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22/03/2023 | FRANCE | N°21/00238

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 22 mars 2023, 21/00238


N° RG 21/00238 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IVBC







COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 22 MARS 2023









DÉCISION DÉFÉRÉE :



17/01423

Tribunal judiciaire de Rouen du 7 décembre 2020





APPELANTE :



Sarl ENTREPRISE GRANDSIRE ET FILS

RCS de Dieppe B320 118 144

[Adresse 4]

[Localité 6]



représentée et assistée par Me Xavier VIARD de la SELARL VIARD AVOCAT, avocat au barreau de Rouen


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INTIMES :



Monsieur [T] [B]

né le 27 mars 1953 à [Localité 9]

[Adresse 2]

[Localité 5]



représenté et assisté par Me Géraldine BAROFFIO de la SCP BAROFFIO - MARCHAND - GIUDICELLI, SCP D'AVOCATS, avocat au barreau...

N° RG 21/00238 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IVBC

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 22 MARS 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

17/01423

Tribunal judiciaire de Rouen du 7 décembre 2020

APPELANTE :

Sarl ENTREPRISE GRANDSIRE ET FILS

RCS de Dieppe B320 118 144

[Adresse 4]

[Localité 6]

représentée et assistée par Me Xavier VIARD de la SELARL VIARD AVOCAT, avocat au barreau de Rouen

INTIMES :

Monsieur [T] [B]

né le 27 mars 1953 à [Localité 9]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représenté et assisté par Me Géraldine BAROFFIO de la SCP BAROFFIO - MARCHAND - GIUDICELLI, SCP D'AVOCATS, avocat au barreau de Rouen

Madame [I] [D]

née le 6 février 1974 à [Localité 12]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Géraldine BAROFFIO de la SCP BAROFFIO - MARCHAND - GIUDICELLI, SCP D'AVOCATS, avocat au barreau de Rouen

Sa AXA FRANCE IARD

RCS de Nanterre 722 057 460

[Adresse 3]

[Localité 8]

représentée et assistée par Me Edouard POIROT-BOURDAIN de la SELARL HERCE MARCILLE POIROT-BOURDAIN, avocat au barreau de Rouen

Sarl FOR & TEC

RCS de Rouen 499 341 725

[Adresse 1]

[Localité 7]

représentée et assistée par Me Stéphane SELEGNY de la SELARL AXLAW, avocat au barreau de Rouen plaidant par Me Fanny VALLOIS

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 30 novembre 2022 sans opposition des avocats devant Mme Magali DEGUETTE, conseiller, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,

M. Jean-François MELLET, conseiller,

Mme Magali DEGUETTE, conseillère,

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER

DEBATS :

A l'audience publique du 30 novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 8 février 2023, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 22 mars 2023.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 22 mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Selon devis du 9 décembre 2010, M. [T] [B] et Mme [I] [D] ont confié à la Sarl Entreprise Grandsire & Fils la fourniture et l'installation d'un chauffage par pompe à chaleur eau/eau pour un montant de 39 755,49 euros TTC dans leur immeuble situé [Adresse 11].

Par devis du 17 décembre 2010 accepté le 26 mars 2011, la Sarl Entreprise Grandsire & Fils a sous-traité à la Sasu For & Tec la réalisation d'un forage de 21 mètres équipé pour l'aquathermie pour la somme de 3 827,20 euros TTC.

Les travaux ont été intégralement réglés et n'ont pas donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal de réception.

Suivant ordonnance du 23 avril 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Rouen, saisi le 26 mars 2015 par M. [T] [B], Mme [I] [D], et la Sarl Entreprise Grandsire & Fils invoquant une arrivée de sable avec l'eau de pompage à l'origine de dysfonctionnements de la pompe à chaleur, a fait droit à leur demande de réalisation d'une expertise au contradictoire de la Sasu For & Tec. Il a désigné M. [O] [G] à cet effet. La Sarl Entreprise Grandsire & Fils n'ayant pas réglé le supplément de consignation d'une avance sur les frais d'expertise, le rapport d'expertise a été établi en l'état le 14 janvier 2016.

Par actes d'huissier de justice des 28 et 31 mars 2017, M. [T] [B] et Mme [I] [D] ont fait assigner la Sarl Entreprise Grandsire & Fils et son assureur la Sa Axa France Iard devant le tribunal de grande instance de Rouen aux fins d'indemnisation de leurs préjudices en application de l'article 1792 du code civil.

Suivant exploit du 1er décembre 2017, la Sarl Entreprise Grandsire & Fils a appelé en garantie la Sasu For & Tec.

Ces instances ont été jointes.

Par jugement du 7 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Rouen a :

- condamné la Sarl Entreprise Grandsire & Fils à payer à M. [T] [B] et Mme [I] [D] :

. la somme de 30 000 euros au titre des travaux de reprise de l'ouvrage,

. la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice de jouissance subi,

. la somme de 45 900 euros en réparation du préjudice financier subi,

. la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [T] [B] et Mme [I] [D] de leurs demandes présentées à l'encontre de Axa France Iard,

- débouté la Sarl Entreprise Grandsire & Fils de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la Sasu For & Tec de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- mis Axa France Iard hors de cause,

- débouté Axa France Iard de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

- condamné la Sarl Entreprise Grandsire & Fils aux dépens, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire.

Par déclaration du 15 janvier 2021, la Sarl Entreprise Grandsire & Fils a formé un appel contre ledit jugement.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 6 octobre 2021, la Sarl Entreprise Grandsire & Fils demande de voir en application des articles 1134 et 1147 du code civil dans leur ancienne rédaction :

- débouter M. [T] [B] et Mme [I] [D] de leur appel incident,

- infirmer le jugement rendu le 7 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Rouen en ce qu'il a :

. condamné la Sarl Entreprise Grandsire & Fils à payer à M. [T] [B] et Mme [I] [D] les sommes de :

* 30 000 euros au titre des travaux de reprise de l'ouvrage,

* 20 000 euros en réparation du préjudice de jouissance subi,

* 45 900 euros en réparation du préjudice financier subi,

* 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

. débouté la Sarl Entreprise Grandsire & Fils de l'ensemble de ses demandes,

. ordonné l'exécution provisoire de la décision,

. condamné la Sarl Entreprise Grandsire & Fils aux dépens, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire.

statuant à nouveau,

- débouter M. [T] [B] et Mme [I] [D] de leur réclamation au titre d'un préjudice financier, au mieux non démontré, sinon purement hypothétique,

- réduire à de plus justes proportions l'indemnisation de leur privation de jouissance,

- condamner ces derniers à rembourser la part d'indemnisation indûment perçue avec intérêts à compter de son versement effectué le 21 janvier 2021,

- en tout état de cause, condamner in solidum les sociétés For & Tec et Axa France Iard à la garantir et relever indemne de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre, tant en principal et intérêts, qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

- condamner in solidum M. [T] [B] et Mme [I] [D], ou tout autre succombant, à lui verser la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, outre les entiers dépens, dont distraction au profit de la Selarl Viard Avocat, avocat postulant aux offres de droit, selon l'article 699 du code précité, étant précisé qu'ils comprendront le remboursement des frais de l'expertise judiciaire dont elle a fait l'avance,

- subsidiairement, réduire toutes réclamations indemnitaires de M. [T] [B] et de Mme [I] [D] à de biens plus justes proportions.

Elle fait valoir que M. [T] [B] et Mme [I] [D] ne prouvent pas qu'ils voulaient faire de leur immeuble de [Localité 10] leur résidence principale, lequel ne devait constituer qu'une résidence secondaire ; qu'ils n'établissent pas davantage que les mensualités de leur emprunt immobilier devaient être compensées par la location de leur appartement situé au [Localité 5] ; qu'il n'y a pas de lien de causalité entre un préjudice financier allégué tiré d'une impossibilité de louer cet appartement et le désordre sur l'installation d'aquathermie ; qu'en tout état de cause, ce préjudice ne pourrait être qu'une perte de chance ; que, concernant le préjudice d'agrément, elle n'en remet pas en cause le principe, mais dénonce l'absence de précision de sa durée et du lien de causalité de la réclamation de 20 000 euros avec le défaut de l'installation de chauffage, la privation absolue de jouissance n'étant pas prouvée, qu'elle offre à ce titre une somme de 10 000 euros.

Elle expose ensuite que la responsabilité de la Sasu For & Tec, spécialisée dans les forages, est entière pour manquement à son obligation de résultat de lui livrer un ouvrage exempt de vices ; que celle-ci était parfaitement informée de la destination de l'eau issue de son forage et particulièrement spécialisée pour ce faire ; que la responsabilité de cette dernière est également engagée pour avoir failli à son obligation contractuelle de conseil et d'information de toute difficulté quant au forage et à l'état du terrain ; que celle-ci n'a pas davantage respecté ses obligations prévues par la norme NF X 10-999 dans sa version de 2007 comme souligné par l'expert judiciaire et par l'expert amiable ; que les désordres dénoncés par M. [T] [B] et Mme [I] [D] sont en lien de causalité directe et certaine avec la qualité de l'eau extraite du puits laquelle chargée de sable a interdit le bon fonctionnement de la pompe à chaleur ; que la Sasu For & Tec ne démontre pas que ce dysfonctionnement a une autre cause ; que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les travaux de cette dernière ont été réalisés avant l'installation de la pompe à chaleur.

Elle indique enfin que son assureur lui doit sa garantie ; qu'elle n'a pas paraphé toutes les pages des conditions particulières signées le 3 mai 2010, notamment la page 3/10 qui mentionne les activités exclues, de sorte que l'exception de non-garantie opposée par la Sa Axa France Iard ne peut qu'être écartée. Elle ajoute à titre subsidiaire que cette dernière, quoique parfaitement avisée des activités exercées par son assurée, notamment du risque au titre de son activité d'aquathermie pour laquelle elle sollicitait sa garantie, n'a pas jugé utile de l'informer de la difficulté éventuelle quant à cette activité en expliquant les distinctions qu'elle retenait dans son questionnaire et en lui exposant l'éventuelle absence de garantie de ladite activité au titre du contrat . Elle ne lui a pas conseillé de souscrire une extension de garantie ou un éventuel contrat distinct ; la Sa Axa France Iard a failli dans ses obligations de conseil et d'information et ne peut pas s'exonérer en dénonçant les manquements de son agent général mandataire.

Par dernières conclusions notifiées le 6 juillet 2021, M. [T] [B] et Mme [I] [D] sollicitent de voir sur la base de l'article 1792 du code civil :

- confirmer la décision déférée en ce qu'elle a condamné la Sarl Entreprise Grandsire & Fils et la Sa Axa France Iard à leur régler les sommes de 30 000 euros au titre des réparations nécessaires à la reprise des désordres affectant l'ouvrage réalisé par celle-ci et de 20 000 euros au titre du préjudice d'agrément subi,

- infirmer la décision déférée en ce qu'elle a condamné la Sarl Entreprise Grandsire & Fils et la Sa Axa France Iard à leur régler la somme de 45 900 euros en réparation du préjudice financier subi,

- la réformant, condamner la Sarl Entreprise Grandsire & Fils à leur régler la somme de 104 400 euros en réparation du préjudice financier subi,

Y ajoutant,

- condamner la Sarl Entreprise Grandsire & Fils au règlement de la somme de

3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise.

Ils précisent que le système de chauffage est à l'arrêt depuis l'automne 2011, de sorte qu'ils n'ont jamais pu s'installer dans leur immeuble acquis le 30 septembre 2010 ; qu'ils ont été contraints de se maintenir dans l'appartement de Mme [I] [D] qu'ils n'ont pas pu louer pour compenser le remboursement de leur emprunt souscrit pour l'acquisition de cet immeuble ; qu'ils ont toujours eu le projet d'emménager rapidement à [Localité 10] et d'y fixer leur résidence principale tout en réalisant progressivement les travaux de rénovation nécessaires ; que l'absence de chauffage entraîne une dégradation progressive de l'immeuble du fait de l'humidité qui ne peut être résorbée ; que leur préjudice financier n'est pas hypothétique et s'évalue à

900 euros par mois du printemps 2011 à décembre 2020.

Par dernières conclusions notifiées le 30 avril 2021, la Sa Axa France Iard demande de voir en vertu des articles 564 et 583 du code de procédure civile :

- confirmer le jugement en ce qu'il l'a mise hors de cause,

- condamner la Sarl Entreprise Grandsire & Fils à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en plus de tous les dépens de première instance et d'appel.

Elle précise que le contrat d'assurance souscrit par la Sarl Entreprise Grandsire & Fils le 14 avril 2010 prévoit une absence de garantie pour tous dommages dûs aux activités d'installation à énergie géothermique par capteurs verticaux que sont les travaux réalisés par cette dernière et dont relève l'aquathermie ; qu'il ne s'agit pas là d'une clause d'exclusion de garantie, mais de détermination de la garantie, que la Sarl Entreprise Grandsire & Fils a signé les conditions particulières.

Elle ajoute que sa responsabilité contractuelle n'est pas engagée pour manquement au devoir de conseil, qu'en application de l'article L.520-1 du code des assurances, ce n'est pas elle, mais son agent général, qui est débiteur de cette obligation.

Par dernières conclusions notifiées le 12 juillet 2021, la Sasu For & Tec sollicite de voir sur la base des articles 1134 et 1147 ancienne numérotation du code civil :

à titre principal,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Rouen en ce qu'il a débouté la Sarl Entreprise Grandsire & Fils de l'ensemble de ses demandes dirigées à son encontre,

à titre subsidiaire,

- infirmer le jugement en ce qu'il a octroyé à M. [T] [B] et à Mme [I] [D] les sommes de 30 000 euros au titre des travaux de reprise, 20 000 euros au titre du préjudice de jouissance subi, et 45 900 euros au titre du préjudice financier,

- fixer à la somme de 29 401,80 euros les travaux de reprise,

- débouter M. [T] [B] et Mme [I] [D] de leurs demandes au titre d'un préjudice de jouissance et d'un préjudice financier,

- condamner in solidum la Sarl Entreprise Grandsire & Fils et la Sa Axa France Iard à la relever indemne de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

en tout état de cause,

- débouter toutes parties de toutes demandes plus amples ou contraires et condamner la Sarl Entreprise Grandsire & Fils ou tous succombants à lui régler la somme de

10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers frais et dépens tant de première instance que d'appel.

Elle fait valoir que la Sarl Entreprise Grandsire & Fils ne prouve pas qu'elle a commis un manquement dans l'exécution de ses travaux de forage en lien avec les dysfonctionnements affectant l'installation par géothermie conçue et réalisée par cette dernière ; que l'expert judiciaire n'a pas pu observer les dommages et en rechercher les causes exactes ; que les désordres allégués proviennent de l'état du terrain qui est particulièrement hétérogène.

Elle ajoute que le défaut de conseil et d'information qui lui est opposé est infondé ; qu'elle n'est pas un géotechnicien ; qu'il appartenait à la Sarl Entreprise Grandsire & Fils de s'intéresser préalablement à la nature exacte des sols et à leur compatibilité avec l'équipement préconisé avant de concevoir une installation par géothermie par capteurs verticaux ; que les travaux de forage ont été réalisés entre le 2 et le 4 mai 2011 alors que la Sarl Entreprise Grandsire & Fils avait mis en service son installation ; que l'expert judiciaire a précisé qu'il s'agissait d'un dommage de nature très exceptionnelle lié aux seules configurations du terrain de sorte qu'en tout état de cause, il s'agit d'une cause extérieure exonératoire de responsabilité.

Elle soutient à titre subsidiaire que le tribunal a octroyé à M. [T] [B] et à Mme [I] [D] la somme de 30 000 euros au titre des travaux de reprise qui ne correspond pas au montant du devis de l'entreprise Trafordyn ; que le principe et le quantum d'une indemnisation d'un préjudice de jouissance ne sont pas justifiés, que la demande de réparation d'un préjudice financier n'est pas fondée.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 27 avril 2022.

MOTIFS

Sur l'indemnisation des préjudices de M. [B] et de Mme [D]

La Sarl Entreprise Grandsire & Fils ne dénie pas sa garantie des désordres de nature décennale en application de l'article 1792 du code civil. Elle ne conteste pas davantage l'évaluation du coût de leur reprise de 29 401,80 euros TTC selon le devis de l'entreprise Trafordyn du 28 octobre 2016.

Dans le dispositif de ses écritures, si elle sollicite l'infirmation du jugement en ce que cette somme a été arrondie à 30 000 euros, elle ne demande pas la fixation de l'indemnisation du préjudice matériel à la somme de 29 401,80 euros TTC.

En conséquence, en application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour d'appel ne peut que confirmer le montant de 30 000 euros arrêté par le premier juge conformément à la demande de M. [B] et de Mme [D] en ce sens.

- Sur le préjudice de jouissance

M. [B] et Mme [D] versent aux débats plusieurs pièces (offres de prêt immobilier et de prêt de rachat de crédits, deux attestations de membres de leur famille, courriel de M. [B] du 18 septembre 2010 à M. [C], domiciliation fiscale à [Localité 10]) justifiant de leur projet de faire de l'immeuble acheté à [Localité 10] en septembre 2010 leur résidence principale.

L'usage de l'installation de chauffage litigieuse a été interrompu à l'automne 2011, ce qui a nécessairement remis en cause l'emménagement de M. [B] et de Mme [D] dans l'immeuble, dépourvu de chauffage et d'eau chaude sanitaire, et leur a causé un préjudice de jouissance.

Eu égard aux 138 mois écoulés entre fin septembre 2011, date du début de l'automne, jusqu'à la présente décision, l'indemnité allouée à hauteur de 20 000 euros telle que sollicitée par M.[B] et Mme [D], soit 144,92 euros par mois, répare justement leur dommage.

La décision du premier juge ayant accordé cette indemnité sera confirmée.

- Sur le préjudice financier

Au soutien de cette prétention, M. [B] et Mme [D] produisent uniquement un avis de valeur de l'appartement de Mme [D] situé [Adresse 2],

[Localité 5], établi le 26 octobre 2016 par l'agence Legay Sauvage Immobilier mentionnant un loyer de 900 euros hors charges pour sa location.

Les seuls avis d'imposition sur les revenus de 2009, qui renseignent uniquement sur le montant des revenus perçus par le couple, ne corroborent pas le projet allégué de compenser les mensualités de l'emprunt de 126 703 euros, contracté pour financer l'acquisition de leur immeuble à [Localité 10], au moyen d'une location de l'appartement de Mme [D]. Le plan de financement de cet emprunt qui aurait été établi pour étudier les modalités de règlement des mensualités, notamment cette solution de compensation, n'est pas produit.

Bien plus, l'avis de valeur précité a été établi, non pas en vue de la location de l'appartement, mais en vue de sa vente, comme cela ressort de l'objet du courrier adressé le 26 octobre 2016 par M. [H] de l'agence Legay Sauvage Immobilier qui a mentionné en premier lieu un prix indicatif de 225 000 euros net vendeur.

En conséquence, le préjudice financier de M. [B] et de Mme [D] n'étant pas prouvé, leur réclamation indemnitaire sera rejetée. Le jugement du tribunal leur ayant alloué une indemnité de 45 900 euros sera infirmé.

Sur le recours en garantie de la Sarl Entreprise Grandsire & Fils

L'ancien article 1134 du code civil prévoit que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

L'ancien article 1147 du même code précise que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

- à l'encontre de la Sasu For & Tec

Le juge ne peut pas se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, peu important qu'elle l'ait été en présence des parties et que le rapport afférent a été soumis à leur libre discussion. Il lui appartient de rechercher si elle est corroborée par d'autres éléments de preuve.

En l'espèce, l'expert judiciaire a indiqué que :

- ses travaux avaient été arrêtés en cours d'exécution,

- il n'avait pas vérifié les désordres dénoncés qui devaient l'être au cours de la réunion du 14 septembre 2015 qu'il avait annulée en l'absence de réponse à sa demande de complément de consignation, de sorte qu'il se limitait à des hypothèses sur leurs origines et leurs causes,

- selon les descriptions verbales de la Sasu For & Tec, les travaux semblaient avoir été réalisés selon les règles de l'art, mais il s'agissait de travaux enterrés non visibles,

- les documents écrits demandés par la norme NFX 10-999 n'avaient pas été établis,

- la pompe à chaleur ne pouvait pas fonctionner avec de l'eau boueuse,

- le capteur horizontal de 320 m² prévu par la Sarl Entreprise Grandsire & Fils était deux fois trop petit, la surface du capteur nécessaire étant de 680 m²,

- le filtre Typhon SP 200 posé par la Sarl Entreprise Grandsire & Fils serait surdimensionné (10 à 16 m3/h) et aurait une vitesse de circulation insuffisante pour avoir l'efficacité cyclonique requise, le modèle adapté étant le SP 150 (2 à 7,5 m3/h).

La Sarl Entreprise Grandsire & Fils produit également les conclusions de M. [Z], expert au sein du cabinet Saretec mandaté par la Sa Axa France Iard pour réaliser une expertise amiable, contenues dans son courriel adressé le 12 décembre 2012 à l'assureur de la Sasu For & Tec. Il a estimé que :

- la Sasu For & Tec n'avait pas remis au maître de l'ouvrage dès la fin des travaux un rapport de leur avancement avec les éventuels incidents et les solutions engagées pour y remédier,

- elle aurait dû effectuer des prélèvements des différents terrains traversés et les remettre au maître de l'ouvrage,

- elle aurait dû réaliser un pompage d'essai en vue notamment d'apprécier la qualité de l'eau préalablement à la réception des travaux,

- en tant que professionnel et conformément à la norme NF X 10-999, elle aurait dû informer la Sarl Entreprise Grandsire & Fils et le propriétaire des difficultés rencontrées (qualité de l'eau inadaptée pour une pompe à chaleur),

- la responsabilité civile de la Sasu For & Tec était engagée.

Si ces deux experts s'accordent pour dire que la Sasu For & Tec n'a pas établi les documents écrits demandés par la norme NFX 10-999, les autres manquements visés par l'expert amiable ne sont pas corroborés par l'expert judiciaire, ni par aucun autre élément probant. La défaillance de la Sasu For & Tec dans son obligation de résultat de réaliser un ouvrage conforme n'est donc pas caractérisée. Au contraire, certains éléments de l'installation mise en place par la Sarl Entreprise Grandsire & Fils seraient inadaptés selon l'expert judiciaire.

S'agissant de l'obligation de moyens de conseil et d'information dont était débitrice la Sasu For & Tec à l'égard de son cocontractant, la preuve de son non-respect est apportée.

Cependant, n'est pas prouvé son lien de causalité direct et certain avec les dysfonctionnements affectant la pompe à chaleur.

La Sarl Entreprise Grandsire & Fils a accepté le 26 mars 2011 le devis de travaux de la Sasu For & Tec établi le 17 décembre 2010. Il ressort de la demande d'intervention émise par la Sarl Entreprise Grandsire & Fils et des plannings de la Sasu For & Tec que lesdits travaux ont été réalisés entre le 2 et le 4 mai 2011. Ils ont été facturés le 5 mai 2011 et réglés par la Sarl Entreprise Grandsire & Fils le 30 juin 2011.

Or, il est établi que le devis de travaux du 9 décembre 2010 de la Sarl Entreprise Grandsire & Fils a donné lieu à une facture du 21 décembre 2010, dont un acompte de 11 927 euros a été payé à la même date et le solde de 21 379,12 euros le 3 mai 2011 par M. [B] et Mme [D].

Il s'en déduit, comme l'a exactement jugé le tribunal, que les travaux de la Sasu For & Tec ont été réalisés après ceux de la Sarl Entreprise Grandsire & Fils qui ont été réglés dans leur intégralité le 3 mai 2011, soit en cours d'accomplissement des travaux de la Sasu For & Tec. Il ressort d'ailleurs du devis du 9 décembre 2010 de la Sarl Entreprise Grandsire & Fils que la facturation intervenait en fin de mois selon l'avancement du chantier. L'expert amiable a également précisé dans son rapport d'expertise du 24 janvie 2013 que les travaux avaient débuté et avaient pris fin en décembre 2010, avec une réception le 21 décembre 2010.

L'explication de la Sarl Entreprise Grandsire & Fils, selon laquelle ses travaux, qui n'étaient pas encore réalisés, ont été facturés le 21 décembre 2010 afin de permettre aux maîtres de l'ouvrage de bénéficier de divers avantages fiscaux avant la date butoir du 31 décembre de l'année considérée, n'est pas étayée par ces derniers, ni par aucun autre élément probant.

En conséquence, le défaut d'établissement des documents écrits prévus par la norme NFX 10-999 a été sans effet sur la décision de la Sarl Entreprise Grandsire & Fils de passer commande et d'installer la pompe à chaleur avant la réalisation des travaux confiés à la Sasu For & Tec.

Les conditions de la responsabilité contractuelle de cette dernière n'étant pas réunies, la Sarl Entreprise Grandsire & Fils sera déboutée de son recours en garantie formé contre elle. La décision du premier juge ayant statué en ce sens sera confirmée.

- à l'encontre de la Sa Axa France Iard

L'article L.112-2 du code des assurances en vigueur au jour de la conclusion du contrat d'assurance en cause précise que l'assureur doit obligatoirement fournir une fiche d'information sur le prix et les garanties avant la conclusion du contrat. Avant la conclusion du contrat, l'assureur remet à l'assuré un exemplaire du projet de contrat et de ses pièces annexes ou une notice d'information sur le contrat qui décrit précisément les garanties assorties des exclusions, ainsi que les obligations de l'assuré.

L'activité déclarée, qui conditionne la garantie de l'assureur, correspond au secteur d'activité professionnelle déclaré par l'assuré, qui s'entend du domaine professionnel dans lequel il déclare intervenir, et non pas des modalités particulières de ses interventions dans ledit domaine professionnel.

En l'espèce, la Sa Axa France Iard verse aux débats un exemplaire signé le 3 mai 2010 par son agent général par délégation et par la Sarl Entreprise Grandsire & Fils des conditions particulières du contrat d'assurance BTPlus ayant pris effet le 14 avril 2010. Elle produit également le questionnaire pour les énergies renouvelables signé le 2 septembre 2009 par la Sarl Entreprise Grandsire & Fils.

L'apposition de sa signature sur chacun de ces documents déterminant le risque assuré manifeste la prise de connaissance et l'acceptation par la Sarl Entreprise Grandsire & Fils de celui-ci et de son étendue, notamment les activités garanties et les activités non garanties. Ne contenant pas une clause d'exclusion de garantie, les conditions particulières n'avaient pas à être paraphées sur chaque page, notamment les pages 1/10 et 3/10. Ces deux écrits sont donc opposables à la Sarl Entreprise Grandsire & Fils.

Il ressort desdites conditions particulières que les activités garanties par la Sa Axa France Iard couvraient notamment les installations à énergie géothermique par capteurs horizontaux et qu'était exclue l'activité d'installation à énergie géothermique par capteurs verticaux.

Cette limitation de l'étendue du risque garanti est corroborée par les données renseignées dans le questionnaire pour énergies renouvelables. A été cochée la case 'OUI' dans la catégorie relative à la géothermie (point 3.2) pour les rubriques suivantes : 'Eau / Eau' et 'GEOTHERMIE HORIZONTALE' 'Installation complète : source, Pompe à chaleur et équipement dans le bâtiment (Spilt, convecteur ...)'. En revanche, il a été répondu 'NON' aux trois sous-rubriques de la 'GEOTHERMIE VERTICALE' : 'Installation complète : source, Pompe à chaleur et équipement dans le bâtiment (Spilt, convecteur ...)', 'Pour la réalisation du forage, incluse ou non dans votre marché, l'entreprise intervenant est-elle adhérente à une charte '', 'Contrôler vous la validité de son attestation décennale ''.

Selon la nomenclature des activités du Btp pour les attestations d'assurance des constructeurs établie par la Fédération française des sociétés d'assurances en décembre 2007, l'activité de géothermie est définie comme la réalisation d'installations de chauffage, de rafraîchissement et de production d'eau chaude sanitaire par les techniques utilisant les énergies géothermique et airothermique, avec tous types de fluides. Elle comprend les travaux accessoires ou complémentaires notamment de sondage, forage, et terrassement.

Les travaux de fourniture et d'installation de chauffage par pompe à chaleur eau/eau immergée contractuellement prévus incluaient notamment le forage d'un puits pour captage de l'eau de nappe. Cette technique relève de l'activité de géothermie verticale, également appelée aquathermie. La pompe à chaleur capte par forage l'énergie contenue dans l'eau d'une nappe phréatique peu profonde et l'eau refroidie est rejetée dans un plan d'eau. Contrairement à ce qu'avance la Sarl Entreprise Grandsire & Fils, la rubrique eau/eau qui porte sur un type de fluide ne recouvre pas une activité. D'ailleurs, aux termes du questionnaire précité, ce terme d''aquathermie' n'est pas utilisé et les deux types de géothermie, horizontale ou verticale, sont mentionnées en caractères majuscules.

L'activité de géothermie verticale a été expressément écartée dans les conditions particulières.

Pour s'opposer à cette absence de mobilisation de la garantie de son assureur, la Sarl Entreprise Grandsire & Fils dénonce un manquement par celui-ci de son obligation d'information et de conseil.

Il incombe à l'assureur de prouver qu'il a rempli cette obligation contractuelle à l'égard de son assuré. Toutefois, il appartient à ce dernier d'informer l'agent d'assurance de la nature de ses activités.

Dans le cas présent, la Sarl Entreprise Grandsire & Fils, exerçant les activités de chauffage- sanitaire-énergies renouvelables, a indiqué dans le questionnaire pour énergies renouvelables qu'elle a signé le 2 septembre 2009 qu'elle était amenée à effectuer des prestations de géothermie uniquement horizontale, ayant répondu par la négative aux trois sous-rubriques relatives à la géothermie verticale. Professionnelle en matière d'énergies renouvelables, elle avait les compétences requises pour apprécier et distinguer les modalités horizontales (pour une utilisation de l'énergie du soleil) ou verticales (pour une utilisation de la chaleur de la terre) de l'activité de géothermie qui conditionnait l'étendue du risque assuré. Elle ne peut donc pas reprocher à l'assureur d'avoir manqué à son obligation de conseil sur la nécessité de ne pas exclure l'activité d'installation à énergie géothermique par capteurs verticaux. La parfaite connaissance de cette distinction et de son absence de garantie est d'ailleurs confirmée par le fait que la Sarl Entreprise Grandsire & Fils n'a pas effectué elle-même les travaux de forage d'un puits pour le captage de l'eau de la nappe phréatique qu'elle a sous-traités à la Sasu For & Tec.

Dès lors, les manquements allégués à l'encontre de la Sa Axa France Iard ne sont pas établis. La Sarl Entreprise Grandsire & Fils sera déboutée de son recours en garantie intenté contre celle-ci. La décision du premier juge ayant statué en ce sens sera confirmée.

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Partie perdante, la Sarl Entreprise Grandsire & Fils sera condamnée aux dépens d'appel avec bénéfice de distraction au profit de l'avocat qui en a fait la demande.

Il n'est pas inéquitable de la condamner également à payer à M. [B] et à Mme [D] pris ensemble, à la Sa Axa France Iard, et à la Sasu For & Tec, chacun, la somme de 2 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés pour cette procédure d'appel.

Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de remboursement de la part d'indemnisation versée au titre du préjudice financier en ce que son objet relève de l'exécution des décisions judiciaires.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu publiquement par mise à disposition au greffe:

Dans les limites de l'appel formé,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné la Sarl Entreprise Grandsire & Fils à payer à M. [T] [B] et Mme [I] [D] la somme de 45 900 euros en réparation du préjudice financier subi,

Statuant à nouveau sur ce chef infirmé et y ajoutant,

Déboute M. [T] [B] et Mme [I] [D] de leur demande indemnitaire au titre d'un préjudice financier,

Condamne la Sarl Entreprise Grandsire & Fils à payer à M. [T] [B] et à Mme [I] [D] pris ensemble, à la Sa Axa France Iard, et à la Sasu For & Tec, chacun, la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

Déboute les parties du surplus des demandes,

Condamne la Sarl Entreprise Grandsire & Fils aux dépens d'appel avec bénéfice de distraction au profit de la Selarl Viard Avocat en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 21/00238
Date de la décision : 22/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-22;21.00238 ?
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