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08/02/2023 | FRANCE | N°23/00003

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre premier président, 08 février 2023, 23/00003


N° RG 23/00003 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JIKV





COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ



DU 8 FEVRIER 2023











DÉCISION CONCERNÉE :



Décision rendue par le tribunal de commerce de Dieppe en date du 27 décembre 2022







DEMANDERESSE :



SARL ALR MOTORS

RCS de Dieppe 841 774 730

[Adresse 4]

[Localité 3]



comparant par son gérant, M. [K], représentée par

Me Laure COBERT DELAUNAY, avocat au barreau de Dieppe





DÉFENDEUR :



Maître [Y] [R]

prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL ALR MOTORS

[Adresse 1]

[Localité 2]



représenté par Me Camille PERCHERON de l...

N° RG 23/00003 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JIKV

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 8 FEVRIER 2023

DÉCISION CONCERNÉE :

Décision rendue par le tribunal de commerce de Dieppe en date du 27 décembre 2022

DEMANDERESSE :

SARL ALR MOTORS

RCS de Dieppe 841 774 730

[Adresse 4]

[Localité 3]

comparant par son gérant, M. [K], représentée par Me Laure COBERT DELAUNAY, avocat au barreau de Dieppe

DÉFENDEUR :

Maître [Y] [R]

prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL ALR MOTORS

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Camille PERCHERON de la SCP Ince & Co France, avocat au barreau du Havre

DÉBATS  :

En salle des référés, à l'audience publique du 18 janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 8 février 2023, devant Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont attribuées,

Assistée de Mme Catherine CHEVALIER, greffier,

EN PRESENCE DU MINISTERE PUBLIC :

auquel le dossier a été régulièrement communiqué pour réquisitions écrites

DÉCISION :

Contradictoire

Prononcée publiquement le 8 février 2023, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signée par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*****

Par jugement du 12 août 2022, le tribunal de commerce de terre et de mer de Dieppe a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la Sarl ALR Motors exerçant une activité de vente de véhicules.

Par jugement du 27 décembre 2022, le tribunal a relevé un défaut d'assurance de l'activité, de transfert du siège social au registre du commerce et des sociétés, une absence de justification de commandes et donc d'activité. Il a prononcé la liquidation judiciaire de la société, Me [Y] [R], initialement mandataire judiciaire à la procédure, étant nommée en qualité de liquidateur judiciaire.

Par déclaration au greffe du 2 janvier 2023, la Sarl ALR Motors a formé appel du jugement.

Par assignation en référé délivrée le 6 janvier 2023, elle demande l'arrêt de l'exécution provisoire de la décision.

Par dernières conclusions notifiées le 17 janvier 2023, elle expose qu'elle exploitait un fonds de commerce de vente et réparation de véhicules automobiles dans les locaux de l'Eurl Psr Performance qui lui avait consenti un bail ; que début mai 2021, elle a été contrainte de déménager en découvrant que son bailleur n'était pas le propriétaire des lieux et a trouvé en urgence des locaux ; qu'elle a supporté des dégâts des eaux, n'a été que partiellement couverte par son assureur au titre des pertes d'exploitation ; que les locaux n'étaient pas assurés par le propriétaire justifiant qu'elle demande une compensation entre les loyers dus et les dommages subis.

Elle précise que ses difficultés financières ont justifié un placement en redressement judiciaire en août 2022 et qu'elle n'a obtenu un nouveau bail commercial que le 30 novembre 2022, peu de temps avant le prononcé de la liquidation judiciaire ; qu'elle recherche encore un assureur pour couvrir son activité.

Elle soutient qu'elle a saisi le bureau central de tarification, développe une activité importante ; qu'elle justifie d'éléments permettant d'éviter la liquidation judiciaire de sorte que l'exécution provisoire du jugement emporterait des conséquences manifestement excessives en anéantissant toute possibilité de redressement notamment par la vente de ses actifs.

Par conclusions notifiées le 17 janvier 2023, soutenues à l'audience du 18 janvier 2022, Me [Y] [R], ès qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl ALR Motors demande le débouté de la demande et l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective.

Elle fait valoir le défaut d'assurance obligatoire de la société pour son activité au visa de l'article R. 211-3 du code des assurances. Elle indique s'agissant du défaut de lieu d'exploitation, que la société n'a pas anticipé les conséquences de la signature du bail précaire arrivé à son terme et s'est installée en mai 2021 dans des locaux appartenant à la Sci Immobis dont le loyer n'a pas été payé puisque par assignation la propriétaire demandait paiement de la somme de 20 218 euros ; que la société ne dispose actuellement que de la location d'un garde-meuble suivant procès-verbal d'inventaire du 17 août 2022 en soulignant que l'activité ne peut être conduite au domicile des clients en raison de la réglementation applicable.

Elle ajoute que la Sarl ALR Motors ne peut soutenir qu'elle est rentable alors que le chiffre d'affaires n'est essentiellement constitué que d'acomptes versés par les clients alors qu'elle ne bénéficie plus de fournisseur ; que les véhicules acquis ne peuvent l'être qu'au prix le plus fort et donc avec une faible marge. Elle confirme en réponse aux écritures de la demanderesse que l'activité est déficitaire, que le dirigeant effectue des prélèvements importants pour lui-même et a transféré des fonds au profit de sa nouvelle société.

Elle met en cause les motivations du dirigeant en signalant que celui-ci a créé une autre Sarl le 10 octobre 2022 soit durant la période d'observation.

Elle conclut par l'absence de moyens sérieux de réformation du jugement entrepris.

Par conclusions portées à la connaissance des parties du 17 janvier 2023, le ministère public s'oppose à la demande en faisant valoir l'absence de moyens sérieux de nature à justifier la demande ; il souligne la situation particulière de la demanderesse qui ne bénéficie pas d'une assurance pour couvrir sa responsabilité professionnelle et que cette situation ne peut perdurer après avertissements délivrés à plusieurs reprises à la débitrice.

MOTIFS

L'article R. 661-1 du code de commerce dispose que les jugements et ordonnances rendus en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire sont exécutoires de plein droit à titre provisoire. Les dispositions des articles 514-1 et 514-2 du code de procédure civile ne sont pas applicables. Par dérogation aux dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile, le premier président de la cour d'appel, statuant en référé, ne peut arrêter l'exécution provisoire des décisions mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article que lorsque les moyens à l'appui de l'appel paraissent sérieux.

La Sarl ALR Motors doit justifier, au titre des moyens sérieux fondant son appel, de perspectives de redressement de l'entreprise, permettant d'éviter les conséquences d'une situation qui serait irrémédiablement compromise.

En l'espèce, elle n'a pas répondu à l'injonction claire et légitime de la juridiction commerciale d'avoir à justifier d'une assurance couvrant sa responsabilité professionnelle avant le 23 décembre 2022. Le courriel de son avocat du 5 décembre 2022 et les propositions sollicitées par le dirigeant le même jour et encore le 3 janvier 2023 ne sont pas de nature à faire le constat d'une obligation exécutée puisque d'une part, la demande présentait un caractère d'urgence faisant obstacle à l'exercice de l'activité et que les conditions de la recherche entreprise ne sont communiquées que par pièces émises au plus tôt en novembre 2022.

Il n'est pas sans intérêt d'observer que les chiffres d'affaires annoncés dans les deux propositions produites portent sur une somme de 407 000 euros puis de

488 743 euros ; que les refus de prise en charge par les assureurs sont motivés par la procédure collective, avec la connaissance du défaut de paiement des cotisations dans le cadre du dernier contrat mais également en raison « des coûts des sinistres », « de la sinistralité ». 

La saisine tardive du bureau central de la tarification ne répond pas à l'obligation notifiée par le tribunal dès août 2022 et inhérente à l'activité professionnelle avant même toute injonction rappelée au regard de la résiliation du contrat au 21 décembre 2021.

S'agissant des locaux, les pièces produites par la Sarl ALR Motors démontre qu'elle a signé un bail précaire d'une durée de moins d'un an du 1er février 2019 au 31 janvier 2020 puis de trois mois à compter du 10 mai 2021 reconduit par tacite reconduction pour une durée d'un mois pour prendre fin de façon irrévocable le 30 septembre 2021.

Elle a régularisé le 30 novembre 2022 un bail commençant à courir le 1er décembre 2022 pour une durée de neuf années avec faculté d'exercer une activité commerciale ou artisanale sauf nuisances. Les locaux dépendent d'un immeuble sans pour autant être précisément décrit et moyennant un loyer de 14 400 euros.

Toutefois, les baux produits caractérisent d'une part, l'inconstance et l'imprévisibilité des décisions prises par le dirigeant dépourvu d'une implantation professionnelle stable, pérenne avant l'ouverture de la procédure collective, d'une part l'inadaptation des locaux loués y compris le dernier au regard des restrictions incompatibles avec un travail en atelier avec nuisances, les conséquences de l'affectation de véhicules.

Enfin, s'agissant de sa situation financière, la Sarl ALR Motors ne communique aucun élément sérieux permettant à la juridiction d'analyser sa solidité économique. Les relevés de compte produits établissent l'existence de mouvements de fonds entre le compte de la société et son dirigeant sans démonstration pertinente et saine du fonctionnement de l'entreprise.

A titre d'exemple, le compte a reçu en crédit la somme de 29 760 euros le 9 septembre 2022 pour être débité au profit de M. [K], dirigeant, le même jour à hauteur de 29 270 euros soit un différentiel de moins de 500 euros. Le même type d'opération est intervenue les 6 et 7 octobre 2022 soit un crédit de 33 500 euros puis un débit de 33 440 euros. En novembre, la remise d'un chèque de 37 130 euros est suivie d'un paiement à hauteur de 39 781 euros.

Le dirigeant conduit ainsi une activité parallèle d'achats en son nom pour revendre dans des conditions qui ne sont pas justifiées les véhicules acquis majorant un chiffre d'affaires sans pour autant démontrer la rentabilité de son activité professionnelle.

La facturation et le service après-vente ne sont pas évoqués dans le cadre de cette activité non assurée. La débitrice ne fait pas état du passif supporté et des conditions dans lesquelles elle pourrait faire face à ses obligations. Le rapport de Me [R] vise une somme au titre des créances échues de 447 079 euros et de façon provisionnelle de 104 200 euros en novembre 2022, de 561 728 euros au titre des créances déclarées le 27 décembre 2022.

Compte tenu de ces éléments, la Sarl ALR Motors ne justifie pas de moyens sérieux à l'appui de son appel. La demande d'arrêt de l'exécution provisoire est rejetée.

Les dépens seront supportés par la débitrice et employés en frais privilégiés de la procédure collective.

PAR CES MOTIFS,

statuant par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe,

Rejette la demande formée par la Sarl ALR Motors,

Condamne la Sarl ALR Motors aux dépens qui seront employés en frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre premier président
Numéro d'arrêt : 23/00003
Date de la décision : 08/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-08;23.00003 ?
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