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01/02/2023 | FRANCE | N°20/03866

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 01 février 2023, 20/03866


N° RG 20/03866 - N° Portalis DBV2-V-B7E-ITTI







COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 1er FEVRIER 2023







DÉCISION DÉFÉRÉE :



19/01816

Tribunal judiciaire d'Evreux du 13 octobre 2020





APPELANTE :



SAS VIVAUTO PL

RCS de Bobigny n° 478 622 905

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par Me Valérie GRAY de la Selarl GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me AUCHER de L'AARPI LIZEE AUCH

ER, avocat au barreau de Paris





INTIMES :



Monsieur [M] [O]

né le 23 mars 1963 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représenté et assisté par Me Jean-Yves PONCET de la Scp PONCET DEBOEUF BEIGNET...

N° RG 20/03866 - N° Portalis DBV2-V-B7E-ITTI

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 1er FEVRIER 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

19/01816

Tribunal judiciaire d'Evreux du 13 octobre 2020

APPELANTE :

SAS VIVAUTO PL

RCS de Bobigny n° 478 622 905

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Valérie GRAY de la Selarl GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me AUCHER de L'AARPI LIZEE AUCHER, avocat au barreau de Paris

INTIMES :

Monsieur [M] [O]

né le 23 mars 1963 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté et assisté par Me Jean-Yves PONCET de la Scp PONCET DEBOEUF BEIGNET, avocat au barreau de l'Eure

Monsieur [P] [V]

exerçant sous l'enseigne H'Eurauto Pacy

[Adresse 4]

[Adresse 4]

représenté et assisté par Me Céline BART de la Selarl EMMANUELLE BOURDON-CÉLINE BART AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen

COMPOSITION DE LA COUR  :

Lors des débats et de la mise à disposition :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,

M. Jean-François MELLET, conseiller,

Mme Magali DEGUETTE, conseillère,

M. [X] a été entendu en son rapport

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER

DEBATS :

A l'audience publique du 16 novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 1er février 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 1er février 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 13 mai 2017, M. [M] [O] a acquis de M. [P] [V], garagiste, une dépanneuse d'occasion au prix de 16 200 euros TTC, afin d'exercer son activité naissante de dépannage remorquage. Ce véhicule avait fait l'objet de deux contrôles techniques, les 6 novembre 2015 et 15 novembre 2016, par la Sas Vivauto PL, signalant une corrosion superficielle des longerons gauche et droit.

A l'occasion de travaux de peinture, M. [O] a constaté que le chassis était fracturé sur les deux longerons principaux, rendant impossible l'utilisation du plateau. Un contrôle technique réalisé le 26 juillet 2017 a conclu à une interdiction de rouler à raison de la détérioration des longerons.

Par ordonnance du 20 septembre 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Evreux a ordonné une expertise du véhicule. L'expert a remis son rapport le 28 décembre 2018.

Par jugement du 13 octobre 2020, le tribunal judiciaire d'Evreux, saisi par M. [O] a :

- prononcé la résiliation judiciaire de la vente de la dépanneuse d'occasion, de marque Renault, type M150 cédée le 13 mai 2017 par M. [V] exerçant sous l'enseigne H'Eurauto Pacy, à M. [O] ;

- condamné M. [V] à payer à M. [O] la somme de 16 200 euros correspondant au prix de vente dudit véhicule ;

- condamné M. [O] à restituer à M. [V] le véhicule ;

- condamné in solidum M. [V] et la Sas Vivauto PL à payer à M. [O] la somme de 1 736 euros par mois à compter du mois de juin 2017 jusqu'à la date du présent jugement en indemnisation de la perte d'exploitation, ainsi qu'à la somme de

933,05 euros en remboursement des dépenses annexes ;

- débouté M. [V] de sa demande tendant à le voir garantir de ses condamnations par la Sas Vivauto PL ;

- dit que dans leurs rapports entre eux, M. [V] et la Sas Vivauto PL seront tenus par moitié de cette dette ;

- condamné M. [V] et la Sas Vivauto PL à payer chacun à M. [O] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [V] et la Sas Vivauto PL aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise ordonnée le 20 septembre 2017 par le juge des référés ;

- autorisé la Scp JY Poncet Deboeuf Beignet à recouvrer directement les frais dont elle a fait l'avance dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration reçue au greffe le 27 novembre 2020, la Sas Vivauto PL a interjeté appel de la décision.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 16 juillet 2021, la Sas Vivauto PL demande à la cour d'infirmer le jugement en ce que le tribunal a :

- condamné in solidum M. [P] [V] et la Sas Vivauto PL à payer à M. [M] [O] la somme de 1 736 euros par mois à compter du mois de juin 2017 jusqu'à la date du jugement en indemnisation de la perte d'exploitation, ainsi qu'à la somme de 933,05 euros en remboursement des dépenses annexes ;

- dit que dans leurs rapports entre eux, M. [P] [V] et la Sas Vivauto PL seront tenus par moitié de cette dette ;

- condamné la Sas Vivauto PL à payer à M. [M] [O] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [P] [V] et la Sas Vivauto PL aux entiers dépens en ce compris les frais de l'expertise ordonnée le 20 septembre 2017 par le juge des référés ;

- autorisé la Scp JY Poncet Deboeuf Beignet à recouvrer directement les frais dont elle a fait l'avance dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;

- rejeté toute demande plus ample ou contraire.

et de,

- juger qu'elle n'a commis aucune faute lors des contrôles techniques réalisés ;

- débouter M. [O] de l'ensemble de ses demandes dirigées à son encontre ;

- débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes dirigées à son encontre ;

à titre subsidiaire,

- la condamner à payer à M. [M] [O] la somme de 1 736 euros par mois de la date du jugement de première instance et ce jusqu'au 31 janvier 2018, date de la radiation du registre du commerce et des sociétés de l'activité de M. [M] [O], en indemnisation de la perte d'exploitation de son entreprise de dépannage ;

en tout état de cause,

- condamner M. [M] [O] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens en ce compris les frais de l'expertise diligentées en première instance que la Selarl Gray Scolan avocats associés sera autorisée à recouvrer pour ceux la concernant conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle soutient en substance ce qui suit :

- l'arrêté du 27 juillet 2004 modifié énonce de façon limitative les points qui doivent faire l'objet du contrôle, les défauts à identifier sur ces points et les observations que le contrôleur doit annoter sur le procès-verbal ;

- il a interdiction d'excéder les limites de son contrôle ;

- le contrôle se fait sans démontage et il lui est interdit de soulever le plateau ;

- tout comme le reste de l'examen, le contrôle du châssis est seulement visuel ;

- les cassures étaient difficilement visibles en raison des couches de rouille présentes ; - seul le dépliage total du plateau de chargement permettait de constater les fissures et le contrôleur n'avait pas le droit d'y procéder ;

- la mention 'corrosion superficielle' portée sur le procès-verbal de contrôle technique fait bien partie de la liste des phrasiers autorisés et correspond à ce qui était techniquement observable ;

- la mention ' contrôle impossible' n'était pas autorisée par l'arrêt du 27 juillet 2004 qui limite l'utilisation de cette mention à des cas précis ;

- M. [O] disposait lui-même, jusqu'au 8 juin 2020, d'un agrément en qualité de contrôleur technique, ce qu'il a dissimulé initialement ;

- la vente s'est donc déroulée entre sachants, professionnels de l'automobile ;

- la présence de rouille aurait dû alerter le vendeur et l'acheteur, qui sont tous deux professionnels, afin d'exiger le dépliage du plateau pour vérifier ;

- M. [O] a été radié du registre du commerce et des sociétés à la date du 31 janvier 2018 et à compter de cette date, l'exploitation de son activité de dépannage était purement et simplement impossible.

Par dernières conclusions notifiées le 1er septembre 2022, M. [M] [O] demande à la cour, au visa des articles 1641 et suivants du code civil, 1240 du code civil, de :

- confirmer le jugement entrepris ;

- débouter la Sas Vivauto PL et M. [P] [V] de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamner la Sas Vivauto PL, et à défaut tout succombant, à lui payer la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la Sas Vivauto PL, et à défaut tout succombant, aux entiers dépens d'appel.

Il soutient en substance ce qui suit :

- le vendeur professionnel est tenu d'une présomption irréfragable de connaissance du vice ;

- il ne peut se prévaloir d'une stipulation excluant à l'avance sa garantie pour vice caché sauf en cas de vente entre professionnels de la même spécialité ;

- M. [O] ne pouvait être considéré comme un acquéreur professionnel puisqu'il devait débuter une activité de dépannage et remorquage de véhicules alors que M. [V] exerçait une activité de vente et de réparation ;

- M. [O] a effectivement exercé une activité de contrôleur technique automobile débutant, mais uniquement du 12 mars 2012 au 30 mars 2012 ;

- le véhicule est atteint d'un vice grave qui le rend dangereux, car le camion est en train de se casser en deux ;

- le véhicule a été présenté comme étant en très bon état général ;

- la responsabilité des centres de contrôle technique automobile peut être recherchée en cas de négligence susceptible de mettre en cause la sécurité du véhicule ;

- il n'aurait pas acquis le véhicule litigieux si le contrôle technique avait dûment mentionné la détérioration importante des longerons ou à tout le moins l'impossibilité de contrôler cet élément ;

- il ne disposait ni des compétences techniques ni du matériel nécessaire à un examen efficace ;

- le contrôleur technique ne démontre pas qu'il lui serait effectivement interdit de manipuler le plateau, ou de manipuler le véhicule aux fins de permettre un contrôle visuel parfait ;

- la mention 'contrôle impossible' aurait été adaptée à la situation dont il s'agit, puisque l'état de saleté ne permettait pas au contrôleur technique de réaliser l'ensemble des contrôles à cause d'un défaut d'accès visuel ;

- l'impossibilité d'exploiter ne résulte pas de l'inscription ou de l'absence d'inscription au registre du commerce et des sociétés, elle est la conséquence de l'absence de mise à disposition de la dépanneuse.

Par dernières conclusions notifiées le 4 mai 2022 , M. [P] [V], exerçant sous l'enseigne H'Eurauto Pacy, demande à la cour de réformer la décision et de :

- débouter M. [O] de toutes ses demandes à son encontre ;

à titre subsidiaire, si par extraordinaire, le jugement était confirmé sur la résiliation de la vente ;

- fixer l'indemnisation de M. [O] au titre de sa perte d'exploitation et de ses dépenses annexes à une somme qui ne saurait excéder 933,05 euros ;

- condamner la Sas Vivauto PL à le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre au profit de M. [O], au titre de la perte d'exploitation, dépenses annexes et tout autre éventuel préjudice ;

- confirmer la décision entreprise en toutes ses autres dispositions non contraires ;

- débouter M. [O] et la Sas Vivauto PL de leurs demandes ;

- condamner M. [O] et/ou la Sas Vivauto PL à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel outre aux entiers dépens d'appel.

Il soutient en substance ce qui suit :

- la facture de vente du véhicule contient une clause de non-garantie ;

- les vices affectant le véhicule lui étaient inconnus ;

- le véhicule avait 22 ans et son âge était connu de l'acheteur ;

- les contrôles techniques régulièrement effectués ne mentionnaient aucun vice ou aucune nécessité de contrôle plus approfondi ;

- M. [O] ne justifie pas de son activité professionnelle entre l'avis 2012 et l'avis 2017 ;

- dès lors que le contrôleur technique a eu un accès visuel, il aurait dû mentionner une 'détérioration importante' et non une 'corrosion superficielle', ou, à défaut d'accès visuel, indiquer que le contrôle était impossible ;

- M. [O] aurait pu acquérir un autre véhicule pour son activité et ne démontre pas son préjudice d'exploitation.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 novembre 2022.

MOTIFS

Sur les demandes formées contre le vendeur au titre d'un vice caché

Le tribunal a rappelé qu'en application des dispositions des articles 1641 à 1644 du code civil, le vendeur est tenu des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à sa destination.

Il ressort du rapport d'expertise que la corrosion des longerons constitue un vice grave qui rend le véhicule impropre à sa destination, puisque le chassis menace de se briser. Il n'est plus plaidé que le véhicule aurait été destiné à la destruction, allégation que le juge a d'ailleurs rejetée par motifs propres.

Ce vice, lié à l'usure du métal, était présent au moment de la vente. Il n'était pas décelable pour un acheteur normalement diligent, puisque la gravité de la corrosion était masquée par de la saleté et de la rouille, ainsi que l'a indiqué le contrôleur technique en page 5 du rapport.

Tout clause élusive de la garantie des vices cachés est inopposable, soit en cas de mauvaise foi du vendeur, soit s'il s'agit d'un professionnel et que l'acheteur n'est pas lui-même un professionnel de la même spécialité.

Les juges du fond apprécient souverainement la condition d'identité de spécialité.

Il est constant que le vendeur, M. [V], exerçait une activité de vente et de réparation de véhicules automobiles. Cette notion recouvre l'ensemble des véhicules motorisés d'au moins quatre roues, donc les véhicules de dépannage.

M. [V] est donc présumé connaître les vices de la chose. Il se prévaut néanmoins de la clause d'exclusion de garantie et soutient que M. [O] disposait d'une compétence spécialisée en matière de mécanique et de réparation automobile.

La facture d'achat n° 20617 contient une clause selon laquelle la dépanneuse est 'vendue dans l'état à un professionnel sans garantie'.

M. [O] ne conteste pas le caractère contractuel de cette clause, ni n'invoque qu'au regard de sa rédaction, elle ne pourrait être efficace. Il soutient en page 11 des conclusions signifiées, que la clause élusive du vice caché ne lui est pas opposable car le vendeur connaissait les vices de la chose et que lui-même n'avait pas la qualité d'acheteur professionnel. Il explique avoir exercé une activité de contrôleur technique sur une période très limitée, entre le 12 mars 2012 et le 30 mars 2012, après avoir réalisé une formation AFPA, puis avoir été libéré par son employeur car il ne disposait pas des compétences nécessaires. Il indique percevoir le RSA depuis l'année 2017.

Si M. [V] est présumé connaître, en qualité de professionnel, les vices affectant le véhicule, il n'est pas démontré, à l'issue des débats, de mauvaise foi de sa part. Il ressort au contraire du rapport d'expertise et des déclarations concordantes des parties que l'état des longerons n'était pas détectable à l'oeil nu, puisque la gravité de la rouille était dissimulée par une couche de saleté et de rouille superficielle. Cet état n'a d'ailleurs été découvert qu'après un décapage par l'entreprise de peinture sollicitée par l'acheteur. Les contrôles techniques antérieurs à la vente n'ont jamais mentionné qu'un état de corrosion superficiel. Il résulte d'ailleurs de la page 6 du rapport d'expertise que la cassure est en partie résultante, non de la rouille, mais de la 'fatigue du métal', soit l'usure normale liée à la multiplication des manoeuvres de basculement. Rien n'indique que le vendeur aurait pu la déceler dans ces conditions.

S'agissant de la spécialité professionnelle de M. [O], la cour relève que, selon les déclarations de M. [V] reportée en page 5 du rapport d'expertise, il s'est présenté comme 'un professionnel de l'automobile, travaillant dans un garage'. Il ne résulte pas des débats que M. [O] aurait contesté sa qualité de professionnel salarié d'un garage dans le cours des opérations d'expertise. Cette qualité, qu'il a déclarée à son acheteur, est d'ailleurs corroborée par l'énoncé de la clause de non garantie portée sur la facture qui y correspond précisément, et dont il ne conteste pas les termes : la vente est intervenue au profit d'un 'professionnel'.

Depuis la naissance du litige, M. [O] reste taisant sur sa formation et son activité professionnelle à l'époque de la vente. Il a notamment caché, à l'expert comme au premier juge, qu'il avait lui-même la qualité de contrôleur technique, jusqu'à ce que la Sas Vivauto PL ne démontre devant la cour qu'il avait été agréé en tant que contrôleur véhicule léger le 4 mars 2020. M. [O] a alors soutenu qu'il n'avait été agréé que sur une période de 8 jours en mars 2012 avant de se détourner de ce métier pour lequel il n'avait pas d'aptitude. Ces allégations sont pourtant contredites par la pièce n°34 qu'il verse lui-même, puisqu'il est fait état de sa qualité de contrôleur technique entre les mois de mars et juin 2020. Il a par ailleurs nécessairement reçu la formation nécessaire à son agrément au plus tard en mars 2012. S'agissant de son activité professionnelle entre 2012 et 2017, M. [O] ne verse en réalité aucune pièce pertinente, et ne s'explique pas sur la raison pour laquelle il s'est déclaré auprès de son vendeur comme professionnel salarié d'un garage.

La cour relève que les attestations dressées en sa faveur en pièce 30 à 33 ont été rédigées par trois gérants de garage différents.

Au regard de ce qui précède, la cour considère comme établi que M. [O] était, ainsi qu'il ressort de ses déclarations initiales, un professionnel de l'automobile de la même spécialité que le vendeur. Il disposait, en tant qu'ancien salarié d'un garage d'une part, et contrôleur technique d'autre part, des compétences techniques nécessaires pour apprécier l'éventualité d'une défaillance du véhicule qu'il achetait, a fortiori au regard de son âge, soit 22 ans, des mentions du procès-verbal de contrôle technique, dont il comprenait nécessairement la portée, et de l'état apparent des longerons, qu'il était en mesure d'examiner et de vérifier, en sollicitant le cas échéant que la partie sale soit nettoyée avant la vente.

La clause élusive lui est donc pleinement opposable et les demandes fondées sur l'existence d'un vice caché seront rejetées, après infirmation.

Sur les demandes formées à l'encontre du contrôleur technique

En application de l'article R. 323-1 du code de la route, l'objet du contrôle technique est de vérifier, pour une optique de sécurité, que le véhicule est en bon état de marche et en état satisfaisant d'entretien.

La mission d'un centre de contrôle technique se bornant à la vérification, sans démontage du véhicule, d'un certain nombre de points limitativement énumérés par l'arrêté ministériel du 18 juin 1991, sa responsabilité ne peut être engagée en dehors de cette mission ainsi restreinte qu'en cas de négligence susceptible de mettre en cause la sécurité du véhicule.

Le contrôleur technique est tenu d'une obligation de résultat vis-à-vis de son client dans la mesure où sa mission de contrôle porte sur des points précis visés par la réglementation.

Il est fautif s'il ne fait pas apparaître dans son rapport différents points défectueux qui devaient y être mentionnés. De même, le caractère abstrait et insuffisant du contrôle peut contribuer à tromper l'acquéreur sur les qualités du véhicule. Le contrôleur doit, pour satisfaire à son obligation de diligence, révéler les défauts structurels d'un véhicule.

M. [O] reproche à la Sas Vivauto PL d'avoir mentionné, sur le procès-verbal de contrôle technique réglementaire, au titre des longerons, l'existence d'une 'corrosion superficielle', soit l'item 61115 de l'annexe normalisée, alors que l'état de saleté de cette partie du véhicule ne permettait pas de détecter la gravité de la corrosion qui l'affectait, circonstance qui rendait le contrôle 'impossible' au sens de l'item 61141. Il se fonde notamment sur l'appréciation de l'expert, selon lequel le contrôleur technique aurait dû mentionner que le contrôle était impossible compte tenu de l'état de saleté des longerons.

Le contrôleur technique soutient que la notion de contrôle impossible est réservée, au termes de l'annexe I de l'arrêté du 27 juillet 2004, à l'hypothèse 'd'éléments qui ne sont pas d'origine, masquant l'organe à vérifier, soit au verrouillage des dispositifs de commande ou d'accès à cet organe', que son examen du véhicule doit rester visuel sans démontage et dans sa configuration routière, ce qui exclut la levée de plateau.

L'arrêté du 27 juillet 2004 pris pour l'application de l'article L. 323-1 du code de la route s'interprète en fonction des dispositions de la loi. Le fait que son annexe I précise que la mention 'contrôle impossible' doit être utilisée dans certains cas qu'elle détermine n'interdit pas pour autant qu'elle soit utilisée dans des cas présentant les mêmes caractéristiques et qui engendrent une impossiblité de contrôle. Il ne résulte d'ailleurs ni de la loi, ni de la lettre de l'arrêté que la notion d''impossiblité' se limiterait aux hypothèses précisées par cette annexe. En l'espèce, les organes à vérifier, à savoir les longerons, étaient masqués par une importante couche de saleté qui ne permettaient pas l'effectuation du contrôle dans des conditions de nature à permette de s'assurer que le véhicule était 'en bon état de marche et d'entretien' ainsi que le prescrit la loi.

Il revenait donc au contrôleur technique, soit d'exiger un nettoyage de cette zone lui permettant d'effectuer un contrôle visuel suffisant, conforme à son obligation de résultat sur les points à vérifier, soit de mentionner que le contrôle était impossible.

Les allégations selon lesquelles il aurait été impossible de détecter le vice à défaut de démontage sont également sans emport : il ne résulte pas des débats que les longerons étaient impossibles à contrôler à défaut de démontage, et du reste ils ont bien été contrôlés en l'espèce. En outre, la manipulation du plateau, si tant est qu'elle était effectivement nécessaire, s'effectue sans démontage, en actionnant une simple commande. Le contrôleur technique doit remplir l'item 6 relatif aux longerons, et, pour ce faire, réaliser les inspections et manipulations simples qui lui permettent d'avoir un accès satisfaisant aux éléments à vérifier. Contrairement à ce que soutient par ailleurs le contrôleur technique, la notion de 'configuration routière' mentionnée dans l'annexe n'interdit pas ces manipulations nécessaires à l'effectuation du contrôle.

M. [O] soutient que cette faute a contribué à le déterminer à acheter le bien. Le lien de causalité n'est pas spécifiquement contesté par la Sas Vivauto PL. Cette dernière plaide une faute du vendeur et de l'acquéreur professionnels au moment de la vente, consistant à ne pas avoir procédé au levage du plateau. Toutefois, il n'est pas établi que le simple levage aurait permis, sans décapage, de détecter la cassure. Par ailleurs, cette carence n'est pas suceptible de constituer une faute de M. [O] vis-à-vis de la Sas Vivauto PL, avec laquelle il n'avait aucun lien contractuel.

La Sas Vivauto PL est donc responsable intégralement des préjudices qui présentent un lien causal avec sa faute.

En page 23 de ses conclusions, M. [O] ne réclame pas que le contrôleur technique soit condamné à l'indemniser du prix de vente engagé en vain, mais uniquement du coût du contrôle technique, de l'assurance et du changement des barillets. S'agissant de frais engagés à perte, pour lesquels le lien de causalité avec la faute n'est pas contesté, la condamnation à hauteur de 933,05 euros sera confirmée.

S'agissant de la perte d'exploitaton alléguée, le tribunal a retenu, sur la base d'une étude prévisionnelle, que M. [O] aurait reçu, en moyenne, un résultat net après impôt de 20 382 euros par an entre 2017 et 2019, soit 1 736 euros par mois de juin 2017 jusqu'au jour du jugement.

Afin de fixer le montant de la perte d'exploitation, le tribunal s'est fondé sur une étude prévisionnelle dressée par Fiducial à la demande de M. [O] et versée en pièce 27. Ce document ne précise pas l'origine des données financières prises en compte, ni la méthodologie retenue. Les chiffres concernés reposent sur l'hypothèse d'une montée en puissance de l'activité, qu'aucun élément tangible ne corrobore, au-delà des attestations très générales de trois garagistes qui envisageaient de lui confier des marchés. M. [O] verse copie de ses relevés d'imposition entre 2017 et 2021. L'existence d'un manque à gagner lié à l'échec de son activité de dépanneur n'est pas établie.

La demande sera donc rejetée.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et frais irrépétibles doivent être infirmées en ce que M. [V] a été condamné aux dépens et aux frais irrépétibles.

La Sas Vivauto PL succombe et sera condamnée aux dépens d'appel, dont distraction au bénéfice de la Selarl Gray Scolan avocats associés, outre une somme pour frais irrépétibles qu'il est équitable de fixer à 2 500 euros.

Aucune faute ne peut être reprochée à M. [V], qui a été mis en cause par M. [O] alors que celui-ci a caché la réalité de son activité professionnelle.

Quand bien même les dépens d'appel sont mis à la charge de la Sas Vivauto PL, M. [O] perd son procès et sera donc condamné à payer à M. [V] une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement en ce que le tribunal a :

- condamné à la Sas Vivauto PL à payer à M. [M] [O] la somme de

933,05 euros en remboursement des dépenses annexes ;

- condamné à la Sas Vivauto PL à payer à M. [M] [O] la somme de

1 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

- condamné la Sas Vivauto PL aux entiers dépens en ce compris les frais de l'expertise ordonnée le 20 septembre 2017 par le juge des référés, sous bénéfice de distraction pour la Scp JY Poncet Deboeuf Beignet ;

Infirme le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau, y ajoutant,

Déboute M. [M] [O] de ses demandes aux fins de résiliation de la vente et de restitution du prix ;

Déboute M. [M] [O] de sa demande en indemnisation d'une perte d'exploitation ;

Condamne la Sas Vivauto PL à payer à M. [M] [O] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [M] [O] à payer M. [P] [V] une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne la Sas Vivauto PL aux dépens, dont distraction au bénéfice de Selarl Gray Scolan avocats associés.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 20/03866
Date de la décision : 01/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-01;20.03866 ?
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