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05/01/2023 | FRANCE | N°21/01676

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 05 janvier 2023, 21/01676


N° RG 21/01676 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IX7S





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE



ARRET DU 05 JANVIER 2023











DÉCISION DÉFÉRÉE :





Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE LOUVIERS du 29 Mars 2021





APPELANTE :





Société SANOFI PASTEUR

[Adresse 1]

[Localité 4]



représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN sub

stituée par Me Simon MOSQUET-LEVENEUR, avocat au barreau de CAEN









INTIME :





Monsieur [L] [E]

[Adresse 2]

[Localité 3]



représenté par Me Karim BERBRA de la SELARL BAUDEU & ASSOCIÉS AVOCATS, avocat au barr...

N° RG 21/01676 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IX7S

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 05 JANVIER 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE LOUVIERS du 29 Mars 2021

APPELANTE :

Société SANOFI PASTEUR

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Simon MOSQUET-LEVENEUR, avocat au barreau de CAEN

INTIME :

Monsieur [L] [E]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Karim BERBRA de la SELARL BAUDEU & ASSOCIÉS AVOCATS, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Sophie DEFRESNE, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 15 Novembre 2022 sans opposition des parties devant Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme WERNER, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 15 Novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 Janvier 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 05 Janvier 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [L] [E] a été mis à la disposition de la société Sanofi Pasteur par des contrats de missions du 26 mars 2018 au 2 avril 2021.

Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective des industries pharmaceutiques.

Le 24 février 2021, M. [L] [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Louviers en requalification des contrats de travail temporaire en contrat de travail à durée indéterminée avec toutes conséquences de droit.

Par jugement du 29 mars 2021, le conseil de prud'hommes a :

- déclaré l'action en requalification recevable,

- requalifié les relations contractuelles en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 26 mars 2018,

- constaté que le contrat de mission est toujours en cours d'exécution,

- condamné la société Sanofi Pasteur à payer à M. [L] [E] les sommes suivantes :

dommages et intérêts en l'absence de chèque Cadhoc : 210 euros

indemnité de requalification : 2 721,24 euros

indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 1 000 euros

- rejeté les demandes de rappel de salaire du 13 septembre 2020 au 5 janvier 2021 et les congés payés afférents, de dommages et intérêts pour non perception des primes d'intéressement et de participation 2018, 2019 et 2020,

- rejeté la demande de la société Sanofi Pasteur au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Sanofi Pasteur aux entiers dépens.

La société Sanofi Pasteur a interjeté appel le 20 avril 2021.

Par conclusions d'appel n° 2 signifiées le 1er décembre 2021, auxquelles la cour renvoie pour l'exposé détaillé des moyens, la société Sanofi Pasteur demande que son appel soit déclaré recevable et l'appel incident de M. [L] [E] irrecevable et mal fondé, que le jugement déféré soit infirmé en ce qu'il a dit l'action en requalification de M. [L] [E] entièrement recevable, a requalifié les relations contractuelles en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 26 mars 2018 et l'a condamnée au paiement de l'indemnité de requalification, de dommages et intérêts pour absence de chèque Cadhoc et de l'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a rejeté sa demande sur le même fondement, de le confirmer pour le surplus,

statuant à nouveau,

dire les chefs de demande de M. [L] [E] mal fondés, l'en débouter et le condamner à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions responsives remises le 14 décembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, M. [L] [E] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté ses demandes de rappel de salaire pour la période du 13 septembre 2020 au 5 janvier 2021 et congés payés afférents, ainsi que de dommages et intérêts pour non perception des primes d'intéressement et de participation 2018, 2019 et 2020, condamner la société Sanofi Pasteur à lui payer avec intérêts au taux légal à compter du dépôt de la requête les sommes suivantes :

rappel de salaire pour la période allant du 13 septembre 2020 au 5 janvier 2021 : 6 076,15 euros

congés payés afférents : 607,61 euros

dommages et intérêts pour non perception des primes d'intéressement et participation 2018, 2019 et 2020 : 15 000 euros net,

de débouter la société Sanofi Pasteur de l'ensemble de ses demandes et notamment celle tendant à sa condamnation au paiement d'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions d'incident remises le 7 novembre 2022, M. [L] [E] a demandé à la cour de rejeter les pièces numérotées 1-13 bis, 1-13 ter, 1-14 bis, 1-14 ter, 1-19 quater, 1-20, 2-2 et 2-3 notifiées par la société Sanofi Pasteur le 3 novembre 2022 à 13h36 en raison de leur communication tardive.

Par conclusions d'incident remises le 14 novembre 2022, la société Sanofi Pasteur s'oppose à la demande de rejet de pièces présentées par M. [L] [E].

La cour a joint l'incident au fond.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 3 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I - Sur l'incident

Alors que par ordonnance du 21 octobre 2022, avait été fixée la date de clôture de l'instruction de l'affaire au 3 novembre 2022 à 14h00 et la date d'audience au 15 novembre 2022 pour évocation du dossier au fond, le 3 novembre 2022, à 13h36, la société appelante a communiqué plusieurs pièces.

Alors que les parties avaient conclu de part et d'autre en décembre 2021, cette nouvelle communication, 24 minutes avant la clôture de la procédure, ne met pas la partie adverse en mesure de les examiner dans des conditions normales et éventuellement d'y opposer des arguments. Aussi, elles doivent être écartées des débats compte tenu des délais dont ont disposé les parties pour faire valoir leurs prétentions et leurs pièces respectives jusqu'à la fixation de l'audience, peu important qu'elles n'aient été avisées de la date de clôture que 8 jours ouvrés avant sa date, ce d'autant que les nouvelles pièces communiquées ne résultaient pas d'éléments nouveaux portés tardivement à la connaissance de la partie communicante et ne font, de son propre aveu, que corroborer son argumentaire à l'appui duquel elle a déjà versé des pièces.

II - Sur la demande de requalification des contrats de mission

M. [L] [E] sollicite la requalification des contrats de mission l'ayant lié à la société Sanofi Pasteur à effet au 26 mars 2018 aux motifs que le recours aux contrats précaires était destiné à pourvoir un emploi durable et permanent de l'entreprise, qu'il était chargé de tâches courantes de l'entreprise relevant de son activité normale.

La société Sanofi Pasteur s'y oppose en faisant valoir que les motifs de recours sont justifiés et réguliers.

En application de l'article L1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

Selon l'article L.1251-6 du code du travail, sous réserve des dispositions de l'article L. 1251-7, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée " mission" et seulement dans les cas suivants :

1° Remplacement d'un salarié, en cas :

a) D'absence ;

b) De passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur ;

c) De suspension de son contrat de travail ;

d) De départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité social et économique, s'il existe ;

e) D'attente de l'entrée en service effective d'un salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer ;

2° Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ;

3° Emplois à caractère saisonnier définis au 3° de l'article L. 1242-2 ou pour lesquels, dans certains secteurs définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ;

4° Remplacement d'un chef d'entreprise artisanale, industrielle ou commerciale, d'une personne exerçant une profession libérale, de son conjoint participant effectivement à l'activité de l'entreprise à titre professionnel et habituel ou d'un associé non salarié d'une société civile professionnelle, d'une société civile de moyens d'une société d'exercice libéral ou de toute autre personne morale exerçant une profession libérale ;

5° Remplacement du chef d'une exploitation agricole ou d'une entreprise mentionnée aux 1° à 4° de l'article L. 722-1 du code rural et de la pêche maritime, d'un aide familial, d'un associé d'exploitation, ou de leur conjoint, mentionné à l'article L. 722-10 du même code dès lors qu'il participe effectivement à l'activité de l'exploitation agricole ou de l'entreprise.

La réalité du motif de recours au contrat de mission doit être appréciée lors de sa conclusion.

La société Sanofi Pasteur est spécialisée dans la fabrication de vaccins humains et son site de production situé à [Localité 5] assure la distribution mondiale de tous les vaccins fabriqués par la société Sanofi Pasteur en France et les opérations industrielles de la production biologique des antigènes au stade 'vrac' jusqu'à la production de produits finis, à savoir les vaccins et leur distribution dans le monde.

Le site de [Localité 5] est le premier producteur mondial de vaccin contre la grippe saisonnière pour les hémisphères nord et sud.

M. [L] [E] a été lié à la SA Sanofi Pasteur par les contrats suivants :

- du 26 mars 2018 au 15 septembre 2018 pour un surcroît d'activité lié à la mise en place d'une 3ème ligne en samedi et dimanche en qualité d'opérateur 3 Formulation/répartition liquide,

- renouvellement du contrat précédent du 16 septembre 2018 au 28 décembre 2018,

- avenant prenant effet au 1er janvier 2019 au même motif pour une période courant du 26 mars 2018 au 12 septembre 2019,

- du 6 janvier 2020 au 6 octobre 2020 en qualité d'opérateur 2 formulation pour surcroît d'activité dans le cadre des études de sensibilité de la QOQG 7213

- du 7 octobre 2020 au 2 avril 2021 : renouvellement du contrat précédent.

La société Sanofi Pasteur explique que son projet de création de deux nouvelles lignes pour accroître sa capacité à produire plus dans un temps moindre sans intensifier le rythme de travail du personnel qui devait se concrétiser courant 2016 pour la nouvelle ligne flacon (LF2) et courant 2018 pour la nouvelle ligne seringue (LS3), a été constamment reporté pour différents motifs indépendants de sa volonté et notamment par la nécessité de qualification par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, différée en raison de la crise sanitaire liée au Covid 19 empêchant cette autorité de se rendre sur le site ; que, dans l'attente de la mise en service de la nouvelle ligne de production de seringues, elle a fait face à un surcroît d'activité qui ne peut être qualifié que de temporaire comme étant contrainte d'étendre son planning de production en créant notamment des équipes SD pour honorer les commandes, mais aussi devant mobiliser du personnel sur des lignes fonctionnant 'à blanc' en l'absence de qualification ; que dès lors concernant le premier contrat, il est justifié par la mise en place d'une nouvelle équipe le samedi et dimanche afin d'augmenter sa production sur l'atelier 'répartition liquide', ajoutant que par ailleurs, le retard pris dans la communication par l'OMS des souches devant composer les vaccins en raison de sa complexification perturbe profondément la production de vaccin l'obligeant à recourir à une ressource supplémentaire en effectif pour faire face à ses obligations.

Concernant le deuxième contrat, elle explique avoir élaboré un nouveau projet visant à améliorer son process de mirage (contrôle qualité des seringues et flacons) et ce faisant, elle a dû réaliser des études de sensibilité ayant pour but de vérifier la fiabilité des différents systèmes de mirage pour percevoir les imperfections, études par nature ponctuelles et occasionnelles, n'entrant pas dans l'activité de routine du site et perturbant fortement son activité de production, tests s'étalant sur plusieurs mois, et qui se sont prolongés au-delà d'un an compte tenu de l'épidémie du Covid 19, alors que dans le même temps la Haute Autorité de santé a insisté sur la nécessité de maintenir la campagne de vaccination contre la grippe pour la saison 2020-2021 et d'améliorer les taux de couverture chez les personnes à risque et les professionnels de santé.

Elle ajoute avoir augmenté significativement le nombre de salariés permanents entre 2013 et fin 2020.

Il n'est pas discuté que l'augmentation de la demande client a impliqué que la SA Sanofi Pasteur augmente sa capacité de production et que pour ce faire, elle a mis en place une nouvelle ligne de répartition de seringues dénommée LS3 à partir de 2016, laquelle devait être opérationnelle en juin 2018 mais a connu des retards pour finalement débuter lors de la campagne grippe HN2019.

Néanmoins, alors que la création d'une nouvelle ligne n'engendre pas une suppression de celles existantes et qu'elle est dictée par la nécessité de faire face à un besoin grandissant de production, le besoin de main d'oeuvre est alors structurel sur l'ensemble des lignes, de sorte que le transfert d'un certain nombre de salariés vers la ligne en cours de qualification doit être compensé par des emplois permanents sur la ligne déjà qualifiée, et non par des recrutements précaires, surtout deux ans après le début de la mise en oeuvre du projet, peu important le retard pris, puisque la procédure de qualification fait partie d'un processus normal et connu de la SA Sanofi Pasteur et ne présente pas de caractère exceptionnel.

De plus, alors que dans le procès-verbal des réunions du CSE des 21 et 28 novembre 2019, il est évoqué un volume d'activité non réalisé en 2019 qui doit être reporté sur 2020, nécessitant que la répartition liquide ait recours à 80 intérimaires répartis entre équipes de semaine et équipes SD, la cour observe qu'aucun élément n'est produit s'agissant du recours au contrat précaire de M. [L] [E] de mars 2018 au 12 septembre 2019, dès lors qu'en tout état de cause, aucun élément ne permet de vérifier que le besoin de production a nécessité la création d'une troisième ligne samedi-dimanche sur la totalité de la période de dix-huit mois, conformément au motif du recours.

Par ailleurs, sur la période concernée par le recrutement de M. [L] [E], la SA Sanofi Pasteur ne peut invoquer de manière pertinente la variation s'agissant des dates de transmission par l'OMS des souches nécessaires à la fabrication du vaccin contre la grippe.

En effet, il résulte des éléments du débat que pour l'hémisphère nord, ces transmissions ont eu lieu aux dates suivantes :

- campagne 2013-2014 : 21 février 2013

- campagne 2014-2015 : 20 février 2014

- campagne 2015-2016 : 26 février 2015

- campagne 2016-2017 : 25 février 2016

- campagne 2017-2018 : 2 mars 2017

- campagne 2018-2019 : 22 février 2018

- campagne 2019-2020 : 21 mars 2019.

Ainsi, alors que depuis plusieurs années, la transmission s'effectue à la même période sous réserve d'une variation de quelques jours, en tout cas pour la période du contrat de travail à durée déterminée de mars 2018 à septembre 2019, hormis pour la campagne 2019-2020, n'a pas pour effet de réduire de manière significative le temps de l'ensemble des étapes d'élaboration, fabrication et d'expédition du vaccin, générateur de ce fait d'un accroissement temporaire d'activité justifiant le recours au contrat précaire depuis mars 2018, mais relève du fonctionnement normal, mais intermittent de l'activité de fabrication de vaccins pour la grippe.

Il n'est pas davantage établi que la complexification du vaccin liée à la transmission de plusieurs souches ait un impact réel sur le temps de production du vaccin une fois ces souches communiquées par l'OMS.

Aussi, il en ressort suffisamment que M. [L] [E] a été recruté depuis mars 2018 pour pourvoir au besoin structurel de main d'oeuvre de la société Sanofi Pasteur, de sorte que la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée est encourue depuis le 26 mars 2018, sans qu'il soit nécessaire de s'attacher au motif de recours à une nouvelle mission à compter du 6 janvier 2020, dont la cour observe néanmoins, que le motif invoqué ne repose sur aucun élément tangible versé au débat.

III - Sur les conséquences de la requalification

La requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée n'a pas pour effet de contraindre l'employeur à conserver le salarié dans ses effectifs.

D'ailleurs, le conseil de prud'hommes a seulement constaté la poursuite du contrat de mission.

1 - indemnité de requalification

Compte tenu de la requalification en contrat à durée indéterminée à effet au 26 mars 2018, le salarié est fondé à obtenir une indemnité de requalification conformément aux dispositions de l'article L.1251-41 du code du travail, laquelle ne peut être supérieure à un mois de salaire, le salaire à prendre en compte étant le dernier perçu à la date à laquelle la relation aurait dû prendre fin au titre des contrats de mission.

Dans la mesure où le salarié communique ses bulletins de paie jusqu'en janvier 2021, la cour retient la rémunération perçue pour ce mois, soit 2 721,24 euros, infirmant ainsi le jugement entrepris.

2 - rappel de salaire aut titre des périodes d'interruption

M. [L] [E] sollcite paiement d'un rappel de salaire au titre de la période d'interruption du 13 septembre 2020 au 5 janvier 2021, faisant valoir qu'il est resté à la disposition de l'employeur au cours de celle-ci.

La société Sanofi Pasteur s'y oppose.

S'il est admis que le salarié puisse obtenir un rappel de salaire pour les périodes d'inactivité séparant des contrats précaires requalifiés, c'est à la condition qu'il établisse qu'il est resté à la disposition de l'entreprise.

M. [L] [E] n'apportant aucun élément en ce sens, c'est pour de justes motifs que cette demande a été rejetée par les premiers juges qui sont confirmés sur ce point.

3 - chèques Cadhoc

M. [L] [E] sollicite la confirmation du jugement entrepris lui ayant octroyé des dommages et intérêts pour la perte du bénéfice des chèques Cadhoc.

La société Sanofi Pasteur s'y oppose au motif que l'attribution de ces chèques relève du CSE et qu'en tout état de cause, le salarié ne rapporte pas la preuve de son préjudice.

Si cette attribution relève du comité d'établissement, lequel a la personnalité juridique et se distingue donc de l'employeur, néanmoins, alors que le contrat de travail est requalifié en raison du non-respect par la société Sanofi Pasteur des conditions du recours au contrat précaire, il a causé un dommage au salarié en le privant de ses droits aux chèques Cadhoc qu'il convient d'indemniser à hauteur de 210 euros, confirmant ainsi le jugement entrepris.

4 - primes d'intéressement et de participation

Invoquant l'existence d'un accord d'intéressement et de participation au sein de la société Sanofi Pasteur, le salarié sollicite des dommages et intérêts à hauteur de 15 000 euros en réparation du préjudice financier pour ne pas en avoir bénéficié en 2018, 2019 et 2020.

La SA Sanofi Pasteur s'y oppose aux motifs que les accords d'intéressement et de participation prévoient des conditions d'attribution et modalités d'affectation de la réserve spéciale de participation et d'intéressement, de sorte qu'il n'y a aucune certitude que M. [L] [E] aurait pu en bénéficier, que la perte de chance ne doit être indemnisée qu'à hauteur de 30 % des sommes auxquels il aurait pu prétendre, qu'en l'espèce, M. [L] [E] ne fait pas la démonstration des éléments lui permettant de prétendre à réparation.

Si c'est à juste titre que la société Sanofi Pasteur rappelle qu'à raison du terme du contrat à durée déterminée, l'indemnisation ne peut se faire que par une réparation par équivalent compte tenu des difficultés liées à la clôture des exercices, s'agissant d'un droit collectif, il ne peut cependant être considéré que le salarié ne pourrait prétendre qu'à des dommages et intérêts pour privation d'une perte de chance.

Le salarié dont le contrat de mission est requalifié en contrat à durée indéterminée est réputé avoir été lié à l'employeur par un contrat à durée indéterminée dès le premier contrat irrégulier et, pouvant prétendre de manière certaine, et non pas selon une probabilité raisonnable, aux primes de participation et d'intéressement au même titre que les autres salariés engagés en contrat à durée indéterminée, il convient de lui allouer des dommages et intérêts équivalents à la participation et à l'intéressement qui auraient dû lui être versées en tant que salarié engagé en tant que tel, pour une somme ne pouvant être celle égale à celle réclamée, les droits du salarié étant nécessairement moindre au regard de l'enveloppe globale destinée à ces primes qui auraient été affectée par l'ajout de salariés supplémentaires du fait de la requalification.

Aussi, alors qu'il n'est pas démenti qu'il existe des accords d'intéressement et de participation que l'employeur ne communique pas, comme il ne communique pas les éléments permettant de connaître les droits éludés du salarié, la cour alloue au salarié la somme de 12 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la privation de ses droits à la prime de participation et d'intéressement.

Les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de jugement et celles à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt pour celles infirmées et du jugement déféré pour celles confirmées.

IV - Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie principalement succombante, la société Sanofi Pasteur est condamnée aux entiers dépens y compris de première instance, déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à M. [L] [E] la somme de 2 000 euros en cause d'appel pour les frais générés par l'instance et non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant dans les limites de l'appel, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Ecarte des débats les pièces numérotées 1-13 bis, 1-13 ter, 1-14 bis, 1-14 ter, 1-19 quater, 1-20, 2-2 et 2-3 notifiées par la société Sanofi Pasteur le 3 novembre 2022 à 13h36 ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la requalification de la relation contractuelle à effet au 26 mars 2018, a rejeté la demande au titre du rappel de salaire du 13 septembre 2020 au 5 janvier 2021, a statué sur les dommages et intérêts résultant de l'absence de chèque Cadhoc, sur les dépens et frais irrépétibles ;

L'infirme en ses autres dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau,

Condamne la société Sanofi Pasteur à payer à M. [L] [E] les sommes suivantes :

indemnité de requalification : 2 721,24 euros

dommages et intérêts au titre des primes d'intéressement et participation : 12 000 euros

Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de jugement et celles à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt pour celles infirmées et du jugement entrepris pour celles confirmées ;

Y ajoutant,

Condamne la société Sanofi Pasteur aux entiers dépens ;

Condamne la société Sanofi Pasteur à payer à M. [L] [E] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;

Déboute la société Sanofi Pasteur de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile en appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01676
Date de la décision : 05/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-05;21.01676 ?
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