La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/02/2023 | FRANCE | N°23/00002

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre premier président, 08 février 2023, 23/00002


N° RG 23/00002 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JIIF





COUR D'APPEL DE ROUEN



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ



DU 8 FEVRIER 2023











DÉCISION CONCERNÉE :



Décision rendue par le tribunal de commerce d'Evreux en date du 17 novembre 2022







DEMANDERESSE :



SAS SOCIETE D'ETUDES ET COORDINATION DE TRAVAUX IMMOBILIER (SECTI)

RCS de Rouen 347 851 172

[Adresse 2]

[Localité 4]



reprÃ

©sentée par Me Franck LANGLOIS de la SCP BONIFACE DAKIN & ASSOCIES, avocat au barreau de Rouen







DÉFENDERESSE :



SARL LOTIS IMMO II

RCS d'Evreux 827 808 585

[Adresse 3]

[Localité 1]



représentée par Me Aurélie BLON...

N° RG 23/00002 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JIIF

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 8 FEVRIER 2023

DÉCISION CONCERNÉE :

Décision rendue par le tribunal de commerce d'Evreux en date du 17 novembre 2022

DEMANDERESSE :

SAS SOCIETE D'ETUDES ET COORDINATION DE TRAVAUX IMMOBILIER (SECTI)

RCS de Rouen 347 851 172

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Franck LANGLOIS de la SCP BONIFACE DAKIN & ASSOCIES, avocat au barreau de Rouen

DÉFENDERESSE :

SARL LOTIS IMMO II

RCS d'Evreux 827 808 585

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Aurélie BLONDE de la SELARL CABINET THOMAS-COURCEL BLONDE, avocat au barreau de l'Eure plaidant par Me THOMAS-COURCEL

DÉBATS  :

En salle des référés, à l'audience publique du 18 janvier 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 8 février 2023, devant Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont attribuées,

Assistée de Mme Catherine CHEVALIER, greffier,

DÉCISION :

Contradictoire

Prononcée publiquement le 8 février 2023, par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signée par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*****

Suivant contrats de construction de maison individuelle du 19 octobre 2017, la Sarl Lotis Immo II a confié à la Sas Secti la charge d'édifier quatre maisons sur un terrain situé sur la commune du Vaudreuil (27). Les contrats n° 1498 et 1499 portent sur la construction des lots n°1 et 2 et les contrats n° 1450 et 151 sur les lots n° 3 et 4.

La demande de permis de construire a été déposée le 19 juillet 2018, l'arrêté obtenu le 16 octobre 2018, purgé de tout recours le 19 décembre 2018. La durée des travaux était contractuellement fixée à douze mois pour être achevés le 19 décembre 2019.

La Sarl Lotis Immo II a invoqué trois difficultés pour considérer que la réception ne pouvait intervenir à la date prévue :

- l'empiètement faisant l'objet du contrat n°1498 (lot 1) sur le fonds voisin,

- le défaut de respect de l'espacement entre les maisons au regard des distances du permis de construire,

- le remplacement des menuiseries extérieures des maisons faisant l'objet des contrats n° 1498 et 1499 (lots n°1 et 2), initialement prévues en PVC et ouvrant à la française par des menuiseries coulissantes en aluminium de moindre dimension.

Elle a soutenu ne pas avoir validé les modifications ayant fait l'objet d'un permis modificatif.

Sur assignation délivrée à la demande de la Sarl Lotis Immo II, le tribunal de commerce a ordonné une expertise par jugement du 23 décembre 2020. L'expert a déposé son rapport le 13 mai 2022.

Par jugement du 17 novembre 2022, le tribunal de commerce d'Évreux a condamné la Sas société d'études et coordination de travaux immobiliers, Secti, à :

- modifier les ouvrages existants (maison lot 1) pour éliminer tout empiètement chez le voisin,

- déposer et obtenir un nouveau permis de construire avec les mesures réalisées par l'expert et les définitions des menuiseries extérieures posées,

- payer à la Sarl Lotis Immo II les sommes suivantes :

. 105 551,96 euros au titre des indemnités de retard contractuelles pour la période du 20 décembre 2019 à la date du jugement,

. 34,12 euros par jour ouvré de retard à partir de la date de la signification du jugement et la réception des maisons lot 1 et 2,

. 39,48 euros par jour ouvré de retard à partir de la date de signification du jugement et la réception des maisons 3 et 4,

. 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- aux dépens,

- débouté la Sarl Lotis Immo II de sa demande d'astreinte.

Par déclaration reçue au greffe le 27 décembre 2022, la Sas Secti a formé appel du jugement.

Par assignation en référé délivrée le 2 janvier 2023, la Sas Secti demande l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement et la condamnation de la Sarl Lotis Immo II aux dépens.

Elle précise que sa demande est recevable puisqu'elle a sollicité devant le tribunal que l'exécution provisoire soit écartée.

Elle fait valoir qu'elle soutient des moyens sérieux de réformation ou d'annulation du jugement. Le tribunal a retenu que l'empiètement chez le voisin des ouvrages construits sur le lot 1 était de sa seule responsabilité et que les retards n'étaient pas imputables à la Sarl Lotis Immo II mais a omis de prendre en considération différents éléments.

Dès que le maître de l'ouvrage l'a alertée par correspondance du 24 octobre 2019, elle a saisi le géomètre-expert compétent en vain et a précisé par courrier du 12 février 2020 qu'il n'existait aucun empiètement en l'absence de confirmation officielle de la difficulté sans provoquer pour autant la réaction de la Sarl Lotis Immo II. Si cette dernière verse une correspondance du 22 juillet 2020 de la société Caldéa qui a élaboré les plans, elle a refusé de mettre en 'uvre une mesure technique contradictoire, qui n'interviendra que par jugement avant dire droit du tribunal et justifiera un dépôt du rapport le 13 mai 2022.

De son côté, elle avait parfaitement respecté les indications figurant sur le plan de division de la société Caldéa. La responsabilité du géomètre-expert sollicitée par la Sarl Lotis Immo II et de celle-ci est engagée. En outre, le mur d'enceinte séparant le lot 1 de la propriété voisine évoqué par la société Caldéa n'a pas été édifié par elle : elle a directement contracté avec la société Ares qui n'est intervenue que comme sous-traitante pour la Sas Secti et que pour l'implantation des maisons et la réalisation du lot gros-'uvre. La responsabilité de la société Ares est engagée également.

Elle souligne que le voisin concerné par l'empiètement n'a émis aucune réclamation à ce sujet. L'attitude de la Sarl Lotis Immo II interroge sur ses relations avec ce voisin.

Elle invoque encore le changement de position du maître de l'ouvrage qui après avoir subordonné la réception des ouvrages à l'obtention d'un permis modificatif pour l'écartement des maisons a réclamé la modification des ouvrages existants, et de même pour les menuiseries alors qu'elle a fait diligence pour régulariser la situation et a obtenu un permis modificatif le 30 mars 2020.

Le tribunal ne peut pas, sans se contredire, rejeter la demande de destruction des lots 2, 3 et 4 et de remplacement des fenêtres des lots 1 et 2, validant, ce faisant, les travaux effectués et faire une application mathématique des pénalités de retard prévues dans les quatre contrats depuis le 20 décembre 2019.

Elle ajoute encore que le tribunal ne pouvait rejeter sa demande en paiement de la somme de 57 911,50 euros alors que cet impayé n'est pas contesté, que la réalité des travaux n'est pas discutée, la destruction a été rejetée et que refuser ce paiement et appliquer des pénalités correspond à une double peine.

Elle invoque les conséquences manifestement excessives de l'exécution provisoire du jugement qui doivent s'apprécier au regard de la situation du débiteur et de ses facultés de paiement. Elle produit à ce titre les éléments établissant le péril économique encourue pour l'entreprise si elle devait exécuter la décision.

Par dernières conclusions notifiées le 17 janvier 2023, soutenues à l'audience du 18 janvier 2023,la Sarl Lotis Immo II demande le débouté des prétentions de la partie adverse, la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle fait valoir que les arguments exposés par le constructeur ne sont pas nouveaux pour avoir été soutenus en première instance, que les éléments présentés ne justifient pas l'infirmation de la décision, et qu'il n'existe pas de moyens sérieux soumis par la Sas Secti.

Cette dernière a été informée à deux reprises de l'existence d'un empiètement et l'expertise judiciaire n'a fait que confirmer la difficulté préalablement décrite. Le sapiteur géomètre-expert a également vérifié la qualité des plans dressés par la société Caldéa pour en affirmer l'exactitude. Aucune erreur ne peut lui être reprochée.

Si le voisin n'a formé aucune réclamation, il incombait au constructeur de respecter les plans et le maître d'ouvrage ne peut prendre le risque d'une obligation de démolition de la construction débordant chez le voisin. Elle n'a pas changé d'avis quant à ses prétentions entre la position tenue durant les travaux et celles qui sont présentées devant la juridiction : cette assertion est fausse mais même vraie, elle est sans portée. Le permis modificatif obtenue en 2020 n'est pas conforme au contrat quant à la distance entre les maisons ; en conséquence, les pénalités de retard sont dues en l'absence de réception.

Le tribunal a retenu, à juste titre, l'exception d'inexécution pour ne pas faire droit à la demande en paiement de la Sas Secti.

Quant aux conséquences manifestement excessives de l'exécution provisoire qui conduirait à l'état de cessation des paiements de la demanderesse, elle relève que la Sas Secti ne publie pas ses comptes annuels, ne produit pas de pièces comptables permettant à la juridiction de vérifier la situation réelle de l'entreprise ; que la Sas Secti est assurée auprès de la Smabtp susceptible de couvrir le risque ; que les difficultés financières tenant à l'exécution d'une décision de justice ne peuvent constituer une conséquence manifestement excessive au sens de l'article 514-3 du code de procédure civile, d'autant plus que la Sas Secti a disposé de deux années pour s'organiser. Elle conclut donc au rejet de la demande.

MOTIFS

Sur l'arrêt de l'exécution provisoire

L'article 514-3 du code de procédure civile dispose qu'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

Sur les moyens sérieux de réformation de la décision

Le jugement entrepris a fait droit à la demande de la Sarl Lotis Immo II, visant à 'modifier les ouvrages existants (maison lot 1) pour éliminer tout empiètement chez le voisin'  et à 'obtenir un nouveau permis de construire avec les mesures réalisées par l'expert et les définitions des menuiseries extérieures posées'.

Il précise que : 'Il lui (Sas Secti) appartiendra de mettre en cause les autres intervenants, notamment son sous-traitant ainsi que les compagnies d'assurance ou d'obtenir du propriétaire concerné qu'il accepte de lui céder une bande de terrain permettant de déposer un permis de construire rectificatif.'.

Le rapport d'expertise judiciaire déposé le 13 mai 2022 permet de vérifier objectivement que le pavillon n°1 est implanté sur une largeur de 8 cm sur la propriété voisine ; que les dispositions contractuelles n'ont pas été respectées quant aux fenêtres.

Le tribunal a accordé des indemnités de retard en application du contrat signé pour chacune des maisons.

La Sarl Lotis Immo II a été convoquée par lettre du 27 février 2020, après rendez-vous du 25 février 2020, afin qu'il soit procédé à la réception des ouvrages le vendredi 6 mars à 10 h. Par courriel du 5 mars 2020, la Sarl Lotis Immo II a répondu en ces termes : 'Suite à la lecture de vos courriers recommandés nous invitant à la réception des 3 maisons contrats 1499, 1500 et 1501, nous avons le regret de vous répondre que, tant que nous n'aurons pas de retour quant à l'obtention d'un permis modificatif pour l'écartement des maisons ainsi que la hauteur des fenêtres côté cuisines, nous ne réceptionnerons pas vos ouvrages.'.

La Sas Secti a certes déposé un nouveau permis de construire sans toutefois purger la difficulté liée à l'empiètement et alors qu'en exécution des contrats de construction de maison individuelle, des indemnités de retards sont dus au maître de l'ouvrage sauf à démontrer notamment sa faute.

Elle ne justifie pas de diligences efficaces afin de mettre un terme au litige.

En outre, la Sas Secti a fait le choix de ne pas impliquer son assureur, l'architecte, le sous-traitant chargé du gros oeuvre ; elle répond seule en conséquence aux obligations y compris pécuniaires de la décision.

Elle ne justifie pas de moyens sérieux de réformation de la décision, en sa faveur, compte tenu des obligations légales et contracuelles lui incombant.

Sur les conséquences manifestement excessives

Alors que la construction des quatre maisons représentait un chiffre d'affaires de 441 640 euros ; l'indemnité de retard fixée à la somme de 105 551,96 euros et de 147,20 euros par jour représente un coût de nature à impacter la situation financière de l'entreprise.

Par lettre du 15 décembre 2022, l'expert-comptable de la Sas Secti soutient que sa cliente est dans l'impossibilité de payer la somme de 105 551,96 euros sans devoir se trouver en état de cessation des paiements. Il ne précise pas si une provision pour la dette constituée a été incluse dans les charges de l'entreprise.

Il ressort toutefois des éléments comptables produits au titre de l'année 2021 que la société réalise un chiffre d'affaires de 4 887 089 euros pour un résultat de l'exercice de 70 994 euros.

Les ratios d'activité sont plutôt favorables avec une rentabilité financière de 66,29 % et un chiffre d'affaires rapporté à l'effectif de 698 156 euros, une valeur ajoutée rapportée à l'effectif de 90 809 euros. Si les fonds de roulement sont de l'ordre de

52 031 euros, les informations communiquées ne démontrent pas une impossibilité totale de payer les condamnations prononcées par le tribunal.

La demande d'arrêt de l'exécution provisoire est rejetée.

Sur les frais de procédure

Partie succombant à l'action, la Sas Secti supportera les dépens de la procédure.

En équité, elle est condamnée à payer à la défenderesse la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

statuant par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe,

Rejette la demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement prononcé le 23 novembre 2022 par le tribunal de commerce d'Évreux,

Condamne la Sas société d'études et de coordination des travaux immobiliers (Secti) à payer à la sarl Lotis Immo II la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Sas société d'études et de coordination des travaux immobiliers (Secti) aux dépens.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre premier président
Numéro d'arrêt : 23/00002
Date de la décision : 08/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-08;23.00002 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award