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12/01/2023 | FRANCE | N°20/03180

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 12 janvier 2023, 20/03180


N° RG 20/03180 - N° Portalis DBV2-V-B7E-ISHV





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE



ARRET DU 12 JANVIER 2023











DÉCISION DÉFÉRÉE :





Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE LOUVIERS du 08 Septembre 2020





APPELANT :





Monsieur [W] [O]

[Adresse 1]

[Localité 2]



représenté par Me Fabien LACAILLE, avocat au barreau de ROUEN









I

NTIMEE :





Société NORMANDIE LAVAGE ALIMENTAIRE

ZAC ECOPARC II

[Adresse 4]

[Localité 3]



représentée par Me Charlotte VUEZ de la SELARL ELLIPSE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX substituée par Me Pierre-louis DUCORPS, avocat au barreau...

N° RG 20/03180 - N° Portalis DBV2-V-B7E-ISHV

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 12 JANVIER 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE LOUVIERS du 08 Septembre 2020

APPELANT :

Monsieur [W] [O]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Fabien LACAILLE, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

Société NORMANDIE LAVAGE ALIMENTAIRE

ZAC ECOPARC II

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Charlotte VUEZ de la SELARL ELLIPSE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX substituée par Me Pierre-louis DUCORPS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 10 Novembre 2022 sans opposition des parties devant Madame POUGET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ALVARADE, Présidente

Madame POUGET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme WERNER, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 10 Novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 Janvier 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 12 Janvier 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 17 novembre 2016, M. [W] [O] (le salarié) a été engagé en qualité de laveur par la Sarl Normandie lavage alimentaire (la société) par contrat à durée indéterminée. Le contrat de travail stipulait un salaire de base de 2 050 euros pour un temps de service hebdomadaire de 42 heures.

Le 13 juillet 2017, M. [O] a envoyé un courrier au directeur de la société, M. [U], afin de lui faire part d'une altercation survenue le 8 juillet 2017 avec son supérieur hiérarchique, M. [Y].

Le 21 septembre 2017, il a saisi le conseil de prud'hommes d'Evreux d'une demande de résiliation judiciaire, laquelle juridiction a déclaré sa requête caduque par décision du 22 février 2018.

Après un entretien préalable fixé au 25 septembre, l'employeur a, par courrier du 2 octobre 2017, licencié M. [O] pour faute grave.

Contestant cette décision, ce dernier a alors saisi, le 6 mars 2019, le conseil de prud'hommes de Louviers qui, par jugement du 8 septembre 2020, a :

- dit que sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail était irrecevable,

- débouté M. [O] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné M. [O] au paiement d'une somme de 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

M. [O] a relevé appel de ce jugement le 7 octobre 2020 et par conclusions remises le 6 janvier 2021, demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau :

prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et requalifier la rupture en un licenciement nul ou, à titre subsidiaire, en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

à titre subsidiaire, requalifier le licenciement pour faute grave en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en tout état de cause, condamner la société au paiement des sommes suivantes :

20 000 euros de dommages et intérêts au titre de la nullité du licenciement ou du licenciement sans cause réelle et sérieuse (10 mois de salaire)

540 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

2 700 euros au titre de l'indemnité de préavis,

2 700 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement irrégulier,

270 euros au titre des congés payés sur préavis,

10 000 euros au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral,

5 000 euros au titre du manquement à « l'obligation de sécurité de résultat »,

2 500 euros au titre des dommages et intérêts pour violation de la durée maximale de travail,

1 028 euros au titre du rappel de salaire,

1 500 euros au titre de l'article 700 pour la procédure devant le conseil de prud'hommes et celle de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société aux entiers dépens.

Par conclusions remises le 25 mars 2021, la société demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Louviers le 8 septembre 2020,

- condamner M. [O] aux dépens et au paiement d'une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé détaillé de leur argumentation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le rappel de salaire

Aux termes de L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

L'article L. 3121-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, dispose que le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, fait l'objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière.

Se fondant sur ce dernier texte, le salarié soutient qu'avant les opérations de nettoyage, il devait revêtir une tenue spécifique et procéder à des vérifications de matériel, soit des démarches préalables qui ne faisaient l'objet d'aucune contrepartie financière, de sorte qu'il sollicite le paiement de ce temps de travail au titre d'heures supplémentaires.

Le salarié verse aux débats des plannings mensuels de novembre 2016 à juillet 2017 indiquant pour chaque jour ses heures de début et de fin de journée, ainsi que le nombre d'heures supplémentaires non réglées, selon lui, pour certains mois. Certains de ces documents mentionnent également le temps d'habillage et de déshabillage

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.

Ce dernier réplique que le temps d'habillage et de déshabillage, ainsi que le travail préparatoire, étaient pris en compte dans le temps de travail rémunéré puisque le laveur, fonction de l'appelant, prenait son service à 6h alors que la station ouvrait à 6h30 et que la journée de travail se terminait à 21h, la station fermant à 20h15, horaires qui ne sont pas discutés et dont il justifie. De plus, il fait valoir que les laveurs travaillaient avec un planning « tournant » (une équipe travaillait de 6h à 13h30 pendant 5 jours, l'autre de 13h30 à 21h) et que le travail du samedi matin (4 heures) était rémunéré en heures supplémentaires et sur la base du volontariat. Enfin, il ajoute que l'examen des bulletins de salaire de M. [O] justifient de ce qu'il a été réglé de toutes ses heures de travail en ce compris son temps de pause.

La cour constate que le salarié qui ne détaille pas le montant de sa demande, se limite à préciser un nombre d'heures de travail payées par l'employeur qui serait inférieur à celui effectivement travaillé certains mois, selon lui, en mentionnant « manque X heures sur le salaire ».

Or, il résulte de la comparaison des tableaux du salarié pour les mois concernés avec les bulletins de salaire correspondant que le nombre total d'heures mensuelles mentionnées par le salarié comme ayant été payées par l'employeur est toujours inexact. Ainsi, en janvier 2017, il indique avoir été réglé de 188 heures et qu'il a été omis 5 heures supplémentaires, alors qu'il a été réglé, en réalité, de 216,36 heures ce mois-là. De même en décembre 2016, il indique avoir été réglé de 184 heures et qu'il manque 2 heures, alors qu'il a été réglé de 195,86 heures. En février 2017, il mentionne avoir été payé de 168 heures de travail, qu'il manque 5 heures supplémentaires et/ou 5h10 au titre du temps d'habillage/déshabillage, alors qu'il lui a été réglé 185,86 heures. Ce constat est également valable pour les mois de mars à juillet 2017 et ce, alors que les mentions des bulletins de salaire ne sont contestées.

Ainsi, au vu des éléments produits de part et d'autre, des incohérences récurrentes affectant les décomptes du salarié, et sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, la cour a la conviction que ce dernier a été réglé de toutes les heures supplémentaires accomplies.

Sur la violation des durées maximales de travail

Se fondant sur les dispositions « des articles L. 3121-34 et L. 3121-35 », en réalité les articles L. 3121-18 et L. 3121-20 dans leur version applicable au litige, lesquelles concernent les durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail, le salarié soutient que l'employeur ne les respectait puisqu'il a pu travailler 15h30 dans une journée (12 janvier 2017) et plus de 50 heures certaines semaines (13 mars 2017, 19 juin, 26 juin et 24 juillet 2017).

L'employeur conteste le bien fondé de cette demande en soutenant que le salarié n'apporte pas la preuve des violations des règles relatives à la durée maximale de travail.

Or, les différentes prescriptions énoncées par la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 constituent des règles de droit social d'une importance particulière dont doit bénéficier chaque travailleur en tant que prescription minimale nécessaire pour assurer la protection de sa sécurité et de sa santé, de sorte que c'est l'employeur qui supporte la charge de la preuve du respect des seuils et plafonds relatifs à la durée maximale du travail.

Si la société rappelle les horaires d'ouverture de la station, le travail selon un planning « tournant » des laveurs comme précédemment évoqué ainsi que le fait que l'amplitude horaire ne doit pas se confondre avec le temps de travail effectif, la cour ne peut que constater que ces éléments ne permettent pas de justifier de ce qu'il respectait les seuils et plafonds relatifs à la durée du travail. Ceci est d'autant plus vrai que les horaires de la station ne tiennent pas compte des démarches préparatoires effectuées par le salarié en amont et aval de ceux-ci et que les nombreuses heures supplémentaires réglées chaque mois au salarié démontrent qu'il ne pouvait pas travailler selon le seul planning « tournant » évoqué.

Au surplus, si l'employeur produit deux journées de travail (10 juillet et 9 août 2017) issues du logiciel de traçabilité qui précise les temps de travail et de pause du salarié, la cour relève qu'elles ne remettent pas en cause les mentions portées sur les tableaux du salarié et, au surplus, que l'employeur était en mesure de justifier pour les semaines évoquées par ce dernier, de l'exacte durée de travail tant journalière qu'hebdomadaire réalisée par son salarié.

Dans ces conditions, le non-respect des prescriptions relatives à la durée de travail est préjudiciable à la santé et à la sécurité du salarié, ce qu'il convient de réparer par l'octroi d'une somme de 700 euros, la décision déférée est infirmée sur ce chef. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et il sera ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière.

Sur la modification abusive et discrétionnaire de la rémunération

Alors que le salarié fait valoir ce moyen, il ne forme aucune demande à ce titre indiquant seulement qu'il se « réserve le droit de faire valoir » une exécution déloyale du contrat de travail.

Dans ces conditions et en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour n'a pas lieu de se prononcer sur ce point puisqu'elle n'est pas saisie d'une prétention.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale de compromettre son avenir professionnel.

L'article L. 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié présente des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

La deuxième partie de ce texte présuppose que les éléments de fait présentés par le salarié soient des faits établis puisqu'il n'est pas offert à l'employeur de les contester mais seulement de démontrer qu'ils étaient justifiés.

M. [O] fait valoir qu'il a travaillé dans un climat « très perturbant » du fait des remarques humiliantes et des brimades incessantes de son supérieur hiérarchique, M. [Y], qui l'insultait fréquemment et n'a pas hésité à l'inviter à démissionner ou à envisager une rupture conventionnelle.

A l'appui de cette prétention, il produit son propre courrier du 13 juillet 2017 adressé à son employeur dans lequel il dénonce les propos insultants tenus ( "petite pute ...bel enculé") par M. [Y], le 8 juillet 2017, en indiquant que celui-ci lui a présenté ses excuses mais qu'il s'est senti humilié.

Il ressort du message téléphonique en réponse du 27 juillet 2017 de M. [U], directeur de la société, que ce dernier s'est rapproché de M. [Y] qui lui a dit être « désolé » de s'être « emporté », connaissant des soucis personnels, et s'être excusé auprès de l'appelant.

Il doit également être noté que dans ledit courrier, le salarié ne fait état d'aucun précédent, ni ne dénonce d'autre fait ou encore une situation de harcèlement moral alors qu'il évoque un comportement récurrent de son supérieur hiérarchique.

Le témoignage de M. [R] n'apporte aucun élément sur ce point puisque ce dernier n'a jamais travaillé pour la société et qu'au surplus, il a quitté la société [U] le 15 janvier 2015, soit antérieurement à l'embauche de l'appelant, de sorte qu'il n'a pas pu être témoin d'un quelconque fait dénoncé par ce dernier. Il en est de même de l'attestation de la mère de M. [O], laquelle se limite d'ailleurs a indiqué que son fils « se plaignait de se faire sans cesse rabaisser et harceler par son employeur » sans autre élément factuel précis.

L'appelant fait valoir également qu'il était « contraint de mentir quotidiennement à ses clients concernant la qualité des prestations effectuées » car la société se livrerait à des fraudes conséquentes en lavant des citernes contenant des produits non alimentaires.

Au-delà du fait que les pièces produites n'établissent pas que le salarié était placé dans la situation inconfortable qu'il dénonce, il n'est aucunement établi que le questionnement technique et, partant, juridique ayant pu exister concernant la réglementation du transport de liquides destinés à l'alimentation humaine et animale et ayant conduit à la condamnation pénale de la société en 2014 (pour des faits de 2012), soit de nature à constituer un fait de harcèlement moral.

Enfin, le docteur [C], médecin généraliste, atteste que M. [O] présentait « des signes d'anxiété qu'il [lui] a dit attribuer à sa situation professionnelle, se disant victime de harcèlement moral au travail ».

Ainsi, seul un fait présenté par le salarié est matériellement établi, soit les propos de son supérieur hiérarchique tenus le 8 juillet 2017, lequel grief est demeuré un acte isolé.

Par conséquent, il convient de constater que les éléments présentés par le salarié, pris dans leur ensemble, ne laissent pas supposer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

La décision déférée est confirmée en ce qu'elle a rejeté la prétention tirée de l'existence d'un harcèlement moral, ainsi que celle formée au titre de l'obligation de sécurité, en ce que le salarié la fonde sur la persistance d'un climat anxiogène et l'absence de sanction disciplinaire à l'encontre du salarié « auteur des faits » de harcèlement moral, soit sur des faits non retenus par la cour.

Sur la demande de résiliation judiciaire

L'article 385 du code de procédure civile dispose que l'instance s'éteint à titre principal par l'effet de la péremption, du désistement d'instance ou de la caducité de la citation. Dans ces cas, la constatation de l'extinction de l'instance et du dessaisissement de la juridiction ne met pas obstacle à l'introduction d'une nouvelle instance, si l'action n'est pas éteinte par ailleurs.

Comme précédemment rappelé, si le salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'Évreux d'une demande de résiliation judiciaire, antérieurement à son licenciement, sa requête a été déclarée caduque, ce dont il n'a pas demandé à être relevé par application des dispositions des articles R 1454-2 alinéa 2 du code du travail et 468 du code de procédure civile, faisant le choix d'intenter une nouvelle instance en résiliation judiciaire devant le conseil de prud'hommes de Louviers, et ce, postérieurement à son licenciement.

Dès lors, la requête initiale devant, par l'effet de la caducité, être considérée comme n'ayant jamais existé et la seconde demande de résiliation judiciaire ayant été introduite postérieurement au licenciement du salarié pour faute grave, cette prétention doit être jugée, non pas comme étant irrecevable comme l'ont indiqué à tort les premiers juges, mais comme étant sans objet.

La décision déférée est infirmée sur ce chef.

Toutefois, il est constant que le juge doit, pour apprécier le bien-fondé du licenciement, prendre en considération les griefs qui étaient invoqués par le salarié à l'appui de sa demande de résiliation judiciaire dès lors qu'ils sont de nature à avoir une influence sur cette appréciation.

Sur le licenciement

La faute grave s'entend d'une faute d'une particulière gravité ayant pour conséquence d'interdire le maintien du salarié dans l'entreprise.

La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe à l'employeur et à lui seul et il appartient au juge du contrat de travail d'apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, et s'ils ont revêtu un caractère de gravité suffisante pour justifier l'éviction immédiate du salarié de l'entreprise.

En vertu de la lettre de licenciement du 2 octobre 2017, le salarié a été congédié pour avoir dérobé du matériel de l'entreprise à compter du mois de février 2017 et pour une valeur dépassant la somme de 6000 euros.

Les faits considérés ont fait l'objet d'une plainte et de poursuites pénales du salarié qui n'a pas contesté la matérialité des faits. D'ailleurs, par ordonnance du 19 février 2018, le président du tribunal de grande instance d'Évreux a homologué la proposition de peine formée par le procureur de la République à l'encontre de M. [O], soit 90 heures de travail d'intérêt général et renvoyé les parties sur intérêts civils.

Dès lors, en vertu du principe selon lequel l'autorité de la chose jugée au pénal s'impose au juge civil, le juge prud'homal ne peut que relever que les faits pour lesquels le salarié a été licencié, sont établis, ce que d'ailleurs ce dernier ne discute pas, se limitant à faire valoir le contexte dans lequel ils ont été commis, soit l'existence d'un harcèlement moral et des agissements constitutifs d'une déloyauté contractuelle de son employeur, seuls griefs invoqués par le salarié au titre de la résiliation judiciaire.

Toutefois, les précédents développements n'ont pas retenu l'existence d'un harcèlement moral. Quant à la prétendue exécution déloyale du contrat de travail laquelle résulterait de l'octroi de primes exceptionnelles de manière discrétionnaire, la cour constate que le salarié ne forme aucune demande à ce titre comme précédemment indiqué et qu'en toute hypothèse, cet élément, quand bien même il serait avéré, ne saurait ni justifier les faits reprochés au salarié, ni en atténuer leur gravité.

Par conséquent, au regard de la nature des griefs établis à l'encontre du salarié, la cour considère qu'ils présentent un caractère de gravité empêchant son maintien dans l'entreprise.

La décision déférée est confirmée sur ce chef.

Sur les dépens et frais irrépétibles

M. [O], succombant principalement, est condamné aux dépens.

Il n'apparaît pas inéquitable de le condamner à payer la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement du 8 septembre 2020 du conseil de prud'hommes de Louviers, sauf en ses dispositions relatives à l'irrecevabilité de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et aux dommages et intérêts pour violation de la durée maximale de travail,

Statuant dans cette limite et y ajoutant,

Dit que la demande de résiliation judiciaire formée par M. [O] est sans objet,

Condamne la société Normandie lavage alimentaire à payer à M. [W] [O] la somme de 700 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de la durée maximale de travail,

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

Condamne M. [O] à payer à la société Normandie lavage alimentaire la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Le déboute de sa demande formée à ce titre et le condamne aux entiers dépens.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/03180
Date de la décision : 12/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;20.03180 ?
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