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22/03/2023 | FRANCE | N°20/03394

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 22 mars 2023, 20/03394


N° RG 20/03394 - N° Portalis DBV2-V-B7E-ISWF

+ 20/03526











COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 22 MARS 2023











DÉCISION DÉFÉRÉE:



Tribunal judiciaire d'Evreux du 18 août 2020





APPELANTS et INTIMES :



Sa FRANFINANCE

RCS de Nanterre 719.807.406

[Adresse 5]

[Localité 9]



représentée par Me Richard DUVAL de la SCP RSD AVOCATS, avocat au barreau de l'Eure

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Sasu ECO ENVIRONNEMENT

RCS de Bobigny 504.050.907

[Adresse 4]

[Localité 10]



représentée et assistée par Me Jérôme DEREUX de la SELARL CARNO AVOCATS, avocat au barreau de Rouen plaidant par Me GODARD





INTIMES :



Monsieur [P] ...

N° RG 20/03394 - N° Portalis DBV2-V-B7E-ISWF

+ 20/03526

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 22 MARS 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE:

Tribunal judiciaire d'Evreux du 18 août 2020

APPELANTS et INTIMES :

Sa FRANFINANCE

RCS de Nanterre 719.807.406

[Adresse 5]

[Localité 9]

représentée par Me Richard DUVAL de la SCP RSD AVOCATS, avocat au barreau de l'Eure

Sasu ECO ENVIRONNEMENT

RCS de Bobigny 504.050.907

[Adresse 4]

[Localité 10]

représentée et assistée par Me Jérôme DEREUX de la SELARL CARNO AVOCATS, avocat au barreau de Rouen plaidant par Me GODARD

INTIMES :

Monsieur [P] [U]

né le 20 mai 1946 à [Localité 14]

[Adresse 8]

[Localité 3]

représenté par Me Pauline COSSE de la SCP BARON COSSE ANDRE, avocat au barreau de l'Eure

Madame [I] [U] épouse [L]

née le 9 mars 1951 à [Localité 11]

[Adresse 8]

[Localité 3]

représentée par Me Pauline COSSE de la SCP BARON COSSE ANDRE, avocat au barreau de l'Eure

Sa CRÉDIT FONCIER ET COMMUNAL D'ALSACE ET DE LORRAINE

RCS de Strasbourg 568.501.282

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Jean-Michel EUDE de la SCP DOUCERAIN-EUDE-SEBIRE, avocat au barreau de l'Eure

Sa BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

venant aux droits de SYGMA BANQUE

RCS de Paris 542.097.902

[Adresse 1]

[Localité 7]

représentée par Me Pascale BADINA de la SELARL CABINET BADINA ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 16 janvier 2023 sans opposition des avocats devant Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

M. Jean-François MELLET, conseiller

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER

DEBATS :

A l'audience publique du 16 janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 22 mars 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 22 mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

* * *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 19 février 2013, après un démarchage à domicile, M. [P] [U] a signé avec la société Oxygène énergies un contrat d'achat portant sur l'installation de 12 panneaux photovoltaïques d'une puissance totale de 3kwc pour un montant de

22 900 euros.

Le même jour, il a signé un contrat de prêt affecté avec la Sa Sygma banque de

22 900 euros pour un montant de 22 900 euros au taux de 5,76 % soit la somme de 38 106,72 euros remboursable sur une durée de 12 ans (144 mensualités) avec report de la première échéance à 360 jours.

 

En 2015, la société Oxygène énergies a été radiée du registre du commerce et des sociétés après liquidation judiciaire et en 2017, son gérant a fait l'objet d'une interdiction de gérer pour une durée de 6 ans.

Le 23 février 2015, à la suite d'un nouveau démarchage au domicile de son frère

M. [U], Mme [I] [L] a signé avec la Sasu Eco environnement un contrat d'achat portant sur l'installation de 12 autres panneaux photovoltaïques sur la toiture de la maison appartenant à son frère, d'une puissance totale de 3kwc pour un montant de 24 000 euros.

Le même jour, elle a signé un contrat de prêt affecté avec la Sa Sygma banque dont les remboursements ont pris effet le 5 avril 2016 pour une durée de dix ans moyennant des échéances de 315,49 euros.

 

Le 6 mai 2015, elle a reçu une correspondance visant la conclusion d'un second contrat de prêt pour une somme de 18 500 euros pour financer l'achat et la pose de 12 panneaux voltaïques supplémentaires auprès de la Sa Franfinance pour un coût global de 33 513,10 euros remboursable par échéances de 239,79 euros.

En juin 2016, M. [U] a obtenu le raccordement des panneaux solaires achetés auprès de la Sasu Eco environnement.

En août 2016, M. [U] a conclu un contrat de regroupement des trois crédits visés auprès du Crédit foncier et communal d'Alsace et de Lorraine pour un montant global de 122 166,04 euros et a hypothéqué sa maison.

Par actes d'huissier des 15 et 16 février 2018, invoquant un abus de faiblesse,

M. [U] et Mme [L] ont fait assigner en annulation des contrats signés la Sasu Eco environnement, la Sa Sygma banque, la Sa Franfinance et la Sa Crédit foncier et communal d'Alsace et de Lorraine (CFCAL).

 

Par jugement du 18 août 2020, le tribunal judiciaire d'Evreux a :

- annulé la seule assignation délivrée à la Sa Sygma banque,

- déclaré irrecevables toutes les demandes dirigées contre la société Oxygène énergies et la Sa Sygma banque,

- rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la Sa Franfinance,

- rejeté les demandes principales au titre de l'annulation des contrats de vente et de crédit,

- condamné la Sasu Eco environnement à verser à M. [U] et Mme [L] une somme de 23 000 euros au titre de la perte de chance en lien avec l'obligation de conseil, 

- condamné la Sa Franfinance à verser à M. [U] et Mme [L] une somme de 28 000 euros au titre de la perte de chance en lien avec l'obligation de conseil, 

- condamné in solidum les Sa Eco environnement et Franfinance à verser à M. [U] et Mme [L] une somme de 20 000 euros au titre de leur préjudice moral, 

- condamné in solidum les Sa Eco environnement et Franfinance à verser à M. [U] et Mme [L] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum les Sa Eco environnement et Franfinance aux dépens,

- rejeté les autres demandes des parties.

 

Par déclarations reçues au greffe les 23 octobre 2020 et 22 janvier 2021, la Sasu Eco Environnement a formé appel du jugement.

 

Par déclaration reçue au greffe le 3 novembre 2020, la Sa Franfinance a formé appel du jugement.

 

Les procédures ont été jointes le 22 février 2021.

 

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS

 

Par dernières conclusions notifiées le 22 avril 2021, la Sasu Eco environnement demande à la cour au visa des articles L. 111-1, L. 111-2, L. 221-5, L. 221-28 et suivants du code de la consommation, les articles 1134 ancien et 1112-1 nouveau du code civil, d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de rejeter toutes les demandes des consorts [U]-[L] et de la Sa Bnp Paribas personal finance à son encontre, et statuant à nouveau de :

à titre principal,

- débouter les consorts [U]-[L] de leur demande de responsabilité pour manquement à l'obligation d'information et de conseil de la société, 

à titre subsidiaire,

- débouter les consorts [U]-[L] de leurs demandes indemnitaires,

- débouter la Sa Bnp Paribas personal finance de sa demande en paiement d'une somme de 1 400 euros,

en tout état de cause,

- condamner les consorts [U]-[L] à payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner les consorts [U]-[L] à payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les consorts [U]-[L] aux dépens.

 

Elle expose que l'installation livrée fonctionne et permet aux consorts [U]-[L] de produire de l'électricité revendue à la société Erdf.

Elle entend que le jugement soit infirmé en ce qu'il a retenu que la société a manqué à son obligation de conseil et d'information pour les motifs suivants :

- le défaut de précision suffisante des caractéristiques essentielles de l'installation solaire au sens de l'article L. 111-1 du code de la consommation et

- l'absence d'indication des sommes engagées et du rendement obtenu en retour.

Elle se défend en soutenant que les informations portées dans le bon de commande du 23 février 2015 étaient suffisamment développées, la puissance de l'installation étant précisément indiquée. Elle a parfaitement avisé le cocontractant du prix de l'installation, les textes et la jurisprudence n'imposant pas qu'un prix unitaire des éléments composant l'installation soit complété. Elle n'a pas davantage l'obligation de donner des conseils ou des informations sur la rentabilité de l'installation puisque la société Enedis qui rachète l'électricité produite fixe unilatéralement ses tarifs d'achat de cette énergie, que le volume produit varie considérablement en fonction des conditions météorologiques, et que le volume revendu dépens également de la consommation du ménage.

 

Quant au préjudice, elle rappelle que la réparation de la perte doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée et souligne qu'en l'espèce, le premier a retenu une perte à hauteur de 23 000 euros pour un contrat d'un montant de 24 000 euros. L'indemnisation doit être modulée et l'indemnisation modifiée voire rejetée. La demande au titre du préjudice moral n'est pas fondée. En revanche, les consorts [U]-[L] ont entrepris de manière légère et irréfléchie l'action en justice et doivent être condamnés à des dommages et intérêts pour procédure abusive.

Elle est fondée à appeler en cause d'appel la Sa BNP Paribas qui a financé par un prêt affecté l'installation. Cette dernière doit être déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 9 décembre 2022, la Sa Franfinance demande à la cour de réformer le jugement entrepris sauf en ce qu'il rejeté les demandes principales au titre de l'annulation des contrats de vente et de crédit, et statuant à nouveau de :

- juger irrecevable l'action de M. [U] et Mme [L] à son encontre,

en toute hypothèse,

- débouter M. [U] et Mme [L] de leurs demandes,  

- débouter le CFCAL de ses demandes,

- condamner in solidum M. [U] et Mme [L] à lui payer la somme de

3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner in solidum aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement au profit de la Scp Rsd avocats en application de l'article 699 du code de procédure civile.

 

Elle relève le défaut de qualité à agir de M. [U] qui n'est pas partie au contrat signé par sa s'ur de sorte que son action est irrecevable. Par ailleurs, elle souligne que Mme [L] n'a pas produit le contrat correspondant au crédit discuté ; rien ne permettait d'estimer sans preuve que le contrat avait été soumis à l'intéressée au domicile de son frère et pour l'immeuble de ce dernier. Elle verse aux débats le contrat que Mme [L] a signé avec la société Force énergies pour son logement situé à Schirrhofen en Alsace.

Le tribunal a retenu à tort que ce contrat avait été exécuté en juin 2016 alors qu'il s'agit de celui qui a été traité par la Sasu Eco environnement pour M. [U].

Le contrat de prêt souscrit par Mme [L] a été intégralement payé en octobre 2016 ; l'action de M. [U] et de Mme [L] est dépourvue d'objet ; l'exécution volontaire du contrat fait obstacle à toute contestation. La demande est irrecevable.

Elle conteste tout droit à réparation tant au titre de la perte de chance qu'au titre du préjudice moral allégué.

Par dernières conclusions notifiées le 16 avril 2021, la Sa BNP Paribas personal finance venant aux droits de la Sa Sygma banque demande à la cour, au visa de l'article 901 du code de procédure civile, de juger qu'elle n'est saisie d'aucune prétention dirigée contre elle, le chef relatif au prononcé de la nullité de l'assignation délivrée à cette dernière n'étant pas dévolu à la cour, et de :

- en tant que de besoin, confirmer le jugement entrepris,

- condamner la Sasu Eco environnement à lui payer la somme de 1 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Elle indique que le jugement ayant prononcé la nullité de l'assignation délivrée à la Sa Sygma banque n'est pas critiqué en cause d'appel et qu'il est dès lors définitif. Elle réclame une indemnité au titre des frais irrépétibles dans ce contexte.

 

Par dernières conclusions notifiées le 19 février 2021, la Sa Crédit foncier et communal d'Alsace et de Lorraine (CFCAL) demande à la cour, au visa de l'article 1353 du code civil, de confirmer le jugement entrepris, et de :

à titre principal,

- débouter M. [U] et Mme [L] de leurs demandes,

à titre subsidiaire, en cas de nullité du contrat de prêt,

- condamner la partie succombante à lui payer le prêt consenti,

en tout état de cause,

- condamner la ou les parties succombantes solidairement à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Elle expose que le prêt immobilier avec garantie hypothécaire a été consenti à

M. [U] par acte authentique du 15 décembre 2016 afin de régler différentes dettes, le prêt souscrit auprès de la Sa Sygma banque (20 767 euros) mais également une dette familiale à l'égard de sa s'ur ( 52 824 euros) outre divers frais ; qu'il n'existe pas de lien entre le crédit avec garantie hypothécaire et les crédits à la consommation signés avec les sociétés Sygma banque et Franfinance. Le prêt a été souscrit trois ans après le crédit signé avec la Sa Sygma banque et a été remboursé à hauteur de

77 924,45 euros lors de la vente de l'immeuble de M. [U]. Aucun moyen tel que le dol n'est développé à son encontre.

 

Par dernières conclusions notifiées le 12 décembre 2022, M. [P] [U] et Mme [I] [L] demande à la cour, au visa de l'article 31 du code de procédure civile, l'article L. 111-1 du code de la consommation, de :

- confirmer le jugement entrepris,

- de débouter les sociétés Franfinance et Eco environnement de leurs demandes,

Y ajoutant,

- condamner les sociétés Franfinance et Eco environnement à payer à Mme [L] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens de première instance et d'appel.

Ils font essentiellement valoir qu'après avoir acquis auprès de la société Oxygène énergies une installation photovoltaïque qui ne sera pas raccordée au réseau d'électricité, ils ont été démarchés par la Sasu eco environnement qui pour finaliser la première installation leur a imposé la commande de l'installation de 12 panneaux photovoltaïques supplémentaires, incitant Mme [L] alors au domicile de son frère de signer le contrat d'achat des panneaux et un contrat de crédit. Ils soutiennent que les contrats concernaient clairement le domicile de M. [U] et précisent qu'ainsi, les 36 panneaux acquis ont été raccordée au réseau en juin 2016.

En raison de leur endettement, M. [U] a contracté un emprunt de 84 000 euros pour solder les prêts, a hypothéqué sa maison dont il a fait don à sa fille en avancement d'hoirie, est tenu au remboursement de ce contrat jusqu'au 5 décembre 2036, alors qu'il aura 90 ans.

Ils soutiennent que Mme [L] a été démarchée au domicile de son frère pour signer un contrat dans son intérêt et qu'il est ainsi recevable à agir ; que le tribunal a justement jugé qu'elle avait un intérêt à agir contre le prêteur de deniers même si le prêt est remboursé. Ils invoquent sur le fond les manquements aux obligations de conseil et d'informations des sociétés cocontractantes pour demander la confirmation du jugement qui leur a accordé une indemnisation pour une perte de chance et leur préjudice moral.

 

Pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions des parties ci-dessus visées, en application de l'article 455 du code de procédure civile.

           

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 22 février 2021.

 

MOTIFS

 

A titre liminaire, il y a lieu d'observer que compte tenu de la demande de confirmation formée par les consorts [U]-[L], la cour n'est saisie sur le fond que des condamnations au paiement de dommages et intérêts prononcées à l'encontre de :

- la Sasu Eco environnement à payer la somme de 23 000 euros au titre de la perte de chance « en lien avec l'obligation de conseil » ,

- la Sa Franfinance à payer la somme de 28 000 euros au titre de la perte au titre de la perte de chance « en lien avec l'obligation de conseil »,

- les deux sociétés in solidum à payer la somme de 20 000 euros au titre du préjudice moral.

 

Sur l'action dirigée contre la Sasu Eco environnement

 

L'article L. 111-1 du code de la consommation, dans sa version applicable jusqu'au 1er juillet 2016 au contrat discuté, dispose qu'avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;

2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 113-3 et L. 113-3-1 ;

3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;

4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte, ainsi que, s'il y a lieu, celles relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en 'uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles. La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d'Etat.

Après avoir écarté l'action principale fondée sur le dol (abus de faiblesse) engagée par les consorts [U]-[L], le tribunal a retenu, au visa de ce texte, et sur le fondement subsidiaire soutenu par les demandeurs, compte tenu de l'insuffisance de précisions dans le bon de commande, un manquement de la Sasu Eco environnement à son obligation de conseil et de loyauté engageant sa responsabilité et que la perte de chance en lien avec cette obligation justifiait sa condamnation à payer la somme de 23 000 euros.

Le bon de commande produit, à peine lisible, permet de vérifier que Mme [L] a signé cette pièce visant l'installation d'une centrale photovoltaïque d'une puissance de 3 kwc comprenant un lit d'injection, un coffret de protection, un disjoncteur et un parafoudre au prix de 24 000 euros.

Les pièces produites présentent des ambiguïtés quant au lieu de l'installation puisque le bon de commande du 23 février 2015 porte l'adresse de M. [U] à [Localité 13], l'offre de crédit du même jour de la Sa Sygma banque l'adresse de Mme [L] à [Localité 15], le certificat de livraison signé le 11 mars 2015 au « domicile de l'Acheteur » à nouveau l'adresse alsacienne de l'intimée.

Toutefois, l'arrêté du maire de [Localité 13] du 30 mars 2015 après déclaration préalable présentée par Mme [L] le 12 mars 2015 concernant cette installation et l'attestation de conformité rédigée le 3 mai 2016 par la Sasu Eco environnement confirment le lieu d'implantation des équipements.

M. [U] et Mme [L] font valoir leur incapacité médicale à signer en connaissance de cause le contrat et la prise de conscience de leur précarité lors de la réception d'actes d'huissier en 2016.

La Sasu Eco environnement relève que M. [U] non tenu par le contrat est irrecevable en son action et que sur le fond, le bon de commande est précis, l'installation a été livrée et fonctionne.

Le bon de commande du 23 février 2015 est imprécis puisqu'il ne comporte aucune mention relative à l'onduleur, ne précise pas le nombre et la puissance des modules ; si la marque des produits n'est pas nécessairement un critère déterminant de la signature du contrat, ce contrat n'est assorti d'aucune donnée informative sur les éléments de l'installation, leur fonctionnement et les conditions de l'installation.

Selon certificats médicaux des 16 janvier 2019, M. [U] a subi entre 2011 et 2013 des interventions chirurgicales de nature orthopédique et Mme [L] a été victime d'un accident de la circulation en 2012 suivi de « lourdes séquelles avec syndrome post traumatique et algies majeures. Son traitement lui procurait des troubles de mémoire importants ». Toutefois, ces éléments ne suffisent pas à démontrer l'incapacité de Mme [L], assistée ou non par son frère, de signer les bons de commandes.

A la suite d'impayés auprès de la Sa Sygma, Mme [L] a fait l'objet d'une inscription au fichier des incidents de remboursement de crédits (FICP).

Par acte authentique du 15 décembre 2016, devant un notaire constatant dès lors son parfait discernement, M. [U] a souscrit un emprunt avec hypothèque de

84 000 euros pour rembourser, certes le crédit Sygma banque souscrit par sa s'ur à hauteur de 20 767 euros mais pour l'essentiel d'autres dettes et obtenir de la trésorerie à la lecture de la page 2 de la convention souscrite avec le CFCAL.

Dans ce contexte, pour obtenir des dommages et intérêts, après avoir justifié de leur intérêt à agir contesté en l'espèce pour le premier, M. [U] et Mme [L] doivent démontrer l'existence de la faute commise par la Sasu Eco environnement et le préjudice causé par ses manquements.

M. [U] justifie de la propriété de l'immeuble sur lequel ont été réalisés les travaux ; il n'explique pas cependant son intérêt à agir : il n'agit pas à l'encontre de la Sasu Eco environnement pour invoquer des manquements affectant sa propriété dans la réalisation de l'installation commandée mais aux motifs de manquements commis lors de la signature du contrat par sa s'ur et ce, alors qu'il ne démontre pas son intervention dans le processus contractuel. Il ne s'est pas engagé financièrement puisque sa s'ur a régularisé une offre de prêt auprès de la Sa Sygma banque.

Par ailleurs, son engagement auprès de la CFCAL visant le remboursement de ce prêt est totalement indépendant des opérations débattues, procède de ses choix et ne peut constituer un fait permettant de faire obstacle à la fin de non-recevoir soulevée par la Sasu Eco environnement. Toutefois, la prétention tendant à voir la cour déclarer sa demande irrecevable n'est pas reprise dans le dispositif des conclusions de l'appelante. Mais les arguments développés par la Sasu Eco environnement et repris également sur le fond justifient le débouté de ses prétentions à l'égard de cette société.

Pour sa part, si le bon de commande porte des insuffisances, Mme [L] ne démontre pas les conséquences et donc le préjudice né d'un manquement à l'obligation d'information et de conseil qui aurait été commis par la Sasu Eco environnement. Elle a signé le certificat de livraison sans réserve autorisant le prêteur de deniers à payer l'entreprise à hauteur du montant emprunté. Elle a également approuvé la fiche relative à la qualité du travail accompli (chantier propre, satisfaction de l'installation).

L'attestation de conformité et la mise en service de l'installation par la Sa Erdf ont été tardives, respectivement mai et juin 2016 mais aucune explication n'est fournie sur les conditions de traitement du dossier durant un an. Le contrat prévoit le rachat de la production d'électricité. Il n'est pas contesté que l'équipement solaire fonctionne dans des conditions non critiquées.

Quant aux conséquences financières, Mme [L] ne prouve pas que lors de cet investissement, elle ne disposait pas de ressources suffisantes pour procéder à la commande de l'installation, bénéficiant de pension de retraite d'un montant annuel de 24 220 euros en 2013. Dès lors, l'existence d'un préjudice dont la Sasu Eco environnement serait responsable, n'est pas établie.

Un article de presse sur les pratiques illicites imputées à la société est sans effet en l'absence de preuves circonstanciées dans l'affaire discutée.

Par ailleurs, faute de constatations objectives concernant les installations, notamment par constats d'huissier, il ne peut être tiré de conclusion de la préexistence, en raison d'une livraison antérieure, d'une installation de même nature assurée par la société Oygène énergies en 2013 avec souscription d'un contrat de prêt.

En définitive, il n'est établi aucune perte de chance de ne pas contracter, aucun préjudice ayant pour origine une faute commise par la Sasu Eco environnement. Le jugement sera infirmé, la demande de Mme [L] étant rejetée.

Sur l'action dirigée contre la Sa Franfinance

De façon contemporaine, soit le 26 mars 2015, Mme [L] a signé une offre de prêt pour un montant de 18 500 euros correspondant à la commande auprès de la Sarl Force énergie d'une installation photovoltaïque du même montant.

Les pièces produites portent la même ambiguïté quant aux adresses de l'intéressée puisque le domicile de l'emprunteuse est celui de [Localité 15] soit l'habitation qu'elle partageait avec son mari et l'attestation de livraison pour déblocage des fonds l'adresse de [Localité 12].

Le seul document émanant de la Société F-Energie, le bon de commande, mentionne exclusivement l'adresse de [Localité 15]. Il présente également des insuffisances mais l'installation a été manifestement réalisée sans que Mme [L] ne justifie de ses conditions et émette des contestations. Elle ne verse aux débats aucun élément relatif aux suites données à la pose de cet équipement.

M. [U] soutient que l'installation a été réalisée sur sa propriété sans en justifier alors que le lieu d'exécution résultant des écrits est situé en Alsace. Son action est irrecevable à défaut d'intérêt à agir.

Sur le plan financier, Mme [L] est imprécise sur sa situation familiale mais comme le fait observer la Sa Franfinance, elle bénéficiait en 2016 d'une créance à l'égard de son frère de 52 840 euros. Les échéances mensuelles de 210,88 euros ne présentaient pas un caractère excessif au regard de ses ressources de l'ordre de 2 018 euros par mois selon la fiche de dialogue remplie par l'intéressée. Mme [L] n'a pas mentionné d'autres crédits à sa charge bien qu'ayant signé le 23 février 2015 l'offre de prêt de la Sa Sygma banque. La Sa Franfinance n'avait aucune raison de suspecter des conditions financières de souscription du crédit périlleuses.

La Sa Franfinance souligne que le crédit a été intégralement remboursé. Mme [L] ne répond pas au moyen tiré de la fin de non-recevoir soulevée par la société de crédit pour défaut d'intérêt à agir. Dans le contexte décrit, alors qu'elle invoque également une perte de chance à l'encontre du prêteur de deniers pour manquement à l'obligation d'information et de conseil, ce après exécution tant du contrat principal que du contrat de crédit, elle ne justifie pas d'un intérêt à agir.
Elle ne sollicite en cause d'appel, ni la nullité du contrat, ni une fraude, ni des défaillances dans l'exécution des contrats mais une faute pré-contractuelle.

Son action est également irrecevable.

Les actions entreprises par M. [U] et Mme [L] échouant, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné les deux sociétés, Eco environnement et Franfinance, in solidum à payer la somme de 20 000 euros à titre de préjudice moral. Les responsabilités de ces sociétés ne sont pas engagées en leur principe mais de plus, aucune pièce n'établit le préjudice allégué.

Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive

 

L'exercice d'une action en justice constitue par principe un droit qui ne dégénère en abus qu'en raison d'une intention malveillante, insuffisamment caractérisée en l'espèce en ce qu'elle ne peut se déduire de la mauvaise appréciation portée par la banque sur la recevabilité de ses prétentions.

Les consorts [U]-[L] ont eu gain de cause en première instance de sorte qu'il ne peut leur être reproché d'avoir agi. Cette demande ne peut prospérer.

Sur les frais de procédure

Les consorts [U]-[L] succombent à l'instance et supporteront par infirmation de la décision entreprise, in solidum les dépens de première instance et d'appel, avec droit de distraction au profit des avocats en ayant fait la demande.

En raison de l'équité, de la situation économique des parties, il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ni en première instance, la décision étant infirmée, ni en appel.

PAR CES MOTIFS,

 

La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Dans les limites de l'appel formé,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- condamné la Sasu Eco environnement à verser à M. [U] et Mme [L] une somme de 23 000 euros au titre de la perte de chance en lien avec l'obligation de conseil, 

- condamné la Sa Franfinance à verser à M. [U] et Mme [L] une somme de 28 000 euros au titre de la perte de chance en lien avec l'obligation de conseil, 

- condamné in solidum les Sa Eco environnement et Franfinance à verser à M. [U] et Mme [L] une somme de 20 000 euros au titre de leur préjudice moral, 

- condamné in solidum les Sa Eco environnement et Franfinance à verser à M. [U] et Mme [L] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum les Sa Eco environnement et Franfinance aux dépens,

Et statuant à nouveau,

Déclare M [P] [U] et Mme [I] [L] irrecevables en leur action dirigée contre la Sa Franfinance,

Déboute M. [P] [U] et Mme [I] [L] de leur action dirigée contre la Sasu Eco environnement,

Déboute les parties de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties pour le surplus des demandes,

Condamne in solidum M. [P] [U] et Mme [I] [L] dont distraction au profit de la Scp Rsd avocats.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 20/03394
Date de la décision : 22/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-22;20.03394 ?
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