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23/03/2023 | FRANCE | N°21/03844

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre de la proximité, 23 mars 2023, 21/03844


N° RG 21/03844 - N° Portalis DBV2-V-B7F-I4T7





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ

Section PARITAIRE



ARRET DU 23 MARS 2023







DÉCISION DÉFÉRÉE :



51-20-0018

Jugement du TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE DIEPPE du 03 Septembre 2021





APPELANTS :



Monsieur [E] [M]

né le 13 Février 1956 à [Localité 41]

[Adresse 2]

[Localité 32]



Non comparant,

représenté par Me Gilles CABOCHE de la SCP GI

LLES CABOCHE, avocat au barreau de BEAUVAIS





Madame [I] [A] divorcée [M]

née le 19 Mars 1954 à [Localité 40]

[Adresse 8]

[Localité 32]



Non comparante,

représentée par Me Gilles CABOCHE de la SCP GILLES CABO...

N° RG 21/03844 - N° Portalis DBV2-V-B7F-I4T7

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ

Section PARITAIRE

ARRET DU 23 MARS 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

51-20-0018

Jugement du TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE DIEPPE du 03 Septembre 2021

APPELANTS :

Monsieur [E] [M]

né le 13 Février 1956 à [Localité 41]

[Adresse 2]

[Localité 32]

Non comparant,

représenté par Me Gilles CABOCHE de la SCP GILLES CABOCHE, avocat au barreau de BEAUVAIS

Madame [I] [A] divorcée [M]

née le 19 Mars 1954 à [Localité 40]

[Adresse 8]

[Localité 32]

Non comparante,

représentée par Me Gilles CABOCHE de la SCP GILLES CABOCHE, avocat au barreau de BEAUVAIS

INTIMES :

Monsieur [X] [V]

né le 20 Août 1951 à [Localité 38]

[Adresse 14]

[Localité 35]

Comparant

assisté de Me Nicole DAUGE, avocat au barreau de ROUEN

Monsieur [E] [V]

né le 02 Octobre 1949 à [Localité 38]

[Adresse 31]

[Localité 38]

Comparant

assisté de Me Nicole DAUGE, avocat au barreau de ROUEN

Monsieur [Y] [V]

né le 22 Juin 1967 à [Localité 38]

[Adresse 13]

[Localité 32]

Non comparant,

représenté par Me Nicole DAUGE, avocat au barreau de ROUEN

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/001879 du 19/04/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)

Monsieur [Z] [V]

né le 14 Août 1961 à [Localité 38]

[Adresse 4]

[Localité 34]

Non comparant,

représenté par Me Nicole DAUGE, avocat au barreau de ROUEN

Madame [W] [V] épouse [P]

née le 31 Août 1976 à [Localité 38]

[Adresse 1]

[Localité 33]

Non comparante,

représentée par Me Nicole DAUGE, avocat au barreau de ROUEN

Madame [N] [V] épouse [C]

née le 06 Décembre 1957 à [Localité 38]

[Adresse 39]

[Localité 36]

Non comparante,

représentée par Me Nicole DAUGE, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

Lors de la plaidoirie et du délibéré

Madame GOUARIN, Présidente,

Madame TILLIEZ, Conseillère,

Madame GERMAIN, Conseillère.

Madame DUPONT, greffière lors des débats et de la mise à disposition

DEBATS :

Rapport oral a été fait à l'audience

A l'audience publique du 23 Janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 Mars 2023

ARRET :

Contradictoire

Prononcé publiquement le 23 Mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

Signé par Madame GOUARIN, Présidente et par Madame DUPONT, Greffière.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Suivant acte authentique établi le 29 novembre 1991 par Maître [K] [B], notaire à [Localité 38] (76), M. [S] [V] et Mme [O] [L] épouse [V] ont consenti à M. [E] [M] et à Mme [I] [A], divorcée [M] un bail à ferme de douze ans, portant sur des parcelles sises commune de [Localité 32] (76), cadastrées sections D [Cadastre 3], D [Cadastre 6], D [Cadastre 7], D [Cadastre 29] (devenue D [Cadastre 30]) , D [Cadastre 9], D [Cadastre 10], D [Cadastre 11], D [Cadastre 12], D [Cadastre 15], D [Cadastre 16], D [Cadastre 17], D [Cadastre 18], D [Cadastre 19], D [Cadastre 20], D [Cadastre 21], D [Cadastre 22], D [Cadastre 23], D [Cadastre 24], D [Cadastre 25], D [Cadastre 26], D [Cadastre 27], D [Cadastre 28] et E[Cadastre 5], pour une contenance de 28 ha 93 ca 61 a.

Ce bail a commencé à courir rétroactivement à compter du 15 septembre 1991, pour se terminer le 14 septembre 2003, puis a été renouvelé par tacite reconduction.

Mme [O] [L] épouse [V] est décédée le 15 février 1997 à [Localité 37] (76) et M. [S] [V] est décédé le 28 septembre 1998 à [Localité 32] (76).

Suivant acte authentique de partage du 26 mars 1999, les parcelles cadastrées sections D [Cadastre 15], D [Cadastre 18], D[Cadastre 19], D [Cadastre 16] et D [Cadastre 17] ont été attribuées à M. [Z] [V], la parcelle cadastrée section D [Cadastre 22] a été attribuée à Mme [G] [V] et les autres parcelles sont demeurées en indivision.

Suivant convention sous seing privé du 02 janvier 2002, il a été convenu par M. [E] [M] et M. [Z] [V] que la parcelle D [Cadastre 15] serait restituée à M. [Z] [V] à échéance du 15 septembre 2003.

M. [E] [M] et Mme [I] [A] ont divorcé le 18 mai 2006.

Suivant acte du 13 mars 2020 Mme [W] [P], M. [Y] [V], M. [Z] [V], M. [E] [V], Mme [N] [C] et M. [X] [V] ont fait délivrer congé à M. [E] [M] et à Mme [I] [A], pour raison d'âge de départ à la retraite, à effet du 14 septembre 2021, sur toutes les parcelles leur appartenant, à l'exception de la parcelle D [Cadastre 22] appartenant à Mme [G] [V].

Suivant requête envoyée le 26 juin 2020, M. [E] [M] et Mme [I] [A], divorcée [M] ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux aux fins de contestation du congé et de cession du bail au profit de leur fille [F] [M], en application de l'article L 411-35 du code rural et de la pêche maritime. A titre subsidiaire, M. [E] [M], dans l'hypothèse où Mme [F] [M] ne serait pas autorisée à intégrer l'Earl, sollicitait la poursuite du bail jusqu'à l'âge de la retraite à taux plein, en application de l'article L411-58 du code rural et de la pêche maritime.

Suivant jugement du 03 septembre 2021, le tribunal paritaire des baux ruraux de Dieppe a :

- déclaré recevable Mme [W] [P], M. [Y] [V], M. [Z] [V], M. [E] [V], Mme [N] [C], M. [X] [V] en leurs demandes,

- dit et jugé que la demande de résiliation de bail des consorts [V] n'était pas prescrite,

- dit et jugé que Mme [W] [P], M. [Y] [V], M. [Z] [V], M. [E] [V], Mme [N] [C], M. [X] [V] justifiaient d'un motif de résiliation de bail,

- dit et jugé que le congé du 13 mars 2020 n'était pas entaché de nullité,

- constaté la résiliation du bail consenti à M. [E] [M] et Mme [I] [A], divorcée [M] suivant acte authentique du 29 novembre 1991 et renouvelé,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes non satisfaites,

- condamné solidairement M. [E] [M] et Mme [I] [A] divorcée [M] à payer à Mme [W] [P], M. [Y] [V], M. [Z] [V], M. [E] [V], Mme [N] [C], M. [X] [V], unis d'intérêts, la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement M. [E] [M] et Mme [I] [A], divorcée [M] aux entiers dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 05 octobre 2021, M. [M] et Mme [A] ont interjeté appel du jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux de Dieppe.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions communiquées le 24 août 2022, reprises oralement à l'audience, M. [E] [M] et Mme [I] [A] demandent à la cour de :

- les déclarer recevables et bien fondés en leur appel,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- annuler le congé qui leur a été délivré le 13 mars 2020,

- débouter les consorts [V] de leur demande de résiliation de bail,

- autoriser M. [M] à céder le bail à sa fille [F] [M],

- condamner les consorts [V] aux dépens d'appel,

- condamner les consorts [V] à leur verser une indemnité de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions communiquées le 20 septembre 2022, reprises oralement à l'audience, Mme [W] [P], M. [Y] [V], M. [Z] [V], M. [E] [V], Mme [N] [C], M. [X] [V] demandent à la cour de :

-juger recevable et mal fondé l'appel formé par M. [E] [M] et Mme [I] [A],

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail conclu avec M. [E] [M] et Mme [I] [A] faute d'avoir adressé la lettre recommandée avec accusé de réception informant les propriétaires de ce qu'il était divorcé et que son épouse avait cessé l'exploitation,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [M] à verser à Mme [W] [P], M. [Y] [V], M. [Z] [V], M. [E] [V], Mme [N] [C], M. [X] [V] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner l'expulsion de M. [M] ainsi que tout occupant de son chef au besoin avec le concours de la force publique,

- condamner M. [M] à verser une indemnité d'occupation correspondant au montant du loyer, outre les charges jusqu'à son départ effectif,

- condamner M. [M] à verser à Mme [W] [P], M. [Y] [V], M. [Z]

[V], M. [E] [V], Mme [N] [C], M. [X] [V] une somme de 3500 euros au titre de l'article 700 compte tenu des frais irrépétibles,

- condamner M. [M] et Mme [A] aux entiers dépens de l'instance,

Trés subsidiairement, au visa des articles L411-31 et L411-35 du code rural, dans l'hypothèse où par impossible la cour infirmerait le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux en ce qu'il a procédé à la résiliation du bail :

- débouter M. [M] de sa demande de cession du bail au profit de sa fille [F] compte-tenu d'une part de sa mauvaise foi et d'autre part de ce que sa fille ne réside pas à proximité des terres et n'a au surplus aucune expérience professionnelle et valider le congé pour âge de la retraite en date du 13 mars 2020 à effet du 14 septembre 2021,

- ordonner l'expulsion de M. [M] ainsi que tout occupant de son chef, au besoin avec le concours de la force publique,

- condamner M. [M] à verser une indemnité d'occupation correspondant au montant du loyer, outre les charges, jusqu'à son départ effectif,

- débouter M. [M] et Mme [A] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [M] et Mme [A] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I- Sur la communication tardive de la pièce n°21

Aux termes de l'article 16 du code de procédure civile alinéa 1 et 2, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

A l'audience du lundi 23 janvier 2023, les appelants demandent à ce que la pièce n°21 communiquée le vendredi 20 janvier 2023 par les intimés et à laquelle ils n'ont pas eu le temps de répondre, soit écartée des débats.

Les intimés ne font pas d'observation sur cette demande de rejet de pièce.

Eu égard au caractère effectivement tardif de communication de la pièce n°21 par les consorts [V], les appelants n'ont pas été mis en mesure d'en débattre contradictoirement.

Cette pièce sera en conséquence écartée des débats.

II- Sur la demande de résiliation de bail

M. [M] et Mme [A] divorcée [M] critiquent la décision ayant prononcé la résiliation du bail au visa de l'article L 411-35 II du code rural et de la pêche maritime pour non-respect par M. [M] de son obligation d'informer ses bailleurs du départ de son épouse de l'exploitation.

M. [M] soutient que les consorts [V] étaient tout à fait informés que M. [M] exploitait désormais seul les parcelles, le bail ayant été tacitement reconduit en 2012, soit six ans après le divorce prononcé en 2006 et que le défaut d'une telle information n'est de toute façon pas suffisamment grave pour constituer un motif de résiliation de bail.

Les intimés concluent à la confirmation de la décision ayant résilié le bail, faute d'avoir été informés du départ de Mme [A], divorcée [M], dans les délais et les formes prévus par la loi, par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée dans un délai de trois mois.

Aux termes de l'article L 411-35 alinéa 3 et 4 du code rural et de la pêche maritime, lorsqu'un des copreneurs du bail cesse de participer à l'exploitation du bien loué, le copreneur qui continue à exploiter dispose de trois mois à compter de cette cessation pour demander au bailleur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception que le bail se poursuive à son seul nom. Le propriétaire ne peut s'y opposer qu'en saisissant dans un délai fixé par décret le tribunal paritaire, qui statue alors sur la demande. Le présent alinéa est applicable aux baux conclus depuis plus de trois ans, sauf si la cessation d'activité du copreneur est due à un cas de force majeure.

A peine de nullité, la lettre recommandée doit, d'une part, reproduire intégralement les dispositions du troisième alinéa du présent article et, d'autre part, mentionner expressément les motifs allégués pour cette demande ainsi que la date de cessation de l'activité du copreneur.

L'article L. 411-46, alinéa 2 du code rural et de la pêche maritime dispose en outre qu'en cas de départ de l'un des conjoints ou partenaires d'un pacte civil de solidarité copreneurs du bail, le conjoint ou le partenaire qui poursuit l'exploitation a droit au renouvellement du bail.

Il s'en déduit que, lorsqu'en application de ce texte, le bail s'est renouvelé de plein droit au seul nom du copreneur qui a poursuivi l'exploitation, celui-ci ne peut être cessionnaire irrégulier du droit de son conjoint, ce qui exclut que son bail puisse être résilié pour manquement à l'obligation d'information du propriétaire en cas de cessation d'activité de l'un des copreneurs qui résulte des alinéas 3 et 4 de l'article L. 411-35 du même code, dans sa version issue de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 (Cass. Civ 3, 06 juillet 2022, n°21-12.833).

En l'espèce, il n'est pas contesté par les appelants que leur divorce a été prononcé le 18 mai 2006, que Mme [A] a quitté l'exploitation en 2006 et que M. [M], qui a poursuivi seul l'exploitation, n'a pas informé les bailleurs de la cessation d'exploitation par son ex-épouse dans les formes et les délais prévus par les textes, alors que la loi n° 2014-1170 du 13 octobre, en son article 4-V-B prévoit que ses dispositions s'appliquent aux baux en cours et que si l'un des copreneurs a cessé de participer à l'exploitation avant la date de publication de ladite loi, le délai de trois mois mentionné au troisième alinéa du présent article commence à courir à compter de cette date.

M. [M] a cependant bénéficié du renouvellement tacite et de plein droit de son bail à son seul nom le 14 septembre 2012 et ne peut donc être considéré comme étant cessionnaire irrégulier du droit de son ex-épouse.

En omettant de combiner les articles L 411-35 3° et 4° et 411-46, alinéa 2 du code rural et de la pêche maritime, le premier juge a donc tiré des conséquences inexactes du manquement de M. [M] à son obligation d'information du propriétaire des terres louées, qui ne constituait pas un motif de résiliation du bail en l'espèce.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

III- Sur la validité du congé délivré le 13 mars 2020 et la demande de cession de bail

Le tribunal paritaire des baux ruraux a jugé que le congé qui a été délivré à M. [M] et à Mme [A] le 13 mars 2020 pour raison d'âge, à effet du 14 septembre 2021, n'est pas entaché de nullité.

M. [E] [M] et Mme [I] [A] sollicitent l'annulation de ce congé dans le dispositif de leurs conclusions, sans cependant développer de moyens à l'appui de leur prétention.

Les intimés ne développent eux-mêmes aucun moyen en réponse.

La décision ayant validé le congé litigieux sera donc confirmée.

Ensuite, les appelants sollicitent l'autorisation judiciaire de cession du bail par M. [M] au profit de leur fille [F].

A l'appui de cette prétention, ils font valoir que M. [M] a été de bonne foi pendant toute la durée de l'exécution du contrat de bail; qu'il a toujours correctement exploité les parcelles louées, que ses difficultés dans le paiement d'une échéance sont restées exceptionnelles et liées au contexte de son divorce, que les consorts [V] se plaignent d'avoir été obligés de procéder à des rappels de paiement des fermages, sans en justifier et que les délais de paiement observés ne présentent aucun retard caractéristique d'un manquement.

Ils ajoutent que leur fille remplit les conditions pour bénéficier d'une telle cession en terrmes de distance entre le domicile et le lieu de situation des biens qui en permet l'exploitation directe, de disponibilité du matériel nécessaire à l'exploitation du fonds, à travers l'Earl de Mont Real, d'expérience professionnelle nécessaire et de conformité à la réglementation du contrôle des structures.

Les intimés s'opposent à une telle cession de bail au bénéfice de Mme [F] [M] et soutiennent que M. [M] a exécuté de mauvaise foi le contrat, en omettant de les prévenir du départ de l'exploitation de Mme [A] dans les formes légales, en payant systématiquement ses loyers en retard, après relance et en retournant une parcelle d'herbage sans autorisation.

En outre, les consorts [V] font valoir que Mme [F] [M] ne remplit pas les conditions lui permettant de bénéficier de la cession de bail, alors qu'elle n'est pas domiciliée à proximité de l'exploitation, n'a jamais exploité de terres agricoles, n'a pas accès au cheptel et au matériel nécessaires ou ne justifie pas avoir les moyens de les acquérir et ne dispose pas d'une autorisation d'exploiter, mais simplement d'une lettre de la préfecture attestant de son installation au sein d'une Earl, qui ne nécessiterait pas d'autorisation.

Aux termes de l'article L 411-35 alinéa 1 du code rural et de la pêche maritime, sous réserve des dispositions particulières aux baux cessibles hors du cadre familial prévues au chapitre VIII du présent titre et nonobstant les dispositions de l'article 1717 du code civil, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipés. A défaut d'agrément du bailleur, la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire.

Il ressort tout d'abord des éléments développés ci-dessus que M. [M] a bénéficié du renouvellement tacite et de plein droit de son bail à son seul nom le 14 septembre 2012, qu'il ne peut donc être considéré comme étant cessionnaire irrégulier du droit de son ex-épouse et que le manquement de M. [M] à son obligation d'information du propriétaire des terres louées, reproché par les intimés, ne caractérise pas sa mauvaise foi.

Ensuite, les intimés se contentent d'alléguer une faute de M. [M] dans l'exécution du bail rural en lui imputant le fait d'avoir retourné une parcelle d'herbage sans autorisation, sans en justifier et alors que ce dernier conteste un tel fait.

En revanche, les intimés justifient d'un retard de paiement de ses fermages par M. [M] non pas pour une seule échéance mais sur plusieurs années, et donc de façon réitérée, sa bonne foi s'appréciant à la date de la demande en justice de l'autorisation de cession, soit au 26 juin 2020.

Le bail rural établi le 29 novembre 1991, non modifié, prévoit en effet un fermage payable en deux termes et semestres égaux, les 15 mars et 15 septembre de chaque année, soit à [Localité 38], soit au domicile du bailleur au choix de ce dernier.

Or, les pièces n°1 à 12 communiquées par les intimés établissent que le fermage dû le 15 septembre 2003 a été réglé par le biais d'une procédure de saisie attribution sur paie de lait et que les fermages dûs aux deux termes des années 2015, 2016, 2017, 2018, 2019 et au premier terme de l'année 2020 ont été réglés avec retard.

De tels retards réitérés dans le paiement des fermages sur une période de six années, constituent un manquement grave aux obligations de M. [M] nées du bail, sans qu'une condition de relance ou de mise en demeure ne soit exigée de la part du bailleur pour considérer le preneur comme étant de mauvaise foi.

M. [M], qui a d'ailleurs reconnu des paiements tardifs de fermages dans ses conclusions de première instance en page 5 (pièce n°20), ne peut en conséquence être autorisé à céder son bail à sa fille [F] [M].

Les appelants seront donc déboutés de leur demande de cession du bail par M. [M] au profit de sa fille Mme [F] [M], sans qu'il ne soit nécessaire d'aborder les moyens relatifs aux conditions remplies ou non par leur fille pour bénéficier d'une telle cession.

IV- Sur les demandes d'expulsion et de paiement d'une indemnité d'occupation

Le congé étant validé et la cession du bail refusée, il convient d'ordonner l'expulsion de M. [M] ainsi que tout occupant de son chef, si besoin avec le concours de la force publique, des parcelles sises commune de [Localité 32] (76), cadastrées sections D [Cadastre 3], D [Cadastre 6], D [Cadastre 7], D [Cadastre 29] devenue D [Cadastre 30], D [Cadastre 9], D [Cadastre 10], D [Cadastre 11], D [Cadastre 12], D [Cadastre 16], D [Cadastre 17], D [Cadastre 18], D [Cadastre 19], D [Cadastre 20], D [Cadastre 21], D [Cadastre 23], D [Cadastre 24], D [Cadastre 25], D [Cadastre 26], D [Cadastre 27], D [Cadastre 28] et E [Cadastre 5] , la parcelle D [Cadastre 15] restituée à M. [Z] [V] en application de la convention sous seing privé du 02 janvier 2002, n'étant plus concernée.

Il y a également lieu de condamner M. [E] [M] à verser une indemnité d'occupation correspondant au montant du fermage, outre les charges, jusqu'à la libération effective des parcelles.

V - sur les demandes accessoires

M. [M] et Mme [A] divorcée [M], succombant à titre principal en leurs demandes seront condamnés aux dépens d'appel.

M. [M] sera en outre condamné à verser à Mme [W] [P], M. [Y] [V], M. [Z] [V], M. [E] [V], Mme [N] [C], M. [X] [V], unis d'intérêts, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les appelants seront déboutés de leur demande présentée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Ecarte des débats la pièce n°21 produite par les consorts [V] ,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a jugé que le congé du 13 mars 2020 n'était pas entaché de nullité, condamné solidairement M. [E] [M] et Mme [I] [A] divorcée [M] à payer à Mme [W] [P], M. [Y] [V], M. [Z] [V], M. [E] [V], Mme [N] [C], M. [X] [V], unis d'intérêts, la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens et dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute Mme [W] [P], M. [Y] [V], M. [Z] [V], M. [E] [V], Mme [N] [C] et M. [X] [V] de leur demande de résiliation de bail,

Déboute M. [E] [M] et Mme [I] [A] divorcée [M] de leur demande d'autoriser M. [E] [M] à céder son bail à sa fille Mme [F] [M],

Ordonne l'expulsion de M. [E] [M] ainsi que tout occupant de son chef, des parcelles sises commune de [Localité 32] (76), cadastrées sections D [Cadastre 3], D [Cadastre 6], D [Cadastre 7], D [Cadastre 29] devenue D [Cadastre 30], D [Cadastre 9], D [Cadastre 10], D [Cadastre 11], D [Cadastre 12], D [Cadastre 16], D [Cadastre 17], D [Cadastre 18], D [Cadastre 19], D [Cadastre 20], D [Cadastre 21], D [Cadastre 23], D [Cadastre 24], D [Cadastre 25], D [Cadastre 26], D [Cadastre 27], D [Cadastre 28] et E [Cadastre 5], si besoin avec le concours de la force publique,

Condamne M. [E] [M] à verser à Mme [W] [P], M. [Y] [V], M. [Z] [V], M. [E] [V], Mme [N] [C] et M. [X] [V] une indemnité d'occupation correspondant au montant du fermage, outre les charges jusqu'à la libération effective des parcelles,

Condamne M. [E] [M] et Mme [I] [A] divorcée [M] aux dépens d'appel,

Condamne M. [E] [M] à verser à Mme [W] [P], M. [Y] [V], M. [Z] [V], M. [E] [V], Mme [N] [C] et M. [X] [V], unis d'intérêts, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les déboute de leur demande présentée de ce chef.

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre de la proximité
Numéro d'arrêt : 21/03844
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-23;21.03844 ?
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