La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/03/2023 | FRANCE | N°21/00285

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 16 mars 2023, 21/00285


N° RG 21/00285 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IVED





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE



ARRET DU 16 MARS 2023











DÉCISION DÉFÉRÉE :





Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE LOUVIERS du 06 Janvier 2021





APPELANTE :





Madame [T] [M]

[Adresse 3]

[Localité 2]



représentée par Me Anne-Laure COCONNIER de la SELARL VERDIER MOUCHABAC, avocat au barreau de l'EURE

<

br>




INTIMES :





Me [V] [X] (SELARL AXYME) - Mandataire liquidateur de la S.A. POLYMONT ENGINEERING

[Adresse 4]

[Localité 5]



représenté par Me Elodie TIFFAY, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Cédric LIGER, ...

N° RG 21/00285 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IVED

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 16 MARS 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE LOUVIERS du 06 Janvier 2021

APPELANTE :

Madame [T] [M]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Anne-Laure COCONNIER de la SELARL VERDIER MOUCHABAC, avocat au barreau de l'EURE

INTIMES :

Me [V] [X] (SELARL AXYME) - Mandataire liquidateur de la S.A. POLYMONT ENGINEERING

[Adresse 4]

[Localité 5]

représenté par Me Elodie TIFFAY, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Cédric LIGER, avocat au barreau de PARIS

Association AGS-CGEA ILE DE FRANCE EST

[Adresse 1]

[Localité 6]

n'ayant pas constitué avocat

régulièrement assignée par acte d'huissier en date du 10/10/2022

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 08 Février 2023 sans opposition des parties devant Madame BACHELET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 08 Février 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 Mars 2023

ARRET :

REPUTE CONTRADICTOIRE

Prononcé le 16 Mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [T] [M] a été engagée par la société Polymont engineering en qualité de conductrice essayeuse par contrat de travail à durée indéterminée le 11 mars 2006, avec reprise d'ancienneté au 13 septembre 2004.

Placée en arrêt-maladie à compter du 13 mars 2017, celui-ci a pris fin le 1er octobre 2018 et par avis du 11 octobre 2018, le médecin du travail a préconisé une reprise à temps partiel thérapeutique, trois jours une semaine et deux jours une semaine, sans conduite sur piste ou sur route et sans manutention de charge, Mme [M] devant être revue à la fin du temps partiel thérapeutique, lequel, selon l'avis du médecin traitant, était initialement fixé au 3 décembre 2018, puis a été par la suite renouvelé jusqu'au 25 janvier 2019.

Dispensée d'activité durant cette période par son employeur, Mme [M] a été revue par le médecin du travail le 12 février 2019, date à laquelle il l'a déclarée inapte à son poste, et elle a été licenciée pour inaptitude d'origine non professionnelle et impossibilité de reclassement le 19 avril 2019.

Par requête du 4 juillet 2019, Mme [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Louviers en contestation du licenciement, ainsi qu'en paiement de rappels de salaire et indemnités.

Par jugement du 6 janvier 2021, le conseil de prud'hommes a dit que la société Polymont engineering avait répondu à son obligation de reclassement et de sécurité, que le licenciement de Mme [M] reposait sur une cause réelle et sérieuse, a débouté Mme [M] de l'intégralité de ses demandes et la société Polymont engineering de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné Mme [M] aux entiers dépens de l'instance.

Mme [M] a interjeté appel de cette décision le 19 janvier 2021.

Par jugement du 25 mai 2022, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société Polymont engineering et désigné en qualité de mandataire liquidateur la Selarl Axyme.

Par conclusions remises le 24 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, Mme [M] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et, statuant à nouveau, de :

- dire son licenciement dépourvu de toute cause réelle et sérieuse, écarter le plafonnement prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, et en conséquence, fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Polymont engineering les sommes suivantes :

dommages et intérêts au titre de l'ensemble des préjudices professionnels, financiers et moraux subis dans le cadre de son licenciement : 33 264 euros, et subsidiairement 22 176 euros

indemnité compensatrice de préavis : 3 696 euros

congés payés afférents : 370 euros

dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat : 5 000 euros

indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 4 000 euros

- débouter la société Polymont engineering de l'ensemble de ses demandes et la condamner aux entiers dépens.

Par conclusions remises le 18 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, la société Polymont engineering et la Selarl Axyme, ès qualités, demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter Mme [M] de l'ensemble de ses demandes et la condamner à verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Assigné par acte remis le 10 octobre 2022, le CGEA en qualité de gestionnaire de l'AGS n'a pas constitué avocat et a indiqué par courrier du 21 octobre 2022 qu'il ne serait ni présent, ni représenté lors de l'audience.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 19 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Mme [M] soutient qu'en la dispensant d'activité alors qu'elle aurait dû reprendre à mi-temps thérapeutique, la société Polymont engineering a violé non seulement son obligation de sécurité, ce qui justifie sa demande de dommages et intérêts, mais aussi son obligation de reclassement en la privant de la possibilité de bénéficier d'une mesure destinée à favoriser sa guérison, sa rééducation et sa réadaptation, aussi, considère-t-elle son licenciement sans cause réelle et sérieuse sur ce fondement.

En tout état de cause, elle estime que la société Polymont engineering n'a pas respecté son obligation de reclassement en ne reprenant pas le contact du médecin du travail au cours des six derniers mois, en ne lui proposant pas les postes administratifs vacants et en ne consultant pas l'ensemble des sociétés du groupe entrant dans le périmètre de recherche du reclassement.

Enfin, elle sollicite une indemnisation à hauteur de dix-huit mois de salaire, considérant que le plafonnement prévu à l'article L. 1235-3 viole les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et le droit au procès équitable, et porte atteinte à l'égalité de traitement dans la protection due à tout travailleur contre les licenciements injustifiés, telle qu'elle est garantie par les articles 20, 21 et 30 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

En réponse, les intimées font valoir que non seulement le mi-temps thérapeutique tel que préconisé par le médecin du travail ne pouvait être appliqué au regard des restrictions qu'il comprenait et qui étaient incompatibles avec le poste de Mme [M], mais qu'en outre, au regard du risque qu'une telle mise en oeuvre aurait fait peser sur sa santé, il n'aurait pu aider à son reclassement, aussi, considère-t-elle n'avoir commis ni manquement à son obligation de sécurité, ni manquement à son obligation de reclassement en dispensant Mme [M] de toute activité durant cette courte période, et ce, sans qu'il puisse lui être reproché de ne pas avoir contesté l'avis d'aptitude ainsi rendu compte tenu des délais de traitement d'une telle procédure, sachant que ce mi-temps avait initialement été prévu pour deux mois, puis a été renouvelé un mois.

Elles relèvent par ailleurs que la société Polymont engineering a pris contact avec le médecin du travail même si celui-ci n'a pas manifesté un quelconque souhait de s'entretenir avec elle, et qu'elle a déployé tous les moyens nécessaires pour procéder au reclassement de Mme [M] en sollicitant les sociétés du groupe dans lesquelles une permutabilité du personnel était envisageable, sachant qu'il ressort de la liste des postes disponibles en avril 2019 qu'aucun n'était compatible avec ses compétences et ses aptitudes physiques et que les quelques postes vantés par elle comportaient du roulage.

1. Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité

L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité en prenant en considération les propositions de mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs que le médecin du travail est habilité à faire en application de l'article L. 4624-1 du code du travail.

En l'espèce, comme indiqué précédemment, par avis du 11 octobre 2018, le médecin du travail a préconisé une reprise à temps partiel thérapeutique, trois jours une semaine et deux jours une semaine, sans conduite sur piste ou sur route et sans manutention de charge, Mme [M] devant être revue à la fin du temps partiel thérapeutique, lequel, selon l'avis du médecin traitant, était initialement fixé au 3 décembre 2018, puis a été par la suite renouvelé jusqu'au 25 janvier 2019.

Dès le 18 octobre 2018, comme elle l'avait d'ailleurs déjà fait le 13 décembre 2017, la société Polymont engineering a écrit au médecin du travail afin de lui faire part de la difficulté ressortant de cet avis dans la mesure où l'étude de poste réalisée le 19 septembre 2017 avait démontré qu'il était indispensable pour un conducteur/essayeur de pouvoir conduire sans restriction de temps.

Cette étude de poste étant produite aux débats, il en ressort que le métier de conducteur/essayeur consiste à faire rouler des véhicules en respectant les procédures du client, le salarié roulant environ six heures, sachant que le reste du temps consiste à prendre connaissance des consignes pour appliquer la procédure requise, puis après le roulage, à dresser un rapport de celui-ci, ce qui implique effectivement une nécessité absolue de pouvoir rouler, aucune mission annexe, indépendante du roulage, n'étant à effectuer.

Aussi, et s'il est exact que la société Polymont engineering aurait dû, pour contester cet avis d'aptitude, exercer le recours spécialement prévu à cet effet, pour autant, il ne peut être considéré qu'elle aurait manqué à son obligation de sécurité en dispensant Mme [M] de toute activité dès lors que la mise en oeuvre des préconisations du médecin du travail était objectivement impossible, que la période relative à ce mi-temps thérapeutique a été de courte durée et qu'elle a rémunéré Mme [M] durant l'ensemble de la période.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [M] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité.

2. Sur la qualification du licenciement

Selon l'article L. 1226-2 du code du travail, lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Si la preuve de l'exécution de l'obligation de reclassement incombe à l'employeur, il appartient au juge, en cas de contestation sur l'existence ou le périmètre du groupe de reclassement, de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments qui lui sont soumis par les parties.

En l'espèce, Mme [M] a été déclarée inapte à son poste le 12 février 2018 dans les termes suivants : 'Inapte au poste de conducteur essayeur. L'étude de poste et des conditions de travail du 19/09/2017 confirme l'inaptitude au poste. Ses capacités résiduelles lui permettent d'occuper un emploi avec des tâches sans conduite sur piste ou sur route de plus d'une heure, sans manutention de charge supérieure à 2 kgs. Sont état de santé est compatible avec une formation de reconversion'.

Au regard des développements précédents sur les conditions dans lesquelles la société Polymont engineering a été amenée à dispenser Mme [M] de toute activité durant la période sur laquelle était préconisée un mi-temps thérapeutique, il ne peut être considéré qu'elle l'aurait privée de la possibilité de bénéficier d'une mesure destinée à favoriser sa guérison, sa rééducation et sa réadaptation, et en conséquence son reclassement.

En ce qui concerne la recherche de postes de reclassement, Mme [M] produit l'attestation de M. [K], ancien salarié, lequel explique que des postes ont été libérés à l'époque du reclassement de Mme [M] suite au départ d'un salarié du service corrosion, et qu'ainsi,

M. [Z], chef d'équipe, a pris ce poste, pour être lui-même remplacé par son adjointe,

Mme [O], à qui il a par la suite été proposé, tout comme à M. [R], un poste aux essais sur banc.

S'il ne peut être accordé qu'une force probante très limitée à cette attestation en ce que M. [K] indique n'avoir aucune communauté d'intérêt avec les parties, en précisant simplement qu'il est un ancien collègue, alors même qu'il résulte tant de l'adresse figurant sur son bulletin de salaire de 2017 que des attestations produites par les intimées, qu'il a été en couple avec Mme [M], il fait néanmoins état, au-delà de quelques constats plus personnels, non retenus, de faits très objectifs qui peuvent être utilement contredits par les intimées sur qui pèse l'obligation de reclassement.

Or, si M. [I] atteste que les postes listés par M. [K] étaient incompatibles avec les restrictions médicales de Mme [M], il n'est cependant pas produit la moindre fiche de poste permettant de s'assurer de cette affirmation, ni le moindre courrier de sollicitation auprès du médecin du travail tendant à envisager un éventuel aménagement.

Par ailleurs, s'il indique, s'agissant notamment des postes de conducteur sur banc, qu'ils n'étaient que provisoires, outre que même un poste à caractère temporaire compatible avec les restrictions médicales doit être proposé, en tout état de cause, sauf à fournir un listing de postes à pourvoir en mars 2019, dont il ne peut être déterminé ses modalités d'édition, sachant qu'il n'est fait état que d'emplois pour 'accroissement' ou 'remplacement' laissant à penser qu'il s'agit en réalité de la liste des emplois précaires, et ce, sans la production du moindre registre unique du personnel, il ne saurait être considéré que ce document, même couplé à l'attestation de M. [I], serait de nature à justifier de l'absence d'emplois disponibles compatibles avec les restrictions médicales de Mme [M] au sein de la société Polymont engineering sur la période de reclassement.

Dès lors, les intimées ne rapportent pas la preuve qu'elles ont rempli loyalement et sérieusement leur obligation de reclassement, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le moyen relatif au périmètre de la recherche de reclassement.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement, de dire que le licenciement de Mme [M] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et de lui allouer la somme de 3 696 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 369,60 euros au titre des congés payés afférents.

En ce qui concerne les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse.

Sous réserve des cas où est en cause un traité international pour lequel la Cour de justice de l'Union européenne dispose d'une compétence exclusive pour déterminer s'il est d'effet direct, les stipulations d'un traité international, régulièrement introduit dans l'ordre juridique interne conformément à l'article 55 de la Constitution, sont d'effet direct dès lors qu'elles créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir et que, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale du traité invoqué, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, elles n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire pour produire des effets à l'égard des particuliers.

Les dispositions de la Charte sociale européenne selon lesquelles les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en oeuvre nécessite qu'ils prennent des actes complémentaires d'application et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique visé par la partie IV, ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

L'invocation de son article 24 ne peut dès lors pas conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.

Au contraire, les stipulations de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail, qui créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir à l'encontre d'autres particuliers et qui, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale de la convention, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire, sont d'effet direct en droit interne.

Néanmoins, les dispositions des articles L. 1235-3 , L. 1235-3 -1 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur, sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail.

Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée et il convient de rejeter la demande tendant à les voir déclarées inconventionnelles.

Aussi, compte tenu des suspensions du contrat de travail de Mme [M] pour maladie non professionnelle et conformément à l'article L. 1235-3 du code du travail qui prévoit une indemnisation comprise entre trois et onze mois de salaire pour un salarié ayant douze années d'ancienneté complètes, au regard de l'âge de Mme [M] au moment du licenciement, soit 52 ans, de son salaire de 1 848 euros, et des justificatifs qu'elle produit quant à une précarisation de sa situation, il convient de lui allouer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Enfin, en vertu de l'article L 1235-4 du code du travail, il convient de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Polymont engineering le remboursement à Pôle emploi des indemnités chômage versées à Mme [M] du jour de son licenciement au jour de la présente décision, dans la limite de huit jours.

3. Sur la garantie de l'UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 7]

Compte tenu de la nature des sommes allouées, l'AGS CGEA doit sa garantie dans les termes des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, à défaut de fonds disponibles.

4. Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner la Selarl Axyme, ès qualités, aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de débouter la société Polymont engineering de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la Selarl Axyme, ès qualités, à payer à Mme [M] la somme de 3 000 euros sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement et publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Mme [T] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et la SA Polymont engineering de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

L'infirme en ses autres dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement de Mme [T] [M] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ;

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la SA Polymont engineering la créance de Mme [T] [M] aux sommes suivantes :

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 15 000 euros

indemnité compensatrice de préavis : 3 696 euros

congés payés afférents : 369,60 euros

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la SA Polymont engineering le remboursement à Pôle emploi des indemnités chômage versées à Mme [T] [M] du jour de son licenciement au jour de la présente décision, dans la limite de huit jours ;

Déclare l'UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 7] tenue à garantie pour ces sommes dans les termes des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, en l'absence de fonds disponibles ;

Condamne la SelarlAxyme, en qualité de mandataire liquidateur de la SA Polymont engineering, aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Condamne la Selarl Axyme, en qualité de mandataire liquidateur de la SA Polymont engineering, à payer à Mme [T] [M] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SA Polymont engineering et la Selarl Axyme, en qualité de mandataire liquidateur de la SA Polymont engineering, de leur demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00285
Date de la décision : 16/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-16;21.00285 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award