N° RG 22/00341 - N° Portalis DBV2-V-B7G-I7WY
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 8 MARS 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
19/01503
Tribunal judiciaire d'Evreux du 21 décembre 2021
APPELANTE :
SC SEMINARA
RCS d'Evreux 440 351 948
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Quentin ANDRE de la SCP BARON COSSE ANDRE, avocat au barreau de l'Eure
INTIMES :
Monsieur [M] [Y]
né le [Date naissance 6] 1988 à [Localité 11]
[Adresse 7]
[Localité 4]
représenté et assisté par Me Mylène ZELKO, avocat au barreau de l'Eure
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/001924 du 15/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)
SA MAAF ASSURANCES
RCS de Niort B542 073 580
[Adresse 10]
[Localité 9]
représentée et assistée par Me Laurent SPAGNOL de la SCP SPAGNOL DESLANDES MELO, avocat au barreau de l'Eure plaidant par Me DEZELLUS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 4 janvier 2023 sans opposition des avocats devant M. Jean-François MELLET, conseiller, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre
M. Jean-François MELLET, conseiller
Mme Magali DEGUETTE, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER,
DEBATS :
A l'audience publique du 4 janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 8 mars 2023.
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 8 mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
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* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La Sc Seminara est propriétaire d'un terrain à [Adresse 12], cadastré section AT n°[Cadastre 8], sur lequel est édifié un immeuble à usage d'habitation comprenant plusieurs appartements.
M. [M] [Y], assuré par la Maaf, est propriétaire d'un immeuble implanté sur le terrain contigü, pour l'avoir reçu dans la succession de son père,
M. [C] [T], décédé le [Date décès 5] 2012.
Expliquant que le bâtiment voisin était en ruine et que l'absence de toiture générait des infiltrations dans son bien, la Sc Seminara a fait assigner, par acte du 1er juin 2018, M. [M] [Y] devant le président du tribunal de grande instance d'Evreux statuant en référé aux fins de voir ordonner une expertise.
Par ordonnance du 5 septembre 2018, le juge des référés a fait droit à cette demande et l'expert a établi son rapport les 6 et 25 février 2019.
Par acte du 24 avril 2019, la Sc Seminara, a fait assigner M. [M] [Y] devant le tribunal judiciaire d'Evreux aux fins de le voir condamner à réparer ses préjudices.
Dans ce cadre, M. [M] [Y] a sollicité du juge de la mise en état que soit ordonnée une nouvelle expertise. Par ordonnance du 4 novembre 2019, ce juge a ordonné un complément d'expertise afin de déterminer si l'absence de gouttière sur le bâtiment de Seminara pouvait avoir une incidence sur l'importance des infiltrations.
L'expert a déposé son rapport complémentaire le 11 décembre 2020.
Par jugement du 21 décembre 2021, le tribunal judiciaire d'Evreux a déclaré irrecevables les demandes de la Sc Seminara et l'a condamnée à payer à M. [M] [Y] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, en ce compris les dépens de l'instance en référé dont le coût de l'expertise judiciaire, et autorisé la Scp Spagnol Deslandes Melo conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, à recouvrer directement, contre la partie condamnée, ceux des dépens dont il a fait l'avance sans en avoir recu provision.
Par déclaration reçue au greffe le 28 janvier 2022, la Sc Seminara a interjeté appel de la décision.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 9 décembre 2022, la Sc Seminara demande à la cour d'appel de réformer le jugement, en ce qu'il a déclaré prescrite l'action mise en 'uvre par la Sc Seminara à l'encontre de M. [M] [Y], et de :
- déclarer M. [M] [Y], en sa qualité de propriétaire de la parcelle de terrain située commune de [Localité 11], cadastrée section AT n°[Cadastre 2], entièrement responsable des dommages causés à l'immeuble appartenant à la société Seminara, situé même commune, cadastré section AT n°[Cadastre 8],
- condamner M. [M] [Y] à payer les sommes suivantes à la société Seminara :
. 10 686,50 euros TTC, au titre des travaux extérieurs,
. 10 945 euros TTC au titre des doublages et protections intérieures,
. 3 950 euros au titre de l'enlèvement des végétaux,
. 28 220 euros, somme arrêtée au 31 décembre 2020, au titre des pertes de loyer,
outre une somme mensuelle de 445 euros à compter du 1er janvier 2021 jusqu'à la date de perception effective de l'indemnisation de son préjudice matériel,
- condamner M. [M] [Y] au paiement des intérêts au taux légal sur lesdites sommes, à compter de la date de délivrance de l'assignation,
- autoriser les entreprises mandatées par la Sc Seminara à pénétrer sur la parcelle appartenant à M. [M] [Y] cadastrée section AT n°[Cadastre 2], afin de procéder aux travaux de protection du pignon, et d'enlèvement des végétaux,
- condamner M. [M] [Y] à payer à la Sc Seminara la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles qu'il a engagés en première instance,
- condamner M. [M] [Y] à payer à la Sc Seminara la somme de
4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles en cause d'appel,
- condamner M. [Y] aux entiers dépens de première instance et d'appel, comprenant les honoraires de l'expert judiciaire,
- débouter M. [Y] de sa demande tendant à la condamnation de la Sc Seminara au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient en substance ce qui suit :
- le tribunal a retenu, comme point de départ du délai de prescription, la date du décès de M. [C] [T], alors que la prescription n'a pas pu courir à raison de l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la force majeure ;
- la date à laquelle le titulaire de l'action a eu connaissance de l'identité des héritiers marque le point de départ du délai de prescription ;
- l'acte de notoriété dressé par le notaire en charge de la succession n'est pas rendu public et il ne donne d'informations aux tiers, quant à la propriété des immeubles, qu'au moment où l'acte est transcrit auprès des services de la publicité foncière ;
- dès lors que le lieu et la date de naissance de l'intéressé lui étaient inconnus, il ne pouvait entreprendre aucune démarche ;
- M. [Y] n'est devenu seul propriétaire du bien litigieux que par un acte de cession de droits indivis intervenu à titre de licitation, établi le 27 avril 2018, notaire à [Localité 11], qui n'a été publié que le 7 mai 2018 ;
- les dommages liés aux infiltrations perdurent compte tenu de l'absence de travaux réalisés et s'aggravent avec le temps ;
- le bâtiment de M. [Y] est totalement dépourvu de toiture et il doit être déclaré responsable de l'intégralité des conséquences dommageables qui en découlent, sur le fondement de l'article 1244 du code civil, ou subsidiairement, sur le fondement de la responsabilité délictuelle pour trouble anormal de voisinage.
Par dernières conclusions notifiées le 8 décembre 2022, M. [Y] demande à la cour d'appel, au visa des articles 2224 du code civil et 1244 du même code, de :
à titre liminaire,
- déclarer la demande de la Sc Seminara, tendant au rejet de la fin de non-recevoir tirée de la prescription, irrecevable comme constituant une demande nouvelle, en conséquence, la débouter de l'intégralité de ses demandes,
à titre principal,
- confirmer, en toutes ses dispositions, le jugement ;
y ajoutant,
- condamner la Sc Seminara à lui régler la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
- condamner la Sc Seminara aux entiers dépens de l'instance en référé (en ce compris le coût de l'expertise), de première instance et d'appel ;
à titre subsidiaire,
- débouter la Sc Seminara de l'intégralité de ses demandes ;
à titre très subsidiaire,
- limiter la période de responsabilité de M. [Y] à compter du 27 avril 2018 ;
- juger la Sc Seminara en partie responsable des désordres ;
en conséquence, la débouter de l'intégralité de ses demandes ;
- limiter le coût des travaux à la charge de M. [Y] à 749,90 euros HT ;
- débouter la Sc Seminara du surplus de ses demandes ;
- condamner la Maaf Assurances à garantir M. [Y] des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ; le cas échéant, condamner la Maaf à verser des dommages et intérêts à M. [Y] à hauteur des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;
- débouter la Maaf de l'intégralité de ses demandes ;
- condamner la Sc Seminara à verser à M. [Y] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
- condamner la Sc Seminara aux entiers dépens de l'instance de l'instance en référé (en ce compris le coût de l'expertise), de première instance et d'appel.
Il soutient en substance ce qui suit :
- la Sc Seminara ne s'est pas défendue en première instance quant au moyen tiré de la prescription de ses demandes ;
- sa contestation de cette fin de non-recevoir doit donc être regardée comme constituant une demande nouvelle et ne pourra qu'être déclarée irrecevable ;
- du vivant de M. [T], la Sc Seminara se plaignait déjà de l'état de vétusté de la propriété de son voisin et de l'apparition de moisissure ;
- l'assignation en référé n'a été délivrée que le 1er juin 2018, soit au-delà du délai de 5 ans ;
- la Sc Seminara ne justifie d'aucune diligence pour identifier le notaire en charge de la succession de M. [T] ou encore ses héritiers ;
- le créancier d'une personne décédée peut, pour déterminer le notaire en charge de la succession entreprendre plusieurs démarches ;
- Me [Z] a établi un acte de notoriété dès le 11 mai 2013, et il est expressément mentionné sur l'acte de décès de M. [T] ;
- les copies intégrales des actes de décès peuvent être délivrées à toute personne ;
- l'action fondée sur le trouble anormal de voisinage se prescrit par cinq ans à compter de la première manifestation du trouble ;
- pour bénéficier du report du point de départ de la prescription, encore faudrait-il que la Sc Seminara démontre une aggravation des désordres, ce qu'elle ne fait pas ;
- la ruine suppose un mouvement de chute, et la Sc Seminara n'apporte la preuve d'aucun mouvement, ni d'aucun rôle actif du bâtiment ;
- la Sc Seminara est responsable d'une partie des désordres dont elle se plaint, notamment du fait de l'absence de gouttière sur sa propriété, qui est la cause de l'apparition des moisissures dans la salle de bains de l'appartement situé au 2ème étage ;
- en application de l'article 681du code civil, le propriétaire doit établir des toits de manière à ce que les eaux pluviales s'écoulent sur son terrain ou sur la voie publique.
Par dernières conclusions notifiées le 20 mai 2022, la Maaf demande à la cour d'appel, au visa de l'article 1964 du code civil, de :
à titre principal,
- confirmer le jugement, débouter les parties adverses de leurs demandes,
- débouter M. [Y] et au besoin la Sc Seminara de l'intégralité de leurs demandes à son encontre ;
à titre subsidiaire, au visa de l'article L.113-1 du code des assurances,
- débouter M. [Y] et au besoin la Sc Seminara de l'intégralité de leurs demandes à son encontre ;
à titre très subsidiaire, au visa de l'article 1134 du code civil,
- débouter M. [Y] de son appel en garantie au titre des travaux de réparation ;
- débouter la Sc Seminara, et en conséquence M. [Y] de son appel en garantie, au titre du préjudice locatif ;
- débouter la Sc Seminara, et en conséquence M. [Y] de son appel en garantie, au titre des travaux d'enlèvement des végétaux ;
plus subsidiairement encore, au visa de l'article L.112-6 du code des assurances,
- déclarer la société Maaf assurances bien fondée à opposer sa franchise contractuelle ;
- déclarer qu'en tout état de cause, la société Maaf assurances ne saurait être tenue que dans la limite de son contrat et sous réserve des franchises opposables, après revalorisation ;
en tout état de cause,
- condamner M. [Y], ou tout succombant, à lui payer une somme de
3 500 euros en couverture de ses frais irrépétibles ;
- condamner M. [Y] ou tout succombant aux entiers dépens de référé, de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, avec droit de recouvrement direct au profit de la Scp Spagnol Deslandes Melo en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Elle soutient en substance que son assuré doit prouver qu'il est bien couvert au regard des termes de la police ; qu'elle ne peut être tenue des dommages antérieurs au 27 avril 2018, date de résiliation de la police ; qu'elle ne saurait couvrir les dommages à raison de l'absence d'aléa lié à l'état de ruine du bien et qu'en toute hypothèse, la faute intentionnelle de l'assuré exclut toute prise en charge, en application de l'article L. 113-1 du code des assurances.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 décembre 2022.
MOTIFS
Sur la prescription de l'action en responsablité extraconctractuelle
Selon l'article 2224 du code civile, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Le tribunal a rappelé les termes de ce texte dont aucune des parties ne conteste l'application.
Il a relevé que la Sc Seminara, dans son courrier du 18 mars 2018, avait reconnu avoir eu connaissance des moisissures causées par les infiltrations alléguées, et ce avant le décès de M. [T], intervenu le [Date décès 5] 2012, soit plus de 5 ans avant l'acte introductif d'instance le 1er juin 2018.
En appel, la Sc Seminara fait valoir que la prescription ne serait pas acquise à raison d'une part, de l'impossibilité de déterminer l'identité des ayants droit de M. [T] et, d'autre part, de l'aggravation du trouble anormal.
Les articles 564 du code de procédure civile et suivants interdisent aux parties de soumettre à la cour de nouvelles prétentions.
Elles ne leur interdisent pas, en revanche, contrairement à ce que fait plaider l'intimé, de soumettre à la cour de nouveaux moyens de défense. Le fait que la Sc Seminara n'a pas défendu à la fin de non-recevoir soulevée devant le tribunal par M. [Y] ne la rend pas irrecevable à la contester en appel en expliquant que le cours de la prescription a été suspendu par le décès de M. [T].
- L'impossibilité d'agir en raison du décès du propriétaire
En l'occurence, la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.
Il convient de rappeler en premier lieu que selon les conclusions de M. [Y], M. [T] a acquis la propriété de l'immeuble dont l'état est dégradé en 1994. Selon correspondance de l'expert-comptable de la société du 1er février 2019, suivant visa des dates de location du bien, la Sc Seminara est propriétaire de l'immeuble sis à [Localité 11] depuis au moins le 1er juillet 2007.
Cette dernière ne verse aux débats aucune pièce avant rédaction d'un constat dressé par huissier de justice le 27 septembre 2017 qui révèle des traces d'humidité et de moisissures dans différentes pièces de la maison.
Cependant, il ressort du courrier ci-dessus du 18 mars 2018 que la connaissance par la Sc Seminara des désordres est bien antérieure au décès de M. [T], intervenu le [Date décès 5] 2012 : elle y reconnaît en effet lui avoir signalé, à plusieurs reprises, les problèmes d'infiltration rencontrés du fait de la vétusté de sa propriété, qui entraînaient régulièrement des moisissures.
Bien qu'elle reste aujourd'hui taisante sur la date exacte d'apparition des infiltrations, il ressort des termes même de ce courrier que la prescription a commencé à courir plusieurs mois, si ce n'est plusieurs années, avant l'ouverture des opérations successorales le [Date décès 5] 2012. En effet, la Sc Seminara avait déjà eu le temps de se plaindre 'à plusieurs reprises' du problème auprès de M. [T] et donc durant une période large avant son décès.
Le décès de M. [T] n'entraîne pas en tant que tel la suspension de la prescription encourue par l'appelante. Afin de pouvoir opposer la suspension du délai de prescription, la Sc Seminara à la charge d'établir une impossibilité résultant de la loi ou de la force majeure.
La force majeure serait liée à l'impossibilité d'agir contre les ayants droit à raison de l'impossibilité de les identifier.
La Sc Seminara explique avoir découvert l'identité du nouveau propriétaire au cours de l'année 2018. Par deux courriers des 18 et 23 mars 2018, elle a sollicité du notaire en charge de la succession, Me [Z], qui l'a rapidement informé, le 28 avril 2018, que M. [Y] venait seul aux droits de son père, M. [T], à l'issue d'une licitation intervenue entre les héritiers le 27 avril 2018.
Après être restée taisante en première instance, la Sc Seminara fait désormais plaider une impossibilité d'agir entre le [Date décès 5] 2012 et le 28 avril 2018. Le simple fait du décès ne saurait toutefois entraîner automatiquement la suspension de la prescription jusqu'au jour où le créancier indique avoir eu connaissance de la dévolution successorale.
L'appelante n'allègue ni ne démontre aucune démarche, avant le 16 mars 2018, soit pendant plus de 6 ans après le décès, afin de déterminer l'identité de ses voisins, ayants droit de M. [T], par exemple en interrogeant l'autorité municipale, le fichier des dernières volontés, l'administration fiscale, le service de la publicité foncière, la chambre départementale des notaires, un généalogiste ou tout simplement en sollicitant un huissier de justice. M. [Y] démontre d'ailleurs en pièce 18 que le mode opératoire est facilement accessible en ligne sur le site des notaires de France.
La Sc Seminara n'explique pas davantage comment et à quelle date elle a eu connaissance du décès de M. [T] et de la désignation de Me [Z] en qualité de notaire chargé de la succession et de la licitation. Elle ne conteste pas expressément l'affirmation de M. [Y] selon lequel elle connaissait l'identité de ce notaire depuis le décès.
Il est constant que l'acte de notoriété avait été établi dès le 11 mai 2013 par Me [Z] lui-même. L'impossibilité d'agir n'est en réalité caractérisée qu'entre le [Date décès 5] 2012, date du décès, et la fin du mois de mai 2013, au cours duquel l'acte de notoriété a été dressé, après cession de ses droits sur l'immeuble par acte du 27 avril 2018, par la cohéritière de l'intimé.
Le premier acte introductif d'instance est daté du 1er juin 2018, étant précisé que la prescription a commencé à courrir plusieurs mois avant le [Date décès 5] 2012.
Les demandes introduites sur le fondement de l'article 1244 du code civil sont donc prescrites.
- L'existence d'une aggravation du dommage
L'action en responsabilité pour trouble anormal de voisinage constitue une action en responsabilité civile extracontractuelle soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil.
La date à laquelle la victime a eu connaissance du trouble est déterminée souverainement par les juges du fond. Le point de départ de la prescription peut être reporté en cas d'aggravation démontrée du trouble.
M. [Y] soutient que la prescription court à compter de l'apparition initiale du trouble, que la preuve d'une aggravation n'est pas rapportée, et qu'elle serait imputable à la Sc Seminara.
L'appelante soutient qu'elle agit sur le fondement d'un trouble du voisinage ; que la prescription quinquennale ne peut courrir, en cas d'aggravation du trouble, qu'au jour de sa stabilisation, et qu'en l'espèce ' les infiltrations perdurent compte tenu de travaux réalisés et s'aggravent avec le temps, l'expert précisant que les eaux stagnent et s'accumulent entre les murs'.
Pourtant, l'aggravation des troubles ne peut être démontrée du seul fait qu'ils se rattachent à des infiltrations entrainées par la pluie.
L'expert explique certes, en page 15 du rapport déposé le 11 décembre 2020, qu'à 'raison de la présence en bas du mur de la propriété de M. [Y], de plâtres gravats, et d'absence d'évacuation ou de ventiliation en pied de mur, l'eau et l'humidité s'accumulent, pour s'infiltrer en pied de mur en moellon de la Sis Sci Seminara, engendrant des traces d'humidité dans les placards du rez de chaussée '.
Il n'a toutefois constaté aucune aggravation des traces d'humidité à l'intérieur de l'immeuble et n'a pas été interrogé sur ce point. La Sc Seminara ne produit aucune pièce permettant d'objectiver la gravité des infiltrations à l'intérieur de son bien, ni leur évolution, entre leur apparition avant l'année 2012 et le procès-verbal de constat dressé dans les lieux le 27 septembre 2017. Les constats et les photos prises par l'expert en page 10 de son rapport ne traduisent aucune aggravation par rapport aux constats réalisés par l'huissier de justice intervenues trois ans plus tôt, et même plutôt une amélioration. Les traces d'humidité restent d'ailleurs limitées.
A défaut de toute démonstration argumentée de la part de l'appelante, la réalité de l'aggravation n'est pas démontrée, a fortiori au regard du temps écoulé.
La prescription est donc acquise également sur le fondement du trouble du voisinage.
- Le droit des servitudes
Pour échapper à l'application de la fin de non-recevoir, à titre subsidiaire, la Sc Seminara invoque le bénéficie de la prescription extinctive en invoquant outre les dispositions relatives aux troubles anormaux de voisinage, l'article 651 du code civil pour soutenir que le point de départ du délai se situe au jour de la stabilisation du dommage notamment en cas d'aggravation du désordre.
L'article 651 du code civil inséré au chapitre des servitudes établies par la loi dispose que la loi assujettit les propriétaires à différentes obligations l'un à l'égard de l'autre, indépendamment de toute convention.
En droit, l'appelante n'explique pas autrement que par le visa du texte les conditions d'application de ce texte à l'espèce.
En fait, la Sc Seminara ne justifie ni de la naissance des infiltrations et de leur constatation, ni de leur évolution alors qu'il a été précisé ci-dessus qu'elle ne démontrait pas l'aggravation du dommage.
Ce moyen ne peut davantage prospéré.
La décision sera confirmée.
Sur les frais de procédure
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et frais irrépétibles n'appellent pas de critique.
La Sc Seminara succombe et sera condamnée aux dépens d'appel, dont distraction au bénéfice de la Scp Spagnol Deslandes Melo, outre une somme pour frais irrépétibles qu'il est équitable de fixer à 3 000 euros à M. [Y] sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ni l'équité, ni la situation économique des autres parties n'imposent l'application de l'article 700 du code de procédure civile à leur égard.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement en ses dispositions déférées ;
Y ajoutant,
Condamne la Sc Seminara à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros au titre des articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Déboute les parties de leurs autres demandes ;
Condamne la Sc Seminara aux dépens d'appel dont distraction au bénéfice de la Scp Spagnol Deslandes Melo, recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
Le greffier, La présidente de chambre,