N° RG 21/01702 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IYBS
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 1er MARS 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
18/00616
Tribunal judiciaire de Rouen du 8 mars 2021
APPELANTS :
Monsieur [G] [P]
[Adresse 2]
[Localité 7]
représenté et assisté par Me Florence DELAPORTE, avocat au barreau de Rouen
Samcv MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
RCS de Paris 784 647 349
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Me Florence DELAPORTE, avocat au barreau de Rouen
INTIMEES :
OGEC SAINTE MARIE sous l'enseigne COLLEGE SAINTE MARIE
association inscrite à l'Insee sous 320 709 892 00022
[Adresse 3]
[Localité 8]
représentée et assistée par Me Jean-Marie MALBESIN de la Scp LENGLET, MALBESIN & ASSOCIES, avocat au barreau de Rouen plaidant par Me LEON
SA SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS
RCS de Nanterre 391 277 878
[Adresse 5]
[Localité 10]
représentée par Me Géraldine DE PELLISSIER, avocat au barreau de Rouen et assistée par Me Jean-Christophe CARON de la Selarl des Deux Palais, avocat au barreau de Versailles
SASU QUALICONSULT
RCS de Versailles 401 449 855
[Adresse 1]
[Localité 9]
représentée par Me Valérie GRAY de la Selarl GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen et assistée par Me LEITE du cabinet LEITE, avocat au barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 7 novembre 2022 sans opposition des avocats devant Mme Magali DEGUETTE, conseillère, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,
M. Jean-François MELLET, conseiller,
Mme Magali DEGUETTE, conseillère,
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme [R] [I],
DEBATS :
A l'audience publique du 7 novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 1er février 2023, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 1er mars 2023.
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 1er mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
*
* *
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par contrat du 10 mai 2010, l'Ogec Sainte Marie a confié à M. [G] [P] la maîtrise d'oeuvre de la construction de classes complémentaires du collège, du réaménagement de classes de l'école, de la réalisation d'une passerelle de liaison entre les bâtiments existants et de l'aménagement des cours intérieures, de son ensemble immobilier situé [Adresse 3].
Le 29 juillet 2010, elle a chargé la Sasu Qualiconsult des missions de contrôle technique : LP (solidité des ouvrages et des éléments d'équipement dissociables et indissociables), LE (solidité des existants), SEI (sécurité des personnes dans les établissements recevant du public et les immeubles de grande hauteur) et Hand (accessibilité des constructions pour les personnes handicapées).
Les travaux ont fait l'objet de lots séparés. Le lot gros oeuvre a été confié par le maître de l'ouvrage à la Sarl Alternative Construction. Il a été réceptionné selon procès-verbal du 13 février 2013 avec la réserve suivante : 'Escaliers à reprendre'.
Le 15 mai 2013, un procès-verbal de levée des réserves a été établi entre l'Ogec Sainte Marie et la Sarl Alternative Construction.
Cette dernière a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Rouen du 21 mai 2013 lequel a désigné Me [K] [F] en qualité de liquidateur.
Par ordonnance du 30 mai 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Rouen, saisi par l'Ogec Sainte Marie qui était sous le coup d'une injonction du préfet de faire réaliser des travaux de mise en conformité des installations électriques et du réseau gaz de la chaufferie, a fait droit à sa demande d'une expertise au contradictoire de M. [G] [P] et de son assureur la Maf, de Me [F] ès qualités, de la Sas Qualiconsult et d'autres entrepreneurs. Cette expertise a été réalisée par M. [T] [O].
Le 18 septembre 2014, la sous-commission départementale de sécurité ERP-IGH a émis un avis favorable à la poursuite de l'exploitation de l'établissement.
Le 14 novembre 2014, la mission de l'expert judiciaire a été étendue par le juge chargé du contrôle des expertises, à la demande de l'Ogec Sainte Marie, à l'examen et à la vérification de la réalité des non-conformités, malfaçons et/ou désordres, affectant les trois escaliers extérieurs réalisés dans l'établissement, tels que signalés dans la liste des réserves du procès-verbal de réception des travaux du lot gros oeuvre établi le 13 février 2013. Cette mesure a été étendue à la société Swisslife Assurances de biens, assureur de la Sarl Alternative Construction, par ordonnance de référé du 9 avril 2015.
L'expert judiciaire a établi son rapport d'expertise le 1er août 2017, aux termes duquel il a relevé l'existence de nombreuses non-conformités quant à la hauteur de la première marche pour deux escaliers et quant à la relation 2h + giron et aux dimensions des girons à la ligne de foulée pour trois escaliers. Il a conclu qu'elles constituaient un risque pour les élèves et les usagers de l'établissement et un non-respect des documents contractuels, des règles applicables, et des règles de l'art.
Par actes d'huissier de justice des 26 et 30 janvier 2018, l'Ogec Sainte Marie a fait assigner M. [G] [P], la Maf, Me [F] ès qualités et la société Swisslife Assurances de biens devant le tribunal de grande instance de Rouen sur la base de l'article 1792 du code civil.
Suivant exploit du 26 octobre 2018, M. [G] [P] et la Maf ont fait intervenir à la cause la Sas Qualiconsult aux fins de garantie.
Par jugement du 8 mars 2021, le tribunal judiciaire de Rouen a :
- déclaré irrecevable la demande de fixation de créance au passif de la société Alternative Construction formée par l'association Ogec Sainte Marie,
- condamné in solidum M. [P] et la Maf à payer à l'association Ogec Sainte Marie les sommes de :
. 69 408,82 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2020,
. 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toute autre demande,
- condamné in solidum M. [P] et la Maf aux dépens y compris le coût de l'expertise judiciaire avec droit de recouvrement accordé à la Scp Lenglet Malbesin & Associés.
Par déclaration du 22 avril 2021, M. [G] [P] et la Maf ont formé un appel total contre ledit jugement à l'égard de toutes les parties à l'exception de Me [K] [F] ès qualités.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 27 décembre 2021, M. [G] [P] et la Maf demandent de voir en application des articles 1792 et suivants, 1240 et 1382 ancien, du code civil, 331 et suivants du code de procédure civile, L.124-3, L.241-1 et suivants, du code des assurances :
- confirmer le jugement rendu le 8 mars 2021 en ce qu'il a considéré que la garantie décennale des constructeurs fondée sur l'article 1792 du code civil était applicable,
- réformer ledit jugement en ce qu'il les a condamnés à régler à l'Ogec Sainte Marie la somme de 69 408,82 euros TTC,
- juger que le montant des préjudices matériels au titre des travaux ne saurait excéder la somme retenue par l'expert dans son rapport de 49 182,08 euros HT outre la TVA, soit la somme de 59 018,50 euros TTC,
- réformer ledit jugement en ce qu'il a prononcé la mise hors de cause de la société Swisslife, assureur de la Sarl Alternative Construction titulaire du lot litigieux en qualité d'entreprise ayant exécuté les escaliers non conformes,
en conséquence et statuant à nouveau,
- condamner la société Swisslife à les garantir de toutes les condamnations qui sont prononcées à leur égard,
- réformer ledit jugement en ce qu'il a mis hors de cause la société Qualiconsult, bureau de contrôle sur le chantier,
en conséquence et statuant à nouveau,
- condamner la société Qualiconsult à les garantir de toutes condamnations prononcées à leur encontre,
- condamner in solidum les sociétés Swisslife et Qualiconsult à régler à chacun la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter les sociétés Qualiconsult et Swisslife de leurs appels incidents et de toutes leurs demandes,
- débouter l'Ogec Sainte Marie de toutes ses demandes,
- condamner in solidum les sociétés Swisslife et Qualiconsult à régler les dépens qui comprendront les dépens de la procédure de référé expertise, les frais d'expertise judiciaire de M. [O], les dépens de première instance et les dépens d'appel dont distraction est requise au bénéfice de Me Delaporte Janna.
Par dernières conclusions notifiées le 23 décembre 2021, l'Ogec Sainte Marie sollicite de voir :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Rouen le 8 mars 2021 en ce qu'il a :
. condamné in solidum M. [P] et la Maf à payer à l'association Ogec Sainte Marie les sommes de 69 408,82 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2020 et de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
. condamné in solidum M. [P] et la Maf aux dépens y compris le coût de l'expertise judiciaire avec droit de recouvrement accordé à la Scp Lenglet Malbesin & Associés,
- rejeter toute demande contraire de M. [G] [P] et de la Maf,
- statuant sur l'appel incident interjeté par la société Swisslife, rejeter toutes demandes de celle-ci à son égard tendant à se voir relever et garantir de condamnations au bénéfice de M. [G] [P] et de la Maf, à régler une indemnité au titre de frais de représentation, et à supporter les dépens,
y ajoutant,
- condamner in solidum M. [G] [P], la Maf, et la société Swisslife à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais de procédure exposés devant la cour d'appel par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel par application des articles 696 et 699 du code précité, avec droit de recouvrement accordé à la Scp Lenglet-Malbesin & Associés.
Par dernières conclusions notifiées le 4 octobre 2021, la Sa Swisslife Assurances de biens demande de voir :
- en vertu de l'article 132 du code de procédure civile : juger qu'au jour des présentes, elle n'a pas reçu la production des 21 documents des appelants, ce qui fera l'objet d'un incident à défaut d'être résolu entre conseils,
- sur la base des articles 1792 a contrario du code civil, L.241-1 a contrario du code des assurances, 1382 s'il échet, 1240 a contrario du code civil, L.124-3 a contrario du code des assurances, 12 du code de déontologie des architectes :
. débouter M. [G] [P] et la Maf, le cas échéant l'Ogec Sainte Marie et la société Qualiconsult, de toutes leurs prétentions afin de quelque infirmation que ce soit à son préjudice du jugement déféré,
. confirmer ladite décision en ce qu'elle la place hors de cause,
- à titre incident et éventuel au jour des présentes, faute de connaître les écritures de l'Ogec Sainte Marie et de la société Qualiconsult, et en vertu des articles 331 du code de procédure civile, 1240 du code civil, et L.124-3 du codes assurances : juger que l'Ogec Sainte Marie, M. [G] [P], la Maf, et la société Qualiconsult, devraient la relever et garantir immédiatement, intégralement, et in solidum de toute condamnation,
- condamner tout succombant à lui payer une indemnité de 8 811,06 euros au titre de ses frais de représentation en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- statuer quant aux dépens taxables sans charge pour elle en application des articles 695, 696 et 699 du code précité,
- débouter tout contestant.
Par dernières conclusions notifiées le 11 octobre 2021, la Sasu Qualiconsult sollicite de voir sur la base des articles 901, 908, 909 et 331 du code de procédure civile, 1792 et suivants, 1103, 1231-1 et 1240 du code civil, L.124-3 du code des assurances, L.125-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation :
- juger qu'elle n'a nullement manqué aux obligations de sa mission de contrôle technique et que sa responsabilité ne peut être retenue pour les désordres ou non-conformités allégués par l'Ogec Sainte Marie, et, en conséquence, confirmer le jugement rendu le 8 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Rouen,
- subsidiairement, si la cour entrait en voie de condamnation :
. rejeter toute demande de condamnation in solidum formée à son encontre,
. juger que seuls les autres constructeurs, condamnés in solidum, auront vocation à supporter entre eux, par parts viriles ou à proportion de la gravité de leurs fautes respectives, la part du ou des parties défaillantes,
. condamner in solidum M. [G] [P] et la Maf, mais également la société Swisslife Assurances de biens, assureur de la Sarl Alternative Construction, à la relever et garantir indemne de toute condamnation prononcée à son encontre tant en principal, frais et accessoires,
. en toute hypothèse, condamner in solidum M. [G] [P] et la Maf et/ou tout succombant à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens, dont distraction pour ceux d'appel au profit de la Selarl Gray Scolan, avocat au barreau de Rouen, en application de l'article 699 du code précité.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 12 octobre 2022.
MOTIFS
A titre liminaire, les demandes tendant à voir 'juger' ne sont pas, exception faite des cas prévus par la loi, des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.
Dès lors, la cour d'appel n'est pas saisie par le paragraphe contenu dans le dispositif des conclusions de la Sa Swisslife visant, en vertu de l'article 132 du code de procédure civile, à 'JUGER qu'au jour des présentes, elle n'a pas reçu la production des 21 documents des appelants, ce qui fera l'objet d'un incident à défaut d'être résolu entre Conseils.'. La cour d'appel n'a pas à statuer sur ce point en application de l'article 954 alinéa 3 du code précité.
De même, elle n'est pas saisie d'une demande des appelants tendant à ce qu'elle juge que la Maf 'est bien fondée à opposer les conditions et limites du contrat d'assurance la liant à Mr [P], notamment, l'opposabilité de la franchise' qu'elle a développée dans l'exposé de ses moyens à la page 19 de ses écritures, mais qu'elle n'a pas énoncée dans son dispositif.
Sur le montant du préjudice matériel
M. [P] et la Maf ne discutent pas du fondement de la garantie décennale dont
M. [P] est débiteur pour trois escaliers extérieurs impropres à leur destination du fait de leur dangerosité, mais du montant des travaux de leur reprise retenu par le premier juge à leur charge à hauteur de 69 408,82 euros TTC. Ils avancent que celui-ci doit être limité au coût de 59 018,50 euros TTC retenu par l'expert judiciaire. Ils ne développent pas de moyen au soutien de leur contestation.
L'Ogec Sainte Marie répond que le montant des travaux préconisés par l'expert judiciaire s'est avéré légèrement supérieur aux prévisions de celui-ci lors de leur réalisation et qu'il justifie de l'effectivité de cette dépense qu'il a avancée.
Le principe de réparation intégrale du préjudice impose que l'Ogec Sainte Marie soit indemnisé du montant qu'il a effectivement réglé pour procéder aux travaux de reprise des désordres affectant trois escaliers extérieurs et dont il justifie. Les appelants ne démontrent pas que ceux-ci diffèrent de ceux préconisés par l'expert judiciaire.
En conséquence, le jugement du tribunal ayant condamné les appelants au paiement de la somme de 69 408,82 euros TTC, majorée des intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2020, sera confirmé.
Sur le recours en garantie de M. [P] et de la Maf contre la société Swisslife
Les appelants font valoir que la Sarl Alternative Construction, chargée d'établir les plans d'exécution des escaliers litigieux et débitrice d'une obligation de résultat, s'est appuyée sur des plans de permis de construire et non pas des plans de construction ; qu'elle a commis des erreurs de côtes, ce qui a conduit à mettre en évidence lors de l'expertise judiciaire, par des mesures marche par marche, un giron non constant pour certains escaliers et certaines différences de hauteur de marche, et à conclure pour l'expert judiciaire à l'impropriété à destination, laquelle ne s'est révélée dans son ampleur que postérieurement à la réception lors de l'usage de ces escaliers ;
qu'il est vain pour la société Swisslife de soutenir que les escaliers faisaient l'objet d'une réserve générale lors des opérations de réception ; que la 'fraude' entre le maître de l'ouvrage et l'architecte lors de la réception suspectée par la société Swisslife n'est pas démontrée.
Ils ajoutent que, lors de la réception, M. [P] n'avait pas à mesurer les dimensions de chaque marche pour vérifier la conformité de chaque escalier, que cela n'entrait pas dans ses missions DET et AOR.
Ils concluent à la garantie de la Sa Swisslife, assureur de la Sarl Alternative Construction, pour toutes les condamnations prononcées à leur encontre en application de l'article L.124-3 du code des assurances.
La Sa Swisslife soutient de son côté qu'aucun des appelants ne peut se targuer d'une quelconque subrogation dans les droits du maître de l'ouvrage ; qu'il s'agit sans doute de la raison pour laquelle ils citent également dans le dispositif de leurs écritures les articles 1240 nouveau et 1382 ancien du code civil ; qu'il leur revient donc de démontrer l'existence d'un fait fautif préjudiciable et assurable à son encontre.
Elle indique ensuite que M. [P] a déclaré à l'expert judiciaire qu'il avait effectué les plans de réalisation des escaliers ; que les conditions dans lesquelles les escaliers auraient été réceptionnés sont opaques, voire acquises en fraude de ses droits ; que les non-conformités des escaliers étaient connues de l'architecte en cours de chantier, raison pour laquelle elles ont été réservées lors de la réception, ce qui exclut sa garantie en qualité d'assureur de responsabilité décennale de la Sarl Alternative Construction.
Elle ajoute que ces non-conformités ont opportunément disparu dans le procès-verbal de levée de réserves signé le 15 mai 2013 entre l'Ogec Sainte Marie et la Sarl Alternative Construction sous l'en-tête de l'agence [P] mais non visé par celle-ci ; que postérieurement, dans ses rapports des 12 décembre 2013, 25 février et 7 août 2014, la Sasu Qualiconsult a conclu à la conformité des escaliers, ce qui a permis à l'Ogec Sainte Marie et à M. [P] d'obtenir de la sous-commission départementale de sécurité un avis favorable à la poursuite de l'exploitation de l'établissement le 18 septembre 2014 ; que, toutefois, la première chose qu'a constatée l'expert judiciaire a été le défaut manifeste de conformité des escaliers générateur de risques pour leurs utilisateurs.
Elle précise enfin que les appelants excipent eux-mêmes de la garantie décennale, ce qui peut apparaître comme un contre-sens juridique, dès lors que M. [P] n'a pas visé le procès-verbal de levée des réserves, maintenant donc la réserve générale sur les escaliers qu'il avait conseillée à son client le 13 février 2013.
L'Ogec Sainte Marie s'en rapporte à l'appréciation de la cour d'appel sur les mérites de ce recours.
L'article L.124-3 du code des assurances précise que le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. L'assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n'a pas été désintéressé, jusqu'à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l'assuré.
Dès lors que la personne déclarée responsable d'un sinistre a désintéressé le tiers lésé, elle est légalement subrogée dans les droits et actions de ce dernier, et peut donc exercer l'action directe contre l'assureur d'une autre personne, à laquelle la responsabilité du même sinistre peut être également imputable. Mais la subrogation ne joue que dans la limite du paiement.
En l'espèce, comme l'a invoqué la Sa Swisslife dans son moyen non critiqué par les appelants, ces derniers ne sont pas subrogés dans les droits de l'Ogec Sainte Marie. Ils ne démontrent pas l'avoir désintéressé en exécution de leur condamnation à l'indemniser de son préjudice matériel.
Ce recours en garantie fondé sur l'article L.124-3 du code des assurances ne peut donc pas prospérer.
Il est constant qu'une partie assignée en justice est en droit d'en appeler une autre en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle. Une telle demande est distincte de l'action directe prévue par le code des assurances.
Toutefois, la seule référence à l'ancien article 1382 du code civil dans l'en-tête du dispositif des écritures des appelants et à l'existence d'une obligation de résultat à la charge de la Sarl Alternative Construction est insuffisante à caractériser les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité délictuelle de cette dernière et de la société Swisslife, indispensables à la mobilisation de la garantie d'assurance de celle-ci.
La décision du premier juge ayant rejeté cette prétention sera confirmée.
Sur le recours en garantie de M. [P] et de la Maf contre la Sasu Qualiconsult
Les appelants exposent que la société Qualiconsult, contrôleur technique investi d'une mission solidité et sécurité et d'une mission particulière accessibilité, n'a émis aucune observation sur la non-conformité des escaliers litigieux ; que les désordres de nature décennale lui sont imputables ; que si elle n'a pas participé aux rendez-vous de chantier, elle avait une mission très précise notamment relative à l'accessibilité ; qu'elle ne peut pas se retrancher derrière les prérogatives du maître d'oeuvre, ni derrière sa fiche de visite du 5 septembre 2012.
Ils en concluent que la faute de la société Qualiconsult a concouru à l'apparition des préjudices qu'ils supportent, de sorte qu'elle doit les en garantir en application de l'ancien article 1382 du code civil et de l'article 331 du code de procédure civile.
La Sasu Qualiconsult répond que l'expert judiciaire n'a pas retenu sa responsabilité pour les désordres affectant les escaliers extérieurs générés par des défauts d'exécution lors du coulage des escaliers par la Sarl Alternative Construction ; que la présomption de responsabilité de l'article 1792 du code civil qui pèse sur le contrôleur technique ne doit s'envisager que par rapport aux missions qu'il a reçues en l'espèce de LP + LE + SEI + HAND et au strict cadre fixé par la loi et les règlements.
Elle précise qu'elle n'avait pas à se substituer au maître d'oeuvre d'exécution seul en charge de la direction et de la surveillance de l'exécution des travaux ; qu'elle n'était pas tenue de participer aux réunions de chantier et à la réception des travaux ; que les escaliers ont été coulés entre deux de ses visites de chantier et qu'elle ne pouvait pas empêcher les malfaçons survenues en phase chantier ; que, postérieurement, elle a alerté le maître de l'ouvrage de la nécessité de faire respecter la réglementation technique applicable pour les escaliers dans une fiche de visite de chantier du 5 septembre 2012 ; qu'elle a donc parfaitement rempli sa mission de prévention des aléas techniques ; qu'elle a achevé sa mission à la date de l'établissement de son rapport final le 17 décembre 2012, soit avant la réception et la levée des réserves.
L'Ogec Sainte Marie s'en rapporte à l'appréciation de la cour d'appel sur les mérites de ce recours.
L'article L.125-3 du code de la construction et de l'habitation précise que l'activité de contrôle technique est incompatible avec l'exercice de toute activité de conception, d'exécution ou d'expertise d'un ouvrage.
Selon le paragraphe 4.1.5 alinéa 2 de la norme AFNOR NF P 03-100 qui définit les critères généraux pour la contribution du contrôle technique à la prévention des aléas techniques dans le domaine de la construction, le maître de l'ouvrage reçoit les avis du contrôleur technique, décide de la suite qu'il entend leur donner, communique en conséquence ses instructions aux constructeurs et fait connaître au contrôleur technique la suite qui a été donnée aux avis que celui-ci lui a adressés. Le contrôleur technique ne peut donner d'instructions aux constructeurs.
Le paragraphe 4.1.7 prévoit que le contrôleur technique ne peut, en aucun cas, se substituer aux différents constructeurs qui procèdent, chacun pour ce qui le concerne, à l'élaboration des documents techniques, des calculs justificatifs, à la direction, l'exécution, la surveillance et la réception des travaux. En conséquence, le contrôleur technique ne peut prendre, ou faire prendre, les mesures nécessaires pour donner à ses avis les suites prévues par le maître de l'ouvrage.
En l'espèce, la Sasu Qualiconsult a été chargée des missions : LP (solidité des ouvrages et des éléments d'équipement dissociables et indissociables), LE (solidité des existants), SEI (sécurité des personnes dans les établissements recevant du public et les immeubles de grande hauteur) et Hand (accessibilité des constructions pour les personnes handicapées).
La date exacte du coulage des escaliers litigieux n'est pas connue. Mais, il ressort du compte-rendu de la réunion de chantier du 27 juillet 2011 établi par M. [P], qu'à ladite date, l'escalier 3 était en cours de réalisation et que l'élévation des murs du rez-de-chaussée était bien avancée. Son compte-rendu de la réunion du 2 novembre 2011 précise que le plancher du préau du bâtiment B et l'escalier des sanitaires sont coulés. Dans son compte-rendu de la réunion du 16 novembre 2011, il indique que la réalisation de l'escalier côté sanitaires n'est pas conforme au plan détaillé transmis par ses soins et qu'il doit être repris.
Dès avant l'édification des escaliers extérieurs, la Sasu Qualiconsult, dans son rapport initial de contrôle technique du 28 mars 2011, a précisé que les escaliers devraient respecter la règle de Blondel : 13cm 'h'16 cm et 60'G+2h'64.
A l'issue du coulage des escaliers, dans sa fiche de visite du chantier du 5 septembre 2012, elle a informé le maître de l'ouvrage, au point 12, dans les termes suivants : 'Ne pas omettre de prendre en compte les prescriptions de la réglementation handicapée, Arrêté du 1er août 2006, sur la mise en oeuvre des escaliers utilisables dans les conditions mormales de fonctionnement, Art 6, Hauteur des marches ère et dernière marche visuellement contrastées par rapport aux marches'.
Il n'appartenait pas à la Sasu Qualiconsult de se substituer à M. [P] et/ou à l'Ogec Sainte Marie pour obtenir de la Sarl Alternative Construction qu'elle effectue une reprise des malfaçons affectant les escaliers, ce à quoi avait déjà procédé le maître d'oeuvre dans ses compte-rendus de chantier précités et qui a donné lieu à la réserve mentionnée dans le procès-verbal de réception du lot gros oeuvre le 13 février 2013.
Ultérieurement, aux termes de ses rapports de vérifications réglementaires après travaux des 12 décembre 2013, 25 février et 7 août 2014, la Sasu Qualiconsult a donné un avis conforme pour les rubriques relatives aux escaliers, à la conception des escaliers et à la sécurité d'utilisation des escaliers, alors qu'il est établi qu'en réalité les non-conformités demeuraient malgré la levée des réserves comme l'a constaté l'expert judiciaire lors de ses investigations du 18 février 2015. Ces avis erronés constituent une faute de la société Qualiconsult, laquelle n'a pas au final généré de préjudice pour le maître de l'ouvrage et pour le maître d'oeuvre.
D'une part, la réserve tendant à la reprise des escaliers a été expressément soulevée lors des opérations de réception de l'ouvrage. D'autre part, la Sasu Qualiconsult n'est pas à l'origine de la décision du maître de l'ouvrage d'accepter la levée des réserves le 15 mai 2013 alors que les non-conformités n'avaient pas été reprises. Lors de la réunion d'expertise judiciaire du 18 février 2015, l'Ogec Sainte Marie a d'ailleurs précisé qu'il avait pris cette décision à la suite des indications de M. [P] sur les reprises possibles des escaliers lors de la pose du carrelage. Celui-ci a confirmé ce point en déclarant à l'expert judiciaire que tout le monde savait que les marches des escaliers seraient à reprendre lors de la pose du carrelage.
En définitive, les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité délictuelle de la société Qualiconsult ne sont pas réunies. Le recours engagé contre elle par les appelants est rejeté. La décision du tribunal ayant statué en ce sens sera confirmé.
Sur les dépens et les frais de procédure
Les dispositions de première instance sur les dépens et les frais de procédure seront confirmées.
Parties perdantes, M. [P] et la Maf seront condamnés in solidum aux dépens d'appel avec bénéfice de distraction au profit des avocats qui en ont fait la demande.
Il n'est pas inéquitable de les condamner aussi in solidum à payer à l'Ogec Sainte Marie et à la Sasu Qualiconsult, chacun, la somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés pour cette procédure d'appel. La même somme sera mise à leur charge au bénéfice de la Sa Swisslife.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Condamne in solidum M. [G] [P] et la Maf à payer à l'Ogec Sainte Marie et à la Sasu Qualiconsult, chacun, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,
Condamne M. [G] [P] et la Maf à payer à la Sa Swisslife Assurances de biens la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,
Rejette le surplus des demandes,
Condamne in solidum M. [G] [P] et la Maf aux dépens d'appel avec bénéfice de distraction au profit de Me Delaporte Janna, de la Scp Lenglet-Malbesin & Associés, et de la Selarl Gray Scolan, avocats, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, La présidente de chambre,