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16/03/2023 | FRANCE | N°20/04285

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 16 mars 2023, 20/04285


N° RG 20/04285 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IUO3

N° RG 20/04286 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IUO5





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE



ARRET DU 16 MARS 2023







DÉCISION DÉFÉRÉE :



Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DU HAVRE du 09 Décembre 2020





APPELANTE :



Madame [G] [J]

[Adresse 1]

[Localité 5]



représentée par Me Christophe ROGER, avocat au barreau du HAVRE





INTIMES :



Maître [A] [P] Mandataire liquidateur de la Société ASTAGE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]



n'ayant pas constitué avocat

régulièrement assigné par acte d'huissier le 03/02/2021



Maître [A] [P] li...

N° RG 20/04285 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IUO3

N° RG 20/04286 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IUO5

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 16 MARS 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DU HAVRE du 09 Décembre 2020

APPELANTE :

Madame [G] [J]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Christophe ROGER, avocat au barreau du HAVRE

INTIMES :

Maître [A] [P] Mandataire liquidateur de la Société ASTAGE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

n'ayant pas constitué avocat

régulièrement assigné par acte d'huissier le 03/02/2021

Maître [A] [P] liquidateur judiciaire de la Société OLOGI

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

n'ayant pas constitué avocat

régulièrement assigné par acte d'huissier le 03/02/2021

UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 4]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Etienne LEJEUNE de la SCP SAGON LOEVENBRUCK LESIEUR LEJEUNE, avocat au barreau du HAVRE

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 13 Janvier 2023 sans opposition des parties devant Madame ALVARADE, Présidente, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame ALVARADE, Présidente

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère, rédactrice

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

en présence de M. Nicolas GARREAU, greffier stagiaire

DEBATS :

A l'audience publique du 13 Janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 Mars 2023

ARRET :

REPUTE CONTRADICTOIRE

Prononcé le 16 Mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame ALVARADE, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [G] [J] a été engagée en contrat à durée indéterminée par la société Ologi, dont le dirigeant est M. [L], le 3 mars 2014 en qualité de directrice technique, lequel contrat a pris fin le 20 juin 2015 par la signature d'une rupture conventionnelle.

Elle a ensuite été engagée par la société Astage, dont le dirigeant est également M. [L], le 1er août 2017 en cette même qualité de directrice technique en contrat à durée indéterminée, lequel contrat a pris fin le 30 novembre 2017 par la signature d'une rupture conventionnelle.

Enfin, il est produit un contrat à durée déterminée à temps partiel émanant de la société Ologi, mais non signé par Mme [J], pour la période du 3 décembre 2018 au 2 juin 2019.

Mise à pied à titre conservatoire le 12 avril 2019, Mme [J] a été licenciée par la société Ologi pour faute grave le 16 mai 2019 dans les termes suivants :

'(...) Pour rappel, vous exercez dans notre société les fonctions de coordinatrice de site, depuis le 3 décembre 2018. Vous êtes également associée de la société.

Le 25 février 2019, vous nous avez adressé une lettre de démission prenant effet au 25 mars 2019, dont les termes équivoques nous ont interpellés.

Toutefois, nous avons pris note que vous deviez cesser de travailler pour notre société à compter de ce jour.

Toutefois, le 26 mars 2019, vous vous êtes invitée à une réunion d'équipe à laquelle participait plusieurs salariés et avez annoncé à l'ensemble des participants votre prétendu départ de l'entreprise, sans en avoir informé au préalable le dirigeant de la société.

Vous n'êtes pas sans savoir que la société Ologi est déjà fragilisée par un redressement judiciaire en cours, et qu'une telle annonce a nécessairement eu un impact négatif et déstabilisant auprès des salariés.

Le 10 avril 2019, vous avez déposé au bureau un courrier à l'attention de M. [F], administrateur judiciaire de la société, M. [L], gérant de la société, contenant des attaques personnelles graves à l'encontre de ce dernier ('harcèlement', alcoolisme, dettes, etc).

Alors que rien ne l'exigeait, vous avez pris plaisir à faire parapher ce courrier à un stagiaire de la société afin qu'il prenne connaissance de vos écrits.

Le 11 avril 2019, vous avez adressé par mail à M. [V], associé et comptable de la société, un courrier à destination de tous les associés de la société portant une fois encore des accusations graves à l'encontre de M. [L], telles que pratiquer du travail dissimulé, vous faire accepter des conditions de travail inacceptables et illégales, etc.

Le même jour, vous vous êtes rendue, avec M. [W], votre compagnon, dans les locaux de l'entreprise dans le seul but de déstabiliser volontairement les équipes, ce qui a été notamment confirmé par M. [E].

Par la suite, les salariés de la société ont constaté et nous ont fait remonter que vous aviez supprimé des fichiers de l'entreprise (supports d'activités de stimulation cognitive) enregistré sur une Dropbox.

Vous n'êtes pas sans savoir que ces fichiers sont des outils de travail pour l'ensemble des salariés, et en particulier pour les salariés Alzamis, en charge d'intervenir au domicile de leurs bénéficiaires atteints de la maladie d'Alzheimer.

Contrairement à ce que vous prétendez, cette Dropbox ne vous était pas personnelle et vous n'aviez aucunement le droit de détruire volontairement les fichiers.

Enfin, poursuivant votre provocation à l'égard du dirigeant de la société, vous avez jugé bon, à réception de votre convocation à entretien préalable, de faire preuve d'ironie en répondant 'Enfin, merci!', avec encore une fois l'administrateur de la société en copie, puis de conclure l'entretien préalable en évoquant la suite avec l'expression 'on va passer à la kalachnikov'.

Cette attitude, négative, calomnieuse et même destructrice (il ne vous échappe pas que vos accusations à l'encontre du dirigeant diffusées largement à l'administrateur judiciaire et aux associés de la société met la société en péril), ne peut être tolérée au sein de la société que tous, salariés et dirigeants, s'efforcent de sortir des difficultés économiques dans laquelle elle se trouve actuellement.

C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de vous notifier votre licenciement pour faute grave. (...)'.

Soutenant avoir été salariée des sociétés Ologi et Astage entre la rupture conventionnelle de novembre 2017 et le contrat à durée déterminée débutant le 3 décembre 2018, Mme [J] a saisi le conseil de prud'hommes du Havre le 2 octobre 2019 à l'encontre de ces deux sociétés en reconnaissance de travail dissimulé et en contestation du licenciement, ainsi qu'en paiement d'indemnités et rappel de salaires.

Par jugements des 11 février et 2 juin 2020, le tribunal de commerce de Rouen a placé respectivement la société Ologi et la société Astage en liquidation judiciaire et désigné M. [A] [P] en qualité de mandataire liquidateur.

Par jugement du 9 décembre 2020, le conseil de prud'hommes du Havre a débouté Mme [J] de l'ensemble de ses demandes et laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens et de ses propres frais irrépétibles.

Mme [J] a interjeté appel de cette décision le 24 décembre 2020 à 17h30 et 17h40, conduisant ainsi à l'ouverture de deux dossiers sous les numéros 20/4286 et 20/4285.

Par acte du 3 février 2021, Mme [J] a signifié la déclaration d'appel à M. [P], tant en qualité de mandataire liquidateur de la société Ologi qu'en qualité de mandataire liquidateur de la société Astage.

Par conclusions remises le 1er mars 2021, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, Mme [J] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de ;

- fixer au passif des sociétés Astage et Ologi les sommes suivantes :

rappel de salaire : 19 085,25 euros

congés payés afférents : 1 908,52 euros

indemnité pour travail dissimulé : 18 076,80 euros

rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire : 3 414,50 euros

indemnité de licenciement : 3 891,54 euros

indemnité compensatrice de préavis : 3 012,80 euros

congés payés afférents : 301,28 euros

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 18 076,80 euros

indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 1 500 euros

- fixer au passif de la société Astage la somme de 942,54 euros au titre des frais professionnels non remboursés,

- fixer au passif de la société Ologi la somme de 2 149,55 euros au titre des frais professionnels non remboursés.

Par conclusions remises le 5 mars 2021, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, le CGEA demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [J] de l'intégralité de ses demandes, lui donner acte de sa qualité de représentant de l'AGS dans l'instance, lui dire le jugement à intervenir opposable, dire que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail et enfin dire que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail.

M. [P], ès qualités, n'a pas constitué avocat en cause d'appel.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 5 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il convient, pour une bonne administration de la justice, de joindre les dossiers 20/04286 et 20/04285.

Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé

Mme [J] fait valoir qu'elle a travaillé entre le 1er décembre 2017 et le 1er décembre 2018 sans que ne soit accomplie une quelconque démarche de déclaration auprès de l'URSSAF, ni que lui soient remises des fiches de paie, et ce, alors qu'elle percevait des salaires chaque mois, comme en témoigne la fixité des versements, ce qui permet de retenir l'existence d'un contrat de travail apparent.

Aussi, contestant que puissent lui être opposés la rupture conventionnelle qui n'est pas la démonstration de la volonté des parties de continuer leur collaboration sous une autre forme, ni son emploi de vacataire au sein de l'université de [Localité 6] au regard du faible nombre d'heures réalisées, ni encore son statut d'auto-entrepreneur dès lors qu'elle avait sollicité la radiation de son activité à compter du 1er octobre 2017 et qu'elle ne l'a réactivée qu'en 2019, ce qui explique le devis qu'elle a alors adressé à la société Astage, elle soutient avoir ainsi été liée par un contrat de travail aux sociétés Astage et Ologi, lesquelles ont commis du travail dissimulé en ne la déclarant pas et en ne lui transmettant pas de bulletins de salaire.

En réponse, le CGEA fait valoir que Mme [J] est à l'origine de la demande de rupture conventionnelle signée en novembre 2017 afin de poursuivre son activité en qualité de prestataire tout en percevant les allocations chômage, sachant que son auto-entreprise n'a jamais été radiée puisqu'elle a émis une facture de prestation à la société Astage le 5 mars 2019.

L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité, et notamment par l'existence d'un lien de subordination, caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements d'un subordonné.

En l'absence de contrat de travail apparent, il appartient à la partie qui en invoque l'existence d'en apporter la preuve et inversement, en cas de contrat de travail apparent, il appartient à celui qui le conteste d'apporter la preuve de son caractère fictif.

A titre liminaire, il convient de relever que Mme [J] avait un statut particulier au sein des sociétés Ologi et Astage puisqu'elle était détentrice de 20 parts sociales dans chacune d'entre elles, sur un total respectif de 1 000 et 125 parts.

Par ailleurs, il résulte des pièces versées aux débats qu'elle a réactivé une auto-entreprise ayant pour activité la formation continue d'adultes en octobre 2009 et, à cet égard, si elle produit une déclaration de radiation à effet du 1er octobre 2017 qui aurait été transmise le 23 octobre 2017, il n'est pas mentionné la date de réception dans la case prévue à cet effet et elle ne justifie en aucune manière de la radiation effective de son auto-entreprise à cette date par un document plus officiel.

Enfin, si elle établit avoir perçu de mai à novembre 2018 des virements mensuels de 1 600 euros, pour le premier de la société Astage, puis pour le deuxième de la société Ologi et enfin, pour les autres, de M. [L], dirigeant de ces deux sociétés, ces éléments, s'ils peuvent, certes, constituer des indices pour caractériser l'existence d'un contrat de travail, ne sont cependant pas des éléments permettant de retenir qu'il existait un contrat de travail apparent et il appartient donc à Mme [J] d'apporter la preuve de l'existence d'un contrat de travail.

Ainsi, à l'appui de sa demande, Mme [J] justifie avoir, pour l'année 2018, animé cinq journées de formation pour le compte de la société Ologi, et participé à sept journées d'action comme en témoignent la directrice de Promaction ou la directrice générale adjointe du CCAS du Havre, de même qu'elle a participé à une réunion partenariale relative à la préparation d'un forum 'bien veillir chez soi'.

Elle produit également un courrier signé de M. [X], salarié de la société Ologi du 2 juillet 2018 au 28 janvier 2019, qui atteste avoir passé ses entretiens d'embauche avec Mme [J], psychologue et responsable hiérarchique de l'équipe Alzamis, de même qu'elle lui a dispensé la formation théorique avant sa prise de fonction, précisant par ailleurs que, durant sa période de travail au sein d'Ologi, elle était, avec, Mme [C] et M. [W], son interlocutrice principale pour ses questions d'ordre professionnel et était pratiquement toujours présente dans les locaux de la société Ologi lorsqu'il s'y rendait.

S'agissant de ce courrier, outre qu'il n'est accompagné d'aucune pièce d'identité et ne comprend aucune des mentions prévues par l'article 202 du code de procédure civile, ce qui ne permet que de lui accorder une force probante très limitée, il est au surplus particulièrement imprécis sur les responsabilités qui auraient été dévolues à Mme [J], étant rappelé qu'elle était aussi associée de la société Ologi.

Aussi, et si les rémunérations versées à Mme [J] durant cette période peuvent ressembler à un salaire par la régularité de leur versement et leur fixité, néanmoins, les seules prestations objectivement justifiées sont toutes en lien avec l'activité de son auto-entreprise et surtout, elle n'apporte aucune pièce sur l'élément le plus essentiel permettant de caractériser l'existence d'un contrat de travail, à savoir le lien de subordination.

Il n'est ainsi pas produit le moindre mail, courrier ou attestation tendant à justifier de son obligation de respecter des horaires, consignes ou encore dates de congés et il ne peut dans ces conditions être retenu l'existence d'un contrat de travail que ce soit au profit de la société Astage ou de la société Ologi pour la période du 1er décembre 2017 au 3 décembre 2018, sans que le mail de M. [V], expert comptable, qui peut interroger sur les pratiques existantes, ne soit de nature à modifier cette analyse dès lors qu'il date de 2015 et qu'il n'est en tout état de cause pas susceptible de pallier l'absence de toute démonstration d'un lien de subordination.

Par ailleurs, si à compter du 3 décembre 2018, il existe un contrat de travail la liant à la société Ologi, au contraire, aucun contrat n'a été signé avec la société Astage et, là encore, si des prestations ont été réalisées, rien ne permet de dire qu'elles l'auraient été dans le cadre d'un contrat de travail.

Aussi, et si les quelques heures de travail au profit de l'université de [Localité 6] n'étaient effectivement pas de nature à empêcher la reconnaissance d'un contrat de travail au profit des sociétés Ologi et Astage, il convient néanmoins, à défaut de toute démonstration d'un lien de subordination, de débouter Mme [J] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé à l'égard des sociétés Astage et Ologi.

Sur les demandes formulées à l'encontre de la société Astage

Il résulte des précédents développements qu'il n'est pas établi l'existence du moindre contrat de travail avec la société Astage postérieurement à novembre 2017 et il convient donc de débouter Mme [J] de l'intégralité de ses demandes formulées à l'égard de cette société, qu'il s'agisse du rappel de salaire, des indemnités en lien avec la rupture ou encore des frais de déplacements, toutes portant sur une période postérieure à la rupture conventionnelle intervenue en novembre 2017.

Sur la demande de rappel de salaire

Mme [J] réclame un rappel de salaire à compter de janvier 2018 et ce, jusqu'à son licenciement, d'une part, sur la base d'un temps plein à défaut de tout régularisation du contrat à durée déterminée et d'autre part, sur la base d'une classification catégorie H de la convention nationale de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile du 21 mai 2010, applicable dans la société Ologi, en estimant que cette classification résulte nécessairement des missions qui étaient les siennes dans le cadre de son précédent contrat de travail, à savoir pilotage de projets déterminants dans le fonctionnement de l'entreprise.

En réponse, le CGEA fait valoir que si Mme [J] a refusé de signer le contrat à durée déterminée, elle était néanmoins salariée de la société Ologi, et non de la société Astage, et exerçait donc des fonctions de coordinatrice de site, et non de directrice technique. Par ailleurs, il estime que la convention collective applicable est celle des organismes de formation dès lors que la société Astage est un organisme de formation.

La qualification du salarié se détermine en référence aux fonctions réellement exercées et au regard de la convention collective applicable, laquelle peut édicter un seuil d'accueil en fonction des diplômes obtenus et la charge de la preuve pèse sur le salarié qui revendique une autre classification que celle appliquée.

A titre liminaire, il convient de relever qu'il n'a été retenu l'existence d'aucun contrat de travail entre la société Astage et Mme [J] après novembre 2017, ce qui, outre le caractère contradictoire de l'argumentation développé par le CGEA, ne permet pas de retenir l'application de la convention collective applicable dans cette société.

Aussi, et alors que la société Ologi était soumise à la convention collective revendiquée par Mme [J] sans que le CGEA n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause son applicabilité au sein de l'entreprise, il convient d'examiner la demande de Mme [J] tendant à obtenir la classification H de cette convention collective, et ce, à compter du 3 décembre 2018, à défaut de tout contrat de travail reconnu antérieurement à cette date.

Or, si Mme [J], pour revendiquer cette classification, fait valoir qu'elle résulte nécessairement des missions qui étaient les siennes dans le cadre de ses précédents contrats, outre que le dernier contrat avait été conclu avec la société Astage, et non la société Ologi, en tout état de cause, comme pour le contrat signé en 2014, il a régulièrement pris fin par la signature d'une rupture conventionnelle à effet du 30 novembre 2017 et il appartient en conséquence à Mme [J] de justifier que les fonctions qu'elle a exercées entre le 3 décembre 2018 et son licenciement le 16 mai 2019 relevaient de la classification revendiquée, laquelle est la plus élevée et s'applique notamment aux directeurs de fédération départementale, directeurs d'entité et directeurs de service.

Il ne peut qu'être relevé que les pièces produites par Mme [J], examinées préalablement, permettent uniquement de retenir qu'elle exerçait des fonctions de formatrice, sans que le courrier de M. [X], à la force probante très limitée, soit de nature à permettre sa classification au niveau H, celui-ci se contentant d'indiquer qu'elle était responsable hiérarchique de l'équipe Alzamis sans aucune précision sur ses attributions exactes, et sachant qu'en tout état de cause, il résulte de cette convention collective qu'un responsable de service ne relève pas de la classification H.

Néanmoins, et alors qu'un contrat de travail à temps partiel doit être écrit et préciser la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois, et qu'à défaut de ces mentions, il est présumé que l'emploi est à temps complet, en l'espèce, outre que le contrat à durée déterminée produit ne comporte aucune mention de cette répartition, il n'a surtout jamais été régularisé par la signature de Mme [J], ce qui s'apparente à une absence de tout contrat écrit et il convient en conséquence de faire droit à la demande de rappel de salaire sur la base d'un temps plein, sans cependant appliquer la classification H de la convention collective.

Aussi, alors qu'il était prévu un salaire de 299,69 euros pour 30,33 heures, il est dû à Mme [J] un salaire mensuel 1 498,64 euros sur la base d'un temps complet et ce, du 3 décembre 2018 au 12 avril 2019, date de sa mise à pied conservatoire, soit une somme totale de 6 448,99 euros en proratisant les mois de décembre 2018 et avril 2019.

En conséquence, au regard des sommes perçues par Mme [J], au seul titre de ses salaires, telles qu'elles ressortent de ses bulletins de salaire pour les mois de décembre 2018 à mars 2019 et de son relevé de compte pour le salaire d'avril 2019 à hauteur de 106,67 euros, soit un total perçu de 1 268,62 euros, il convient de fixer au passif de la société Ologi la somme de 5 180,37 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 3 décembre 2018 au 12 avril 2019, outre 518,04 euros au titre des congés payés afférents.

Sur les demandes en lien avec la rupture du contrat de travail

Mme [J] soutient que son licenciement n'est en réalité qu'une mesure de rétorsion suite aux griefs qu'elle a formulés à l'encontre de son employeur, ses courriers n'étant nullement diffamants et aucune volonté de déstabilisation des salariés n'étant avérée.

En réponse, le CGEA indique que le conseil a justement retenu la gravité de la faute au regard des propos injurieux et diffamatoires et conteste en tout état de cause l'ancienneté retenue.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et l'employeur qui l'invoque doit en rapporter la preuve.

En l'espèce, à l'appui de la faute grave, le CGEA produit notamment les courriers qu'a pu envoyer Mme [J] tant au dirigeant de la société, M. [L], qu'à l'administrateur judiciaire, M. [F], mais aussi aux associés de la société Ologi.

A cet égard, s'il ne peut être reproché à Mme [J] de faire état, dans un courrier du 5 mars 2019 adressé à l'administrateur judiciaire, de revendication salariale, notamment pour la période de janvier à décembre 2018, ni même d'évoquer un travail dissimulé ou un ressenti amer sur ses années de collaboration avec les sociétés Ologi et Astage, avec la menace de saisir le conseil de prud'hommes à défaut de solution amiable, ce courrier comporte néanmoins des attaques plus personnelles à l'encontre du dirigeant de la société, mentionnant ses problèmes d'alcool et de dettes mais aussi une discussion avec sa fille lors de laquelle il reconnaissait être malade.

Or, non seulement, il en est fait état à l'administrateur judiciaire, mais en outre ce courrier a été remis contre émargement, non cacheté, à M. [E], stagiaire, ce qui, par cette publicité inutile, est de nature à caractériser un dénigrement dépassant la liberté d'expression dont dispose chaque salarié.

De même, dans le courrier transmis à l'ensemble des associés le 11 avril 2019, outre l'évocation du travail dissimulé, il est là encore fait état des problèmes de santé de M. [L], indiquant ainsi qu'elle les subissait au téléphone et qu'elle laissait le dirigeant légal leur communiquer ses relevés téléphoniques pour démentir ses propos.. ou non, ce qui à supposer ces faits avérés, ne peut cependant justifier de les exposer à tous, et ce, sans un minimum de retenue et de savoir-être, sachant que le contenu de ce courrier par ailleurs transmis à l'expert comptable était accompagné d'un mail aux termes duquel, après avoir sollicité les coordonnées des autres associés, elle lui écrivait adresser dès le lendemain le courrier destiné aux associés à M. [D] [L], tout en précisant 'qu'aucun courrier ne sera adressé à [R] et [B] [L] : vivre avec un père qui les dégoutte -dixit leur mère- est déjà suffisamment éprouvant'.

Il est manifeste que ces différents mails et courriers, caractérise une attitude négative, calomnieuse, voire destructrice, telle qu'évoquée dans la lettre de licenciement, et constituent tant par leur teneur que par leur diffusion, une faute grave empêchant la poursuite du contrat de travail.

Il convient en conséquence de retenir que la faute grave est caractérisée et de débouter Mme [J] de l'ensemble de ses demandes en lien avec la rupture du contrat de travail.

Sur la demande de remboursement de frais à l'encontre de la société Ologi

Alors qu'il résulte des précédents développements qu'aucun contrat de travail n'a lié Mme [J] à la société Ologi entre janvier et novembre 2018, il convient de la débouter de ses demandes de remboursement de frais au titre de cette période.

Par ailleurs, s'il est également réclamé des remboursements de frais à compter du 3 décembre 2018, soit sur la période durant laquelle Mme [J] était liée par un contrat de travail avec la société Ologi, il n'est cependant pas justifié de la réalité des frais ainsi engagés, sachant que s'il est produit les reçus de péages et de TCAR, il n'est pas justifié de la réalité des déplacements, et ce, d'autant qu'il résulte même du courrier de Mme [J] du 13 mars 2019 que la plupart de ces demandes de remboursement correspondent à ses déplacements entre son domicile personnel et son lieu de travail.

Il convient en conséquence de la débouter de sa demande de remboursement de frais à l'encontre de la société Ologi.

Sur la garantie de l'UNEDIC délégation AGS CGEA de Rouen

Compte tenu de la nature des sommes allouées, l'AGS CGEA doit sa garantie dans les termes des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, à défaut de fonds disponibles.

Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie partiellement succombante, il y a lieu de condamner Me [P], en qualité de mandataire liquidateur de la société Ologi, aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, et de le condamner, en qualité de mandataire liquidateur de la société Ologi, à payer à Mme [J] la somme de 1 500 euros sur ce même fondement.

Il convient au contraire de débouter Mme [J] de sa demande formulée contre la société Astage au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe,

Ordonne la jonction des dossiers 20/04286 et 20/04285 ;

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [G] [J] de sa demande de rappel de salaire pour la période du 3 décembre 2018 au 12 avril 2019 ;

L'infirme de ces chefs et statuant à nouveau,

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Ologi les sommes suivantes :

rappel de salaire pour la période du 3 décembre 2018 au 12 avril 2019 : 5 180,37 euros

congés payés afférents : 518,04 euros

Déclare l'UNEDIC délégation AGS-CGEA de Rouen tenue à garantie pour ces sommes dans les termes des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, en l'absence de fonds disponibles;

Condamne Me [P], en qualité de mandataire liquidateur de la société Ologi aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Condamne Me [P], en qualité de mandataire liquidateur de la société Ologi, à payer à Mme [G] [J] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Mme [G] [J] de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de la société Astage.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/04285
Date de la décision : 16/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-16;20.04285 ?
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