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22/03/2023 | FRANCE | N°21/02972

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 22 mars 2023, 21/02972


N° RG 21/02972 - N° Portalis DBV2-V-B7F-I2X2







COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 22 MARS 2023









DÉCISION DÉFÉRÉE :



20/00229

Tribunal judiciaire du Havre du 24 juin 2021





APPELANTE :



SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS - SMABTP

RCS de Paris n° 775 684 764

[Adresse 2]

[Localité 7]



représentée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au bar

reau de Rouen et assistée de Me Laure VALLET, avocat au barreau de Rouen







INTIMES :



Monsieur [R] [P]

né le 7 janvier 1967 à [Localité 14]

[Adresse 5]

[Localité 8]



représenté et assisté par Me Renaud...

N° RG 21/02972 - N° Portalis DBV2-V-B7F-I2X2

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 22 MARS 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

20/00229

Tribunal judiciaire du Havre du 24 juin 2021

APPELANTE :

SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS - SMABTP

RCS de Paris n° 775 684 764

[Adresse 2]

[Localité 7]

représentée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Laure VALLET, avocat au barreau de Rouen

INTIMES :

Monsieur [R] [P]

né le 7 janvier 1967 à [Localité 14]

[Adresse 5]

[Localité 8]

représenté et assisté par Me Renaud COURBON de la SELARL MARGUET LEMARIE COURBON, avocat au barreau du Havre

Madame [U] [M] épouse [P]

née le 1er septembre 1970 à [Localité 15]

[Adresse 5]

[Localité 8]

représentée et assistée par Me Renaud COURBON de la SELARL MARGUET LEMARIE COURBON, avocat au barreau du Havre

Monsieur [S] [C]

[Adresse 1]

[Localité 11]

représenté par Me Pascal HUCHET de la SCP HUCHET DOIN, avocat au barreau du Havre et assisté de Me Gilles GRARDEL, avocat au barreau de Lille plaidant par Me LECAT

SA AXA FRANCE IARD

RCS de Nanterre n° 722 057 460

[Adresse 3]

[Localité 12]

représenté par Me Pascal HUCHET de la SCP HUCHET DOIN, avocat au barreau du Havre et assisté de Me Gilles GRARDEL, avocat au barreau de Lille plaidant par Me LECAT

SA PACIFICA

RCS de Paris n° 352 358 865

[Adresse 9]

[Localité 7]

représentée et assistée par Me Richard SEDILLOT, avocat au barreau de Rouen

SARL RESEAU BOIS anciennement dénommée SARL LA MAISON DE CEDRE

RCS d'Amiens n° 421 189 150

[Adresse 6]

[Localité 10]

représentée par Me Nathalie MICHEL, avocat au barreau du Havre et assistée de Me Marine CROQUELOIS, avocat au barreau de Lille

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 18 janvier 2023 sans opposition des avocats devant Mme Magali DEGUETTE, conseillère, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

M. Jean-François MELLET, conseiller,

Mme Magali DEGUETTE, conseillère,

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER,

DEBATS :

A l'audience publique du 18 janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 22 mars 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 22 mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 12 octobre 2007, M. [R] [P] et Mme [U] [M], son épouse, ont conclu avec la Sarl La Maison de Cèdre un contrat de construction de maison individuelle à ossature bois sur un terrain situé [Adresse 4], [Localité 13].

Le lot électricité a été sous-traité par la Sarl La Maison de Cèdre à M. [S] [C], assuré auprès de la Sa Axa France Iard, le 12 février 2008, et, le lot plomberie, à la Sarl Dpc, aujourd'hui radiée, le 15 février 2008.

Suivant procès-verbal du 20 juin 2008, les travaux ont été réceptionnés avec une réserve qui a été levée le 7 novembre 2008.

Le 8 mars 2014, l'immeuble a été totalement incendié.

Par ordonnance du 20 mai 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance du Havre, saisi les 17, 18, et 24 avril 2014 par M. et Mme [P] et leur assureur habitation la Sa Pacifica, a fait droit à leur demande de réalisation d'une expertise au contradictoire de la Sarl La Maison de Cèdre, de l'assureur dommages ouvrage la Smabtp, et de la commune de [Localité 13]. Il a désigné M. [O] [F] à cet effet.

Cette mesure a été étendue :

- le 10 juin 2014 au service départemental d'incendie et de secours,

- le 24 juin 2014 à M. [S] [C], à la Sa Axa France Iard, et à la Smabtp, assureur décennal de la Sarl La Maison de Cèdre,

- le 22 juillet 2014 à la Sas France Europe Immobilier, lotisseur chargé de l'implantation d'une citerne pour assurer la défense incendie du lotissement,

- le 26 mai 2015, à la Sa Aviva Assurances, assureur de la Sarl La Maison de Cèdre à compter du 1er septembre 2010.

L'expert judiciaire a établi son rapport d'expertise le 18 décembre 2015, aux termes duquel il a conclu que l'incendie avait pris naissance dans le cellier de la maison de M. et Mme [P] à la suite d'un défaut de liaison entre la platine de la résistance du chauffe-eau et les conducteurs souples d'alimentation. Il a retenu la répartition suivante du pourcentage du coût des préjudices :

- le branchement électrique du chauffe-eau au moyen d'un câble électrique inadapté, réalisé par la Sarl Dpc, intervient pour 80 %,

- l'absence de consultation du Sdis 76 par la Sas France Europe Immobilier sur le principe d'un poteau d'aspiration et d'une citerne enterrée dans le lotissement intervient pour 10 %,

- l'absence de suivi de la consultation du Sdis 76 pour l'installation du poteau alimenté, et d'une façon plus générale l'absence de réflexion concertée avec le Sdis sur la défense en extérieur contre l'incendie, par la commune de [Localité 13], intervient pour 10 %.

La Sa Pacifica a versé une provision initiale de 301 040 euros à M. et Mme [P].

Par ordonnance du 18 août 2016, le juge des référés du tribunal précité a condamné la Sa Pacifica à régler à M. et Mme [P] une provision complémentaire de 184 514,25 euros à valoir sur l'indemnité d'assurance, déduction faite de la provision de 301 040 euros.

Suivant actes d'huissier de justice des 14 et 17 octobre 2016, M. et Mme [P] ont fait assigner la Sa Pacifica et la Sarl La Maison de Cèdre devant le tribunal de grande instance du Havre aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.

Par exploits des 23 et 26 janvier 2017, la Sarl La Maison de Cèdre aux droits de laquelle vient aujourd'hui la Sarl Réseau Bois a appelé en garantie son assureur décennal la Smabtp, la Sa Aviva Assurances, M. [S] [C] et la Sa Axa France Iard.

Ces instances ont été jointes.

Par jugement du 24 juin 2021, le tribunal judiciaire du Havre a :

- déclaré la Sa Pacifica irrecevable en ses demandes à l'encontre de M. [S] [C] et de la Sa Axa France Iard,

- débouté la Sa Aviva Assurances de sa demande de mise hors de cause,

- condamné in solidum la Sarl Réseau Bois et la Sa Pacifica à verser à M. [R] [P] et Mme [U] [M], son épouse, la somme de 16 668,75 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

- condamné la Sarl Réseau Bois à verser à M. [R] [P] et Mme [U] [M], son épouse, la somme de 11 820 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

- condamné in solidum la Sarl Réseau Bois et la Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (Smabtp) à verser une somme de 485 554,25 euros à la Sa Pacifica dont à déduire, dans les rapports entre la Smabtp et la Sa Pacifica uniquement, la somme de 2 342 euros correspondant aux deux franchises applicables et la somme de 23 863 euros correspondant à l'application du plafonnement des dommages immatériels,

- condamné in solidum la Sarl Réseau Bois et son assureur la Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (Smabtp) à garantir la Sa Pacifica des condamnations prononcées à son encontre par le présent jugement,

- condamné la Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (Smabtp) à garantir la Sarl Réseau Bois des condamnations prononcées à son encontre par le jugement, dont à déduire la somme de 2 342 euros correspondant aux deux franchises applicables et la somme de 33 383 euros correspondant à l'application du plafonnement des dommages immatériels,

- débouté la Sarl Réseau Bois, la Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (Smabtp) et la Sa Pacifica de leur recours en garantie à l'encontre de M. [S] [C] et de son assureur la Sa Axa France Iard,

- débouté la Sa Pacifica de sa demande de condamnation au titre des sommes déjà versées formulées à l'encontre de M. [S] [C] et de son assureur la Sa Axa France Iard,

- débouté la Sarl Réseau Bois et la Sa Pacifica de leur recours en garantie à l'encontre de la Sa Aviva Assurances,

- condamné in solidum la Sarl Réseau Bois et la Sa Pacifica à verser aux époux [P] une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la Sarl Réseau Bois et la Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (Smabtp) à verser à la Sa Pacifica une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision, à l'exception du chef de dispositif portant sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- condamné in solidum la Sa Pacifia, la Sarl Réseau Bois et la Société Mutuelle d'Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (Smabtp) aux dépens de la présente procédure en ce compris les frais d'expertise et de référé,

- autorisé, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Me Renaud Courbon, représentant de la Selarl Marguet Lemarié Courbon, la Scp Huchet Doin et Me Bourget, avocats, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.

Par déclaration du 19 juillet 2021, la Smabtp a formé un appel contre ledit jugement à l'encontre de toutes les parties, à l'exception de la Sa Aviva Assurances.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 14 avril 2022, la Smabtp demande de voir en application des articles 1792 du code civil et L.124-3 du code des assurances :

à titre principal,

- réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire du Havre le 24 juin 2021 en ce qu'il a retenu que l'incendie était dû à un défaut de connexion au niveau de la boîte de raccordement du chauffe-eau électrique,

- dire que la cause de l'incendie est indéterminée et n'est pas imputable aux travaux de construction,

- rejeter toutes prétentions émises à son encontre,

à titre subsidiaire,

- réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de recours et garantie contre M. [S] [C] et la Sa Axa France Iard,

- condamner ces derniers à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre,

à titre infiniment subsidiaire,

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit qu'elle était bien fondée à opposer ses franchises contractuelles et le plafond de garantie s'agissant de garanties facultatives,

en tout état de cause,

- débouter la Sa Pacifica, M. [C], et la Sa Axa France Iard de leurs demandes dirigées contre elle,

- rejeter l'appel incident de ces derniers,

- condamner tout succombant à lui payer la somme de 5 007 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens de première instance et d'appel que la Selarl Gray Scolan, avocats associés, sera autorisée à recouvrer, pour ceux la concernant, conformément à l'article 699 du code précité.

Elle fait valoir que les preuves réunies par l'expert judiciaire sont insuffisantes pour conclure de manière formelle à un défaut de connexion au niveau de la boîte de raccordement du chauffe-eau électrique ; que, dans son analyse critique, M. [B] [V], expert en incendie et en électricité près la Cour de cassation qu'elle a mandaté, a mis en évidence les éléments suivants concluant à l'indétermination de la cause de l'incendie : l'odeur liée à la combustion du caoutchouc nitrile acrylique vulcanisé, l'eau froide sur le sol, les analyses en laboratoire du chauffe-eau et l'absence de réponse de l'expert judiciaire.

Elle expose à titre subsidiaire, au titre de son recours en garantie dirigé contre M. [S] [C] et la Sa Axa France Iard, que ce dernier a effectué toutes les prestations électriques dont nécessairement le raccordement du chauffe-eau ; que le tribunal ne peut pas décider de l'inverse du seul fait que le chauffe-eau a été posé postérieurement à la facture de M. [S] [C] ; que celui-ci a achevé l'alimentation du chauffe-eau après sa pose par la Sarl Dpc en raccordant les trois conducteurs sur la boîte de raccordement ; que la Sarl Dpc n'avait aucune compétence en électricité et que sa facture, très détaillée, ne mentionnait pas qu'elle devait effectuer le raccordement électrique du chauffe-eau.

Par dernières conclusions notifiées le 17 janvier 2022, M. [R] [P] et Mme [U] [M], son épouse, sollicitent de voir :

- confirmer le jugement déféré notamment en ce qu'il a :

. condamné in solidum la Sarl Réseau Bois et la Sa Pacifica à verser à M. [R] [P] et Mme [U] [M] épouse [P] la somme de 16 668,75 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

. condamné la Sarl Réseau Bois à verser à M. [R] [P] et Mme [U] [M] épouse [P] la somme de 11 820 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

. condamné in solidum la Sarl Réseau Bois et la Sa Pacifica à verser aux époux [P] une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

. ordonné l'exécution provisoire, à l'exception du chef de dispositif portant sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

. condamné in solidum la Sa Pacifia, la Sarl Réseau Bois, et la Smabtp aux dépens de la procédure en ce compris les frais d'expertise et de référé,

y ajoutant,

- subsidiairement, condamner tout succombant aux dépens de première instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire,

- condamner tout succombant à leur régler une indemnité de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel,

- condamner tout succombant aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de Me Renaud Courbon représentant la Selarl Marguet Lemarié & Courbon.

Ils avancent que l'origine du sinistre est imputable à un défaut sur le branchement électrique du chauffe-eau réalisé par un sous-traitant de la Sarl Réseau Bois qui engage la responsabilité totale et de droit de celle-ci à leur égard.

Par dernières conclusions notifiées le 15 avril 2022, la Sarl Réseau Bois demande de voir en vertu des articles 1792 du code civil et L.124-3 du code des assurances :

à titre principal,

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

. condamné in solidum la Sarl Réseau Bois et la Sa Pacifica à verser à M. [R] [P] et Mme [U] [M], son épouse, la somme de 16 668,75 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

. condamné la Sarl Réseau Bois à verser à M. [R] [P] et Mme [U] [M], son épouse, la somme de 11 820 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

. condamné in solidum la Sarl Réseau Bois et la Smabtp à verser une somme de 485 554,25 euros à la Sa Pacifica dont à déduire, dans les rapports entre la Smabtp et la Sa Pacifica, la somme de 2 342 euros correspondant aux franchises contractuelles et la somme de 33 euros en application du plafonnement des dommages immatériels,

. condamné in solidum la Sarl Réseau Bois et la Smabtp à garantir la Sa Pacifica des condamnations prononcées à son encontre,

. débouté la Sarl Réseau Bois, la Smabtp, et la Sa Pacifica de leur recours en garantie à l'encontre de M. [S] [C] et de son assureur la Sa Axa France Iard,

. condamné la Sarl Réseau Bois à verser des frais de procédures aux époux [P] et à la Sa Pacifica et aux dépens,

- statuant à nouveau, juger que l'incendie ne lui est pas imputable et débouter M. et Mme [P], la Sa Pacifica, et toute autre partie de leurs demandes de condamnations dirigées à son encontre,

à titre subsidiaire,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de son recours en garantie à l'encontre de M. [S] [C] et de la Sa Axa France Iard et a mis à sa charge les condamnations prononcées à son encontre,

statuant à nouveau,

- condamner M. [S] [C] et la Sa Axa France Iard à la garantir et relever indemne de l'ensemble des condamnations en principal, intérêts, et frais prononcées à son encontre,

- limiter les préjudices matériels à la charge des constructeurs dont elle-même à hauteur de 80 % au regard des conclusions expertales,

- ramener les préjudices réclamés par M. et Mme [P] à de plus raisonnables proportions et les débouter notamment des préjudices immatériels non justifiés,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la Smabtp à la garantir de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre au titre des préjudices matériels, immatériels, intérêts et frais,

en tout état de cause,

- condamner la Sa Pacifica à régler à M. et Mme [P] les préjudices immatériels réclamés dont notamment la somme sollicitée au titre de la perte d'usage,

- débouter l'ensemble des parties de leurs demandes dirigées à son encontre dont notamment celles formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les frais et dépens,

- condamner la Smabtp, M. [S] [C], la Sa Axa France Iard, ou tout autre succombant in solidum ou l'un à défaut de l'autre à lui verser une somme de

6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les frais et dépens d'instance et d'appel.

Elle se réfère aux moyens développés par son assureur. Elle souligne que l'expert judiciaire n'a pas fait procéder aux investigations suffisantes sur le lave-linge et le sèche-linge présents dans le cellier ; que seuls quelques composants du chauffe-eau ont été analysés en laboratoire alors qu'aurait dû l'être l'ensemble des machines présentes dans le cellier, que la cause du sinistre retenue par l'expert judiciaire est donc incertaine et ne peut pas justifier sa garantie décennale ; que le tribunal n'a pas retenu la cause étrangère l'exonérant à hauteur de 20 % en dépit des conclusions expertales.

Elle indique ensuite, à titre subsidiaire, que l'expert judiciaire a imputé de manière erronée la prestation du branchement électrique du chauffe-eau à la Sarl Dpc en charge des travaux de plomberie ; qu'elle a sous-traité l'exécution des prestations d'installations électriques dont l'alimentation du chauffe-eau à M. [S] [C] ; que les dates d'émission des factures des sous-traitants sur lesquelles le tribunal s'est fondé pour rejeter son recours en garantie contre ce dernier ne sont pas fiables pour déterminer la chronologie de son intervention et de la réalisation des travaux électriques ; que la facture de la Sarl Dpc ne mentionne pas de travaux d'alimentation du chauffe-eau ; que M. [S] [C] ne démontre pas la cause étrangère exonératoire de responsabilité.

Elle précise enfin qu'il appartient à M. et Mme [P] de démontrer le principe et le quantum des préjudices immatériels qu'ils allèguent, que la perte d'usage retenue ne lui est pas imputable car seule la Sa Pacifica a tardé à les indemniser et n'est pas justifiée, à l'instar du préjudice lié au remboursement des prêts immobiliers.

Par dernières conclusions notifiées le 20 avril 2022, la Sa Pacifica sollicite de voir :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

. condamné in solidum la Sarl Réseau Bois et la Smabtp à verser une somme de 485 554,25 euros à la Sa Pacifica dont à déduire, dans les rapports entre la Smabtp et la Sa Pacifica uniquement, la somme de 2 342 euros correspondant aux franchises contractuelles et la somme de 23 863 euros correspondant à l'application du plafonnement des dommages immatériels,

. condamné in solidum la Sarl Réseau Bois et la Smabtp à garantir la Sa Pacifica des condamnations prononcées à son encontre,

. condamné in solidum la Sarl Réseau Bois et la Smabtp à verser à la Sa Pacifica une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance,

- réformer la décision entreprise en ce qu'elle a :

. condamné la Sa Pacifica à verser à M. [R] [P] et Mme [U] [M], son épouse la somme de 16 668,75 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

. condamné in solidum la Sarl Réseau Bois et la Sa Pacifica à verser aux époux [P] une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

. condamné in solidum la Sa Pacifia, la Sarl Réseau Bois et la Smabtp aux dépens de la procédure en ce compris les frais d'expertise et de référé,

- débouter M. et Mme [P] de toutes leurs demandes en ce qu'elles sont dirigées contre elle,

- rejeter toutes les demandes formées contre elle au visa de l'article 700 du code de procédure civile et/ou au titre des dépens,

- rejeter les demandes formées par la Smabtp en appel et visant à la réformation du jugement,

- rejeter toutes les demandes formées à son encontre par quelque partie que ce soit en appel,

- condamner tout succombant au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à son profit s'agissant des frais irrépétibles engagés en appel, en plus des entiers dépens de l'instance.

Elle fait valoir qu'elle a appliqué un coefficient de vétusté de 5 % non contesté par M. et Mme [P] sur le montant du devis de démolition et d'évacuation de 334 890,50 euros TTC établi par la Sarl La Maison de Cèdre le 4 novembre 2014 ; que le montant de 339 375 euros retenu par l'expert judiciaire au titre du coût de la reconstruction valeur à neuf ne prend pas en considération le taux de vétusté ; que ce coût est égal après déduction de la vétusté de 5 % et des frais de déblai qu'elle a déjà remboursés à M. et Mme [P] à la somme de 307 105,97 euros.

Elle ajoute qu'elle a correctement procédé à l'évaluation de la perte d'usage à 22 mois de valeur locative à compter du 8 mars 2014 jusqu'au 8 janvier 2016, soit la somme de 22 000 euros qu'elle a versée à titre transactionnel à M. et Mme [P], alors que le contrat d'assurance ne prévoyait pas une telle indemnisation faute de réalisation de travaux de reconstruction ; que le tribunal, qui a retenu la durée d'indemnisation de 24 mois proposée par l'expert judiciaire, a fait un ajout aux dispositions de la police d'assurance qui limite cette durée à celle des travaux.

Elle précise ensuite que son recours en garantie fondé sur l'article L.121-12 du code des assurances contre la Sarl Réseau Bois et la Smabtp est fondé ; qu'eu égard aux investigations de l'expert judiciaire, le sinistre a été causé par une mauvaise réalisation des travaux par le constructeur, responsable en application de l'article 1792 du code civil et qui ne bénéficie pas de la cause étrangère ; que la Smabtp ne peut pas reprocher à l'expert judiciaire de ne pas avoir procédé à certaines investigations alors qu'elle ne les a pas sollicitées au cours des opérations d'expertise ; que cette dernière n'a jamais demandé à M. [V] de se rendre sur place pour procéder à toute concertation utile, que l'expert judiciaire a expressément écarté l'hypothèse selon laquelle le lave-linge ou le sèche-linge pourrait être à l'origine du sinistre.

Par dernières conclusions notifiées le 15 avril 2022, la Sa Axa France Iard et M. [S] [C] sollicitent de voir :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire du Havre le 24 juin 2021 sauf en ce qu'il les a déboutés de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le réformant sur ce point,

- condamner in solidum la Smabtp et la Sa Pacifica à leur verser une somme de

5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance,

- condamner la Smabtp à leur verser une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel,

- débouter la Sarl Réseau Bois et la Smabtp de toutes demandes formulées à leur encontre,

- condamner la Smabtp aux entiers frais et dépens d'appel.

Ils avancent que l'origine de l'incendie a été précisément déterminée par l'expert judiciaire ; qu'aucune responsabilité ne peut être imputée à M. [S] [C] ; que celui-ci a réalisé l'installation électrique jusqu'au boîtier de connexion sur lequel le plombier est venu connecter le câble souple qui alimentait le chauffe-eau ; que c'est ce défaut de montage à la jonction entre les conducteurs rigides et les conducteurs souples qui est à l'origine de l'incendie ; que l'expert judiciaire a ainsi retenu la responsabilité de la Sarl Dpc, qui est confortée par les dates d'émission des devis et factures de celle-ci et de M. [S] [C] ; que le branchement et l'alimentation du chauffe-eau sont deux prestations distinctes, l'alimentation portant sur la partie entre le compteur et le boîtier de connexion, alors que le branchement ou le raccordement du chauffe-eau est effectué au moyen d'un câble au boîtier.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 28 décembre 2022.

MOTIFS

Sur la garantie décennale de la Sarl Réseau Bois

Selon l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

Le juge ne peut pas se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, peu important qu'elle l'ait été en présence des parties et que le rapport afférent a été soumis à leur libre discussion. Il lui appartient de rechercher si elle est corroborée par d'autres éléments de preuve.

La Sarl Réseau Bois et la Smabtp remettent en cause les investigations de l'expert judiciaire pour contester l'imputabilité de l'incendie à la Sarl Réseau Bois du fait des travaux de son sous-traitant.

En premier lieu, la Sarl Réseau Bois estime que des investigations n'ont pas été réalisées sur les autres appareils électriques présents dans le cellier.

L'expert judiciaire a précisé que le cellier, selon la description qui en était donnée par M. [P] et qui n'est pas contestée, comprenait de la gauche vers la droite de la porte d'entrée selon le schéma figurant à la page 38 de son rapport d'expertise : un chauffe-eau de 300 litres, un petit meuble à chaussures, un congélateur, un lave-linge, un sèche-linge et un compteur électrique. Des étagères, fixées au-dessus des appareils ménagers, contenaient de nombreuses objets de la vie quotidienne.

Il a indiqué que le sinistre avait pris naissance dans le cellier, ce qui n'est pas contesté par la Sarl Réseau Bois et son assureur.

Les constatations suivantes de l'expert judiciaire permettent de localiser le départ de feu au niveau du chauffe-eau :

- les seuls appareils en fonctionnement dans le cellier étaient le chauffe-eau, le congélateur, et le relais heures pleines/heures creuses. Le linge qui se trouvait dans le lave-linge et dans le sèche-linge était peu atteint par la chaleur et les gaz chauds. Ces éléments permettent d'écarter un démarrage de feu au niveau de ces deux appareils électriques contrairement à ce qu'allèguent la Sarl Réseau Bois et la Smabtp,

- l'examen du congélateur et particulièrement du compartiment moteur et du câble d'alimentation a montré qu'ils avaient été victimes d'élévations de température extérieures. Les câbles du chauffe-eau et du congélateur présentaient des altérations diamétralement opposées : les unes proches du branchement au chauffe-eau, les autres proches du branchement mural pour le congélateur. Le congélateur n'est donc pas le lieu de départ de l'incendie,

- M. [P] a expliqué avoir été témoin de claquements intenses du côté du cellier et d'une fumée noire au plafond provenant de cette pièce, être entré dans le cellier, et avoir vu des flammes localisées au pied du chauffe-eau malgré une importante fumée. Il a constaté la présence d'une importante quantité d'eau froide par terre sur laquelle il a glissé. Il s'est relevé et s'est dirigé vers le tableau électrique dont il a touché le panneau de protection qu'il n'a pas pu ouvrir en raison de la densité de la fumée. Au bord de l'asphyxie, il est sorti de la pièce,

- lorsque M. [P] a touché le panneau de protection du tableau électrique, il n'a pas senti de chaleur particulière ou de signe de feu à son niveau. Il s'en déduit qu'un départ de feu au niveau du tableau électrique est exclu,

- dans son premier appel pour demander des secours à 22h21, Mme [M] épouse [P] a précisé qu'il s'agissait d'un feu de chauffe-eau,

- sur les restes du chauffe-eau et de son alimentation électrique, l'expert judiciaire a observé que l'isolant thermique en matière plastique extrudée (type mousse de polystyrène) qui chemisait le corps du chauffe-eau avait disparu et que la gaine isolante était carbonisée sur 30 centimètres depuis sa connexion sur le bornier d'alimentation du chauffe-eau,

- à partir des prélèvements effectués sur le chauffe-eau par l'expert judiciaire le 3 octobre 2014 (l'ensemble comprenant le bornier, la résistance stéatite, la canne anticorrosion, et la ligne d'alimentation du chauffe-eau comprenant les restes du câble souple, les restes du boîtier de connexion, et une petite portion du câble rigide), Mme [X] et M. [G] du laboratoire du feu et de l'environnement du Centre National de Prévention et de Protection à [Localité 16] ont constaté que :

* la platine métallique servant au raccordement électrique du chauffe-eau et à la régulation thermique présentait une perte de matière,

* les conducteurs souples actifs (phase et neutre) étaient très abîmés à leur extrémité, du côté platine, la surface des brins était rugueuse (traces de fusion-bullage) et leurs extrémités présentaient des micro-perlages, mais que le troisième conducteur souple, qui assurait la liaison à la terre (sans intensité), présentait des dégradations uniformes, * un défaut de montage à la jonction entre les conducteurs rigides et les conducteurs souples au moyen de dominos existait et était susceptible, par serrage insuffisant, de provoquer un échauffement dégénérant en feu,

* le chauffe-eau était en période de chauffe (passage aux heures creuses).

Mme [X] et M. [G] ont conclu qu'un défaut de liaison entre la platine de la résistance et les conducteurs souples d'alimentation avait provoqué un échauffement de longue durée qui était allé croissant, avait fini par dégrader les gaines isolantes (effet joule), et avait dégénéré en départ de feu.

M. [V] souligne que l'eau qui s'est répandue sur le sol du cellier à l'origine de la chute de M. [P] pouvait provenir de la destruction des tuyaux d'alimentation du lave-linge et du sèche-linge, que le fait que cette eau soit froide exclut totalement sa provenance du chauffe-eau car, dans ce cas, elle aurait dû être à une température de 60°C ou plus.

Toutefois, si l'eau de la cuve du chauffe-eau est chauffée à ladite température, elle se mélange avec l'eau froide arrivant pour alimenter l'eau chaude prélevée et utilisée et qui est à son tour chauffée. Il s'en déduit que la température de l'eau était en-deçà de 60°C. M. [P] n'a donné aucune précision sur celle-ci, mais a évoqué une grande quantité d'eau, ce qui corrobore le fait qu'elle provenait du chauffe-eau d'une contenance de 300 litres. Au surplus, même dans l'hypothèse très peu probable d'une absence d'écoulement de l'eau de la cuve du chauffe-eau, celle-ci ne remet pas en cause l'ensemble des autres constatations objectives et concordantes d'un départ du feu du chauffe-eau.

Les observations de M. [V] ne sont corroborées par aucun autre élément de preuve. En outre, ni la Sarl Réseau Bois, ni la Smabtp, ne présentent une demande de contre-expertise.

En second lieu, la Smabtp reproche à l'expert judiciaire de ne pas avoir répondu aux observations suivantes de M. [V] alors qu'elles étaient détaillées, motivées, et permettaient d'exclure de manière certaine son hypothèse :

- la gaine extérieure du câble qui aurait, d'après le Cnpp, servi de vecteur au processus, était composée de caoutchouc nitrile acrylique vulcanisé qui en se consumant aurait dégagé des aérosols de combustion dont l'odeur caractéristique n'aurait pas manqué de troubler les personnes présentes dans l'immeuble.

Cependant, dans son récit non contesté par la Smabtp, M. [P] a évoqué l'existence d'une fumée noire provenant du cellier et une épaisse fumée à l'intérieur de celui-ci. Il a précisé avoir quitté le cellier du fait d'un risque d'asphyxie, ce qui corrobore l'émanation de fumées toxiques dans cet espace réduit.

- les démontages sur le chauffe-eau ont été menés in situ six mois après le sinistre alors que les conditions climatiques, l'humidité, l'atmosphère saline, les manipulations diverses des uns et des autres, et l'agressivité du milieu ambiant (attaque due au chlore) ont pu générer des destructions supplémentaires au niveau des composants déjà fragilisés par l'incendie et l'oxydation sur un chauffe-eau dénué de protection. Il aurait été préférable d'extraire l'ensemble du chauffe-eau avec l'intégralité de sa desserte en énergie depuis le tableau de distribution. De plus, le défaut de connexion sur la liaison platine/conducteurs souples auquel conclut le laboratoire Cnpp aurait dû dégénérer bien avant le 8 mars 2014 du fait de ses effets thermiques sur les isolants et de l'usage du chauffe-eau par une famille de cinq personnes depuis 2008. Enfin, l'expert judiciaire dénonce la non-conformité de l'alimentation du chauffe-eau alors que l'identité de son constructeur est inconnue et que les références de cet appareil se trouvaient au domicile des époux [P].

Mais, ni l'expert judiciaire, ni le Cnpp, n'ont indiqué que les éléments examinés et prélevés sur le chauffe-eau n'étaient pas exploitables du fait de leur exposition quatre mois et demi à six mois et demi après l'incendie. De plus, les observations de M. [V] ne sont pas confirmées par d'autres éléments probants.

En définitive, il se déduit de l'analyse précise et circonstanciée de l'expert judiciaire que l'incendie trouve son origine dans le branchement électrique du chauffe-eau lors des travaux réalisés par la Sarl Réseau Bois en exécution du contrat de construction de la maison des époux [P] en 2008. Ils lui sont imputables.

Pour s'exonérer de la présomption de responsabilité décennale pesant sur elle, cette dernière estime que les fautes de la Sarl Dpc, de la Sas France Europe Immobilier, et de la commune de [Localité 13], telles que retenues par l'expert judiciaire, constituent une cause étrangère.

Cependant, la preuve de celle-ci n'est pas apportée.

Ne sont pas établies l'immixtion ou l'acceptation délibérée des risques par M. et Mme [P], maîtres de l'ouvrage, ni aucune autre faute de leur part, ni encore la force majeure. Le fait d'un sous-traitant ne constitue pas davantage le fait d'un tiers, cause d'exonération de la responsabilité décennale. Enfin, la causalité directe des fautes de la Sas France Europe Immobilier et de la mairie de [Localité 13] avec l'incendie n'est pas caractérisée. L'expert judiciaire précise que, malgré l'absence de réflexion concertée sur la défense en eau du quartier où était située la maison de M. et Mme [P], très éloignée des premiers points d'eau opérationnels, et malgré l'intervention rapide des sapeurs-pompiers 19 minutes après le premier appel de secours, l'immeuble totalement embrasé ne pouvait déjà plus être sauvé lors de leur arrivée sur place en raison de l'intensité de l'incendie.

Aucune cause exonératoire n'étant démontrée, le tribunal a exactement retenu que la responsabilité de la Sarl Réseau Bois était engagée sur le fondement de l'article 1792 du code civil. Elle sera condamnée à indemniser intégralement les maîtres de l'ouvrage de leurs dommages.

Sur l'indemnisation des préjudices des époux [P]

Sur les postes habitation et déblai

M. et Mme [P] ont indiqué qu'ils ne souhaitaient pas faire reconstruire leur immeuble.

L'expert judiciaire a retenu le montant de 339 375 euros pour le poste habitation qui est légèrement plus important que celui du devis de La Sarl Maison de Cèdre de 334 890,50 euros TTC. Il n'a pas précisé si le coefficient de vétusté prévu par la police d'assurance souscrite auprès de la Sa Pacifica avait été ou non appliqué sur ce montant.

Toutefois, il ressort du tableau récapitulatif des préjudices subis par M. et Mme [P], adressé par l'avocat de la Sa Pacifica à l'expert judiciaire dans son dire n°8 du 22 juillet 2015 avec la précision qu'il avait été établi d'un commun accord par la plupart des experts dommages des assureurs, que le montant total vérifié de la reconstruction du bâtiment a été arrêté à 297 697,17 euros HT, soit 282 812,31 euros HT après déduction du coefficient de vétusté de 5 %. Après application du taux de TVA de 20 %, ce montant s'élève à 339 374,77 euros arrondi à 339 375 euros TTC.

Comme souligné par le premier juge, ce montant retenu par l'expert judiciaire n'est pas une évaluation propre à celui-ci et ne peut que correspondre au montant proposé par la Sa Pacifica vétusté déduite. Sa décision sur ce point sera confirmée.

De même, l'indemnisation de 11 040 euros retenue par l'expert judiciaire au titre des frais de déblai selon la facture de la Sarl Marelle du 16 juin 2015 et mise à la charge de la Sa Pacifica sera confirmée. La copie d'écran que cette dernière verse uniquement aux débats, qui mentionne un règlement de ce montant au profit du bénéficiaire M. [R] [P], est insuffisante à en prouver la réalité.

Sur le poste perte d'usage

L'expert judiciaire a évalué la perte d'usage à la somme totale de 24 000 euros, soit 1 000 euros pendant 24 mois jusqu'au 8 mars 2016, incluant approximativement les délais de construction.

Les conditions générales du contrat d'assurance habitation souscrit par M. et Mme [P] auprès de la Sa Pacifica stipulent à la page 22, au titre de la perte d'usage de l'habitation, qu'à la suite d'un sinistre garanti entraînant l'impossibilité d'utiliser temporairement tout ou partie de l'habitation assurée, le propriétaire est indemnisé sur la base de la valeur locative au jour du sinistre dans la limite de la perte financière réelle. Cette garantie est acquise pendant la durée des travaux fixée à dire d'expert dans la limite de deux ans.

M. et Mme [P] ne souhaitant pas finalement reconstruire leur immeuble, la limitation temporelle de la garantie tenant à la durée des travaux ne s'applique pas. Le dommage qu'ils ont subi doit donc être indemnisé dans la limite de la perte financière réelle qui en l'état correspond à l'évaluation calculée sur la base d'une valeur locative de 1 000 euros depuis le 8 mars 2014 jusqu'à la date de perception de la provision initiale de 301 040 euros de leur assureur.

A défaut de pouvoir déterminer cette date, la somme de 24 000 euros, qui avait d'ailleurs été visée par la Sa Pacifica dans sa proposition d'indemnisation qui a été acceptée par M. et Mme [P] le 30 mai 2016, sera accordée à ces derniers conformément à leur demande. La décision du premier juge ayant statué en ce sens sera confirmée.

Sur les postes préjudice moral et remboursement des prêts immobiliers

Le premier juge a fait une exacte appréciation du préjudice moral subi par M. et Mme [P] recouvrant notamment la souffrance causée par la perte de leur maison et de leurs meubles et souvenirs du fait de l'incendie.

Il ressort également du tableau récapitulatif précité des préjudices contenu dans le dire de la Sa Pacifica du 22 juillet 2015 que les mensualités de prêts immobiliers de M. et Mme [P] s'élevaient à 1 259 euros. Il sera fait droit à leur réclamation de remboursement à hauteur de 15 108 euros, soit pendant une année totale.

Sur le poste perte de salaire

La Sarl Réseau Bois conclut au rejet de cette prétention au motif qu'elle n'est pas justifiée.

Si l'expert judiciaire a arrêté l'évaluation de la réparation de ce préjudice à la somme de 1 520 euros que le tribunal a retenue eu égard à l'absence de contestation de celle-ci, il est exact que M. et Mme [P] ne produisent aucune pièce justificative afférente et ne développent aucun moyen pour s'opposer à la demande de rejet présentée à leur encontre. Ce montant n'apparaît pas davantage dans le tableau récapitulatif précité des préjudices de M. et Mme [P].

Ils seront donc déboutés de cette prétention.

* * *

En définitive, en exécution du contrat d'assurance qui ne garantit pas le préjudice moral, la Sa Pacifica est redevable de la somme de 504 523 euros TTC à l'égard de M. et Mme [P] (339 375 euros + 11 040 euros + dommages au mobilier non contesté de 115 000 euros + 24 000 euros + 15 108 euros).

Sa condamnation fixée par le tribunal à hauteur de 16 668,75 euros sera confirmée (504 523 euros ' provisions déjà versées de 485 554,25 euros ' franchise contractuelle de 2 300 euros).

La Sarl Réseau Bois est redevable à l'égard de M. et Mme [P] de la somme de 26 968,75 euros :

(339 375 euros + 11 040 euros + dommages au mobilier non contesté de

115 000 euros + 24 000 euros + 15 108 euros + 8 000 euros) ' provisions versées par la Sa Pacifica de 485 554,25 euros).

Sa condamnation à leur payer la somme de 16 668,75 euros in solidum avec la Sa Pacifica sera confirmée. En revanche, elle sera seule condamnée à leur payer la somme de 10 300 euros (26 968,75 euros ' 668,75 euros). Le montant retenu par le tribunal de 11 820 euros sera infirmé.

Sur le recours en garantie de la Sa Pacifica contre la Sarl Réseau Bois et la Smabtp

La garantie décennale de la Sarl Réseau Bois, dont les travaux sont à l'origine exclusive des dommages de M. et Mme [P], est engagée.

Sa condamnation et celle de la Smabtp, d'une part, à payer à la Sa Pacifica, subrogée dans les droits de M. et Mme [P], la somme de 485 554,25 euros en application de l'article L.121-12 du code des assurances, et, d'autre part, à la garantir du paiement des condamnations prononcées à son encontre à l'égard de M. et Mme [P], seront confirmées.

Sur le recours en garantie de la Sarl Réseau Bois et de la Smabtp contre M. [C] et la Sa Axa France Iard

L'ancien article 1147 du code civil précise que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

L'article L.124-3 alinéa 1er du code des assurances prévoit que le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.

En l'espèce, aux termes du contrat de sous-traitance du 12 octobre 2007 et de son devis du 18 janvier 2008, M. [C], électricien-plâtrier, a été chargé de la prestation alimentation cumulus dans le cellier. Quant à la Sarl Dpc, plombier-chauffagiste, lui ont été confiées la founiture et la pose d'un chauffe-eau suivant son devis accepté le 15 février 2008.

Ces prestations relevant de deux corps de métier diffèrent :

- l'électricien est chargé de mettre en oeuvre le circuit d'électricité consistant à équiper le mur accueillant le chauffe-eau d'une sortie électrique matérialisée par un boîtier de connexion. Son intervention se déroule uniquement sur la partie entre le compteur électrique et ledit boîtier, ce qui exige que le chauffe-eau ne soit pas encore installé,

- le plombier-chauffagiste effectue, outre la fourniture du chauffe-eau dans le cas d'espèce, l'installation de celui-ci et son raccordement au circuit électrique préalablement posé par l'électricien. Son intervention se situe au niveau du seul chauffe-eau, notamment des conducteurs de celui-ci à raccorder au moyen d'un câble au boîtier de connexion.

Comme indiqué dans les développements ci-dessus, l'expert judiciaire a imputé l'incendie au défaut affectant le branchement électrique du chauffe-eau effectué au moyen d'un câble inadapté. Il s'agit là d'une malfaçon de la Sarl Dpc.

La succession de ces deux professionnels dans la réalisation de leurs tâches respectives est, comme l'a relevé le premier juge, corroborée par les dates d'émission de leurs devis et factures. M. [C] est intervenu avant sa facture du 13 février 2008 et avant le devis de la Sarl Dpc signé le 15 février 2008 et n'avait pas à intervenir postérieurement sur le chauffe-eau et le raccordement de celui-ci au circuit électrique.

Il n'a pas failli à son obligation de résultat dans l'exécution de sa prestation. Les conditions de sa responsabilité contractuelle n'étant pas réunies, la Sarl Réseau Bois et la Smabtp seront déboutées de leur recours en garantie formé contre lui et la Sa Axa France Iard. La décision du premier juge ayant statué en ce sens sera confirmée.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions de première instance sur les dépens et les frais de procédure seront confirmées, sauf en ce que la demande de M. [C] et de la Sa Axa France Iard fondée sur l'article 700 du code de procédure civile a été rejetée.

Partie perdante, la Smabtp sera condamnée aux dépens d'appel avec bénéfice de distraction au profit des avocats qui en ont fait la demande.

Il n'est pas inéquitable de la condamner également à payer à M. et Mme [P] pris ensemble, à la Sa Pacifica, et à la Sarl Réseau Bois, chacun, la somme de 2 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés pour cette procédure d'appel.

La somme de 5 000 euros sera aussi mise à sa charge au profit de M. [C] et de la Sa Axa France Iard au titre de leurs frais des procédures de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Dans les limites de l'appel formé,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a :

- condamné la Sarl Réseau Bois à verser à M. [R] [P] et Mme [U] [M], son épouse, la somme de 11 820 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

- débouté M. [S] [C] et la Sa Axa France Iard de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur ces chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la Sarl Réseau Bois à payer à M. [R] [P] et à Mme [U] [M], son épouse la somme de 10 300 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 24 juin 2021,

Condamne la Smabtp à payer à M. [R] [P] et à Mme [U] [M], son épouse, pris ensemble, à la Sa Pacifica, et à la Sarl Réseau Bois, chacun, la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

Condamne la Smabtp à payer à M. [S] [C] et à la Sa Axa France Iard la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des procédures de première instance et d'appel,

Déboute les parties du surplus des demandes,

Condamne la Smabtp aux dépens d'appel avec bénéfice de distraction au profit de Me Renaud Courbon représentant la Selarl Marguet Lemarié & Courbon et la Selarl Gray Scolan, avocats, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 21/02972
Date de la décision : 22/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-22;21.02972 ?
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