N° RG 23/00713 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JJUF
COUR D'APPEL DE ROUEN
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 02 MARS 2023
Nous, Mariane ALVARADE, Présidente de chambre près de la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont attribuées, statuant en matière de procédure de soins psychiatriques sans consentement (articles L. 3211-12-1 et suivants, R. 3211-7 et suivants du code de la santé publique)
Assistéee de Mme GUILLARD et M. GEFFROY, Greffiers ;
APPELANT :
Mme [K] [B]
[Adresse 1]
[Localité 4]
née le 08 Novembre 1996 à [Localité 5]
Me Justine DUVAL
INTIMÉS :
CENTRE HOSPITALIER [6]
[Adresse 3]
[Localité 4]
non représenté
Mme [G] [F]
[Adresse 2]
[Localité 4]
non comparante , non représentée
Vu l'admission de Mme [K] [B] en soins psychiatriques au centre hospitalier de [6] à compter du 05 février 2023, sur décision de son directeur, à la demande d'un tiers, Mme [G] [F] ;
Vu la saisine en date du 10 février 2023 du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire du Havre par Monsieur le directeur du centre hospitalier de [6] ;
Vu l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention en date du 16 février 2023 ordonnant la poursuite de l'hospitalisation complète sous contrainte de Mme [K] [B] ;
Vu la déclaration d'appel formée à l'encontre de ladite ordonnance par Mme [K] [B] et reçue au greffe de la cour d'appel le 23 février 2023 ;
Vu les avis d'audience adressés par le greffe ;
Vu la transmission du dossier au ministère public ;
Vu les réquisitions écrites du substitut général en date du 1er mars 2023,
Vu le certificat médical du docteur [P] en date du 27 février 2023,
Vu les débats en audience publique du 02 mars 2023 ;
***
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS
Mme [K] [B] a fait l'objet d'une admission en soins psychiatriques sans consentement à la demande d'un tiers, suivant décision du directeur du centre hospitalier [6] du 5 février 2023. Les soins psychiatriques ont été maintenus suivant décision du 8 février 2023.
Par requête du 10 février 2023, le directeur du centre hospitalier a saisi le juge des libertés et de la détention afin de statuer sur la mesure ainsi prise.
Suivant ordonnance du 16r février 2023, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen a dit n'y avoir lieu à mainlevée de l'hospitalisation complète sans consentement.
Selon avis en date du 28 février 2023, le ministère public requiert le maintien de l'hospitalisation complète sous contrainte.
Mme [K] [B] a été entendue en ses observations. Elle a indiqué comprendre et en même temps ne pas comprendre la démarche de sa mère, ni les raisons de son hospitalisation. Elle souhaite quitter l'établissement de soins et reprendre le cours de sa vie.
Son conseil a soulevé l'irrégularité de la procédure poursuivie en violation des dispositions de l'article L3212-1-II-1° du code de la santé publique et fait valoir au fond que les certificats médicaux, en particukier à 24 et 72 heures ne sont pas personnalisés, que Mme [K] [B] n'est pas opposante aux soins.
MOTIVATION DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'appel
L'appel formé dans les formes et délais requis est recevable.
Sur la régularité de la procédure
En application de l'article L3212-3 du code de la santé publique, 'en cas d'urgence, lorsqu'il existe un risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade, le directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 peut, à titre exceptionnel, prononcer à la demande d'un tiers l'admission en soins psychiatriques d'une personne malade au vu d'un seul certificat médical émanant, le cas échéant, d'un médecin exerçant dans l'établissement. Dans ce cas, les certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3211-2-2 sont établis par deux psychiatres distincts.
Préalablement à l'admission, le directeur de l'établissement d'accueil vérifie que la demande de soins a été établie conformément au 1° du II de l'article L. 3212-1 et s'assure de l'identité de la personne malade et de celle qui demande les soins. Si la demande est formulée pour un majeur protégé par la personne chargée d'une mesure de protection juridique à la personne, celle-ci doit fournir à l'appui de sa demande le mandat de protection future visé par le greffier ou un extrait du jugement instaurant la mesure de protection.'
Il s'en suit qu'il n'est exigé qu'un seul certificat médical établi par un médecin exerçant dans l'établissement, dans le cadre d'une admission en soins psychiatriques à la demande d'un tiers selon la procédure d'urgence.
C'est donc à bon droit que le premier juge a retenu que la saisine était régulière et que la procédure avait été menée conformément à la loi.
Sur le fond
Aux termes des dispositions de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique 'I.-Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;
2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l'article L. 3211-2-1.
Il ressort des pièces du dossier que Mme [K] [B] a été admise au centre hospitalier [6], suivant décision du directeur du centre hospitalier à la demande d'un tiers, en l'occurrence, Mme [G] [F], sa mère, sur le fondement du certificat médical d'admission établi le 5 février 2023 par le docteur [I], qui a constaté les troubles suivants :'agitation, troubles du sommeil...agressivité verbale, incohérence dans ses propos'
qu'aux termes du certificat médical établi à 24 heures par le docteur [R] le 6 février 2023 et de celui établi à 72 heures, soit le 8 février 2023, par le docteur [P], indiquant que les soins en hospitalisation complète sont toujours nécessaires, le premier constatant ce qui suit :' présente des troubles du comportement en lien avec des éléments délirants de persécution, non critiqués. On retrouve un trouble du cours de la pensée important rendant le discours hermétique. Le risque de mise en danger d'elle et d'autrui reste très important en cas d'interruption des soins....'
le second indiquant qu'elle a été' prise en charge actuellement et depuis son arrivée en chambre d'isolement thérapeutique dans ce contexte d'agitation et de refus de soins' qu'elle présente 'une thymie exaltée avec familiarité. Il existe des idées de persécution et de mégalomanie de mécanisme interprétatif et congruentes à I'humeur. La patiente est anosognosique de ses troubles et des des événements ayant mené à l'hospitaIisation. Ainsi, le risque de mise en danger reste majeur en cas de rupture de soins..',
que dans ces circonstances, la mesure a été maintenue suivant décision du 8 février 2023,
que suivant avis motivé du 10 février 2023, le docteur [P] a confirmé l'existence de ces troubles, relevant qu'elle conteste toute nécessité de soins de manière inflexible, toute éventuelle rupture induisant un risque de mise en danger majeur.
Il ressort des pièces produites, les certificats médicaux étant suffisamment circonstanciés, et des débats d'audience que les conditions exigées demeurent réunies. Le bulletin de situation établi le 27 février 2023 par le docteur [P] confirme également la nécessité des soins, relevant que 'la patiente présente toujours une exaltation pathologique de I'humeur se manifestant par des épisodes de troubles du comportement caractérisés par une hostilité et une désinhibition comportementale' qu''il existe des idées de persécution et de mégaIomanie de mécanisme interprétatif et congruentes à I'humeur', qu'elle' reste anosognosique de ses troubles malgré la prise en charge en cours.' et 'conteste toute nécessité de soins et l'observance du traitement ne peut être obtenue que du fait de la contrainte'. poursuite des soins.
Il apparaît que la patiente est dans le déni des troubles ayant conduit à son hospitalisation, ne comprenant pas l'intérêt des soins qui doivent lui être prodigués sous la contrainte et qu'il existe un risque de mise en danger majeur pour elle et pour autrui en cas de rupture des soins. Sont donc caractérisés des troubles mentaux rendant impossible le consentement et imposant des soins immédiats dans le cadre d'une hospitalisation complète.
L'ordonnance déférée sera en conséquence confirmée.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort ;
Déclare recevable l'appel interjeté par Mme [K] [B] à l'encontre de l'ordonnance rendue le 16 Février 2023 par le juge des libertés et de la détention du Havre ;
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public.
Fait à Rouen, le 02 Mars 2023.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE DE CHAMBRE,