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12/01/2023 | FRANCE | N°20/00378

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 12 janvier 2023, 20/00378


N° RG 20/00378 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IMQE





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE



ARRET DU 12 JANVIER 2023











DÉCISION DÉFÉRÉE :





Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE DIEPPE du 09 Décembre 2019





APPELANT :



Monsieur [J] [S]

[Adresse 2]

[Localité 3]



représenté par Me Rose-Marie CAPITAINE, avocat au barreau de DIEPPE substitué par Me Mélanie DERNY, avocat au

barreau de DIEPPE











INTIMEE :





Société CAOUTCHOUC PLASTIQUES DERIVES DE NORMANDIE (C.P.D.N.)

[Adresse 1]

[Localité 4]



représentée par Me Nathalie TIMOTEI de la SELARL CABINET TIMOTEI ET ASSOCIÉS, a...

N° RG 20/00378 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IMQE

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 12 JANVIER 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE DIEPPE du 09 Décembre 2019

APPELANT :

Monsieur [J] [S]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Rose-Marie CAPITAINE, avocat au barreau de DIEPPE substitué par Me Mélanie DERNY, avocat au barreau de DIEPPE

INTIMEE :

Société CAOUTCHOUC PLASTIQUES DERIVES DE NORMANDIE (C.P.D.N.)

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Nathalie TIMOTEI de la SELARL CABINET TIMOTEI ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 16 Novembre 2022 sans opposition des parties devant Madame BIDEAULT, Présidente, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ALVARADE, Présidente

Madame POUGET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 16 Novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 Janvier 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 12 Janvier 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu le jugement en date du 9 décembre 2019 par lequel le conseil de prud'hommes de Dieppe, statuant dans le litige opposant M. [J] [S] à son ancien employeur, la société Caoutchouc Plastique Dérivés de Normandie (CPDN), a débouté le salarié de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné aux entiers dépens ;

Vu l'appel interjeté par voie électronique le 13 janvier 2020 par M. [S] à l'encontre de cette décision qui lui a été notifiée le 17 décembre précédent ;

Vu la constitution d'avocat de la société CPDN, intimée, effectuée par voie électronique le 29 janvier 2020 ;

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 14 novembre 2022 par lesquelles le salarié appelant, soutenant que son ancien employeur a méconnu le principe d'égalité de traitement en ne le faisant pas bénéficier du contrat de retraite supplémentaire, revendiquant le changement de son coefficient à compter du 1er janvier 2008 et subsidiairement à compter du 27 juin 2013, sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de :

- lui accorder le bénéfice du contrat collectif d'assurance retraite supplémentaire relevant de l'article 83 du code général des impôts souscrit par la société au profit des 'cadres et assimilés',

- constater que la société a commis une faute en le privant du bénéfice de ce contrat,

- condamner la société CPDN à lui verser la somme de 89 287,94 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la somme qu'il aurait dû percevoir à compter du mois de novembre 1992 jusqu'au mois de juin 2018 pour le préjudice subi d'avoir été injustement privé d'un contrat d'assurance collectif retraite,

- condamner la société CPDN à lui verser la somme de 8 000 euros en réparation de son préjudice moral,

- condamner la société CPDN à reconnaître et lui appliquer un coefficient de 480 à compter du 1er janvier 2008 et, subsidiairement, à compter du 27 juin 2013,

- condamner la société CPDN à lui verser la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 2 novembre 2022 aux termes desquelles la société intimée, réfutant les moyens et l'argumentation de la partie appelante, aux motifs notamment qu'aucune faute n'a été commise, que le principe d'égalité de traitement a été respecté, que le salarié n'a subi aucun préjudice, qu'il ne relevait pas du coefficient 480, sa demande étant par ailleurs prescrite, sollicite pour sa part à titre principal la confirmation de la décision déférée, le débouté des demandes formées par l'appelant, requiert à titre subsidiaire, que la demande de M. [S] relative au droit au contrat de retraite supplémentaire ne pourrait consister qu'en une perte de chance, laquelle ne pourrait en tout état de cause excéder un pourcentage à justifier (sic) de 5 568,97 euros, demande reconventionnellement la condamnation du salarié à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sa condamnation aux entiers dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 16 novembre 2022 renvoyant l'affaire pour être plaidée à l'audience du même jour ;

Vu les conclusions transmises le 14 novembre 2022 par l'appelant et le 2 novembre 2022 par l'intimée auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel ;

SUR CE, LA COUR

La société Caoutchouc Plastiques Dérivés de Normandie (CPDN) est spécialisée dans la fabrication pour l'industrie de pièces en caoutchouc et dérivés. Elle emploie plus de 11 salariés et applique la convention collective nationale du caoutchouc.

M. [S] a été embauché par la société CPDN en qualité de responsable de fabrication, niveau 5, échelon 1, coefficient 305 de l'avenant ingénieurs et cadres de la convention collective nationale du caoutchouc aux termes d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juillet 1991.

M. [S] indique avoir découvert par hasard dans le photocopieur de la société des documents relatifs à un contrat collectif d'assurance retraite souscrit par la société auprès de l'assureur AXA pour les salariés de l'entreprise appartenant à la catégorie 'cadres et assimilés'.

Considérant qu'il aurait dû bénéficier de ce contrat, que son employeur a commis une faute en ne l'informant pas de son existence, invoquant l'existence d'une inégalité de traitement, M. [S] a saisi le 6 juillet 2018 le conseil de prud'hommes de Dieppe, qui, statuant par jugement du 9 décembre 2019, dont appel, s'est prononcé comme indiqué précédemment.

M. [S] a fait valoir ses droits à la retraite le 30 juin 2018.

1/ Sur le bénéfice du contrat de retraite complémentaire

M. [S] soutient que l'employeur a méconnu le principe d'égalité de traitement en ce qu'il ne lui a pas été proposé de bénéficier du contrat de retraite complémentaire mis en place au sein de la société au profit des cadres de l'entreprise.

Il expose avoir découvert en 2017 dans le photocopieur de l'entreprise un appel de cotisations relatifs à un contrat collectif d'assurance retraite supplémentaire souscrit par la société auprès de l'assureur AXA, avoir interrogé à plusieurs reprises son employeur à ce sujet, y compris par le biais de son conseil.

Il expose avoir dû saisir le conseil de prud'hommes en référé le 25 janvier 2018 pour obtenir communication du contrat litigieux et de ses avenants.

Il soutient qu'il aurait dû bénéficier de ce contrat au même titre que Mme [U], seule bénéficiaire, observant que cette dernière est l'épouse de l'ancien dirigeant de la société.

Il conteste les allégations de l'employeur selon lesquelles le bénéfice de ce contrat était réservé aux seuls cadres dirigeant, indique qu'il appartient à l'employeur d'établir la preuve de ce qu'il aurait renoncé au caractère collectif de ce contrat en 2010, ce qu'il ne fait pas.

L'employeur conclut au débouté de la demande. Il indique avoir souscrit le 1er octobre 1989 auprès de la compagnie AXA un contrat collectif de retraite supplémentaire au titre de l'article 83 du code général des impôts pour la catégorie des 'cadres de direction' de l'entreprise, avoir signé un avenant en 1999 pour la même catégorie de salariés.

Il soutient que seule Mme [U] avait le statut de cadre de direction en ce qu'elle a assuré la gérance de la société depuis sa création en 1976.

L'employeur précise qu'à compter de 2014, la société a été cédée et a renoncé à se prévaloir du caractère collectif du contrat, la nouvelle direction ayant décidé d'en faire un avantage particulier spécifique réservé à sa responsable administrative et cadre de direction, Mme [U].

L'employeur conteste les allégations du salarié selon lesquelles il aurait méconnu le principe d'égalité de traitement soutenant que M. [S] n'était pas placé dans une situation identique à celle de Mme [U].

Il précise que jusqu'au 30 juin 2014 la catégorie des 'cadres dirigeant' constituait une catégorie objective de plein droit, que M. [S] n'a jamais été cadre dirigeant de la société.

Sur ce ;

Selon le principe d'égalité de traitement, l'employeur doit assurer l'égalité de traitement des salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale. L'égalité de traitement et l'égalité salariale supposent que les salariés soient placés dans une situation comparable au regard de leur formation, soit un ensemble de connaissances professionnelles consacrées par un diplôme ou un titre ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise.

Cependant une inégalité de traitement peut être admise si l'employeur établit qu'elle repose sur des éléments objectifs et non discriminatoires.

En application de l'article 1315 du Code civil, s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser cette inégalité, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence, ces éléments étant contrôlés par le juge.

C'est à celui qui invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement de démontrer qu'il se trouve dans une situation identique ou similaire à celui auquel il se compare.

Aux termes de l'article L242-1 du code de la sécurité sociale, sixième alinéa, dans sa version en vigueur à la date du litige, l'exclusion de l'assiette des cotisations des contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance versées au bénéfice de leurs salariés, anciens salariés et de leurs ayants droit est subordonnée au respect du caractère collectif et obligatoire du régime.

La condition tenant au caractère collectif du régime est remplie dès lors que le régime bénéficie à l'ensemble des salariés ou à une partie d'entre eux sous réserve qu'ils appartiennent à une catégorie établie à partir de critères objectifs fixés par l'article R242-1-1 du code de la sécurité sociale.

Ce dernier article dispose en son dernier alinéa que ces catégories ne peuvent en aucun cas être définies en fonction du temps de travail, de la nature du contrat, de l'âge ou, sous réserve du 4° et du dernier alinéa de l'article R242-1-2, de l'ancienneté des salariés.

En raison des particularités des régimes de prévoyance couvrant les risques maladie, incapacité, invalidité, décès et retraite, qui reposent sur une évaluation des risques garantis, en fonction des spécificités de chaque catégorie professionnelle, prennent en compte un objectif de solidarité et requièrent dans leur mise en oeuvre la garantie d'un organisme extérieur à l'entreprise, l'égalité de traitement ne s'applique qu'entre les salariés relevant d'une même catégorie professionnelle.

Il n'est pas utilement contesté que la catégorie de cadres de direction, cadres dirigeants, constitue une catégorie objective pour laquelle l'employeur peut souscrire un avantage particulier.

Antérieurement au 1er mai 2008, le code du travail ne définissait pas la notion de cadre dirigeant.

Depuis le 1er mai 2008, l'article L 3111-2 du code du travail dispose notamment que sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.

En outre, il est admis que pour avoir la qualité de cadre dirigeant, le cadre doit participer effectivement à la direction de l'entreprise.

En l'espèce, il ressort des éléments produits que la société a souscrit au 1er janvier 1989, au titre de l'article 83 du code général des impôts, un contrat collectif d'assurance retraite complémentaire au bénéfice de 'l'ensemble des cadres de direction'.

A compter de 2014, la société a renoncé à se prévaloir du caractère collectif du contrat.

Il n'est pas contesté que M. [S] n'a pas bénéficié de ce contrat, seule Mme [U] en ayant bénéficié.

Au soutien de sa demande visant à reconnaître une atteinte au principe d'égalité de traitement, M. [S], qui soutient être dans une situation identique à celle de Mme [U] verse aux débats :

- son contrat de travail,

- la fiche de définition de ses fonctions,

- les organigrammes de la société aux dates de juin 2002 et septembre 2009 mentionnant en qualité de directeur M. [U], puis M. [R] puis, en 2002, en qualité de directeur technique M. [S], directeur administratif Mme [U], Directeur qualité directement rattaché au PDG M. [S],

- une fiche interne à la société comportant les numéros d'urgence à contacter,

- la fiche de définition des fonctions de Mme [U],

- le contrat de travail de Mme [U],

- des documents internes à l'entreprise relatifs au suivi et organisation des productions,

- l'attestation de M. [K], ancien salarié de l'entreprise de laquelle il ressort que M. [S] était pressenti pour reprendre l'entreprise familiale de caoutchouc à la suite de M. [U], qu'il était associé aux réunions ayant pour objet le management de l'entreprise, les perspectives d'avenir, qu'il dirigeait l'atelier avec compétence et gérait le personnel en sa qualité de responsable hiérarchique du personnel de production et de maintenance,

- l'attestation de M. [B], stagiaire au sein de l'entreprise en 1995, qui indique notamment que M. [S] dirigeait l'atelier, établissait les fiches de postes et mettait en place les procédures qualité,

- l'attestation de Mme [L], salariée de l'entreprise de 1989 à 1994 qui indique avoir toujours été placée sous la responsabilité et l'autorité de M. [S], ce dernier dirigeant l'atelier, Mme [U] n'occupant que des fonctions administratives.

Il ressort cependant de l'ensemble des pièces et documents versés aux débats que Mme [U], présente au sein de l'entreprise dès la création de celle-ci, a occupé des fonctions de mandataire social jusqu'en 1992.

Le contrat de travail signé par Mme [U] à compter du 22 octobre 1992 mentionnait qu'elle occupait un poste de responsable administratif, position II, coefficient 370 de la convention collective du caoutchouc.

La société établit que dès 2010 Mme [U] était classée au niveau 6, coefficient 420 de la convention collective alors que M. [S] bénéficiait d'une classification au niveau 5, coefficient 370 au dernier état de la relation contractuelle.

Il résulte des éléments produits par l'employeur que Mme [U] exerçait effectivement des missions relevant d'un cadre de direction.

Elle disposait d'une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps, sa rémunération étant située dans les niveaux les plus élevés de l'entreprise.

Ainsi, elle a signé le contrat de travail de M. [S], était dotée de pouvoirs et responsabilités élargis dans le domaine de la gestion du personnel, la gestion financière, le contrôle de sécurité.

Il résulte de l'attestation du délégué du personnel qu'elle était l'interlocutrice en matière de gestion du personnel, qu'elle avait notamment un pouvoir de sanction, qu'elle représentait l'entreprise lors des contrôles de l'inspection du travail ou de l'Urssaf, qu'elle gérait les élections du personnel.

Il est établi qu'en l'absence du président de la société, Mme [U] gérait l'entreprise, était appelée à prendre au quotidien des décisions, qu'elle participait effectivement à la direction de l'entreprise.

Ainsi, il ressort des pièces produites qu'elle échangeait et négociait avec l'Urssaf, la Direccte. Mme [F], salariée et déléguée du personnel, atteste du fait que Mme [U] et M. [R], PDG, étaient ses interlocuteurs privilégiés, que Mme [U] gérait toutes les problématiques sociales, qu'en l'absence du dirigeant elle assumait la gestion de l'entreprise au quotidien.

M. [S] assumait pour sa part des fonctions de cadre technique.

Il bénéficiait d'une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps, percevait une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise. Cependant, il n'est pas démontré qu'il participait effectivement à la direction de la société.

Ainsi, il était associé à la gestion du personnel de l'atelier mais non à la gestion de l'entreprise dans son ensemble. S'il établit qu'à une période de la relation contractuelle il a été associé aux décisions prises, aux projets mis en oeuvre, il n'établit pas qu'il participait effectivement à la direction de l'entreprise.

Ainsi, les pièces produites par M. [S] démontrent qu'il disposait d'une certaine autonomie et de pouvoirs sur l'atelier qu'il dirigeait et non sur l'entreprise.

Au vu de ces éléments, il y a lieu de constater que M. [S] échoue à démontrer qu'il se trouvait dans une situation identique ou similaire à celle de Mme [U], à laquelle il se compare.

Le salarié échoue également à établir qu'il avait la qualité de cadre dirigeant au regard des dispositions précitées.

Il y a lieu de constater qu'au jour de la cession de l'entreprise, l'employeur était fondé à maintenir l'avantage de la retraite complémentaire au bénéfice de Mme [U], sans que cela constitue une atteinte prohibée au principe d'égalité de traitement.

En conséquence, par confirmation du jugement entrepris, il y a lieu de juger que d'une part M. [S] n'a pas été victime d'une inégalité de traitement et, d'autre part qu'il ne relevait pas de la catégorie de cadre dirigeant revendiquée et concernée par le bénéfice du contrat de retraite supplémentaire.

Il n'est pas établi l'existence d'un comportement fautif de l'employeur.

M. [S] doit en conséquence être débouté de sa demande de dommages et intérêts réparant une perte de chance en lien avec un comportement fautif de l'employeur ainsi que de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral.

2/ Sur la demande de réévaluation du coefficient

M. [S] sollicite la rectification de son coefficient à compter du 1er janvier 2008, date à partir de laquelle il indique avoir exercé les fonctions de directeur technique et, à titre subsidiaire, au regard de la prescription, à compter du 27 juin 2013.

Il soutient qu'il exerçait au sein de la société d'importantes responsabilités, qu'il assumait la direction de la production, de la maintenance, de la conception et de la qualité outre la gestion du personnel de l'atelier et qu'il relevait de la classification sollicitée.

A titre principal, il affirme que sa demande n'est pas prescrite en ce que le point de départ du délai de prescription court à compter du jour où il a ou aurait dû avoir connaissance des faits lui permettant d'exercer son droit et que ce n'est qu'au jour de l'engagement de la procédure prud'homale, du recours à un conseil, qu'il a découvert que son coefficient était sous évalué.

L'employeur invoque la prescription de la demande au motif que le salarié était parfaitement informé de sa rémunération et de son coefficient hiérarchique.

Subsidiairement, il soutient que le salarié n'a jamais formulé de réclamation au cours de la relation contractuelle, que sa promotion aux fonctions de responsable de fabrication en 2008 s'est accompagnée d'une revalorisation salariale.

La société affirme que pour bénéficier du coefficient 480 niveau 6 de la convention collective, le salarié doit pouvoir exercer des fonctions de commandement sur des ingénieurs et cadres, ce qui n'a jamais été le cas pour M. [S], précisant que depuis son départ à la retraite, aucun cadre n'a été embauché mais qu'il a été remplacé par un agent de maîtrise.

Sur ce ;

La détermination du délai de prescription dépend de la nature de la créance objet de la demande.

En l'espèce, il y a lieu de constater que M. [S] ne forme pas de demande de rappel de salaire mais demande à la cour de 'condamner la société à reconnaître et appliquer un coefficient de 480'.

L'action relève en conséquence de la prescription afférente à l'exécution du contrat de travail.

M. [S] revendique la modification de son coefficient à compter du 1er janvier 2008 et subsidiairement du 27 juin 2013.

Le délai de prescription a été modifié par la loi du 14 juin 2013.

En application de l'article L 1471-1 alinéa 1 du code du travail, dans sa version en vigueur au 14 juin 2013, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par 2 ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Ce délai s'applique aux prescriptions en cours au 14 juin 2013, date de promulgation de la loi 2013-504 du 14 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Ainsi, lorsque la prescription quinquennale en application de l'article 2224 du code civil a commencé à courir avant cette date de promulgation, le nouveau délai s'applique à compter de cette date, sans pouvoir porter la durée totale de prescription au-delà de 5 ans.

En l'espèce, il a été attribué un coefficient de 370 au salarié à compter du 1er janvier 2008. A compter de cette date, M. [S] a eu connaissance des faits lui permettant d'exercer son droit.

En application des dispositions alors en vigueur, il disposait en conséquence d'un délai de 5 ans à compter du 1er janvier 2008 pour agir.

M. [S] n'ayant sollicité le changement de classification qu'à compter du 6 juillet 2018, date de la saisine du conseil de prud'hommes, il y a lieu de déclarer son action prescrite.

Le jugement entrepris est infirmé de ce chef.

3/ Sur les frais irrépétibles et les dépens

M. [S], partie succombante, est condamné aux dépens d'appel, la condamnation aux dépens de première instance étant confirmée.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société les frais non compris dans les dépens qu'elle a pu exposer. Il convient en l'espèce de condamner M. [S] à lui verser la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge du salarié les frais irrépétibles exposés par lui.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement et en dernier ressort ;

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Dieppe du 9 décembre 2019 sauf en ce qu'il a débouté M. [S] de sa demande au titre de la classification ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant:

Déclare irrecevable comme prescrite la demande formée par M. [J] [S] au titre du changement de coefficient ;

Condamne M. [J] [S] à verser à la société Caoutchouc Plastiques Dérivés de Normandie la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne M. [J] [S] aux entiers dépens d'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/00378
Date de la décision : 12/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;20.00378 ?
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