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22/03/2023 | FRANCE | N°21/01061

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 22 mars 2023, 21/01061


N° RG 21/01061 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IWXA







COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 22 MARS 2023







DÉCISION DÉFÉRÉE :



16/438

Tribunal judiciaire du Havre du 11 février 2021





APPELANTE :



Sa SMA anciennement dénommée SAGENA

RCS de Paris B332 789 296

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 5]



représentée par Me Valérie GRAY de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen et assistée

de Me Olivier JOUGLA de la SELARL EKIS







INTIMES :



Madame [T] [A] veuve [H]

agissant en son nom personnel et ès qualités d'administratrice légale de ses enfants mineurs [V] [H] née le 4 décembre 201 et [P] [...

N° RG 21/01061 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IWXA

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 22 MARS 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

16/438

Tribunal judiciaire du Havre du 11 février 2021

APPELANTE :

Sa SMA anciennement dénommée SAGENA

RCS de Paris B332 789 296

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 5]

représentée par Me Valérie GRAY de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Olivier JOUGLA de la SELARL EKIS

INTIMES :

Madame [T] [A] veuve [H]

agissant en son nom personnel et ès qualités d'administratrice légale de ses enfants mineurs [V] [H] née le 4 décembre 201 et [P] [H] née le 18 février 2004, ensemble héritières de [J] [H] décédé le 11 février 2020

née le 15 avril 1980

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentée et assistée par Me Claude AUNAY de la SCP AUNAY, avocat au barreau du Havre substituée par Me PAILLOT, avocat au barreau de Rouen

Sa GAN ASSURANCES

[Adresse 7]

[Localité 5]

représentée et assistée par Me Micheline HUMMEL-DESANGLOIS de la SCP BONIFACE DAKIN & ASSOCIES, avocat au barreau de Rouen

Monsieur [N] [W]

RCS du Havre 500 619 192

[Adresse 4]

[Localité 6]

représenté par Me Patrice LEMIEGRE de la SELARL PATRICE LEMIEGRE PHILIPPE FOURDRIN SUNA GUNEY ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen

Samcv MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Patrice LEMIEGRE de la SELARL PATRICE LEMIEGRE PHILIPPE FOURDRIN SUNA GUNEY ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 21 novembre 2022 sans opposition des avocats devant Mme Magali DEGUETTE, conseiller, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,

M. Jean-François MELLET, conseiller,

Mme Magali DEGUETTE, conseillère,

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme [Y] [G]

DEBATS :

A l'audience publique du 21 novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 8 février 2023, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 22 mars 2023.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 22 mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors du prononcé du délibéré.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Selon contrat du 26 avril 2010, M. [J] [H] et Mme [T] [A], son épouse ont confié à M. [N] [W], architecte, la maîtrise d'oeuvre complète de travaux de réhabilitation partielle et d'extension de leur maison d'habitation située [Adresse 2].

Suivant quatre devis acceptés le 22 décembre 2011 par les maîtres de l'ouvrage pour un montant total de 56 079,98 euros TTC, le lot menuiserie-charpente a été attribué à la société Menuiserie Traditionnelle du Littoral (Mtl).

Un procès-verbal de réception de ce lot a été établi contradictoirement le 19 mars 2013 avec des réserves.

La société Mtl a été placée en liquidation judiciaire le 19 juillet 2013 par le tribunal de commerce du Havre qui a désigné la Selarl [Y] [C] en qualité de mandataire liquidateur.

Par ordonnance du 29 octobre 2013, le juge des référés du tribunal de grande instance du Havre, saisi le 23 septembre 2013 par M. et Mme [H], a fait droit à leur demande de réalisation d'une expertise au contradictoire de M. [N] [W] et de la Selarl [Y] [C], ès qualités, et a désigné M. [O] [M] à cet effet. Cette mesure a été étendue à la société Gan Iard, assureur de l'entreprise Mtl en 2013, et à la Sa Sagena, assureur de l'entreprise Mtl en 2012, par ordonnances respectives des 17 décembre 2013 et 15 juillet 2014.

L'expert judiciaire a établi son rapport d'expertise le 31 mars 2015.

Par actes d'huissier de justice des 2 et 5 février 2016, M. et Mme [H] ont fait assigner M.[N] [W] et son assureur la Mutuelle des architectes français, ainsi que la Selarl [Y] [C], ès qualités, devant le tribunal de grande instance du Havre aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.

Suivant exploits du 25 juillet 2016, M. [N] [W] et la Maf ont fait intervenir à la cause la Sa Gan Assurances et la Sa Sma venant aux droits de la Sa Sagena.

Ces instances ont été jointes.

Par jugement du 11 février 2021, le tribunal judiciaire du Havre a :

- rejeté l'exception de nullité de l'assignation délivrée par exploit du 25 juillet 2016 soulevée par la Sa Sma et déclaré recevable par M. [N] [W] et son assureur, la Maf,

- déclaré M. [N] [W], architecte et la société Charpente Menuiserie Traditionnelle du Littoral (Mtl), responsables de plein droit des préjudices subis par M. et Mme [H] au titre des désordres consécutifs aux travaux réalisés sur le fondement de l'article 1792 du code civil,

- mis hors de cause le Gan Assurances,

- condamné in solidum M. [N] [W], son assureur, la Maf, et la Sa Sma, assureur de la société Menuiserie Traditionnelle du Littoral - Mtl à payer à M. et Mme [H] la somme de 39 583,23 euros TTC en réparation du préjudice matériel subi outre celle de 3 615,53 euros correspondant aux honoraires de l'architecte pour la direction des travaux et réparations et finitions,

- condamné in solidum M. [N] [W], son assureur, la Maf, et la Sa Sma, assureur de la société Menuiserie Traditionnelle du Littoral - Mtl à payer à M. et Mme [H] la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi,

- dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la date de signification de l'assignation,

- condamné in solidum M. [N] [W], son assureur, la Maf, et la Sa Sma, assureur de la société Menuiserie Traditionnelle du Littoral - Mtl à payer à M. et Mme [H] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. [N] [W], son assureur, la Maf, et la Sa Sma, assureur de la société Menuiserie Traditionnelle du Littoral - Mtl à payer à la société Gan Assurances, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. [N] [W], son assureur, la Maf, et la Sa Sma, assureur de la société Menuiserie Traditionnelle du Littoral - Mtl aux dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise et de référé,

- dit que les condamnations prononcées ci-dessus, en principal, intérêts et accessoires seront portées au passif de la société Menuiserie Traditionnelle du Littoral - Mtl auprès de Me [Y] [C], ès qualités de mandataire liquidateur,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par déclaration du 10 mars 2021, la Sa Sma a formé un appel du jugement en toutes ses dispositions et à l'encontre de toutes les parties, à l'exception de la Selarl [Y] [C] ès qualités.

EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 8 décembre 2021, la Sa Sma demande de voir en application des articles 1103, 1792 et suivants, du code civil réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et statuant à nouveau, de :

à titre principal,

- dire et juger que Mme [T] [H] prise tant en son nom personnel qu'ès qualités de représentante légale de ses enfants mineures, M. [N] [W], la Maf, la Sa Gan Assurances, ne rapportent pas, vu la nature des malfaçons, non-façons, défauts de conformité allégués, la preuve que les garanties d'assurance souscrites par la société Mtl auprès d'elle suivant contrat Protection professionnelle des artisans du bâtiment - activité n°8631000/003113775/000, soient effectivement mobilisables,

- dire et juger, vu la nature des fondements juridiques des demandes de Mme [T] [H] prise tant en son nom personnel qu'ès qualités de représentante légale de ses enfants mineures à l'encontre de M. [N] [W] et de la Maf, qu'il appartient au Gan, assureur RC de l'entreprise Mtl à effet du 1er janvier 2013, de garantir la part de responsabilité incombant à cette dernière et de garantir à titre subsidiaire la Sa Sma du montant des condamnations qui par impossible seraient prononcées à son encontre sur les demandes présentées par Mme [T] [H] prise tant en son nom personnel qu'ès qualités de représentante légale de ses enfants mineures, ou par M. [N] [W] et la Maf,

- prononcer sa mise hors de cause,

- débouter M. [N] [W], la Maf, la Sa Gan Assurances, et Mme [T] [H] prise tant en son nom personnel qu'ès qualités de représentante légale de ses enfants mineures, de toutes leurs demandes plus amples ou contraires en ce qu'elles sont dirigées à son encontre,

à titre subsidiaire,

- condamner M. [N] [W], la Maf, et la Sa Gan Assurances, à la garantir du montant des condamnations qui par impossible seraient prononcées à son encontre sur les demandes présentées par Mme [T] [H] prise tant en son nom personnel qu'ès qualités de représentante légale de ses enfants mineures,

à titre infiniment subsidiaire,

- fixer le préjudice matériel pris en charge par l'assureur RCD de l'entreprise Mtl à la somme de 27 466,12 euros TTC, subsidiairement 30 170,95 euros TTC,

- débouter en toute hypothèse Mme [T] [H] prise tant en son nom personnel qu'ès qualités de représentante légale de ses enfants mineures de sa demande en paiement d'une indemnité au titre du préjudice de jouissance,

- condamner M. [N] [W], la Maf, la Sa Gan Assurances, et Mme [T] [H] prise tant en son nom personnel qu'ès qualités de représentante légale de ses enfants mineures, au paiement in solidum de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais et diligences exposés tant en première instance qu'en appel,

- condamner les mêmes aux entiers dépens de première instance et d'appel que la Selarl Gray Scolan, avocats associés, sera autorisée à recouvrer pour ceux la concernant conformément à l'article 699 du code précité.

Par dernières conclusions notifiées le 25 octobre 2022, Mme [T] [A] veuve [H], agissant en son nom personnel et ès qualités d'administratrice légale de ses enfants mineures [P] [H] née le 18 février 2007 et [V] [H] née le 4 décembre 2010, ensemble héritières de [J] [H] décédé le 11 février 2020, sollicite de voir en vertu des articles 1134 et 1147, et pour les dommages concernés 1792 à 1792-7, du code civil, dans leur version applicable :

- confirmer le jugement entrepris, sauf sur le montant du préjudice matériel et du préjudice de jouissance,

statuant à nouveau,

- condamner in solidum M. [N] [W], la Maf et la compagnie d'assurance de l'entreprise Mtl, Sma ou Gan, au paiement des sommes suivantes avec intérêts au taux légal depuis le 8 janvier 2013 et subsidiairement depuis l'assignation :

. préjudices matériels : 43 198,76 euros, revalorisée selon l'indice du coût de la construction au jour du jugement à intervenir (base juin 2014),

. préjudice de jouissance : 800 euros par mois pendant 7 mois et 250 euros par mois à compter du 1er mars 2013 jusqu'à l'arrêt à intervenir,

- débouter tout contestant de ses demandes contraires,

- condamner in solidum les défendeurs au paiement de la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, du référé, comprenant les frais d'expertise, dont distraction au profit de la Scp Claude Aunay aux offres de droit.

Par dernières conclusions notifiées le 8 octobre 2021, la Sa Gan Assurances demande de :

au principal,

- voir confirmer le jugement dont appel et débouter Mme [H], M. [W], la Maf et la Sa Sma de leurs demandes dirigées contre elle,

à titre infiniment subsidiaire, en application des articles 1382 et suivants du code civil,

- voir dire que M. [N] [W] et la Maf devront intégralement la garantir de toutes condamnations mises le cas échéant à sa charge,

- se voir donner acte du fait que son règlement sera réalisé sous déduction de la franchise contractuelle qui est opposable s'agissant d'une garantie facultative,

- voir condamner la partie perdante au paiment d'une indemnité de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens dont distraction est requise au profit de la Scp Boniface Dakin et associés.

Par dernières conclusions notifiées le 27 octobre 2022, M. [N] [W] et la Maf sollicitent sur la base des articles 1134, 1147, 1382 du code civil de :

- voir confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Rouen du 11 février 2021 en ce qu'il rejette l'exception de nullité de l'assignation délivrée par exploit du 25 juillet 2016 soulevée par la société Sma Sa et déclare recevable M. [N] [W] et son assureur, la Maf,

- voir réformer ledit jugement en ce qu'il :

. déclare M. [N] [W], architecte, et la société Mtl, responsables de plein droit des préjudices subis par M. et Mme [H] au titre des désordres consécutifs aux travaux réalisés sur le fondement de l'article 1792 du code civil,

. met hors de cause le Gan Assurances,

. condamne in solidum M. [N] [W], son assureur, la Maf, et la Sa Sma, assureur de l'entreprise Mtl à payer à M. et Mme [H] la somme de

39 583,23 euros TTC en réparation du préjudice matériel subi, outre celle de

3 615,53 euros correspondant aux honoraires de l'architecte pour la direction des travaux et réparations et finitions,

. condamne in solidum M. [N] [W], son assureur, la Maf, et la Sa Sma, assureur de l'entreprise Mtl à payer à M. et Mme [H] la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi,

. dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la date de signification de l'assignation,

. condamne in solidum M. [N] [W], son assureur, la Maf, et la Sa Sma, assureur de l'entreprise Mtl à payer à M. et Mme [H] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

. condamne in solidum M. [N] [W], son assureur, la Maf, et la Sa Sma, assureur de l'entreprise Mtl à payer à la société Gan Assurances la somme de

1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

. condamne in solidum M. [N] [W], son assureur, la Maf, et la Sa Sma, assureur de l'entreprise Mtl aux dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise et de référé,

. dit que les condamnations prononcées ci-dessus, en principal, intérêts et accessoires seront portées au passif de l'entreprise Mtl auprès de Me [Y] [C], ès qualités de mandataire liquidateur,

. déboute les parties du surplus de leurs demandes,

statuant à nouveau,

- se voir mettre hors de cause,

- voir débouter Mme [H], la Sa Sma et la Sa Gan Assurances, de l'intégralité de leurs demandes à leur encontre,

- à titre subsidiaire, si une condamnation est prononcée à leur encontre, voir limiter leur quote-part aux fautes directement imputables à M. [N] [W] compte tenu de la clause d'exclusion de solidarité,

- voir dire et juger que la garantie de la Maf se fera dans les limites et conditions de la police qui contient notamment une franchise opposable aux tiers lésés,

- voir condamner la Sa Sma et la Sa Gan Assurances à les garantir intégralement de toutes sommes qui pourraient être mises à leur charge en principal, frais, intérêts, dommages et intérêts et article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

- voir condamner Mme [H], la Sa Sma et la Sa Gan Assurances, au paiement à leur profit de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 2 novembre 2022.

MOTIFS

Sur l'exception de nullité de l'assignation du 25 juillet 2016

M. [W] et la Maf font valoir qu'ils ont fait assigner les assureurs de la société Mtl sur la base de l'assignation de M. et Mme [H] qui ne distinguait pas les fondements des dommages dénoncés, mais que, postérieurement, ils ont conclu pour récapituler leurs demandes en effectuant une classification des désordres ; que dès lors la Sa Sma a pu organiser sa défense en constituant avocat et en concluant au fond, que la demande de nullité de leur assignation qui est valable au regard de l'article 56 du code de procédure civile doit donc être rejetée.

Si la Sa Sma a notamment sollicité l'infirmation de la disposition du jugement ayant rejeté cette exception de nullité, elle ne forme pas de demande de nullité de cette assignation dans le dispositif de ses écritures.

En conséquence, en application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour d'appel ne peut que confirmer le rejet de cette exception de nullité prononcé par le premier juge conformément à la demande de M. [W] et de la Maf en ce sens.

Sur les responsabilités encourues

L'article 1792-6 du code civil précise que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves.

La garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception. Les délais nécessaires à l'exécution des travaux de réparation sont fixés d'un commun accord par le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur concerné. En l'absence d'un tel accord ou en cas d'inexécution dans le délai fixé, les travaux peuvent, après mise en demeure restée infructueuse, être exécutés aux frais et risques de l'entrepreneur défaillant.

Il incombe au constructeur et non au maître de l'ouvrage de prouver que les travaux de reprise intéressant des réserves exprimées lors de la réception ont été correctement réalisés.

La garantie de parfait achèvement laisse subsister la responsabilité de droit commun de tous les constructeurs pour les dommages intermédiaires et pour les dommages réservés et non réparés prévue par l'ancien article 1147 du code civil. Selon ce texte, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Toutefois, les défauts de conformité contractuels apparents et les vices de construction apparents sont couverts par la réception sans réserve et ne peuvent pas donner lieu à réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun pour faute prouvée.

- Sur la nature et l'imputabilité des malfaçons et des non-façons

Lors de ses investigations, l'expert judiciaire a constaté que la société Mtl n'avait pas exécuté les travaux suivants prévus dans les devis :

- le garde-corps (claustra) en mélèze,

- le revêtement de la terrasse béton existante par des lames de bois de mélèze,

- l'habillage Trespa sur le volume extérieur de l'entrée de l'habitation et la porte d'entrée,

- la pose d'une partie des plinthes prévues sur une douzaine de m².

Ces inexécutions ont été réservées dans le procès-verbal de réception du 19 mars 2013, avec injonction faite à la société Mtl d'intervenir pour les trois premières dans les plus brefs délais avec une date butoir fixée au 20 avril 2013.

Or, il est constant que cette dernière n'a pas levé ces réserves. Le délai annal de la garantie de parfait achèvement étant expiré, le non-respect par la société Mtl de son obligation de résultat qui persiste pour ces non-façons réservées est de nature à engager sa responsabilité contractuelle de droit commun.

L'expert judiciaire a également relevé les inexécutions partielles ou totales suivantes de la société Mtl alors que ces travaux étaient contractuellement prévus :

- le défaut de réalisation totale du parquet posé au sol du rez-de-chaussée,

- l'absence de pose d'un contre-plaqué sur une surface de 11 m² du sol du rez-de-chaussée,

- l'absence de réalisation d'un meuble intégré sur le mur voisin de la cheminée et d'une cloison coulissante séparant l'entrée du séjour,

- l'absence de réalisation d'une partie des habillages de façade en bandeaux et voussures en Trespa.

Ces inexécutions qui ne sont pas de nature décennale n'ont pas été réservées alors qu'elles étaient apparentes et aisément décelables pour un maître d'ouvrage profane lors des opérations de réception du 19 mars 2013. Elles n'engagent donc pas la responsabilité décennale, ni contractuelle, de la société Mtl.

L'expert judiciaire a aussi constaté que les travaux suivants réalisés par la société Mtl étaient affectés de désordres ou de malfaçons :

- le bardage a été réalisé en pin sylvestre alors que le Cctp prévoyait un bardage vertical en bois mélèze. Le classement du bardage de pin sylvestre ne correspond pas aux exigences (classe 3) des pièces contractuelles. Ce défaut de conformité au contrat a été réservé dans le procès-verbal de réception, la société Mtl étant tenue dans les plus brefs délais de déposer en totalité le bardage et de le remplacer par un bardage en lames de mélèze conformément au marché. Selon l'expert judiciaire, ce désordre est de nature à compromettre à terme la solidité de l'ouvrage,

- le volet roulant dans sa configuration actuelle n'est pas équipé de dispositif d'arrêt de fin de course, ce qui entraîne une surchauffe du moteur. Il est de plus affecté d'une déformation qui altère son fonctionnement du fait d'un diamètre trop faible sur l'axe d'enroulement compte tenu de la longueur du tablier. Ces malfaçons ont été réservées lors de la réception. L'expert judiciaire a ajouté que la faiblesse de l'axe du volet roulant compromettait à terme la solidité de l'ouvrage.

Toutefois, la garantie décennale ne s'applique pas aux vices faisant l'objet de réserves lors de la réception, sauf si ceux-ci ne se sont révélés qu'ensuite dans leur ampleur et leurs conséquences.

La société Mtl n'a pas levé ces réserves. Mme [A] veuve [H] en son nom personnel et ès qualités ne démontre pas que ces malfaçons réservées se sont aggravées dans le délai décennal.

En conséquence, la garantie décennale ne peut pas être mise en jeu. Le délai annal de la garantie de parfait achèvement étant expiré, la société Mtl engage uniquement sa responsabilité contractuelle de droit commun du fait du non-respect de son obligation de résultat de réaliser des travaux conformes.

L'expert judiciaire a enfin relevé l'existence des malfaçons suivantes commises par la société Mtl :

- le sol de l'agrandissement de la chambre d'enfant de l'étage a été mal positionné en altitude et se trouve désormais en contrebas de 15m/m par rapport au niveau de l'ancien plancher conservé. Il s'agit d'un défaut de mise en oeuvre ;

- l'escalier reliant le rez-de-chaussée au 1er étage a été réalisé sans modification de la trémie de plancher, ce qui ne permet pas une échappée de tête de 2,10 mètres avec une tolérance de 1,90 mètres conformément à la réglementation en vigueur. L'expert judiciaire a mesuré celle-ci à 1,65 mètres et a estimé que l'escalier était manifestement impropre à sa destination ;

- la rive de trémie au droit de la descente vers la cave n'a pas été terminée.

Ces trois malfaçons étaient apparentes à la réception et n'ont pas été réservées. Ayant été purgées par la réception, elles n'engagent pas la responsabilité décennale, ni contractuelle, de la société Mtl.

Par ailleurs, Mme [A] veuve [H], en son nom personnel et ès qualités, reproche à M. [W] d'avoir validé en pleine connaissance de cause des factures de travaux de la société Mtl qu'elle n'a pas exécutés ou qui étaient atteints de malfaçons et de non-conformités, et d'avoir donné l'ordre de les payer. Elle ajoute qu'investi d'une mission globale, il n'a établi aucun compte-rendu de chantier et aucun calendrier ; qu'il a failli à son obligation de résultat prévue par l'ancien article 1147 précité ; qu'il doit répondre des fautes de l'entrepreneur dès lors que les erreurs de surveillance relevées ont contribué à la réalisation de l'entier dommage du maître de l'ouvrage ; qu'il est responsable du respect des délais d'exécution et du signalement aux entrepreneurs des malfaçons qu'il est en mesure de relever.

Elle ajoute que M. [W] était tenu d'un devoir de conseil à son égard notamment lors des opérations de réception ; qu'il aurait dû lister les ouvrages manquants et/ou lui indiquer de les relever ; que M. [W], co-auteur d'un même dommage, sera condamné in solidum avec les assureurs de la société Mtl.

M. [W] et la Maf répondent que l'architecte n'est tenu que d'une obligation de moyens ; que Mme [A] veuve [H], en son nom personnel et ès qualités, ne mentionne pas le fondement de son action pour les 14 désordres invoqués ; que M. [W] a parfaitement accompli sa mission pour les désordres, malfaçons, et inexécutions réservés lors de la réception et qu'aucune faute ne peut lui être reprochée ; que pour ceux qui n'ont pas été réservés mais qui étaient visibles de tous, les demandes afférentes de Mme [A] veuve [H] en son nom personnel et ès qualités ne peuvent pas aboutir.

Ils indiquent en outre que M. [W] a mis en demeure à maintes reprises la société Mtl entre le 4 janvier et le 29 avril 2013 de terminer ses ouvrages ; que celle-ci est seule responsable de sa carence dans la gestion du planning et les approvisionnements nécessaires à l'avancement du chantier ; que si M. [W] a validé certaines factures de cette dernière pour paiement, d'autres n'ont pas reçu son visa comme l'a relevé l'expert judiciaire ; que M. et Mme [H] n'ont à aucun moment refusé le paiement des factures ou manifesté leur volonté de mettre fin à la mission de la société Mtl ; qu'en tout état de cause, la clause d'exclusion de solidarité contenue dans le contrat de maîtrise d'oeuvre, opposable aux tiers dans le cadre d'une demande de condamnation solidaire, s'applique.

M. [W] justifie avoir adressé à la société Mtl plusieurs mises en demeure recommandées :

- les 5, 14, et 19 janvier 2013 selon cachet postal, aux fins de réalisation des travaux et de fourniture du calendrier prévisionnel de travaux qu'il lui réclamait,

- le 11 février 2013 aux fins de transmission d'un refus exprès d'intervenir de nouveau sur le chantier,

- le 26 février 2013 aux fins de tentative d'accord sur les modalités de finalisation des travaux,

- le 17 avril 2013 aux fins de production de son engagement exprès sur certains travaux inexécutés,

- le 29 avril 2013 aux fins de déclaration de sinistre auprès de son assureur.

Cependant, ces démarches ont été entreprises alors que la société Mtl accusait déjà un retard de plusieurs mois dans l'exécution de son marché de travaux. En effet, dans un courriel du 4 septembre 2012 adressé à M. et Mme [H], M. [W] évoquait déjà cette difficulté. Il ne produit pas de comptes-rendus de réunions de chantier antérieurs à celui du 14 janvier 2013, alors qu'il était tenu, dans le cadre de sa mission de direction de l'exécution des contrats de travaux, de diriger les réunions de chantier, d'en rédiger les comptes-rendus, et de vérifier l'avancement des travaux et leur conformité avec les pièces du marché et les situations de l'entrepreneur.

Ensuite, s'agissant de la validation des règlements par les maîtres de l'ouvrage à la société Mtl, M. [W] a lui-même attesté le 25 mai 2014 qu'il avait visé chacune des quatre factures successives de celle-ci à cet effet en y faisant des réserves quant aux écarts entre le montant facturé et la situation réelle des travaux. Son accord exprès pour le règlement de la 4ème facture de la société Mtl de 8 000 euros figure également dans son courriel précité du 4 septembre 2012 ainsi rédigé : 'OK pour le règlement de la facture de M.T.L. malgré le retard et une légère anticipation sur l'exacte proportion des travaux effectués. Nous verrons ensuite de quelle manière [K] [B] pourra vous en remercier.'.

Alors que la carence de la société Mtl dans la gestion de son planning et des approvisionnements nécessaires à l'avancement de son marché de travaux était patente et que la facture portait notamment sur des travaux non encore réalisés,

M. [W] a conseillé à ses clients d'effectuer son règlement. Il leur a ainsi prodigué un mauvais conseil contredisant leurs intérêts et aggravant leur situation, en violation des dispositions du contrat de maîtrise d'oeuvre selon lesquelles 'L'architecte sert les intérêts du maître de l'ouvrage dès lors qu'ils ne sont pas en contradiction avec la loi, l'intérêt général et les règles de sa profession.' (paragraphe G 6.2.1).

L'expert judiciaire précise que le règlement de 8 000 euros le 4 octobre 2012 a porté à 50 468,99 euros le total des acomptes versés à la société Mtl sur un montant de travaux de 56 079,98 euros TTC, soit une différence de 5 610,99 euros représentant environ 4 fois moins la valeur des travaux restants à exécuter ou à parfaire égale à environ 22 950 euros TTC.

L'expert judiciaire ajoute qu'au cours du chantier la société Mtl a surfacturé les travaux exécutés et que M. [W] a autorisé les paiements en espérant que cette forme d'encouragement inciterait celle-ci à terminer rapidement ses prestations.

La parfaite connaissance par M. [W] de cette situation et des facilités injustifiées qu'il accordait à la société Mtl ressort des termes suivants contenus dans la mise en demeure qu'il a adressée le 5 janvier 2013 à M. [B], gérant de cette dernière :

'La prochaine facture sera pour solde de tout compte, y compris la réalisation du parquet. Tu ne peux modifier un échelonnement de paiements après engagement par devis. Qui plus est l'indélicatesse que ceci représenterait après que tes clients aient eu l'amabilité constante de te prêter ainsi de l'argent, en dehors de toute contractualisation et alors même que la responsabilité de MTL dans les retards était déjà largement engagée.'.

Par ailleurs, lors des opérations de réception, le maître d'oeuvre n'a pas conseillé utilement les maîtres de l'ouvrage sur la nécessité de réserver toutes les inexécutions des travaux contractuellement prévus et toutes les malfaçons apparentes, listées ci-dessus, que ces derniers, et a fortiori lui-même en sa qualité de professionnel, avaient nécessairement constatées à ladite date et même antérieurement. En effet,

M. [W] avait inséré dans son courrier de mise en demeure précité adressé le 19 janvier 2013 le compte-rendu de la réunion de chantier du 14 janvier 2013 dans lequel il listait les inexécutions et les reprises nécessaires à effectuer par l'entreprise Mtl.

Les maîtres de l'ouvrage, profanes en matière de construction, étaient légitimement en droit de compter sur l'intervention de leur maître d'oeuvre professionnel mandaté pour les assister utilement lors des opérations de réception afin de leur signaler l'intégralité des désordres et vices apparents.

Cette carence de M. [W] a écarté toute possibilité pour Mme [A] veuve [H], en son nom personnel et ès qualités, de dénoncer valablement toutes les non-façons et malfaçons apparentes affectant les travaux du lot confié à la société Mtl, la réception sans réserves les ayant couvertes.

Enfin, postérieurement à la réception, M. [W], investi de l'obligation de suivre le déroulement des reprises liées aux réserves, n'a adressé qu'une seule mise en demeure à l'entreprise Mtl le 17 avril 2013. Celle-ci n'a pas été suivie de la mise en demeure prévue par l'article 1792-6 en cas d'inexécution des reprises dans les délais fixés et indiquant que les travaux exécutés le seront par une autre entreprise aux frais de l'entrepreneur défaillant.

Les manquements de M. [W] dans l'exécution de sa mission de maîtrise d'oeuvre complète sont caractérisés et ont contribué à la réalisation de l'entier dommage subi par les maîtres de l'ouvrage. Sa responsabilité contractuelle est engagée.

- Sur la garantie des assureurs

1) la Maf

Celle-ci ne dénie pas sa garantie à l'égard de M. [W]. Elle s'appliquera dans les limites et les conditions de la police d'assurance prévoyant notamment une franchise.

2) la Sa Sma

Mme [A] veuve [H], en son nom personnel et ès qualités, se réfère aux motifs du jugement ayant retenu la garantie de la Sa Sma au titre de la protection professionnelle des artisans du bâtiment en vigueur à la date de l'ouverture du chantier en avril 2012.

La Sa Sma réplique que sa garantie n'est pas mobilisable en l'absence de tout désordre décennal ; qu'elle ne l'est pas davantage pour les malfaçons, non-façons, et défauts de conformité non générateurs de désordres, réservés et/ou apparents à la réception ; que le tribunal n'a fait aucune appréciation de la nature et de la qualification des désordres, malfaçons, non-façons et défauts de conformité, relevés, ni du préjudice matériel en découlant, malgré la distinction retenue par l'expert judiciaire entre les ouvrages prévus et non exécutés et les ouvrages réalisés affectés de désordres ou de malfaçons ; que le tribunal n'a pas analysé les stipulations de la police d'assurance qui couvre notamment la responsabilité civile professionnelle en base réclamation ; qu'en toute hypothèse, elle n'était pas l'assureur responsabilité civile de la société Mtl à la date de la réclamation.

Il ressort de l'attestation établie par la Sagena le 26 novembre 2011 que la société Mtl était titulaire d'un contrat d'assurance professionnelle 'Protection professionnelle des artisans du bâtiment' souscrit le 27 avril 2009 et que la garantie de l'assureur, pour les chantiers ouverts entre le 1er janvier et le 31 décembre 2012, était notamment la garantie obligatoire de responsabilité décennale et la responsabilité civile en cours ou après travaux encourue vis-à-vis des tiers par l'assuré du fait de ses activités professionnelles.

La responsabilité décennale de la société Mtl n'est pas engagée, de sorte que la garantie afférente de la Sa Sma n'est pas mobilisable.

S'agissant de la responsabilité civile de son assurée, les conditions générales du contrat d'assurance précisent, aux pages 13 et 14, qu'en application de l'article L.124-5 alinéa 4 du code des assurances la garantie déclenchée par la réclamation s'applique aux sinistres survenant entre la prise d'effet de la garantie et l'expiration d'un délai subséquent de 10 ans qui s'écoule à compter de la date de résiliation ou de l'expiration du contrat ou de la garantie.

La garantie de la Sa Sma au titre de la responsabilité civile de son assurée peut donc être recherchée relativement à une réclamation pour un sinistre survenu entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2022.

Les conditions générales stipulent aux pages 8 et 9 que :

- sont garanties les conséquences pécuniaires de la responsabilité encourue par l'assuré sur quelque fondement juridique que ce soit en raison des dommages matériels et immatériels causés dans le cadre de son activité déclarée,

- ne sont pas garantis les dommages matériels (ou les indemnités compensant ces dommages) subis par les travaux, les ouvrages ou parties d'ouvrage exécutés ou par les matériaux fournis et mis en oeuvre par l'assuré, ainsi que les frais et dépenses engagés pour la réparation de ces dommages,

- ne sont pas garanties les conséquences pécuniaires de toute nature découlant :

. d'un retard dans l'exécution des marchés, travaux et/ou ouvrages, parties d'ouvrage objets des marchés, de l'assuré, sauf lorsqu'elles sont la conséquence d'un dommage corporel ou matériel garanti par le présent contrat,

. de réserves à la réception de l'ouvrage de l'assuré visées à l'article 1792-6 du code civil y compris les réserves elles-mêmes.

La responsabilité contractuelle de droit commun de la société Mtl a été retenue pour les inexécutions et les malfaçons réservées lors de la réception. Elle est donc exclue du champ de garantie de la Sa Sma. Les réclamations formées contre celle-ci seront rejetées. La décision du premier juge les ayant accueillies sera infirmée.

3) la Sa Gan Assurances

Mme [A] veuve [H], en son nom personnel et ès qualités, ne développe pas de moyen.

La Sa Gan Assurances avance que le contrat d'assurance souscrit par la société Mtl ayant pris effet à compter du 1er janvier 2013, soit après le démarrage du chantier en avril 2012, ses garanties décennales ne peuvent pas être mobilisées ; qu'elle a fait connaître sa position de non-garantie dès sa mise en cause en expertise ; que sa garantie au titre de la responsabilité civile générale doit également être écartée en application des clauses d'exclusion stipulées dans les conventions spéciales du contrat d'assurance ; qu'aucun dommage matériel n'étant garanti, aucun dommage immatériel ne peut l'être.

Les dispositions particulières du contrat d'assurance conclu entre la société Mtl et la Sa Gan Assurances ayant pris effet le 1er janvier 2013 prévoient la garantie de celle-ci en cas notamment de :

- responsabilité civile en cours d'exploitation ou d'exécution des travaux pour les dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs à des dommages garantis,

- responsabilité civile après mise en circulation des produits ou après achèvement des travaux pour les dommages corporels, matériels (y compris aux existants) et immatériels consécutifs à des dommages garantis,

- garantie obligatoire de responsabilité décennale.

La Sa Gan Assurances n'était pas l'assureur décennal de la société Mtl à la date du commencement effectif des travaux. Au surplus, la responsabilité décennale de cette dernière n'est pas engagée. La garantie de responsabilité décennale de la Sa Gan Assurances ne peut donc pas être recherchée.

S'agissant de la responsabilité civile de droit commun, les conventions spéciales stipulent à la page 16 que la garantie est déclenchée par la réclamation et que le délai subséquent est de cinq ans.

La garantie de la Sa Gan Assurances au titre de la responsabilité civile de la société Mtl, dont le contrat d'assurance a été résilié lors de sa liquidation judiciaire le 19 juillet 2013, peut donc être recherchée relativement à une réclamation pour un sinistre survenu entre le 1er janvier 2013 et le 19 juillet 2018.

Les conventions spéciales stipulent aux pages 8 et 11, relativement à la responsabilité civile en cours d'exploitation ou d'exécution des travaux, que :

- sont garanties les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue par l'assuré en raison des dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs, causés aux tiers, du fait de l'assuré ou de ses préposés,

- ne sont pas garantis :

. les dommages résultant de l'inobservation consciente, délibérée ou inexcusable des règles de l'art dans le secteur de la construction,

. les dommages résultant d'un arrêt de travaux et survenant plus de 30 jours après le jour de l'arrêt.

Les conventions spéciales stipulent aux pages 12 et 13 ayant trait à la responsabilité civile après mise en circulation des produits ou achèvement des travaux encourue par l'assuré à l'égard des tiers que :

- sont garanties les conséquences financières de la responsabilité civile encourue par l'assuré dans l'exercice de ses activités déclarées en raison des dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs causés aux tiers après l'achèvement des ouvrages ou travaux et ayant pour origine la faute professionnelle de l'assuré, une malfaçon technique,

- ne sont pas garantis :

. le coût représenté par la remise en état, la reconstruction, le parachèvement des ouvrages ou travaux exécutés par l'assuré,

. les dommages résultant du non-respect des devis par lequel l'assuré s'engage,

. les dommages résultant du retard dans l'exécution du travail,

. les responsabilités visées aux articles 1792 à 1792-7 du code civil et les dommages de la nature de ceux visés par ces mêmes articles en raison des recours dont l'assuré peut être l'objet.

De plus, à la page 18, les conventions spéciales mentionnent l'exclusion générale des dommages subis par les ouvrages ou travaux exécutés par l'assuré.

La responsabilité contractuelle de droit commun de la société Mtl a été retenue pour les inexécutions et les malfaçons réservées lors de la réception. Elle est donc exclue du champ de garantie de la Sa Gan Assurances. Les réclamations formées contre celle-ci seront rejetées. La décision du premier juge ayant mis hors de cause cette dernière sera confirmée.

* * *

En définitive, seuls M. [W] et la Maf seront tenus in solidum d'indemniser Mme [A] veuve [H] en son nom personnel et ès qualités. La discussion sur l'opposabilité ou non de la clause exclusive de solidarité contenue dans le contrat de maîtrise d'oeuvre est donc sans objet.

Sur les préjudices

- Sur le préjudice matériel

Mme [A] veuve [H], en son nom personnel et ès qualités, sollicite la confirmation des sommes qui lui ont été allouées par le tribunal. Elle demande en outre leur revalorisation selon l'indice du coût de la construction au jour du jugement à intervenir (base juin 2014) et l'application du taux d'intérêt légal à compter du 8 janvier 2013, date du procès-verbal de constat, et subsidiairement à compter de l'assignation.

M. [W] et la Maf ne contestent pas ces sommes validées par l'expert judiciaire.

En conséquence, les sommes fixées par le premier juge à la charge in solidum de

M. [W] et de la Maf seront confirmées. Elles seront indexées sur l'indice BT01 du coût de la construction à compter de la date du rapport d'expertise judiciaire et jusqu'au présent arrêt et majorées des intérêts au taux légal courant depuis l'assignation du 5 février 2016.

- Sur le préjudice de jouissance

Mme [A] veuve [H], en son nom personnel et ès qualités, demande l'infirmation de la décision du premier juge ayant fixé son préjudice de jouissance à la somme forfaitaire de 6 000 euros. Elle se réfère aux conclusions de l'expert judiciaire.

M. [W] et la Maf répondent que le retard dans l'exécution des travaux est lié à la faute exclusive de la société Mtl ; que cette prétention n'est justifiée par aucune pièce ; que les désordres invoqués n'empêchaient pas M. et Mme [H] d'occuper leur maison, ce qu'a retenu l'expert judiciaire ; qu'un retard de 7 mois dans la réalisation des travaux n'est pas disproportionné.

L'expert judiciaire a indiqué que :

- plusieurs entreprises étaient intervenues pour la réalisation des travaux de réhabilitation et d'extension projetés qui devaient être réalisés en quatre mois à partir d'avril 2012 ; qu'un léger retard était survenu du fait de la période estivale et des congés, de sorte qu'ils devaient être terminés en septembre 2012,

- les défaillances de la société Mtl dans l'exécution de tous les aménagements intérieurs et extérieurs avaient contraint M. et Mme [H], qui avaient quitté leur maison pour permettre la réalisation des travaux et qui n'avaient plus d'autres alternatives, d'y revenir le 1er mars 2013 alors que de nombreux travaux restaient à accomplir,

- les maîtres de l'ouvrage avaient subi une privation de jouissance totale pendant 7 mois et partielle depuis leur retour, mais n'avaient pas quantifié leurs prétentions en terme d'indemnité éventuelle.

Mme [A] veuve [H], en son nom personnel et ès qualités, sollicite l'octroi d'une indemnité de 800 euros par mois pendant 7 mois et 250 euros par mois à compter du 1er mars 2013 jusqu'à l'arrêt à intervenir, sans produire les pièces permettant d'évaluer de façon argumentée les conséquences de la perte de jouissance de l'immeuble.

Cette carence probatoire ne permet pas d'apprécier le montant du préjudice subi, de sorte que cette réclamation sera rejetée. Le jugement du tribunal ayant fixé une indemnité forfaitaire sera infirmé.

Sur les recours en garantie de M. [W] et de la Maf

Ceux-ci précisent qu'un tiers lésé par l'action d'un assuré peut agir à l'encontre de son assureur sur le fondement de la responsabilité délictuelle, que la société Mtl étant la responsable exclusive des dommages, leur recours en garantie à l'encontre des assureurs de celle-ci est justifié.

- à l'encontre de la Sa Sma

M. [W] et la Maf avancent que la Sa Sma produit uniquement les conditions générales du contrat d'assurance qui ne sont pas signées, ni paraphées, de sorte qu'elles ne leur sont pas opposables et que seule l'attestation d'assurance qui vise la garantie civile de l'entreprise en cours ou après travaux prévaut.

La Sa Sma répond qu'elle verse aux débats les conditions particulières et générales, que l'attestation d'assurance Sagena renvoie à l'application desdites conditions générales, et que la question de l'opposabilité de celles-ci ne se pose pas ; que la preuve de l'existence d'une garantie d'assurance mobilisable n'est pas apportée ; qu'en toute hypothèse elle n'était pas l'assureur responsabilité civile de la société Mtl à la date de la réclamation.

Selon l'article L.112-6 du code des assurances, l'assureur peut opposer au porteur de sa police ou au tiers qui en invoque le bénéfice les exceptions opposables au souscripteur originaire.

Il est exact que la Sa Sma ne produit pas les conditions particulières du contrat d'assurance et que les conditions générales ne sont pas signées.

Toutefois, l'assureur de responsabilité civile professionnelle est fondé à opposer aux tiers les clauses d'exclusion ou de limitation de garantie opposable à l'assuré, même si elles ne sont pas reproduites sur l'attestation d'assurance délivrée à ce dernier.

Pour les motifs explicités dans les développements ci-dessus quant à l'absence de mobilisation de la garantie de la Sa Sma et à défaut de preuve d'une faute délictuelle de cette dernière, ce recours en garantie sera rejeté. La décision du tribunal ayant statué en ce sens sera confirmée.

- à l'encontre de la Sa Gan Assurances

M. [W] et la Maf avancent que les conditions générales et particulières du contrat d'assurance produites par la Sa Gan Assurances ne sont pas signées, de sorte qu'elles ne leur sont pas opposables et que seule l'attestation d'assurance qui vise la responsabilité civile du chef d'entreprise et la responsabilité décennale prévaut.

Ils ajoutent que la Sa Gan Assurances était l'assureur de la société Mtl au moment de l'apparition des désordres et de la réclamation de M. et Mme [H].

La Sa Gan Assurances se réfère à ses moyens précisés dans les développements ci-dessus traitant de la garantie des assureurs.

Les conditions particulières et générales produites par la Sa Gan Assurances ne sont pas signées.

Toutefois, l'assureur de responsabilité civile professionnelle est fondé à opposer aux tiers les clauses d'exclusion ou de limitation de garantie opposable à l'assuré, même si elles ne sont pas reproduites sur l'attestation d'assurance délivrée à ce dernier.

Pour les motifs explicités dans les développements ci-dessus quant à l'absence de mobilisation de la garantie de la Sa Gan Assurances et à défaut de preuve d'une faute délictuelle de cette dernière, ce recours en garantie sera rejeté. La décision du tribunal ayant statué en ce sens sera confirmée.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions de première instance sur les dépens et les frais de procédure seront confirmées, sauf en ce qu'elles ont été prononcées à l'égard de la Sa Sma. Le rejet de la demande de celle-ci fondée sur l'article 700 du code de procédure civile sera également infirmé.

Parties perdantes, M. [W] et la Maf seront condamnés in solidum aux dépens d'appel avec bénéfice de distraction au profit des avocats qui en ont fait la demande, à l'exception de celui de la Sa Gan Assurances qui a présenté cette demande à titre infiniment subsidiaire.

Il n'est pas inéquitable de les condamner aussi in solidum à payer à Mme [A] veuve [H], en son nom personnel et ès qualités, la somme de

7 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés pour cette procédure d'appel. La somme de 5 000 euros sera aussi mise in solidum à leur charge au profit de la Sa Sma au titre de ses frais des procédures de première instance et d'appel.

En revanche, la réclamation de ses frais de procédure présentée par la Sa Gan Assurances à titre infiniment subsidiaire sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a :

- déclaré M. [N] [W], architecte et la société Charpente Menuiserie Traditionnelle du Littoral- Mtl, responsables de plein droit des préjudices subis par M. et Mme [H] au titre des désordres consécutifs aux travaux réalisés sur le fondement de l'article 1792 du code civil,

- condamné la Sa Sma, assureur de la société Menuiserie Traditionnelle du Littoral - Mtl à payer à M. et Mme [H] la somme de 39 583,23 euros TTC en réparation du préjudice matériel subi outre celle de 3 615,53 euros correspondant aux honoraires de l'architecte pour la direction des travaux et réparations et finitions,

- condamné in solidum M. [N] [W], son assureur, la Maf, et la Sa Sma, assureur de la société Menuiserie Traditionnelle du Littoral - Mtl à payer à M. et Mme [H] la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi,

- dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la date de signification de l'assignation,

- condamné la Sa Sma, assureur de la société Menuiserie Traditionnelle du Littoral - Mtl à payer à M. et Mme [H] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sa Sma, assureur de la société Menuiserie Traditionnelle du Littoral - Mtl à payer à la société Gan Assurances la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sa Sma, assureur de la société Menuiserie Traditionnelle du Littoral - Mtl aux dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise et de référé,

- débouté M. et Mme [H] de leur demande de revalorisation de la somme de 43198,76 euros au titre du préjudice matériel selon l'indice du coût de la construction au jour du jugement à intervenir (base juin 2014),

- débouté la Maf de sa demande tendant à voir dire et juger que sa garantie se fera dans les limites et conditions de la police qui contient notamment une franchise opposable aux tiers lésés,

- débouté la Sa Sma de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur ces chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne in solidum M. [N] [W] et la Mutuelle des architectes français à payer à Mme [T] [A] veuve [H], agissant en son nom personnel et ès qualités d'administratrice légale, de ses enfants mineures [P] [H] et [V] [H], ensemble héritières de [J] [H] décédé, les sommes de

39 583,23 euros TTC et de 3 615,53 euros avec indexation sur l'indice BT01 du coût de la construction à compter de la date du rapport d'expertise judiciaire et jusqu'au présent arrêt et majorées des intérêts au taux légal à compter du 5 février 2016,

Dit que la garantie de la Mutuelle des architectes français s'appliquera dans les limites et les conditions de la police d'assurance prévoyant notamment une franchise,

Déboute Mme [T] [A] veuve [H], agissant en son nom personnel et ès qualités d'administratrice légale, de ses enfants mineures [P] [H] et [V] [H], ensemble héritières de [J] [H] décédé, de toutes ses demandes formées contre la Sa Sma,

Déboute Mme [T] [A] veuve [H], agissant en son nom personnel et ès qualités d'administratrice légale de ses enfants mineures [P] [H] et [V] [H], ensemble héritières de [J] [H] décédé, de sa demande de dommages et intérêts au titre d'un préjudice de jouissance,

Condamne in solidum M. [N] [W] et la Mutuelle des architectes français à payer à Mme [T] [A] veuve [H], agissant en son nom personnel et ès qualités d'administratrice légale de ses enfants mineures [P] [H] et [V] [H], ensemble héritières de [J] [H] décédé, la somme de

7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

Condamne in solidum M. [N] [W] et la Mutuelle des architectes français à payer à la Sa Sma la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des procédures de première instance et d'appel,

Déboute les parties du surplus des demandes,

Condamne in solidum M. [N] [W] et la Mutuelle des architectes français aux dépens d'appel avec bénéfice de distraction au profit de la Scp Claude Aunay et de la Selarl Gray Scolan, avocats, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 21/01061
Date de la décision : 22/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-22;21.01061 ?
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