N° RG 21/04733 - N° Portalis DBV2-V-B7F-I6RB
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 8 MARS 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
11-21-111
Tribunal de proximité de Bernay du 19 novembre 2021
APPELANTE :
Madame [F] [B] épouse [H]
née le 10 décembre 1964 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée et assistée par Me Armelle LAFONT de la SCP BRULARD - LAFONT - DESROLLES, avocat au barreau de l'Eure
INTIMEE :
Eurl [J] [X]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée et assistée par Me Jérôme VERMONT de la SELARL VERMONT TRESTARD & ASSOCIES, avocat au barreau de Rouen plaidant par Me CHARLIER
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 4 janvier 2023 sans opposition des avocats devant M. Jean-François MELLET, conseiller, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre
M. Jean-François MELLET, conseiller
Mme Magali DEGUETTE, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER,
DEBATS :
A l'audience publique du 4 janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 8 mars 2023.
ARRET :
CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement le 8 mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
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EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par devis n°D19/07-00850 du 3 octobre 2019, Mme [F] [H] née [B] a confié à l'Eurl [J] [X] la réalisation d'une véranda dans la maison dont elle est propriétaire à [Localité 6]. Les travaux ont été exécutés selon facture émise le 10 mars 2020. La totalité de la somme de 16 383,52 euros a été acquittée par le maître de l'ouvrage.
Se plaignant de différents désordres, Mme [H] s'est rapprochée de son assureur de la protection juridique et une expertise a été réalisée contradictoirement le 13 juillet 2020 par la Sas Elex.
Aux termes de cette expertise, l'Eurl [J] [X] s'est engagée à reprendre à ses frais l'ensemble des malfaçons avant la fin de l'année 2020. M. [X] est intervenu le 21 septembre 2020.
Se plaignant de défauts d'isolation persistants, Mme [H] a fait citer, par acte d'huissier du 8 mars 2021, l'Eurl [J] [X] devant le tribunal de proximité de Bernay demandant, au visa de l'article 1792-6 du code civil, de condamner celle-ci à exécuter les travaux nécessaires et à défaut de lui payer la somme de
2 435,06 euros.
Par jugement du 19 novembre 2021, le tribunal de proximité de Bernay l'a déboutée et condamnée aux dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 16 décembre 2021, Mme [H] a interjeté appel de la décision.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 10 mars 2022, l'appelante demande à la cour, au visa des articles 1792-6 du code civil ou subsidiairement 1231-1 du même code, 143 et 144 du code de procédure civile d'infirmer le jugement rendu et en conséquence d'ordonner avant dire droit une expertise judiciaire confiée à tel expert qu'il plaira à la cour de désigner avec mission de :
- se rendre sur les lieux [Adresse 1] ; si nécessaire, en faire la description, au besoin en constituant un album photographique et en dressant des croquis ;
- relever et décrire les désordres et malfaçons allégués expressément dans l'assignation, le rapport du cabinet Elex et le constat de Me [T], ainsi que les non conformités et/ou inachèvements et malfaçons tels que limitativement allégués au regard des documents contractuels liant les parties ;
- en détailler l'origine, les causes et l'étendue ; fournir tous éléments permettant à la juridiction qui sera éventuellement saisie au fond de déterminer à quels intervenants ces désordres, malfaçons et inachèvements sont imputables ;
- indiquer les conséquences de ces désordres, malfaçons et inachèvements quant à la solidité, l'habitabilité, l'esthétique du bâtiment et, plus généralement, quant à l'usage qui peut en être attendu ou quant à la conformité à sa destination ;
- dire si les travaux ont été conduits conformément aux documents contractuels et aux règles de l'art ;
- dire si les matériaux mis en 'uvre et leur qualification thermique étaient adaptés au climat du département de l'Eure ;
- interroger à cet effet le fournisseur des matériaux, la société Gustave Rideau situé à [Adresse 7] ;
- dire si l'Eurl [J] [X] a manqué à son devoir d'information et de conseil ;
- donner son avis sur les solutions appropriées pour remédier à ces désordres, malfaçons et inachèvements, telles que proposées par les parties ; évaluer le coût des travaux utiles à l'aide de devis d'entreprises fournis par les parties ;
- donner son avis sur les préjudices et coûts induits par ces désordres, malfaçons, inachèvements ou non conformités et sur leur évaluation, dès lors que ces demandes sont présentées de manière motivée ;
- rapporter toutes autres constatations utiles à l'examen des prétentions des parties ;
- donner, le cas échéant, son avis sur les comptes entre les parties ;
- dire que pour procéder à sa mission, l'expert devra :
. convoquer les parties et leurs avocats ; entendre les parties, assistées le cas échéant de leurs avocats ; recueillir leurs observations à l'occasion de l'exécution des opérations ou de la tenue des opérations d'expertise ;
. se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera nécessaire l'accomplissement de sa mission et, notamment, s'il le juge nécessaire, définissant le marché, les plans d'exécution et le dossier des ouvrages exécutés, à ce sujet, le demandeur devra remettre sans délai à l'expert copie des pièces justificatives utiles, cependant que les défendeurs devront aussi tôt que possible et au plus tard trois jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, les pièces produites devant être de manière générale numérotées en continu et accompagnées d'un bordereau ;
à l'issue de la première réunion ou dès que cela lui semblera possible et en concertation avec les parties :
. définir le calendrier prévisionnel de la suite de ses opérations ; l'actualiser ensuite dans le meilleur délai ;
. informer les parties du montant prévisible de ses frais et honoraires et les aviser de la saisine du juge du contrôle des demandes de consignation complémentaire qui s'en déduisent ;
. faire définir une enveloppe financière pour les investigations techniques à réaliser, de manière à permettre aux parties de préparer le budget nécessaire à la poursuite de ses opérations ;
. fixer un délai aux parties pour procéder aux interventions forcées ;
. informer les parties, le moment venu, de la date à laquelle il prévoit de leur adresser un document de synthèse ;
. au terme de ses opérations, adresser aux parties un document de synthèse, sauf exception dont il s'expliquera dans son rapport (par exemple réunion de synthèse, communication d'un projet de rapport) et y arrêter le calendrier de la phase ultime de ses opérations :
. fixer, sauf circonstances particulières et exceptionnelles, la date limite de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse ;
. rappeler aux parties, au visa de l'article 276, alinéa 2, du code de procédure civile, qu'il n'est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà de ce délai ;
. autoriser, en cas d'urgence ou de péril en la demeure reconnus par l'expert, le demandeur à faire exécuter, à ses frais avancés et pour le compte de qui il appartiendra, sous la direction du maître d''uvre et par des entreprises qualifiées de son choix, les travaux estimés indispensables par l'expert qui, dans ce cas, déposera un pré-rapport ou une note aux parties valant pré-rapport précisant la nature, l'importance et le coût de ces travaux ;
- dire que Mme [H] devra consigner une provision à valoir sur la rémunération de l'expert et indiquer dans quel délai cette consignation devra intervenir ;
- rappeler que, faute de consignation dans ce délai impératif la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet ;
- rappeler que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions du code de procédure civile relatives aux mesures d'instruction ;
- dire que l'expert déposera l'original de son rapport et une copie au service des expertises de la cour d'appel de Rouen dans le délai de 4 mois à partir de la date à laquelle il aura été avisé du versement de la consignation, sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile de manière motivée auprès du juge chargé du contrôle des expertises de la cour d'appel ;
- rappeler que l'expert doit, dans le respect du principe de la contradiction, transmettre une copie de son rapport à chacune des parties ;
- rappeler qu'en cas d'empêchement de l'expert, il sera remplacé par le juge chargé des expertises sur simple décision rendue d'office ou à la demande de la partie la plus diligente ;
subsidiairement si la cour refusait d'ordonner une expertise,
- dire et juger l'Eurl [J] [X] responsable des désordres et malfaçons subis par Mme [H] et visés dans le rapport de mesures et le rapport d'expertise amiable du cabinet Elex du 8 mars 2022 ;
- condamner la Eurl [J] [X] à lui payer la somme de 2 435,06 euros avec intérêts de droit à compter de l'assignation devant le tribunal de proximité, correspondant au devis n°01142 du 13 janvier 2021 ;
- indexer cette somme sur l'indice BT01 connu au jour de l'arrêt à intervenir par référence à l'indice applicable au 1er trimestre 2020 ;
- condamner la Eurl [J] [X] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle soutient en substance ce qui suit :
- la réception a eu lieu tacitement le 10 mars 2020, ce qui n'est pas contesté par la société [J] [X] et a été retenu par le tribunal ;
- l'épaisseur insuffisante de l'isolant ne pouvait être apparente à la réception ;
- l'intimée a manqué à son devoir d'information et de conseil sur les panneaux choisis en octobre 2019 et posés en mars 2020 au regard de la configuration au nord de la véranda et de son usage de pièce à vivre.
Par dernières conclusions notifiées le 25 mai 2022, l'Eurl [J] [X] demande à la cour, au visa des articles 1315 et 1792-6 du code civil, de confirmer le jugement et statuant à nouveau de :
- débouter purement et simplement Mme [H] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner Mme [H] au paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance ;
- condamner Mme [H] à payer à l'Eurl [J] [X] une somme de
1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient en substance ce qui suit :
- la réception sans réserve purge les désordres ;
- la preuve d'un défaut d'isolation n'est pas rapportée ;
- les demandes de Mme [H] tendent à modifier le marché d'origine en sollicitant une amélioration qu'elle n'a pas commandé ni payé initialement ;
- la présence de condensation n'est pas anormale, en hiver, qui plus est dans une véranda chauffée à 18 °C alors que les températures extérieures sont inférieures ;
- il ressort du rapport d'expertise amiable, diligenté par la demanderesse, que les malfaçons étaient apparentes.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 décembre 2021.
MOTIFS
En application de l'article 1792-6 du code civil, la réception peut être tacite, notamment lorsque le maître de l'ouvrage en a pris possession et réglé l'essentiel de son prix.
En l'espèce, Mme [B] a pris possession de la véranda dès la fin des travaux et payé l'intégralité du prix, ce qui n'est pas contesté.
Au vu des pièces versées, à défaut de précision quant à la date des paiements, il y a lieu de fixer la réception au 10 mars 2020, date de la facture émise.
Si le constructeur fait plaider l'effet de purge, il n'est pas établi qu'à cette date, le défaut d'isolation et les désordres associés, à savoir l'apparition de la condensation, s'étaient révélés dans toute leur ampleur et leurs conséquences. Les conditions météorologiques en vigueur le 10 mars 2020 ne sont pas démontrées.
Ce moyen sera donc rejeté.
L'entrepreneur est tenu, en application de la garantie de parfait d'achèvement, pendant un délai d'un an à compter de la réception, de réparer tous les désordres signalés, soit à la réception, soit par voie de notification écrite. L'assignation a été délivrée à l'intérieur de ce délai, et la forclusion n'est pas soulevée.
Ainsi que le fait plaider l'intimée, le second rapport d'expertise Elex et le rapport 'mesure de perméabilité à l'air' dressé par le cabinet Abectis energies ne sont pas opposables à défaut d'avoir été réalisés contradictoirement.
En revanche, le rapport d'expertise amiable Elex du 20 juillet 2020 est bien opposable à l'Eurl [J] [X] puisqu'il est contradictoire à son égard et a été versé aux débats.
Le fait de ne pas pouvoir maintenir une chaleur conforme à la destination d'habitation de la véranda constitue un désordre imputable au constructeur qui l'a conçue, devisée et construite.
L'analyse du devis initial du 3 octobre 2019 permet de constater que l'épaisseur d'isolant a été limitée à 32 cm.
Devant l'expert Elex, l'Eurl [J] [X] a reconnu 'l'ensemble des malfaçons' et notamment donc 'le défaut d'isolation de la couverture de la véranda, occasionnant une perte de chaleur', et s'est engagée à les reprendre.
Si des travaux de reprise ont été réalisés ensuite, l'Eurl [J] [X] ne précise pas en quoi ils ont consisté. Elle n'indique pas avoir repris l'isolation mais conteste au contraire désormais l'existence de ce problème qu'elle s'était pourtant engagée à reprendre devant l'expert.
Avertie de la persistance du problème d'isolation, l'Eurl Th [X] a elle-même devisé, le 13 janvier 2021, la fourniture de panneaux d'une épaisseur de 83 cm pour un montant de 2 435,06 euros, en lieu et place des 32 centimètres initialement installés.
Le remplacement de l'épaisseur d'isolant selon les modalités du second devis devisé du 13 janvier 2021 n'a pas été réalisé, alors que l'engagement pris devant l'expert portait notamment sur ce point.
L'obligation de reprendre ce désordre est établie.
Il n'est pas nécessaire, dans ce contexte, d'ordonner une expertise.
L'Eurl [J] [X] sera condamnée, après infirmation, à payer une somme de
2 435,06 euros avec indexation. Les intérêts légaux courront à compter de l'assignation, en application de l'article 1231-7 du code civil, puisque le principe de l'obligation avait été reconnue par l'intimée préalablement à l'introduction de l'instance.
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et frais irrépétibles sont infirmées.
L'Eurl [J] [X] succombe et sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, outre une somme pour frais irrépétibles qu'il est équitable de fixer à
2 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau,
Rejette la demande aux fins d'expertise ;
Condamne l'Eurl [J] [X] à payer à Mme [F] [B] épouse [H] une somme de 2 435, 06 euros, indexée à compter du 13 janvier 2021 jusqu'à la date de ce jour en application de l'indice BT 01, et avec intérêts légaux à compter du 8 mars 2021 ;
Condamne l'Eurl [J] [X] à payer à Mme [F] [B] épouse [H] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne l'Eurl [J] [X] aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier, La présidente de chambre,