2005 jusqu'au 31 décembre 2014 et à compter du 1er janvier 2015.
Sur la description des locaux':
Le bail du 30 août 1990 consenti par la SCI [Adresse 1] à la SARL La Vie Belle désigne ainsi les locaux loués': «'Localisation [Localité 6] (Calvados) [Adresse 1].
La partie cour de ladite propriété situé en arrière de l'immeuble sur rue ('.) et un bâtiment à usage de réserve édifié sur ladite cour comprenant un rez de chaussée et un étage ('.)
Les biens loués s'accèdent par l'immeuble voisin [Adresse 2] sur lequel le preneur s'oblige à obtenir les droits nécessaires pour lui permettre cet accès tant qu'il en sera également locataire, sans recours contre le bailleur ni le locataire du rez de chaussée de l'immeuble sur [Adresse 1] ('.)'»
Il est prévu qu'en cas de cession du droit au bail, le preneur s'oblige au préalable à édifier un «'passage à travers le local contigu actuellement loué à la SA Quincaillerie J. Lemeteil (...)'»
Il ressort de la cession de bail du 16 novembre 1995 que préalablement à l'acte, Mme [Y] a été autorisée à pratiquer une ouverture dans le prolongement actuel de son salon sur le mur mitoyen pour permettre l'accès aux locaux loués.
Dans son rapport d'expertise, M. [P] a décrit les locaux loués comme suit': «'Au rez-de chaussée, la partie arrière du salon de coiffure (64,50 m²), un wc avec un lace mains (1,69m²), un laboratoir couleurs (3',55m²), une partie de cour (environ 44m²)
Au 1er étage (mansardé)': une réserve (9,20m²), un bureau (5,70m²), une cabine de soins (6,50m²).'»
Sur le rapport d'expertise':
Monsieur [P] a proposé de fixer le loyer à la date du 31 août 2005 à la somme de 230 €/m² UP soit':
«'*dans la 1ère hypothèse (prise en compte des surface de l'immeuble en leur état actuel)
230 €x 54,16 m² UP = 12 457 € (ramené le cas échéant à la somme de 12 457 €-335 € = 12 122 €/an en tenant compte de la taxe foncière 2006 de l'immeuble)
*dans la 2ème hypothèse (prise en compte des surface de l'immeuble avant travaux)
230 €x «36,52 m² UP = 8 400 € (ramené le cas échéant à la somme de 8 400 €-335 € = 8 065 €/an en tenant compte de la taxe foncière 2006 de l'immeuble)'»
La société Foncia soutient que le rapport d'expertise n'est pas pertinent, en ce qu'il n'a pas tenu compte de ce que le fonds de commerce est exploité dans des locaux appartenant à deux propriétaires disctincts d'une part, sur la première zone appartenant à Mme [Y] locataire par ailleurs sur une seconde zone, de la propriété de la société [D].
Monsieur [P] a répondu à ce dire qu'il reprend intégralement dans son rapport. Il a exposé qu'il avait tenu compte de ce que les murs où sont exploités le commerce de Mme [Y] appartiennent à deux propriétaires différents'; que s'il avait à l'origine considéré que les locaux loués à Mme [Y] s'accèdent par l'immeuble du n°[Adresse 4], il a vérifié que ces locaux bénéficient également d'un accès indépendant par le hall d'accès commun du n°[Adresse 1]. Il a expliqué que même l'absence de cet accès indépendant n'aurait eu aucune influence sur la valeur locative des locaux loués. Il a ajouté qu'«'en tout état de cause, la pondération des surfaces (qui tient compte de cet éloignement par rapport à la rue) revient, dans la 1ère hypothèse, à retenir, sur la première partie du magasin loué par la SCI [D] à Mme [Y], un prix au m² de 138 € (230 € x 0,60)'».
Il résulte de la réponse au dire que l'expert a tenu compte de la configuration particulière des locaux, de sorte que son avis est pertinent.
Sur la prise en compte des travaux pour le calcul de la surface pondérée':
La société [D] soutient que':
* les travaux que Mme [Y] a fait réaliser ne sont pas de simples améliorations mais des transformations';
* à supposer qu'ils soient considérés comme de simples améliorations, le bailleur en a indirectement assumé la charge en acceptant un loyer réduit
* la surface à prendre en considération pour évaluer le montant du loyer du bail renouvelé est celle résultant des transformations, soit 54m² UP.
La société Foncia soutient que':
* les travaux réalisés sont des travaux d'améliorations';
* si certains d'entre eux sont qualifiés de transformations, en présence du cumul de travaux d'améliorations et de transformations, le régime des améliorations doit l'emporter. En conséquence, le prise en compte ne pouvait être demandée que lors du deuxième renouvellement, soit le 31 Août 2014, ce qui n'a pas été fait par la société [D].
Réponse de la cour':
Aux termes de l'article R145-3 du code de commerce, relatif à la détermination de la valeur locative':' «'Les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération :
1° De sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;
2° De l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ;
3° De ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée ;
4° De l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;
5° De la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire.'»
Aux termes de l'article R145-8 du même code': «' (') Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.'»
Monsieur [P] a rapporté le contenu du procès verbal d'état des lieux établi le 16 janvier 1996 par Me [U], huissier de justice'. Ce procès verbal a été produit aux débats par la société [D]. Il en ressort que le 16 janvier 1996, il n'y avait pas d'accès direct entre le salon de coiffure de Mme [Y] et la réserve, objet de la cession de bail. Le bâtiment à usage de réserve était dépourvu d'eau sous pression, l'installation électrique était rudimentaire, il n'existait aucun éclairage naturel au rez-de chaussée, aucune installation électrique à l'étage. Le bâtiment à usage de réserve était dépourvu de toute installation sanitaire.
Au rez-de chaussée, il existait une porte débouchant sur une passerelle enjambant «'le Mordouet'» laquelle était dépourvue de tout système de fermeture et en état de vétusté avancée, le sol était constitué de pierres, partie en briques pleines, cassées, ragréage ciment sans aucune surface plane. Au plafond, les planches à l'étage étaient visibles, en mauvais état. A l'étage, il n'existait aucune ouverture vers le salon de coiffure, le sol était constitué d'un plancher en mauvais état. Le murs étaient à l'état brut.
Madame [Y] a effectué les travaux suivants':
- rehaussement du plancher séparant les deux étages de la réserve ;
- percement, sur chacun des deux niveaux, une ouverture permettant l'accès aux locaux de la société [D] par le magasin ouvrant sur la rue de la République et appartenant à Madame [Y],
- transformation de la réserve du rez-de-chaussée en un salon de coiffure,
- création des sanitaires et un laboratoire couleur au-dessus de la rivière bordant l'immeuble, sur des passerelles extérieures ;
- création d'un bureau et une cabine de soins à l'étage.
L'expert a relevé que les locaux «'ont été entièrement réaménagé par le locataire pour rendre les lieux conformes à leur destination contractuelle (salon de coiffure) et communiquent désormais tant au rez-de-chaussée qu'au premier étage avec la partie d'immeuble du n°[Adresse 4]. Il est en outre rappelé sur ce point que le rez-de-chaussée de la «'réserve'» a été aménagé en «'arrière'» salon, sanitaires, laboratoire couleur et que le 1er étage a été aménagé en réserve bureau et cabine de soins.'»
Il ressort de la comparaison entre l'état des lieux initial du local et l'état du local à l'issue des travaux que, le percement des murs a modifié la commodité d'accès des lieux loués pour le public, la création de sanitaires et du laboratoire couleur ont permis l'agrandissement de la surface louée, la création de la cabine de soins, du local couleur et l'installation de bacs à shampooing constituent une adaptation à l'activité de la locataire, les travaux entrepris ont remédié à la vétusté des lieux.
Ainsi, les travaux réalisés sont des travaux de transformation au sens de l'article R 145-3 du code de commerce, et la surface à prendre en compte est celle de 54,16 m² UP'.
Sur l'incidence de la taxe foncière':
La société [D] soutient qu'il n'y a pas lieu de déduire du loyer annuel le montant de la taxe foncière.
La société Foncia soutient qu'il convient de déduire le montant de l'impôt foncier à la charge de la locataire de la valeur locative.
Réponse de la cour':
En vertu des dispositions de l'article R145-8 du code de commerce, du point de vue des obligations respectives des parties, les obligations incombant normalement au bailleur, dont celui-ci serait déchargé sur le locataire sans contrepartie, constitue un facteur de diminution de la valeur locative.
Il ressort du bail du 30 août 1990 que le preneur supporte 20'% de la taxe foncière de l'immeuble. L'expert a eu connaisance de ce que pour l'année 2006, cette part était de 335 €. Cette somme sera déduite de la valeur locative.
Sur le préjudice réparable':
La société [D] soutient que' son préjudice est constitué du différentiel annuel entre le loyer payé par Mme [Y] (2 464,60 €) et celui qu'elle aurait dû payer.
La société Foncia soutient':
* la preuve d'une valeur locative différente du loyer réellement payé n'est pas rapportée';
* en toute hypothèse, le préjudice de la société [D] ne pourrait s'analyser qu'en une perte de chance d'obtenir judiciairement le règlement d'un loyer supérieur à celui pratiqué'; à supposer que le caractère automatique du déplafonnement entraîne l'application d'un loyer supérieur, il existe un aléa judiciaire quant à la fixation du montant de ce loyer, qui doit être pris en considération.
Réponse de la cour':
La faute de la société Foncia est de n'avoir pas saisi le juge des loyers commerciaux d'une demande en fixation du prix du bail renouvelé dans les deux années de la date de renouvellement du bail ( 1er septembre 2005).
Ainsi qu'il a été exposé plus haut, l'expert a tenu compte des accès aux locaux loués, de l'éloignement par rapport à la rue et de ce que le fonds de Mme [Y] n'était pas exploité uniquement dans les locaux de la SCI [D]. La valeur locative estimée par l'expert au terme d'investigations qui prennent en compte l'état des locaux, l'accès pour le public, le caractère restrictif du bail, les facteurs locaux de commercialité est supérieure au montant du loyer perçu par le bailleur. L'existence d'un préjudice est ainsi démontré.
Compte tenu de l'aléa qui préside à toute action judiciaire, le préjudice de la société [D] s'analyse en une perte de chance, et ne peut être équivalant à la différence arithmétique entre le loyer perçu et l'estimation par l'expert de la valeur locative.
Sur Le préjudice au cours de la période comprise entre le 1er septembre 2005 et le 31 août 2014':
La société [D] soutient que':
* le point de départ de son préjudice est la date de prise d'effet du bail, le 1er septembre 2005, car il a été convenu à l'acte de vente que les parties feraient leur affaire personnelle des comptes et que la société [D] était subrogée dans tous les droits de la venderesse';
* en vertu du principe de la réparation intégrale du préjudice, le différentiel de 9 992 €,
40 € doit être pris en compte sur la durée de neuf années (1er septembre 2005-'31 août 2014)
* entre le 31 août et le 31 décembre 2014, elle a subi un préjudice complémentaire de 832,70 € par mois, soit 3 330,08 €.
La société Foncia Normandie soutient que':
* le préjudice de la société [D] ne peut courir qu'à compter du jour où elle est devenue propriétaire des lieux'; il ne résulte pas de son acte de vente que le vendeur l'a subrogée dans ses droits pour obtenir le bénéfice d'une augmentation de loyer sur une période antérieure au 31 janvier 2007';
* la société [D] ne démontre pas l'existence d'un préjudice complémentaire entre le 31 août et le 31 décembre 2014, et ne démontre pas qu'elle était dans l'impossibilité d'en faire la demande à sa locataire';
* à compter du 8 février 2008, date de la première révision triennale, il était loisible à la SCI [D] de solliciter la révision du loyer'.
Réponse de la cour':
Il ressort du titre de propriété de la SCI [D] (vente du 31 janvier 2007 entre la SCI [Adresse 1] et la SCI [D]) que l'acquéreur est devenu propriétaire du bien vendu à compter du 31 janvier 2007'; que les parties ont déclaré vouloir faire leur affaire personnelle de tous comptes et prorata de loyers, dispensant le notaire d'avoir à en tenir compte. Il est prévu en page 9 de l'acte que l'acquéreur «'sera subrogé dans tous les droits du vendeur relativement au bien'»'.
La société [D] n'avait aucunement besoin d'une subrogation pour exercer ses droits à compter du 31 janvier 2007. En subrogeant son acquéreur dans ses droits, la SCI [Adresse 1] a conféré à la SCI [D] la qualité pour agir relativement au bien, pour l'exercice des droits et actions ayant pris naissance antérieurement au transfert de propriété.
Il en résulte que le point de départ du préjudice est le 1er septembre 2005, date à compter de laquelle le bailleur aurait pu bénéficier d'un loyer 'déplafonné'.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté la société [D] de ses demandes indemnitaires relatives à la période comprise entre le 1er septembre 2005 et le 31 janvier 2007.
Après avoir examiné les paramètres propres au local de la SCI [D] et les facteurs locaux de commercialité, Monsieur [P] a analysé que le prix des loyers judiciaires pour la commune de Honfleur pour l'année 2005 se situait entre 40 € et 220 € le m² UP pour atteindre le 400 €'/m² UP pour les plus élevés. Il a ensuite procédé par comparaison avec six termes se trouvant rue de la République. Sa proposition pour le loyer des locaux appartenant à la SCI [D] est inférieure à quatre de ces termes. Compte tenu de la forte probabilité pour que le juge des loyers commerciaux ait fixé le loyer au prix poposé par l'expert, l'indemnisation du préjudice de la société [D] sera de 90'% de la différence entre le prix versé par Mme [Y] et l'estimation de M. [P].
Il ressort de l'estimation de l'expert que la valeur locative de l'immeuble au 31 août 2005 est de 12 122 € par an, en tenant compte de la taxe foncière.
Il est constant entre les parties que Mme [Y] a versé un loyer de
2 464,60 €/an.
La différence entre la valeur locative et le loyer versé est de 9 657,40 €/an soit pendant 9 ans': 9 657,40 € x 9 = 86 916,60 €.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Foncia à payer à la société [D] la somme de 75 775,70 € au titre du préjudice financier subi du 1er février 2007 au 31 août 2014
La société Foncia sera condamnée au paiement de la somme de 78 224,94 € (86 916,60 € x 90%) au titre de son préjudice pour la période comprise entre le 1er septembre 2005 et le 31 août 2014.
Sur le préjudice subi postérieurement au 31 décembre 2014':
La société [D] soutient que':
* pendant la période du 1er janvier 2015 au 18 janvier 2018, Mme [Y] s'est acquittée d'une indemnité annuelle d'occupation de 12 015 €', son préjudice sur cette période est de 441 €'/ an pendant trois ans'; 21,74 € pour la période du 1er au 17 janvier 2018, et 22 111 € de frais de procédure qu'elle a dû régler à la suite de son droit de repentir.
* à compter du renouvellement du bail le 19 janvier 2018 et jusqu'au 31 décembre 2021, le loyer de Mme [Y] est de 2 940 € alors que la valeur locative de l'immeuble est de 14 861 €'; son préjudice annuel est de 11 921 €. Il ne peut lui être reproché de n'avoir pas introduit de nouvelle instance en fixation judiciaire du loyer, compte tenu des déboires rencontrés depuis la faute commise par la société Foncia. Par ailleurs, elle n'a pas constaté entre 2005 et 2018 d'évolution sensible des facteurs de commercialité sur la ville de [Localité 6]'; à supposer que le loyer ait pu être déplafonné, l'effet du déplafonnement aurait été limité par les nouvelles dispositions de l'article L145-34 du code de commerce';
* un projet de vente de son local est en cours et devrait mettre un terme au préjudice du bailleur'; dans cette attente, il est demandé de surseoir à statuer jusqu'à connaissance du préjudice certain.
La société Foncia soutient que':
* la perte de chance d'avoir obtenu une augmentation de loyer ne peut être envisagée au-delà du 31 août 2014'; au-delà de cette date, il appartenait au bailleur de prendre toutes dispositions pour obtenir, si ce n'est la résiliation du bail ou de voir constater le refus de son renouvellement, le déplafonnement du montant du loyer dans l'hypothèse où le bail serait renouvelé.
* la société [D] ne justifie de l'existence d'aucun préjudice certain sur la période pour laquelle elle demande qu'il soit sursis à statuer.
Réponse de la cour':
La société [D] ayant droit à la réparation intégrale de son préjudice, elle doit être indemnisée jusqu'à ce qu'elle ait retrouvé la possibilité d'obtenir la fixation du loyer à la valeur locative.
Le 27 juin 2014, la société [D] a fait délivrer à Mme [Y] un congé sans offre de renouvellement. Par jugement du 23 novembre 2017, le tribunal de grande instance de Lisieux a, entre autres dispositions':
- dit que ce congé n'était justifié par aucun motif grave et légitime';
- dit que ce congé a produit ses effets';
- condamné Mme [Y] au paiement d'une indemnité d'occupation de 12 015 € par an à compter du 1er janvier 2015
- condamné la société [D] au paiement d'une indemnité principale d'éviction de 140 000 €.
Le 19 janvier 2018, la société [D] a notifié à Mme [Y] un accord pour le renouvellement du bail';
Par arrêt du 12 décembre 2019, la cour d'appel de Caen, prenant acte de l'évolution du litige, a confirmé le jugement déféré en ce qu'il a dit que le congé avait produit ses effets et sur le montant de l'indemnité d'occupation sauf à préciser que cette indemnité est due pour la période du 1er janvier 2015 au 18 janvier 2018, et condamné la société [D] à payer à Mme [Y] la somme de 22 111,62 € sur le fondement de l'article L145-58 du code de commerce. Par arrêt du 13 octobre 2021 la cour de cassation a rejeté le pouvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel.
Pour la période du 31 août 2014 au 31 décembre 2014':
Pour cette période, Mme [Y] a payé un loyer mensuel de 205,38 € (2 464,60 €/12) alors que la valeur locative mensuelle du bien était de 1 010,16 € (12 122 €'/12). Il en résulte une différence de 804,78 € par mois, soit pour quatre mois 3 219,14 €.
Pour la période du 1er janvier 2015 au 18 janvier 2018':
Madame [Y] a payé sur cette période une indemnité d'occupation de
12 015 € par an.
La différence entre la valeur locative de l'immeuble et la somme perçue par le bailleur se calcule comme suit':
année 2015': 12 122-12 015 = 107 €
année 2016': 12 122-12 015 = 107 €
année 2017':12 122-12 015 = 107 €
du 1er au 17 janvier 2018': 107/365 jours x18 jours = 5,27 €.
Total': 326,27 €
Pour la période postérieure au 18 janvier 2018':
A compter de l'année 2018, Madame [Y] pouvait à nouveau demander à bénéficier d'un loyer fixé à la valeur locative du bien. Il ressort du jugement rendu le 23
novembre 2017 que Mme [Y] avait demandé à M. [P] de réaliser une nouvelle expertise, et que, prenant en compte les éléments les plus récents de la situation, M. [P] avait dans un rapport du 17 novembre 2015, estimé cette valeur à la somme annuelle de 17 164 €. Il est exact que les dispositions de l'article L 145-34 du code de commerce issues de la loi du 18 juin 2014 ont limité l'augmentation résultant du déplafonnement à 10'% par année. Mais l'indemnisation intégrale du préjudice doit se faire sans profit pour la victime et ne peut aboutir à ce qu'elle bénéficie d'une somme supérieure à celle qu'elle aurait obtenue par le fait d'une évolution législative.
A compter du 18 janvier 2018, l'absence de fixation du loyer à la valeur locative du bien ne trouve plus son origine dans la faute de la société Foncia, mais dans l'abstention de la SCI [D] à saisir le juge des loyers commerciaux, préférant s'orienter vers la cession de son bien.
La somme de 22 111 € représentant les frais de l'instance visé par l'article L145-58 du code de commerce, mise à la charge de la société [D] par l'arrêt du 12 décembre 2019 de la cour d'appel de Caen ne trouve pas son origine dans la faute de la société Foncia mais dans la procédure de congé sans offre de renouvellement suivi du repentir notifié par la bailleresse. La société [D] sera en conséquence déboutée de sa demande tendant au paiement par la société Foncia d'une indemnité de 22 111 €.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a sursis à statuer sur les demandes indemnitaires présentées par la société [D] au titre de la période postérieure au 31 août 2014. La société Foncia sera condamnée à payer à la SCI [D] au titre de son préjudice financier pour la période postérieure au 31 décembre 2014 la somme de':
3 190,86 € ((3 219,14 € + 326,27 €) x90'%), et la société [D] sera déboutée du surplus de ses demandes.
Sur le préjudice accessoire':
La société [D] soutient que':
* elle subi un préjudice du fait des tracas et dépenses de procédure engagées contre Mme [Y] et les recours formés par cette dernière. Ces multiples procédures trouvent leur origine dans le maintien d'un loyer sans commune mesure avec la valeur locative de l'immeuble.
La société Foncia soutient que les procédures engagées par le bailleur contre Mme [Y] ne trouvent pas leur origine dans la faute de la société Foncia.
Réponse de la cour':
La société [D] s'est engagée contre sa locataire dans une procédure de congé sans renouvellement et a exercé son droit de repentir plutôt que de verser l'indemnité d'éviction. Les fautes qu'elle reprochait à sa locataire concernait la mise aux normes du réseau d'évacuation des eaux usées, l'individualisation des installations d'alimentation en eau et en électricité. Elles n'ont pas de rapport avec le montant du loyer. Par voie de conséquence, cette procédure est étrangère à la faute de la société Foncia.
La SCI [D] sera déboutée de sa demande présentée au titre de son préjudice accessoire.
PAR CES MOTIFS':
La cour, statuant par arrêt contradictoire et statuant dans les limites de sa saisine ;
Dit que la cour d'appel de Rouen, cour de renvoi, est saisie de la demande indemnitaire de la société [D] à compter du 1er septembre 2005 jusqu'au 31 décembre 2014 et à compter du 1er janvier 2015.
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a':
- débouté la société [D] de ses demandes indemnitaires relatives à la période allant du 1er septembre 2005 au 31 janvier 2007,
- condamné la société Foncia à payer à la société [D] la somme de 75 775,70 € au titre du préjudice financier subi du 1er février 2007 au 31 août 2014,
- sursis à statuer sur les demandes indemnitaires présentées par la société [D] au titre de la période postérieure au 31 août 2014
Statuant à nouveau':
Condamne la société Foncia Normandie à payer à la société [D] la somme de
78 224,94 € au titre de son préjudice pour la période comprise entre le 1er septembre 2005 et le 31 août 2014';
Condamne la société Foncia Normandie à payer à la société [D] a somme de
3 190,86 € au titre de son préjudice pour la période comprise entre le le 31 août 2014' et le 18 janvier 2018;
Déboute la société [D] de sa demande présentée au titre de son préjudice pour la période postérieure au 18 janvier 2018';
Y ajoutant
Déboute la société [D] de sa demande en paiement de la somme de 22 111 €';
Déboute la société [D] de sa demande présentée au titre de son préjudice accessoire';
Condamne la société Foncia Normandie aux dépens de la procédure d'appel';
Condamne la société Foncia Normandie à payer à la société [D] la somme de
5 000 € au titre de ses frais irrépétibles en cause d'appel';
Déboute la société Foncia Normandie de sa demande au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.
La greffière, La présidente,