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08/03/2023 | FRANCE | N°23/00001

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre premier président, 08 mars 2023, 23/00001


N° RG 23/00001 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JIEA





COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ



DU 8 MARS 2023











DÉCISION CONCERNÉE :



Décision rendue par le tribunal judiciaire d'Evreux en date du 15 novembre 2022







DEMANDERESSE :



Sasu APB IMMOBILIER

exerçant sous le nom commercial STEPHANE PLAZZA IMMOBILIER

RCS Evreux 839 209 681

[Adresse 4]

[Localité 2]
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représentée par Me Hélène SEGURA, avocat au barreau de l'Eure







DÉFENDERESSE :



Madame [T] [R] épouse [R]

née le 19 mars 1969 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par Me Delphine HUAN-PINCON, av...

N° RG 23/00001 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JIEA

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 8 MARS 2023

DÉCISION CONCERNÉE :

Décision rendue par le tribunal judiciaire d'Evreux en date du 15 novembre 2022

DEMANDERESSE :

Sasu APB IMMOBILIER

exerçant sous le nom commercial STEPHANE PLAZZA IMMOBILIER

RCS Evreux 839 209 681

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Hélène SEGURA, avocat au barreau de l'Eure

DÉFENDERESSE :

Madame [T] [R] épouse [R]

née le 19 mars 1969 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Delphine HUAN-PINCON, avocat au barreau de l'Eure plaidant par Me Oriane STURBOIS

DÉBATS  :

En salle des référés, à l'audience publique du 8 février 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 8 mars 2023, devant Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont attribuées,

Assistée de Mme Catherine CHEVALIER, greffier,

DÉCISION :

Contradictoire

prononcée publiquement le 8 mars 2023, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signée par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*****

Le 21 avril 2020, Mme [T] [N] épouse [R] a conclu un contrat d'agent commercial immobilier avec la Sasu Apb immobilier, contrat rompu par l'agent par lettre du 9 mars 2022.

Se plaignant de manquements à ses obligations de loyauté et d'information de la part de la société, Mme [R] l'a assignée par acte d'huissier du 12 mai 2022 en réparation des dommages subis.

Par jugement réputé contradictoire du 15 novembre 2022, le tribunal judiciaire d'Evreux a :

- condamné la Sasu Apb immobilier à payer à Mme [T] [R] la somme de 43 5248,41 euros au titre de l'indemnité compensatrice,

- condamné la Sasu Apb immobilier aux dépens,

- condamné la Sasu Apb immobilier à payer à Mme [T] [R] la somme de

1 500 euros au titre de l'article du code de procédure civile,

- rappelé l'exécution provisoire de la décision.

Par déclaration reçue au greffe le 27 décembre 2022, la Sasu Apb immobilier a formé appel du jugement.

Par acte d'huissier du 5 janvier 2023, elle a fait assigner en référé Mme [T] [R] afin d'obtenir :

à titre principal,

- l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement entrepris,

à titre subsidiaire,

- l'aménagement de l'exécution provisoire attachée au jugement entrepris en autorisant la consignation des sommes entre les mains du bâtonnier du barreau d'Evreux ou de tout autre séquestre à désigner,

en tout état de cause,

- la condamnation de chacune des parties à supporter les frais inhérents à l'instance.

Elle précise en premier lieu, que Mme [R] a fait pratiquer une saisie-attribution sur son compte bancaire qu'elle entend contester devant le juge de l'exécution.

Au visa des articles 514 à 523 du code de procédure civile, elle soutient essentiellement qu'il existe :

- des moyens sérieux de réformation du jugement.

Après avoir rappelé les dispositions particulières applicables à l'agent commercial, elle fait valoir qu'en aucun cas, la rupture initiée par Mme [R] ne peut lui être imputée alors qu'il est établi que l'agent n'effectuait pas correctement ses prestations sans que la société ne provoque la rupture du contrat. En outre, le montant alloué à Mme [R] est discutable dans la mesure où l'agent doit démontrer l'existence du préjudice subi et fournir les éléments permettant son évaluation. Elle reprend la chronologie des faits pour décrire la dégradation des relations professionnelles entre les parties à partir des premiers griefs formulés quant à la qualité du travail fourni par Mme [R] et conteste les manquements qui lui sont reprochés.

Elle ajoute que la juridiction ne s'est pas interrogée sur les modalités de calcul de l'indemnité alors qu'il n'existe aucune disposition impérative en la matière et s'est bornée à retenir deux années pleines de commission en écrivant que Mme [R] avait perçu 'la somme de 43 528,41 euros entre avril 2020 et mars 2022, les mois d'avril 2020 et mars 2022 seront considérés comme des mois pleins, soit une durée totale de 24 mois.' pour retenir ce montant. Elle conteste la somme retenue au regard d'une méthode inapplicable en l'espèce.

- un risque de conséquences manifestement excessives

Elle expose à ce titre qu'elle est une entreprise récente, créée en avril 2018 et fonctionnant depuis deux ans en raison de la crise sanitaire ; que la présidente de la société a connu des problèmes de santé graves obérant son activité de janvier 2021 à mai 2022 sans pour autant être dans un état consolidé ; que le bilan prévisionnel de l'année 2022 fait apparaître un résultat largement déficitaire de ' 32 373 euros alors que la société doit rembourser quatre crédits professionnels pour un reliquat dû de

90 958,27 euros et ne peut faire face au paiement de la condamnation. Elle ajoute qu'elle craint le défaut de remboursement de la somme versée dans l'hypothèse d'une infirmation de la décision critiquée.

A titre subsidiaire, elle sollicite l'autorisation de consigner les sommes dans des conditions qui ne doivent pas répondre aux mêmes critères que l'arrêt de l'exécution provisoire.

Par dernières conclusions notifiées le 7 février 2023, Mme [T] [R] demande, au visa des articles 514-3, 521 et 700 du code de procédure civile, R. 134-1, L. 134-4, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce, de :

- débouter la Sasu Apb immobilier de ses demandes,

- condamner la Sasu Apb immobilier à lui payer la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance, y compris les frais éventuels d'exécution forcée.

Elle souligne essentiellement l'absence de moyens sérieux de réformation de la décision entreprise

- au regard de la jurisprudence développée lorsque le mandant ne permet pas à l'agent commercial d'exercer son mandat et manque à ses obligations de loyauté et d'information justifiant ainsi une rupture du contrat aux torts du mandant,

- au regard des faits de l'espèce qui établissent les manquements de la Sasu Apb immobilier à son égard, et notamment la privation des équipements lui permettant de travailler, la captation de ses clients lors d'absences de courtes durée de sa part.

Elle rappelle qu'un seul courriel lui a été adressé pour critiquer une prestation, celui du 23 février 2022 constituant en réalité une réponse à la correspondance qu'elle avait envoyée à la société le 18 février 2022.

Elle rappelle les termes de l'article L. 134-12 du code de commerce qui fixe le principe de son droit à une indemnité compensatrice, le tribunal prenant le soin d'évaluer l'ampleur de son préjudice pour arrêter son indemnisation à un montant juste.

Quant aux risques générés par l'exécution provisoire de la décision, elle conteste la situation décrite de la société en rappelant que le secteur immobilier a bénéficié après la crise sanitaire d'une embellie importante en 2021 ; que l'accident de la route et les problèmes de santé de la dirigeante de la société ne peuvent être retenus sans éléments probatoires sur le sort de l'agence immobilière alors qu'elle n'était pas la seule à travailler pour l'agence ; que la Sasu Apb immobilier ne verse aucun document comptable lisible, aucun élément clair sur ses comptes professionnels de nature à démontrer la réalité des difficultés alléguées. En toute hypothèse, des résultats bancaires sur deux jours sont insuffisants. Au contraire, l'activité florissante de l'agence est relayée sur les réseaux sociaux.

Quant aux garanties de remboursement des fonds mises en cause, elle présente des garanties de solvabilité puisqu'elle travaille en qualité d'agent commercial pour une autre société et que son mari est le dirigeant de différentes sociétés, le couple étant propriétaire de sa maison d'habitation.

Elle n'entend pas qu'il soit fait droit, référence faite au pouvoir discrétionnaire de la juridiction, à la demande de consignation du montant de la condamnation.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 8 février 2023.

MOTIFS

En application de l'article 514-1 du code de procédure civile, en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

Ces conditions sont cumulatives.

La Sasu Apb immobilier a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés auprès du greffe du tribunal de commerce d'Evreux le 15 mai 2018, Mme [D] [L] en étant la présidente.

Pour démontrer l'existence de conséquences manifestement excessives qu'auraient l'exécution du jugement critiqué, elle ne verse que quatre pièces :

- une page de 'soldes intermédiaires de gestion' éditée le 18 novembre 2022,

- une page de relevés des comptes professionnels ouverts auprès de la Sa Bnp Paribas non datée portant le solde de deux comptes bancaires et quatre crédits professionnels,

- une page de relevés des comptes personnels de la dirigeante ouverts auprès de la Sa Bnp Paribas du 23 décembre 2022,

- le relevé des opérations effectuées sur un compte du 19 au 21 décembre 2022 faisant apparaître la saisie-attribution pratiquée le 20 décembre 2022 à hauteur de

11 078,21 euros.

Ces seuls éléments sont insuffisants pour permettre à la juridiction d'apprécier la surface financière de la Sasu Apb immobilier et ses capacités de paiement de la condamnation prononcée.

Alors que la société se prévaut d'un résultat déficitaire prévisionnel en 2022, il convient notamment de relever, avec la réserve relative à un arrêt d'information au 18 novembre 2022 sur les comptes intermédiaires et non certifiés, que malgré une baisse de chiffre d'affaires soit 493 618 euros au 18 novembre 2022 au lieu de 531 669 euros en 2021, la charge de salaires et traitements a été amplement majorée pour passer d'un montant de 167 991 euros en 2021 à 238 309 euros au 18 novembre 2022 soit + 70 318 euros alors que l'équivalent de deux mois de salaires n'a pas encore été imputé sur les comptes.

La société ne fournit aucune explication sur ces comptes qui paraissent en l'état peu fiables.

Les charges essentielles ne sont pas justifiées par la production notamment des contrats de travail et des contrats de crédit allégués, ne serait-ce que pour vérifier la durée de l'engagement et sa portée actuelle.

L'absence de trésorerie durant deux jours en décembre 2022 et notamment par l'effet de la saisie-attribution n'est pas significative pour qualifier l'impossibilité totale d'exécuter la décision critiquée.

Faute de démontrer les conséquences manifestement excessives qu'emporterait l'exécution provisoire, la Sasu Apb immobilier ne peut prétendre à l'arrêt de l'exécution provisoire.

Selon l'article 521 du code de procédure civile, la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation.

Il n'existe en l'espèce aucune raison objective d'ordonner la consignation des sommes dues, particulièrement au regard de la solvabilité de Mme [R], propriétaire de son immeuble d'habitation et disposant avec son mari de revenus annuels supérieurs à 80 000 euros.

La demande est rejetée.

Partie succombante, la Sasu Apb immobilier supportera les dépens de l'instance.

L'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

statuant par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe,

Déboute la Sasu Apb immobilier de ses demandes d'arrêt de l'exécution provisoire et de consignation du montant de la condamnation prononcée le 15 novembre 2022 par le tribunal judiciaire d'Evreux,

Déboute Mme [T] [R] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Sasu Apb immobilier aux dépens.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre premier président
Numéro d'arrêt : 23/00001
Date de la décision : 08/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-08;23.00001 ?
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