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22/03/2023 | FRANCE | N°21/00845

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 22 mars 2023, 21/00845


N° RG 21/00845 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IWJE







COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 22 MARS 2023







DÉCISION DÉFÉRÉE :



19/03002

Tribunal judiciaire d'Evreux du 2 février 2021





APPELANTE :



Sci [Adresse 4]

RCS de Nanterre n° 421 375 288

[Adresse 1]

[Localité 5]



représentée par Me Delphine BERGERON-DURAND de la SCP BOYER BERGERON-DURAND, avocat au barreau de l'Eure et assistée de Me LERATE, a

vocat au barreau de Paris du cabinet GRAPHENE AVCATSAARPI





INTIME :



Syndicat des coproprietaires de l'immeuble [Localité 6] représenté par son syndic la Sasu FONCIA NORMANDIE

RCS de Rouen n° 394 288 40...

N° RG 21/00845 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IWJE

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 22 MARS 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

19/03002

Tribunal judiciaire d'Evreux du 2 février 2021

APPELANTE :

Sci [Adresse 4]

RCS de Nanterre n° 421 375 288

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Delphine BERGERON-DURAND de la SCP BOYER BERGERON-DURAND, avocat au barreau de l'Eure et assistée de Me LERATE, avocat au barreau de Paris du cabinet GRAPHENE AVCATSAARPI

INTIME :

Syndicat des coproprietaires de l'immeuble [Localité 6] représenté par son syndic la Sasu FONCIA NORMANDIE

RCS de Rouen n° 394 288 401

[Adresse 7]

[Localité 2]

représentée et assistée par Me Aurélie BLONDE de la SELARL CABINET THOMAS-COURCEL BLONDE, avocat au barreau de l'Eure plaidant par Me THOMAS-COURCEL

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 30 novembre 2022 sans opposition des avocats devant Mme Magali DEGUETTE, conseiller, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,

M. Jean-François MELLET, conseiller,

Mme Magali DEGUETTE, conseillère,

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER

DEBATS :

A l'audience publique du 30 novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 8 février 2023, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 22 mars 2023.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 22 mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La Sci [Adresse 4] est propriétaire d'un local tous usages (lot n°1) situé au rez-de-chaussée de la [Adresse 7], sise [Adresse 3], soumise au statut de la copropriété.

Le 27 juin 2019, aux termes de sa résolution n°15, l'assemblée générale ordinaire des copropriétaires a rejeté à la majorité le projet de résolution tendant à la modification du règlement de copropriété et de l'état descriptif de division proposé par la Sci [Adresse 4] pour l'actualisation des surfaces du lot n°1, la création d'un lot n°36 en sous-sol, et la modification de la grille des tantièmes, car 'le vide sanitaire, objet de la création de lot, est une partie commune et non une partie privative.'. Elle a demandé à la Sci [Adresse 4] de retirer son escalier d'accès au local et de remettre en état les deux trappes d'accès figurant sur le plan initial ; elle l'a également sollicitée afin que les travaux de remise en conformité à l'état initial soient contrôlés par un bureau d'études structure, dont le rapport sera présenté au conseil syndical.

Par acte d'huissier de justice du 29 août 2019, la Sci [Adresse 4] a fait assigner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7]) devant le tribunal de grande instance d'Evreux aux fins d'annulation de la résolution n°15.

Par jugement du 2 février 2021, le tribunal judiciaire d'Evreux a :

- déclaré la Sci [Adresse 4] irrecevable en sa demande d'annulation de la résolution n°15 de l'assemblée générale ordinaire des copropriétaires de la [Adresse 7], située au [Adresse 3]) en date du 27 juin 2019,

- débouté la Sci [Adresse 4] de sa demande tendant à faire juger que par l'effet de la prescription acquisitive abrégée, elle est devenue propriétaire des locaux situés en sous-sol de son lot,

- débouté la Sci [Adresse 4] de sa demande tendant à la modification du règlement de copropriété,

- condamné la Sci [Adresse 4] à remettre le local situé en sous-sol de son lot en état conformément au plan annexé au règlement de copropriété,

- débouté le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7] de sa demande tendant à ce que cette condamnation soit assortie d'une astreinte,

- débouté le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7] de sa demande d'indemnisation, formée au titre de la procédure abusive,

- dit n'y avoir lieu à prononcer une amende civile,

- débouté la Sci [Adresse 4] de sa demande d'indemnisation formée au titre de la résistance abusive,

- condamné la Sci [Adresse 4] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sci [Adresse 4] aux entiers dépens de l'instance,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

- rejeté toute demande plus ample ou contraire.

Par déclaration du 25 février 2021, la Sci [Adresse 4] a formé appel du jugement.

EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 5 avril 2022, la Sci [Adresse 4] demande, en application des articles 42 de la loi du 10 juillet 1965, 1353, 1998, 1154, 1341-2, 2265, 2272 du code civil, 514 et 514-1 du code de procédure civile, de voir :

- débouter le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Localité 6] de l'ensemble de ses prétentions,

* sur la recevabilité de sa demande,

- infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, déclarer recevable son action en contestation de la résolution n°15,

sur la nullité de cette résolution,

- annuler celle-ci et enjoindre au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7] de procéder sans délai à la modification du règlement de copropriété en complétant le descriptif du lot n°1 de l'existence de sous-sols, afin de mettre en cohérence ledit règlement avec la situation factuelle,

* sur l'usucapion abrégée,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de bénéfice de la prescription acquisitive abrégée et, statuant à nouveau, juger qu'elle est devenue, par le jeu de ladite prescription, propriétaire des locaux situés en sous-sol de la boutique,

* sur la demande de remise en état,

- à titre principal, infirmer le jugement déféré en ce qu'il a fait droit à la demande du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7] de remise en état des locaux litigieux en raison du caractère privatif du sous-sol litigieux, et, statuant à nouveau, débouter le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7] de sa demande de remise en état du local du sous-sol de la boutique,

- à titre subsidiaire, infirmer le jugement déféré en ce qu'il a fait droit à la demande du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7] de remise en état des locaux litigieux en raison de l'usucapion abrégée, et, statuant à nouveau, débouter le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7] de sa demande de remise en état du local du sous-sol de la boutique, au motif qu'elle est devenue, par le jeu de la prescription acquisitive abrégée, propriétaire des locaux situés en sous-sol de la boutique,

* sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7] à des dommages et intérêts pour résistance abusive, et, statuant à nouveau, condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Localité 6] à lui verser la somme de

10 000 euros à ce titre,

* sur sa condamnation aux frais irrépétibles et aux dépens,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles et des dépens, et condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Localité 6] à lui payer la somme de

10 000 euros au titre des frais irrépétibles, en plus des entiers dépens de la présente instance et de ses suites.

Par dernières conclusions notifiées le 4 avril 2022, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7]), représenté par son syndic la Sasu Foncia Normandie, sollicite de voir :

en vertu de l'article 954 du code de procédure civile,

- juger que la Sci [Adresse 4] ne sollicite pas expressément l'infirmation des chefs du jugement du 2 février 2021 qui l'ont déclarée irrecevable en sa demande d'annulation de la résolution n°15 de l'assemblée générale ordinaire des copropriétaires de la [Adresse 7] du 27 juin 2019 et déboutée de sa demande tendant à la modification du règlement de copropriété,

- confirmer en conséquence ces chefs du jugement,

- confirmer le jugement dont appel, sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'astreinte,

statuant à nouveau de ce chef,

en vertu des articles 15 de la loi du 10 juillet 1965 et 1240 du code civil,

- condamner la Sci [Adresse 4] à faire procéder à la remise en état des lieux, à savoir : enlèvement de tous les aménagements du vide sanitaire et de l'escalier d'accès, bouchement de la trémie de l'escalier, réfection des accès au vide sanitaire et remise en état de la ventilation du vide sanitaire, et ce, sous astreinte journalière de 300 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la signification de l'arrêt à intervenir,

- condamner la Sci [Adresse 4] à lui payer la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

en tout état de cause,

- débouter la Sci [Adresse 4] de toutes ses prétentions,

- condamner celle-ci à lui payer la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance, tant de première instance que d'appel.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 6 avril 2022.

MOTIFS

Sur la saisine de la cour d'appel

Le syndicat des copropriétaires avance qu'aux termes de ses écritures, la Sci [Adresse 4] ne sollicite pas expressément l'infirmation des chefs du jugement du 2 février 2021 qui l'ont déclarée irrecevable en sa demande d'annulation de la résolution n°15 et déboutée de sa demande de modification du règlement de copropriété, que ces chefs de jugement ne sont donc pas contestés et doivent être confirmés.

La Sci [Adresse 4] répond qu'elle a demandé l'infirmation du chef de l'irrecevabilité de sa demande dans la déclaration d'appel et dans ses écritures ; que le tribunal ne s'est pas prononcé sur le fond de la demande de nullité puisqu'il l'a déclarée irrecevable, de sorte qu'elle ne pouvait pas présenter différemment ses demandes ; que la demande de modification du règlement de copropriété figure dans la déclaration d'appel et qu'elle est reprise dans les motifs de ses écritures qui font corps avec le dispositif ; que ce n'est qu'en raison d'une erreur matérielle que la demande explicite d'infirmation a été omise dans le dispositif ; qu'il existe une indivisibilité entre la demande d'annulation de la résolution n°15 et la demande de modification du règlement de copropriété, de sorte que la dévolution s'opère pour le tout.

L'article 542 du code de procédure civile mentionne que l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.

En vertu de l'article 562 du même code, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Selon les alinéas 2 et 3 de l'article 954 du même code, les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

En l'espèce, la déclaration d'appel de la Sci [Adresse 4] a été rédigée en ces termes : 'Appel partiel tendant à faire réformer ou annuler par la Cour d'Appel la décision entreprise du jugement du 2 février 2021 rendu par le Tribunal Judiciaire d'EVREUX (RG 19/03002) en ce que le Tribunal a : -DECLARE la SCI [Adresse 4] irrecevable en sa demande d'annulation de la résolution numéro 15 de l'assemblée générale ordinaire des copropriétaires de la [Adresse 7], situé au [Adresse 3]) en date du 27 juin 2019 [...] - DEBOUTE la SCI [Adresse 4] de sa demande tendant à la modification du règlement de copropriété'.

Elle a donc valablement saisi la cour d'appel des chefs du dispositif du jugement du 2 février 2021.

Dès ses premières conclusions notifiées le 22 mai 2021 et dans le dispositif de ses dernières conclusions, la Sci [Adresse 4] demande de voir, sur la recevabilité de sa demande, infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, déclarer recevable son action en contestation de la résolution n°15.

Elle formule ensuite des demandes au fond tendant à l'annulation de la résolution n°15 et à la modification du règlement de copropriété.

L'absence de décision du tribunal sur la nullité de la résolution n°15, relevant du fond, justifie l'absence de demande d'infirmation. L'effet dévolutif s'opère sur la recevabilité et le fond de la demande de nullité de la résolution n°15.

En revanche, aucune demande d'infirmation de la décision de rejet de la demande de modification du règlement de copropriété n'a été formulée dans le dispositif de ses écritures, ce que la Sci [Adresse 4] admet.

Cette omission ne peut pas être régularisée par le renvoi à la déclaration d'appel et aux motifs de ses conclusions. De plus, l'indivisibilité invoquée par la Sci [Adresse 4] n'est pas fondée. La demande d'annulation de la résolution n°15 n'a pas d'incidence sur celle tendant à la modification du règlement de copropriété, car l'annulation de cette résolution, même si elle était prononcée, ne conduirait pas à une modification de ce règlement.

Dès lors, en l'absence d'effet dévolutif de l'appel de la Sci [Adresse 4] sur ce chef du dispositif du jugement, la cour d'appel n'en est pas saisie et ne peut pas statuer sur celui-ci.

Sur l'irrecevabilité de la demande d'annulation de la résolution n°15

Le syndicat des copropriétaires expose que la Sci [Adresse 4] n'était pas défaillante lors du vote de cette résolution ; qu'elle était absente mais qu'elle avait donné pouvoir au président de séance qui l'avait confié à un copropriétaire présent ; qu'elle n'était pas davantage opposante puisque cette résolution a été rejetée à l'unanimité des copropriétaires votants dont elle-même ; que la question de la nullité du mandat intéresse les relations entre le mandant et le mandataire et pas le syndicat des copropriétaires ; que la Sci [Adresse 4] a établi un pouvoir en blanc sans aucune instruction de vote, de sorte qu'il ne peut être fait grief au mandataire d'avoir excédé ses pouvoirs et que la Sci [Adresse 4] est engagée par ce vote ; qu'aucune fraude ne peut lui être reprochée ; qu'en définitive, la Sci [Adresse 4] n'ayant pas la qualité de copropriétaire opposant est irrecevable à solliciter l'annulation de la résolution n°15.

La Sci [Adresse 4] réplique qu'elle ne peut pas avoir consenti au rejet de cette résolution puisqu'elle en est l'auteur et avait le plus grand intérêt à la voter ; qu'en votant contre l'adoption de cette résolution alors qu'il ne pouvait ignorer qu'il nuisait aux intérêts de son mandant, le copropriétaire mandaté, même s'il n'avait pas de consigne de vote, a agi en fraude de ses droits avec la participation active du syndicat des copropriétaires, du président de séance et des copropriétaires ; que le vote de son mandataire est nul en application des articles 1998 et 1154 du code civil de sorte qu'elle aurait dû être considérée comme défaillante, voire opposante du fait de l'inopposabilité de ce vote à son égard ; qu'elle est recevable en son action.

L'article 122 du code de procédure civile définit la fin de non-recevoir comme tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Aux termes de l'alinéa 2 de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal d'assemblée.

L'alinéa 3 de l'article 22 de la même loi précise que tout copropriétaire peut déléguer son droit de vote à un mandataire, que ce dernier soit ou non membre du syndicat.

En l'espèce, il ressort du pouvoir qu'il a signé le 25 juin 2019 que le gérant de la Sci [Adresse 4] a donné pouvoir, avec la faculté de le subdéléguer à la personne de son choix, dans le respect de ses consignes de vote, au président de séance pour, en son nom, se présenter à l'assemblée générale des copropriétaires du 27 juin 2019, prendre toutes résolutions nécessaires, et émettre tous votes. Il a autorisé expressément la remise de ce pouvoir à tout participant à l'assemblée générale à défaut d'avoir porté le nom d'un mandataire.

La feuille de présence de l'assemblée générale du 27 juin 2019 mentionne que le mandataire de la Sci [Adresse 4] était M. [W]. Le nom de celui-ci, élu président de séance, a été ajouté sur le pouvoir précité.

En vertu de ce pouvoir qui ne comportait aucune consigne de vote, M. [W] a voté contre la résolution n°15. La Sci [Adresse 4] ne démontre pas que son mandataire était investi d'un mandat exprès de vote de cette résolution et que celui-ci et/ou le syndicat des copropriétaires et/ou les autres copropriétaires ont commis des actes de fraude lors de ce vote.

En tout état de cause, même dans l'hypothèse d'un dépassement ou d'un détournement de mandat, celui-ci ne saurait être opposable au syndicat des copropriétaires et avoir pour effet de vicier le sens du vote émis par le mandataire ayant outrepassé ou méconnu son mandat exprès. Seule compte l'existence du pouvoir donné, et non le sens du vote à faire valoir.

La Sci [Adresse 4] n'a donc pas la qualité de copropriétaire opposant. Son affirmation selon laquelle le vote de son mandataire ne concorde pas avec ses intérêts est inopérante à lui conférer ladite qualité.

Elle n'a pas davantage la qualité de copropriétaire défaillant, dès lors qu'elle était représentée lors de l'assemblée générale du 27 juin 2019.

En conséquence, faute de qualité pour agir de la Sci [Adresse 4], elle est irrecevable en sa demande d'annulation de la résolution n°15. La décision du premier juge ayant statué en ce sens sera confirmée.

Sur la prescription acquisitive abrégée du sous-sol situé sous le lot n°1

La Sci [Adresse 4] expose que son lot, actuellement loué, est indissociable des locaux se trouvant au sous-sol, accessibles uniquement par un escalier depuis son local au rez-de-chaussée et ne figurant pas dans le règlement de copropriété ; que la surface de son lot de 170,70 m², dont 28,47 m² et 12,14 m² correspondent respectivement aux remises 1 et 2, inclut nécessairement les locaux situés en sous-sol ; que ces remises ne peuvent que correspondre à ceux-ci ; que le diagnostic amiante réalisé le 1er avril 2008 vise les deux niveaux de son lot ; qu'elle règle une taxe foncière et des charges de copropriété sur ceux-ci.

Elle ajoute qu'elle dispose d'un juste titre même si les titres de propriété qu'elle produit ne mentionnent pas le sous-sol ; qu'elle a acquis son lot de bonne foi de M. et Mme [E] le 5 avril 2011 lesquels l'avaient acheté à la société Caal le 3 décembre 2005 ; que leurs possessions respectives jointes n'ont pas été remises en cause avant l'assemblée générale du 27 juin 2019 et ont été exercées de manière continue, non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire pendant plus de dix ans.

Le syndicat des copropriétaires répond que la Sci [Adresse 4] n'a pas qualité pour revendiquer le bénéfice de la prescription abrégée ; qu'elle ne démontre pas détenir un juste titre ; que le titre de celle-ci situe le lot au rez-de-chaussée et pas en sous-sol ; que la mention d'une superficie ou un diagnostic technique ne constitue pas un titre de propriété au sens de l'article 2272 du code civil ; que tant la Sci [Adresse 4] que son prédécesseur ont toujours su que le sous-sol ne leur appartenait pas.

Elle précise en tout état de cause que l'appelante ne remplit pas les conditions d'une prescription acquisitive ; que celle-ci n'en présente pas les qualités prévues par l'article 2261 du code civil.

Selon l'article 712 du code civil, la propriété s'acquiert aussi par accession ou incorporation, et par prescription.

L'article 2255 du même code définit la possession comme la détention ou la jouissance d'une chose ou d'un droit que nous tenons ou que nous exerçons par nous-mêmes, ou par un autre qui la tient ou qui l'exerce en notre nom.

L'article 2258 du même code précise que la prescription acquisitive est un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession sans que celui qui l'allègue soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi.

L'article 2261 du même code indique que, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.

L'article 2272 du même code prévoit enfin que le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans. Toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans.

La bonne foi consiste en la croyance de l'acquéreur, au moment de l'acquisition, de tenir la chose du véritable propriétaire. Elle est appréciée souverainement par les juges du fond.

En l'espèce, le 5 avril 2011, les consorts [E] et la Sci [Adresse 4] ont conclu un contrat de vente au profit de cette dernière sur le lot n°1 au sein de la copropriété de la résidence [Adresse 7], composé d'un local tous usages situé au rez-de-chaussée, d'une surface de 170,70 m² mesurée le 29 septembre 2005, et des 163/1000èmes des parties communes générales.

Aux termes de son procès-verbal du 11 février 2021, Me [P], huissier de justice mandatée par la Sci [Adresse 4], a constaté :

- l'absence de toute porte ou trappe donnant accès aux parties communes de l'immeuble au sein des deux pièces du sous-sol,

- la seule possibilité d'accéder à la première pièce est l'escalier depuis le rez-de-chaussée,

- l'accès à la seconde pièce se fait depuis la première par une baie libre,

- le seul moyen de quitter cette seconde pièce est l'escalier du rez-de-chaussée.

Cette configuration des lieux est corroborée par Mme [T], expert amiable mandatée par la Sci [Adresse 4] pour effectuer une analyse des locaux du sous-sol et qui s'est rendue sur place le 15 janvier 2020.

Cet agencement des lieux existait déjà au jour de la vente. Mme [E] atteste que les locaux ont toujours été constitués d'un rez-de-chaussée et de deux remises au sous-sol et qu'elle n'y a apporté aucune modification.

Toutefois, le rapprochement de cette architecture réelle des lieux et la simple lecture de la désignation de l'objet de la vente, qui était un local situé au rez-de-chaussée sans dépendance, était de nature à faire naître un doute sur la propriété des deux pièces du sous-sol.

La lecture de l'état descriptif de division du 27 février 1993, auquel renvoyait l'acte de vente, permettait de confirmer cette différence dans la configuration des lieux. La même description du lot n°1 y figurait. De plus, le plan de copropriété du sous-sol annexé à cet état descriptif et au règlement de copropriété désignait le sous-sol sous le lot n°1 par l'abréviation 'V.S' signifiant très vraisemblablement vide sanitaire, soit une partie non privative. Cette appellation de 'vide sanitaire' a d'ailleurs été utilisée pour désigner chacune des deux pièces du sous-sol dans les plans joints par la Sci [Adresse 4] à son courrier adressé le 28 février 2019 au syndic de copropriété aux fins de présentation de son projet modificatif du règlement de copropriété à l'assemblée générale des copropriétaires à venir.

Le caractère équivoque du droit de propriété de ses vendeurs sur les locaux du sous-sol du lot n°1, qui était aisément décelable à la simple lecture de la description littérale du lot n°1, fait tomber la présomption de bonne foi au bénéfice de la Sci [Adresse 4]. Le délai de 10 ans de la prescription acquisitive abrégée ne lui profite pas. Elle ne pourrait se prévaloir que du délai de 30 ans, ce qu'elle ne fait pas.

Dès lors, la Sci [Adresse 4] sera déboutée de sa prétention. La décision du premier juge ayant statué en ce sens sera confirmée.

Sur la demande de remise en état des lieux sous astreinte

Le syndicat des copropriétaires indique que l'aménagement du vide sanitaire et la création d'un escalier pour y accéder constituent une atteinte aux parties communes, s'analysant comme un trouble manifestement illicite, qui doit être sanctionnée en application de l'article 15 de la loi du 10 juillet 1965 sans autorisation de l'assemblée générale et sans besoin de démonstration d'un préjudice.

La Sci [Adresse 4] s'y oppose au motif principal que les locaux en sous-sol qui dépendent du lot n°1 constituent une partie privative et au motif subsidiaire qu'elle bénéficie de l'usucapion abrégée. Elle ajoute que rien ne justifie l'astreinte sollicitée.

L'état descriptif de division et le règlement de copropriété stipulent, à la page 28, au paragraphe 10°) que : ' S'il arrive que certaines choses communes se trouvent incluses à l'intérieur des parties privatives, ou en sont la dépendance directe ou indirecte, les propriétaires de ces parties privatives seront tenus, sans pouvoir prétendre à une indemnité de maintenir à leur place ces choses communes, qui seront considérées comme affectées à titre de servitudes permanentes au profit de la co-propriété ; d'en permettre l'accès en cas de nécessité, notamment pour cause de réfection ou d'entretien et de se soumettre aux exigences des règlements de construction, sécurité, hygiène, etc...'.

La preuve de l'existence d'un autre mode d'accès antérieur aux locaux du sous-sol et de leur ventilation n'est pas apportée par le syndicat des copropriétaires. Si le plan du sous-sol fait figurer deux trappes d'accès, il ressort des constatations précitées de Me [P], corroborées par celles de Mme [T], que les locaux litigieux du sous-sol ont toujours été accessibles uniquement par l'escalier du lot n°1. Mme [T] qui a examiné les murs de part et d'autre des positions indiquées des trappes d'accès n'a pas relevé de rebouchage de celles-ci. Les murs en parpaings ont été peints directement sans poser d'apprêt, de sorte que si un rebouchage d'une trappe avait été effectué, la trace aurait été visible, ce qui n'est pas le cas. Elle n'a pas davantage relevé de différence de couleur ou de relief dans les murs. Les clichés photographiques produits ne montrent pas l'existence de trappes d'accès même rebouchées.

Les locaux en sous-sol constituent une dépendance directe du lot n°1. Ils répondent à la définition précitée des choses ou parties communes.

Afin de conserver cette affectation et de permettre l'entretien des canalisations s'y trouvant comme cela apparaît sur les clichés photographiques aux pages 4 à 10 du procès-verbal de constat du 11 février 2021, les travaux de remise en état dont la Sci [Adresse 4] est débitrice consisteront uniquement à enlever ou faire enlever les aménagements s'y trouvant, à l'exception de l'escalier d'accès.

Afin d'en garantir l'exécution, cette injonction sera assortie d'une astreinte dont les modalités seront précisées dans le dispositif. Les dispositions du jugement sur la nature des travaux de remise en état et le rejet de la demande d'astreinte seront infirmées.

Sur les demandes indemnitaires

- Sur la demande indemnitaire de la Sci [Adresse 4] pour résistance abusive

La Sci [Adresse 4] expose que l'intimé ne pouvait pas ignorer la situation juridique des locaux litigieux constitutifs de locaux privatifs et continuer de s'opposer à la résolution n°15, ce qui lui a causé un préjudice.

Le syndicat des copropriétaires ne développe pas de moyen sur ce point.

L'article 1240 du code civil précise que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Eu égard au sens de cette décision, l'opposition manifestée par le syndicat des copropriétaires aux réclamations de la Sci [Adresse 4] a été légitime.

Les conditions de la responsabilité de ce dernier n'étant pas réunies, cette réclamation formée contre lui sera rejetée. Le jugement du tribunal ayant statué en ce sens sera confirmé.

- Sur la demande indemnitaire du syndicat des copropriétaires pour procédure abusive

Le syndicat des copropriétaires fait valoir que le fait de demander l'annulation d'une résolution que la Sci [Adresse 4] a régulièrement votée, d'invoquer le bénéfice du règlement de copropriété en expurgeant les plans qui y sont annexés, de soutenir que le vide sanitaire ferait partie de son lot alors qu'elle a demandé la création d'un nouveau lot propre à cet espace, et de communiquer un rapport non contradictoire constituant au mieux un rapport de complaisance, est totalement déloyal et de mauvaise foi, que cette action est donc manifestement abusive et donnera lieu au prononcé d'une amende civile.

La Sci [Adresse 4] conclut au rejet de cette prétention eu égard à l'attitude de l'intimé qui l'a trompée lors de l'assemblée générale du 27 juin 2019 et au caractère fondé de son action. Elle ajoute que le rapport amiable de Mme [T] est sérieux et argumenté et qu'il n'appartient pas à une partie de solliciter le prononcé d'une amende civile.

En application de l'article 1240 précité, toute faute dans l'exercice des voies de droit, même dépourvue d'intention de nuire, est de nature à engager la responsabilité de son auteur. Il incombe au demandeur d'en apporter la preuve.

Dans le cas d'espèce, le syndicat des copropriétaires, dont les demandes n'ont pas été totalement accueillies, ne démontre pas en quoi l'exercice de cette action et le contenu des moyens et des preuves produites au soutien de celle-ci sont fautifs. Il ne sera pas fait droit à sa demande. Le jugement du tribunal ayant statué en ce sens et ayant écarté le prononcé d'une amende civile sera confirmé.

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Partie perdante, la Sci [Adresse 4] sera condamnée aux dépens d'appel.

Il n'est pas inéquitable de la condamner également à payer à l'intimé la somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés pour cette procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu publiquement par mise à disposition au greffe :

Dans les limites de l'appel formé,

Constate l'effet dévolutif de l'appel de la Sci [Adresse 4] sur la recevabilité et le fond de la demande de nullité de la résolution n°15 de l'assemblée générale ordinaire des copropriétaires du 27 juin 2019,

Constate l'absence d'effet dévolutif de l'appel de la Sci [Adresse 4] sur la demande de modification du règlement de copropriété et dit en conséquence que la cour d'appel ne peut pas statuer sur cet appel,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a :

- condamné la Sci [Adresse 4] à remettre le local situé en sous-sol de son lot en état conformément au plan annexé au règlement de copropriété,

- débouté le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7] de sa demande tendant à ce que cette condamnation soit assortie d'une astreinte,

Statuant à nouveau sur ces chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la Sci [Adresse 4] à enlever ou faire enlever les aménagements se trouvant dans les locaux situés en sous-sol de son lot n°1, à l'exception de l'escalier d'accès, et ce, dans le mois suivant la signification du présent arrêt,

Dit que, passé ce délai et à défaut de s'être exécutée, la Sci [Adresse 4] sera redevable envers le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7], d'une astreinte provisoire de 300 euros par jour de retard pendant le délai de trois mois,

Condamne la Sci [Adresse 4] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7]) la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

Déboute les parties du surplus des demandes,

Condamne la Sci [Adresse 4] aux dépens d'appel.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 21/00845
Date de la décision : 22/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-22;21.00845 ?
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