N° RG 20/04099 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IUDC
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 09 MARS 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 23 Novembre 2020
APPELANT :
Monsieur [Z] [L]-[I]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Thierry LEVESQUES, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
Société SIGESS-CLD
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Me Linda MECHANTEL de la SCP BONIFACE DAKIN & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 25 Janvier 2023 sans opposition des parties devant Madame BERGERE, Conseillère, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Madame BERGERE, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme DUBUC, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 25 Janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 09 Mars 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 09 Mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme DUBUC, Greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [Z] [L]-[I] a été engagé par la SARL ADS Pichon en qualité d'employé de station service affecté à la station exploitée sous l'enseigne Esso située [Adresse 1] à [Localité 4], par contrat de travail à durée indéterminée du 8 janvier 2001.
Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile.
Au dernier état de la relation contractuelle et après plusieurs cessions, la station était exploitée par la société SIGESS-CLD.
Le 21 novembre 2018, M. [L]-[I] a été déclaré inapte a son poste et à tout poste dans l'entreprise.
Le licenciement pour inaptitude a été notifié au salarié le 21 décembre 2018.
Par requête du 14 mars 2019, M. [L]-[I] a saisi le conseil de prud'hommes de Rouen en contestation de son licenciement, ainsi qu'en paiement de rappels de salaire et d'indemnités.
Par jugement du 23 novembre 2020, le conseil de prud'hommes a débouté M. [L]-[I] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux entiers dépens.
M. [L]-[I] a interjeté appel de cette décision le 16 décembre 2020.
Par conclusions remises le 28 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, M. [Z] [L]-[I] demande à la cour de réformer le jugement entrepris, en considération de l'exécution défaillante du contrat de travail et du caractère dépourvu de cause réelle et sérieuse du licenciement, condamner la société SIGESS-CLD au paiement des sommes suivantes :
rappel de salaires : 3 088,55 euros,
rappel majoration de nuit : 308,85 euros,
rappel temps de pause : 1 892,43 euros,
congés payés sur rappels : 523,48 euros,
dommages et intérêts pour perte d'indemnités journalières : 1 312,50 euros,
dommages et intérêts pour perte indemnités prévoyance : 3 602,18 euros,
dommages et intérêts pour exécution défaillante du contrat : 3 000 euros,
dommages et intérêts pour procédure irrégulière : 1 546 euros,
dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse : 22 000 euros,
solde d'indemnité de licenciement : 378,66 euros,
indemnité de préavis : 3 092 euros,
congés payés sur préavis : 309,20 euros,
indemnité au titre de l'article 700 code de procédure civile : 1 500 euros.
Par conclusions remises le 17 mai 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la SARL SIGESS-CLD demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [L]-[I] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, condamner M. [L]-[I] à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.
L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 5 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I - Sur les demandes au titre de l'exécution du contrat de travail
I - a) Sur le rappel de salaire lié à la classification
M. [L]-[I] soutient qu'il n'a pas été réglé de l'intégralité de ses salaires puisqu'il a été rémunéré sur la base de l'échelon 2 de la convention collective, alors que son poste de travail est classé à l'échelon 3.
La société SIGESS-CLD conteste cette position affirmant que le poste occupé par son salarié relève de l'échelon 2.
La qualification du salarié se détermine en référence aux fonctions réellement exercées et au regard de la convention collective applicable, laquelle peut édicter un seuil d'accueil en fonction des diplômes obtenus, étant précisé que la charge de la preuve pèse sur le salarié qui revendique une autre classification que celle appliquée.
En l'espèce, il convient de relever que s'il est établi par les bulletins de salaires produits aux débats datant pour le plus ancien de juillet 2010 que M. [L]-[I] était rémunéré en qualité d'employé de station service échelon 2, son contrat de travail initial conclu le 8 janvier 2001 avec la société ADS Pichon régulièrement transféré à la société SIGESS-CLD prévoyait expressément que M. [L] [I] est engagé 'en qualité de d'employé de station et de caissier de jour comme de nuit. Cette qualification correspond au niveau 1, échelon 3, coefficient 155, prévue par la convention collective de l'automobile'.
Certes, l'employeur verse aux débats un avenant au contrat de travail applicable à compter du 1er octobre 2009 qui précise que M. [L] [I] 'exerce actuellement les fonctions d'employé de station (échelon 2)', mais il y a lieu de constater que cet accord ne portait pas sur une modification expresse de l'échelon appliqué au salarié, mais uniquement sur la diminution de son temps de travail, passant d'un temps complet à un temps partiel de 24 heures par semaine. De même, le second avenant produit, en date du 1er octobre 2012, se contente de modifier le temps de travail du salarié qui passe désormais à 32 heures par semaine, étant relevé que ce document renvoie expressément au contrat du 9 janvier 2001.
En outre, l'article 3.03 de la convention collective applicable relative à la classification des ouvriers et employés précise que 'les douze échelons de la classification ouvriers et employés se répartissent en trois catégories :
- les échelons 1 et 2 concernent les emplois n'exigeant pas de qualification professionnelle ;
- les échelons 3, 6, 9 et 12 sont les échelons de référence attribués aux qualifications de branche de la catégorie ouvriers et employés ;
- les échelons 4, 5, 7, 8, 10 et 11 sont les échelons majorés accessibles aux salariés leur permettant de progresser dans un itinéraire professionnel, dans les conditions indiquées à l'article 3.02 c.
Echelon 1
L'échelon 1 concerne les emplois qui se caractérisent par l'exécution de travaux élémentaires comparables à ceux de la vie courante et qui ne nécessitent pas l'utilisation de techniques ou d'équipements professionnels spécifiques.
Echelon 2
L'échelon 2 concerne les salariés à qui l'on confie des activités simples.
Echelon 3
Echelon de référence du professionnel titulaire d'une qualification de branche dans la spécialité, cet échelon correspond à des tâches de difficulté moyenne, réalisées dans le cadre de modes opératoires connus et sous le contrôle possible d'un responsable technique d'un niveau de qualification plus élevé. [...]'
Il résulte de l'application de cette disposition, que pour pouvoir prétendre à une rémunération à l'échelon n° 3, M. [L]-[I] doit établir qu'il occupait un poste conforme à la qualification de branche de sa spécialité tel que définie par le répertoire national des qualifications des services de l'automobile.
Ce document conventionnel définit le poste qualifié d'opérateur station-service comme suit :
'1/ Dénomination de la qualification: opérateur station-service
2/ Objet de la qualification : L'opérateur station service assure la distribution des carburants et la vente des produits distribués en station.
3/ Contenu de la qualification :
A - Activités techniques :
- Distribution de carburant :
. accueil et contrôle de la livraison de carburant,
. jaugeage des cuves,
. le cas échéant, service à la pompe,
. mise en 'uvre des dispositions de sécurité relatives à la sécurité à la livraison et à la vente du carburant,
. vérification du bon fonctionnement des équipements de la station et signalement des dysfonctionnements,
. entretien préventif des équipements de distribution de la station (volucompteur, pistolets, pompes),
- Entretien préventif de la station et de ses équipements (piste, poste d'encaissement, équipement de lavage, de distribution d'articles boutique),
- Entretien préventif des équipements de la restauration,
- Opérations simples d'entretien du véhicule selon les activités de l'entreprise et estimation du prix de ces opérations,
- Entretien, hors maintenance, et réapprovisionnement des automates et des appareils de distribution automatique,
- Utilisation de la documentation technique,
- Application des procédures qualité et sécurité des personnes et des biens, en vigueur dans l'entreprise.
B - Activités commerciales :
- Accueil des clients, encaissement, information et promotion sur les produits et services annexes
C - Activités de gestion et d'organisation :
- Établissement de factures relatives aux activités visées ci-dessus,
- Vérification du fond de caisse, encaissement et contrôle de la validité des moyens de paiement,
- Participation à la réception des marchandises et des produits en contrôlant la conformité de la livraison,
- Respect de la chaîne du froid, des règles de stockage et de commercialisation des produits alimentaires,
- Mise en rayon, préparation et / ou réassort des produits vendus dans la station (dans le respect des normes, règles et procédures en vigueur dans l'entreprise),
- Participation au comptage des inventaires.
4/ Extensions possibles dans la qualification:
- Participation au suivi des stocks et à la préparation des commandes
5/ Classement :
- Échelon correspondant au contenu principal de la qualification: 3
- Échelons majorés accessibles : 4 / 5
. en fonction de l'exercice des extensions possibles décrites au paragraphe 4,
. en fonction de l'application de critères valorisants (art. 3.02 d) de la convention collective).
6/ Modes d'accès à la qualification :
- Soit par obtention d'une des certifications suivantes :
. CAP maintenance des véhicules,
. CAP équipier polyvalent du commerce,
. CQP opérateur station -service,
- Soit par décision directe du chef d'entreprise, en fonction des compétences du salarié, appréciées par rapport au contenu de la qualification (paragraphe 3)'
S'il est exact que le répertoire de qualification de la profession exige une certification pour accéder à l'échelon 3, celui-ci peut également être attribué au salarié par décision directe du chef d'entreprise. Or, il résulte des motifs adoptés ci-dessus que lors de son embauche, l'employeur de M. [L]-[I] avait décidé de lui accorder l'échelon 3. Cette décision unilatérale n'ayant pas été expressément dénoncée, l'avenant conclu en 2009 n'étant pas explicite sur ce point, la société CIGESS-CLD ne pouvait unilatéralement et sans information expresse du salarié revenir sur cet avantage.
En conséquence, c'est à juste titre que M. [L]-[I] sollicite l'application de l'échelon 3 pour le calcul de son salaire minimum de base sur la période non contestée de janvier 2016 à septembre 2017 inclus.
Il résulte de l'examen des bulletins de salaire que M. [L]-[I], pour la période de janvier 2016 à décembre 2016 a été payé, hors majorations de nuit, sur la base d'un taux horaire de 9,7712 euros pour janvier puis 9,8569 euros alors qu'en application du salaire minimum conventionnel applicable à l'échelon 3, il aurait dû être payé sur la base d'un taux horaire de 9,9624 euros (1 511/151,67). Pour la période de janvier 2017 à septembre 2017, M. [L]-[I] a été payé, hors majorations de nuit, sur la base d'un taux horaire de 9,9558 euros alors qu'en application du salaire minimum conventionnel applicable à l'échelon 3, il aurait dû être payé sur la base d'un taux horaire de 10,0613 euros (1 526/151,67).
M. [L]-[I] travaillant à temps partiel à concurrence de 138,67 heures par mois, la différence de salaire se chiffre pour le mois de janvier 2016 à la somme de 26,52 euros, pour les autres mois de l'année 2016 à la somme de 14,63 euros et pour les mois de l'année 2017 également à la somme de 14,63 euros.
Sur la période considérée, il lui est donc dû un rappel de salaire d'un montant total de 26,52 + (14,63 x 20) = 319,12 euros, outre les congés payés afférents de 10 %.
Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point.
I - b) Sur les majorations pour travail de nuit et les temps de pause
L'article 1.10 de la convention collective applicable prévoit, sur le travail de nuit, les dispositions suivantes, étant précisé qu'il est constant que M. [L]-[I] travaillait de nuit, les lundis, mardis, mercredis et jeudis de chaque semaine, de 22 heures à 6 heures :
'1. Définition du travail de nuit
Est considéré comme travail de nuit tout travail effectué dans la période de 21 heures à 6 heures du matin. Cette période, identique pour tous les salariés, peut toutefois être fixée par l'employeur de 22 heures à 7 heures, après consultation des représentants du personnel lorsqu'il en existe, ou, à défaut, des salariés concernés.
2. Recours au travail de nuit
Le travail de nuit doit être justifié par la nécessité d'assurer la continuité du service à la clientèle dans le cadre de l'activité économique de l'entreprise.
La mise en place du travail de nuit dans une nouvelle entreprise, ou dans une entreprise qui n'y recourait pas auparavant, ne peut être envisagée que pour les salariés qui sont affectés à un service immédiat à la clientèle et à ceux dont la présence de nuit est nécessaire pour assurer la continuité du service.
3. Définition du travailleur de nuit
Est considéré comme travailleur de nuit :
- tout salarié qui accomplit, au moins deux fois chaque semaine travaillée de l'année, au moins 3 heures de travail effectif dans la période définie au point 1 ;
- tout salarié qui, au cours d'une année, a accompli au moins 270 heures de travail effectif dans la période définie au point 1, selon les modalités précisées par accord paritaire national.
Les salariés ainsi définis effectuent un travail de nuit, mentionné comme tel dans le contrat de travail, conformément aux articles 2.03 et 4.02 de la présente convention collective, qui imposent la mention de l'organisation du travail dans le contrat de travail.
4. Durée d'activité du travailleur de nuit
La durée maximale quotidienne du travail des travailleurs de nuit ne peut excéder 8 heures effectuées dans ou hors la période définie au point 1, et la durée moyenne hebdomadaire, calculée sur une période quelconque de 12 semaines consécutives, ne peut excéder 40 heures.
5. Contreparties en repos pour le travailleur de nuit
Le travailleur de nuit bénéficie, en plus des pauses et des repos journaliers visés à l'article 1.10 a :
- d'un repos compensateur fixé à 1,66 % au titre de chaque heure effectuée pendant la période définie au point 1 ; ce repos sera pris dans les conditions prévues aux articles L. 3121-28, L. 3121-29, L. 3121-30, D. 3121-7 et suivants et D. 3171-11 et D. 3171-12 du code du travail ;
- dans le cas d'une durée quotidienne supérieure à 8 heures en application d'une dérogation visée au point 4, d'un temps de repos équivalent au temps du dépassement, qui s'ajoute au repos journalier de 11 heures dans les conditions prévues par l'article 1.10 (a et e) ; dans le cas où l'octroi de ce repos n'est pas possible dans ces conditions pour des motifs impérieux de service, un repos équivalent aux dépassements cumulés sur 2 mois sera pris au terme de ces 2 mois.
La pause d'au moins 30 minutes interrompant obligatoirement tout poste de travail d'au moins 6 heures, qui permet au travailleur de nuit de se détendre et de se restaurer, ne peut être fractionnée pour raison de service. Cette pause est assimilée à du temps de travail effectif et rémunérée comme tel si le salarié doit rester pendant ce temps à la disposition du client, même si le passage de ce dernier reste improbable.
6. Contreparties salariales pour le travailleur de nuit
Une indemnité de panier, dont le montant est fixé par l'annexe "Salaires minima", est due à tout travailleur de nuit ayant travaillé au moins 2 heures dans la période définie au point 1 ; cette indemnité peut être affectée au compte épargne-temps.
La rémunération mensuelle du travailleur de nuit, mentionnée au contrat de travail, doit tenir compte des conditions particulières de ce travail. Ainsi, chaque heure de travail effectuée au cours de la plage horaire définie au point 1 ouvre droit à une majoration égale à 10 % du minimum conventionnel mensuel applicable au salarié divisé par 151,66. Pour vérifier si le salarié a bénéficié de cette majoration, il sera tenu compte des avantages salariaux autres que ceux définis ci-après, dès lors qu'ils sont versés au titre du travail de nuit dans le cadre du mois en cours, quelle qu'en soit la dénomination et même s'ils sont intégrés au salaire de base. Ne sont pas prises en compte pour cette vérification les primes et sommes exclues de la vérification des salaires minima, citées par l'article 1.16 a, ainsi que les éventuelles primes d'astreinte et de salissure.'
En l'espèce, contrairement à ce que soutient le salarié, l'examen approfondi de ses bulletins de salaire sur la période de janvier 2016 à septembre 2017 établit que M. [L]-[I] était rémunéré conformément aux dispositions conventionnelles.
En effet, cette analyse montre qu'il était rémunéré de l'intégralité de ses heures de présence sur son lieu de travail, en ce compris son temps de pause de 30 minutes assimilé à du temps de travail effectif, dans la mesure où il n'est pas contesté que le salarié, seul dans la station service, devait rester pendant sa pause à disposition du client, même si la fréquentation rendait un tel passage peu probable, qu'il bénéficiait en sus d'un complément 'heures de nuit' à concurrence de 10 % de son salaire de base correspondant au salaire minimum conventionnel, ainsi que de repos compensateurs calculés conformément au point 5 sus-cité et d'une prime de paniers.
La critique émise par M. [L]-[I] est donc vaine.
Néanmoins, afin de tenir compte de la revalorisation de son salaire minimum à l'échelon 3 retenue, il convient d'infirmer le jugement entrepris et de faire partiellement droit à la demande de M. [L]-[I] en lui accordant au titre du rappel de salaire pour majoration des heures de nuit une somme de 31,91 euros (10 % x 319,12 euros), outre les congés payés y afférents de 10 %, étant précisé que le salarié ne présente aucune demande au titre des repos compensateurs.
I - c) Sur les indemnités journalières et la prévoyance
Il résulte des motifs adoptés précédemment qu'en moyenne, M. [L]-[I] a subi un manque à gagner sur sa rémunération de l'ordre de 16 euros par mois. Il est incontestable que cette situation a eu des conséquences sur le calcul du montant de ses indemnités journalières lors de son arrêt de travail d'une durée de 15 mois. Ce préjudice sera équitablement réparé par l'allocation d'une somme de 120 euros, le jugement étant infirmé sur ce point.
Par ailleurs, M. [L]-[I] soutient que son employeur n'a pas assumé son obligation de maintien de salaire à compter du 30 juin 2018, puisqu'il n'a pas fait le nécessaire pour percevoir les indemnités que l'IRP Auto, organisme de prévoyance, devait verser à l'employeur à charge pour ce dernier de les reverser au salarié après déduction des charges sociales.
Alors qu'il résulte des courriers adressés à M. [L]-[I] que si la garantie prévoyance souscrite auprès d'IRP Auto prévoit dans un premier temps le versement d'indemnités complémentaires directement au salarié, à partir de six mois d'arrêt maladie par année civile, il est mis en place un système indirect de versement des indemnités complémentaires à l'employeur à charge pour ce dernier de les reverser au salarié. Or, les bulletins de salaire émis sur la période de juin à novembre 2018 montrent que M. [L]-[I] n'a rien perçu à ce titre de la part de son employeur.
La société SIGESS-CLD soutient que cette situation est imputable au salarié qui n'a pas transmis ses relevés d'indemnités journalières. Toutefois, non seulement cette affirmation est contestée par M. [L]-[I], mais, de plus, l'employeur ne justifie d'aucune démarche active en ce sens. De surcroît, les courriers adressés par l'IRP Auto à la fois au salarié et à l'employeur établissent que la société SIGESS-CLD n'a jamais rien perçu de la part de l'organisme de prévoyance à cause de son inertie, puisqu'en février 2021, l'IRP Auto signalait qu'il était toujours en attente du RIB de la société SIGESS-CLD pour lui reverser les indemnités complémentaires dues à M. [L]-[I].
Au vu de ces éléments qui établissent de manière incontestable un manquement de l'employeur, c'est à juste titre que le salarié sollicite une indemnisation de son préjudice. Eu égard au montant mensuel moyen de son salaire et au plafond de la garantie complémentaire due au salarié, qui contrairement à ce qu'il soutient, ne peut être équivalent à un maintien à 100 % de son salaire, indemnités journalières de la caisse primaire d'assurance maladie comprises s'agissant d'un arrêt maladie de longue durée supérieure à six mois, les dommages et intérêts seront justement évalués à la somme de 2 000 euros.
I - d ) Sur l'exécution défectueuse du contrat de travail
M. [L]-[I] fait valoir que 'l'absence totale de pause, d'aménagement du poste de travail de nature à permettre cette dernière et le non respect des sommes dues en exécution du contrat entraînent en soi un préjudice spécifique qui doit être distingué du strict manque à gagner, de sorte que M. [L] est bien fondé à en solliciter réparation à hauteur de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.'
Toutefois, en l'absence de toute explication et de tout justificatif déterminant la nature du préjudice spécifique allégué et caractérisant un préjudice distinct demeuré non indemnisé, et a fortiori son caractère direct et certain avec les manquements de l'employeur quant à l'application du salaire minimum conventionnel de l'échelon 3 et au maintien de salaire après le 30 juin 2018, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [L]-[I] de sa demande à ce titre.
II - Sur les demandes au titre de la rupture du contrat de travail
II - a) Sur l'origine de l'inaptitude
Outre l'exécution défectueuse dénoncée ci-dessus, M. [L]-[I] évoque les conditions d'exercice précaire de son poste de travail, dans un contexte exposé aux incivilités, voire à l'insécurité sans aucun soutien, situation qu'il estime directement à l'origine de la dégradation de son état de santé et de son inaptitude, relevant que celle ci ayant été prononcée 'pour tout poste de l'entreprise', elle a nécessairement pour origine des défaillances de son employeur et une violation de l'obligation de sécurité.
Il convient de relever qu'alors que M. [L]-[I] a été placé en arrêt maladie à partir du 7 octobre 2017, il ne produit aucun élément établissant ses conditions de travail antérieures à cette date. Notamment, il n'est justifié d'aucune plainte auprès de son employeur, d'aucune demande particulière. Les seuls courriers adressés par M. [L]-[I] à son employeur produits aux débats ont été rédigés au moment de son licenciement entre octobre et novembre 2018, soit près d'un an après le début de son arrêt maladie, et ne contiennent aucunement mention de plaintes sur les conditions de travail. En revanche, ils établissent qu'à la suite de sa demande de rupture conventionnelle présentée au mois d'octobre 2018 mais refusée par l'employeur, M. [L]-[I] a sollicité une visite de reprise auprès du médecin du travail qui a abouti à une déclaration d'inaptitude.
A l'inverse, la société SIGESS-CLD justifie que son salarié a bénéficié de visites médicales de prévention régulières au cours desquelles il n'a jamais fait la moindre remarque sur ses conditions de travail sur la période antérieure au 7 octobre 2017.
Par ailleurs, certes, les échanges produits aux débats par l'employeur établissent que M. [L]-[I] a tenté de faire qualifier son arrêt maladie du 7 octobre 2017 en accident du travail. Cependant, la caisse primaire d'assurance maladie a rejeté cette demande et le salarié n'a pas fait de recours contre cette décision.
Enfin, pour tenter d'établir le caractère professionnel de son inaptitude, M. [L]-[I] produit aux débats une attestation du médecin du travail établie le 15 janvier 2019, soit postérieurement à son licenciement, qui se contente de relater les déclarations du salarié et un certificat d'un psychiatre qui indique le suivre depuis mars 2018, soit 5 mois après le début de son arrêt maladie, pour une symptomatologie anxio-dépressive sévère, qui serait, selon les déclarations du patient, liée à ses conditions de travail. Cette attestation, uniquement fondée sur les seuls propos du salarié, au demeurant manifestement erronée, puisqu'alors qu'elle est établie le 10 septembre 2018, elle évoque une instance prud'homale en cours, instance qui ne sera introduite que six mois plus tard en mars 2019, n'a aucune valeur probante.
Aucun lien de causalité n'étant établi entre l'inaptitude de M. [L]-[I] et ses conditions de travail, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de ses demandes à ce titre.
II - b) Sur la régularité de la procédure de licenciement
Selon l'article L. 1235-2 du code du travail, lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d'un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L. 1232-2, L. 1232-3, L. 1232-4, L. 1233-11, L. 1233-12 et L. 1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.
En l'espèce, M. [L]-[I] fait valoir à ce titre qu'aucun entretien préalable n'a jamais été organisé et qu'il n'a jamais reçu sa lettre de licenciement.
Alors que le salarié ne produit aux débats aucune pièce établissant la véracité de cette allégation, la société SIGESS-CLD verse, de son côté, la convocation à entretien préalable du 7 décembre 2018 adressée par lettre simple et lettre recommandée retirée par le salarié le 8 décembre 2018, la lettre de licenciement du 21 décembre 2018 mentionnant que M. [L]-[I] n'était pas présent à l'entretien, adressée par lettre simple et lettre recommandée délivrée à M. [L]-[I] le 31 décembre 2018. En outre, le salarié produit lui-même ses documents de fin de contrat établis le 28 décembre 2018, ainsi que l'attestation de l'ouverture de ses droits à Pôle Emploi démontrant que la procédure de licenciement a, contrairement à ce qu'il soutient, parfaitement été respectée par son employeur.
Le jugement est donc confirmé sur ce point.
III - Sur les dépens et frais irrépétibles
En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner la société SIGESS-CLD aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à M. [L]-[I] la somme de 1 500 euros sur ce même fondement pour les frais générés tant en première instance qu'en cause d'appel et non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. [Z] [L]-[I] de ses demandes de rappels de salaire pour application de l'échelon 3 et majoration du travail de nuit, de dommages et intérêts au titre de la perception des indemnités journalières et du manquement à l'obligation de maintien de salaire conformément au régime de prévoyance, ainsi que de sa demande au titre des frais irrépétibles et des dépens ;
L'infirme dans ces limites ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la SARL SIGESS-CLD à payer à M. [Z] [L]-[I] les sommes suivantes :
rappel de salaire de janvier 2016 à septembre 2017 inclus au titre de la classification à l'échelon 3 : 319,12 euros, outre la somme de 31,91 euros au titre des congés payés afférents,
rappel de salaire de janvier 2016 à septembre 2017 inclus au titre de la majoration pour travail de nuit : 31,91 euros outre la somme de 3,19 euros au titre des congés payés afférents,
dommages et intérêts pour perte d'indemnités journalières : 120 euros,
dommages et intérêts pour perte d'indemnités complémentaires prévoyance : 2 000 euros,
Condamne la SARL SIGESS-CLD aux entiers dépens de première d'instance et d'appel ;
Déboute la SARL SIGESS-CLD de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL SIGESS-CLD à payer à M. [Z] [L]-[I] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais générés en première instance et en cause d'appel.
La greffière La présidente