N° RG 21/01011 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IWTL
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 05 JANVIER 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'EVREUX du 11 Février 2021
APPELANT :
Monsieur [H] [E]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représenté par Me Stéphane CAMPANARO de la SELARL CAMPANARO OHANIAN, avocat au barreau de l'EURE
INTIMEE :
S.A.S. REXEL FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Anne-sophie CEPOI-DEMOUZON, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 15 Novembre 2022 sans opposition des parties devant Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Madame BERGERE, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 15 Novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 Janvier 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 05 Janvier 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [H] [E] a été engagé par la SAS Rexel France en qualité de vendeur conseil par contrat de travail à durée déterminée du 1er avril 2008, puis par contrat de travail à durée indéterminée du 12 septembre 2008.
Le licenciement pour cause réelle et sérieuse a été notifié au salarié le 25 septembre 2019.
Par requête du 28 novembre 2019, M. [H] [E] a saisi le conseil de prud'hommes d'Evreux en contestation de son licenciement et paiement de rappels de salaire et d'indemnités.
Par jugement du 11 février 2021, le conseil a dit que le licenciement de M. [H] [E] pour cause réelle et sérieuse est justifié, débouté M. [H] [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, débouté M. [H] [E] de ses congés pour événements familiaux, débouté M. [H] [E] de sa demande de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, débouté la SAS Rexel France au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dit que chaque partie supportera ses dépens.
M. [H] [E] a interjeté appel le 8 mars 2021.
Par conclusions remises le 19 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, M. [H] [E] demande à la cour d'infirmer le jugement rendu en ce qu'il a dit que le licenciement pour cause réelle et sérieuse est justifié, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, de ses congés pour événements familiaux, de sa demande de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau,
- dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la SAS Rexel France à lui verser les sommes suivantes :
dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 47 389,20 euros,
congés pour événements familiaux : 364,56 euros bruts,
- ordonner à la SAS Rexel France la remise des documents de fin de contrat, à savoir le solde de tout compte, le certificat de travail et l'attestation Pôle emploi signés et corrigés des condamnations prononcées sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à compter de la notification de l'ordonnance,
en tout état de cause,
- condamner la SAS Rexel France à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de l'instance d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions remises le 30 août 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la SAS Rexel France demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu, débouter M. [H] [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, en tout état de cause, le condamner à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 3 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I - Sur le licenciement
Il résulte de la lettre de licenciement du 25 septembre 2019, qui fixe les limites du litige, qu'il est reproché à M. [H] [E], lequel était affecté à l'agence de [Localité 7] et à qui avait été notifié le 4 juillet qu'il exercerait ses missions à l'agence de [Localité 4] à compter du 1er septembre, avec des mesures d'accompagnement financières par le biais d'une augmentation de son salaire de 50 euros bruts par mois et prise en charge financière de ses frais de péage pendant un an, proposition finalement refusée par le salarié qui ne s'est pas présenté sur son nouveau lieu d'affectation, alors qu'il s'agissait d'un changement de ses conditions de travail, que l'évolution se situait dans la zone géographique d'emploi conformément à l'accord d'entreprise relatif à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), considérant que le refus persistant de rejoindre l'agence de [Localité 4] constituait des manoeuvres dilatoires destinées à retarder le changement.
Le contrat de travail fixait le lieu de travail à l'établissement Rexel de [Localité 8] sis [Adresse 1]. Il était précisé que le lieu de travail pourra être transféré dans le même département (l'Eure) si l'exercice de ses fonctions l'exige ou si la société en éprouve la nécessité, sans que ce transfert constitue une modification du contrat de travail.
Il est constant que le 27 mai 2019, a été annoncé au salarié son changement de lieu de travail à effet au 1er septembre 2019 au profit de l'agence de [Localité 4], située dans le département de la Seine-Maritime.
Par courriel du 29 mai 2019, le salarié sollicitait des précisions compte tenu de l'éloignement de cette affectation et des frais en découlant, mais aussi quant aux motivations de la proposition, interrogeant l'employeur sur le point de savoir si les autres collaborateurs de son agence en avaient également été destinataires.
Le 5 juin 2019, M. [Z] [F], son supérieur hiérarchique, lui répondait que les nouvelles modalités étaient constitutives d'une modification de ses conditions de travail et acceptait le principe de prise en charge des frais de péage selon des modalités à déterminer.
Le 16 juin, M. [H] [E] demandait un rendez-vous à Mme [R], estimant n'avoir pas obtenu de réponses tant sur les raisons motivant le choix de l'employeur que sur les conditions financières, laquelle lui fixait une rencontre le 27 juin.
Par écrit du 9 juillet 2019, M. [H] [E] disait apprécier la proposition financière consistant en une augmentation mensuelle de salaire de 50,45 euros bruts et la prise en charge des frais de péage pendant un an, souhaitant néanmoins obtenir une meilleure prise en charge financière compte tenu du surcoût généré par la modification de son lieu de travail.
L'employeur, rappelant qu'il n'avait aucune obligation s'agissant d'une modification des conditions de travail, a refusé de réévaluer sa proposition.
Par écrit du 2 août 2019, le salarié a refusé de rejoindre l'agence de [Localité 4] et ne s'y présentait pas le 2 septembre suivant, alors que l'employeur lui avait confirmé le changement à cette date, par mail du 2 août 2019.
Par lettre remise en mains propres le 2 septembre 2019, le salarié était convoqué à l'entretien préalable et mis à pied à titre conservatoire.
Si M. [H] [E] ne conteste pas que la clause de mobilité permet d'imposer une mutation au salarié sans son accord, il fait valoir que, le concernant, son contrat de travail ne prévoyait qu'une mutation dans le département de l'Eure, de sorte que toute mutation en dehors de ce secteur entraîne une modification du contrat de travail, que l'accord GPEC de la société introduisant une mobilité interne géographique conclu le 12 septembre 2017, soumis aux anciens articles L.2242-21 et suivants du code du travail, impliquait que soit respectée la procédure prévue par l'article L.1222-6 du code du travail qui impose de recueillir l'accord du salarié, mais aussi de l'accompagner en compensant une éventuelle perte de pouvoir d'achat et les frais de transport, et que soit mise en oeuvre une procédure de licenciement économique en cas de refus, contestant également le choix qui s'est porté sur lui alors que l'agence comptait quatre salariés.
En l'espèce, il est produit l'accord relatif à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences 2017-2020 signé le 12 septembre 2017, lequel, au titre de la mobilité interne, a dit que la zone d'emploi, en dehors de [Localité 5] et de ses départements limitrophes, correspondait à une augmentation de la distance du trajet domicile/nouveau lieu de travail inférieure à 50 kilomètres ou à une augmentation du temps de trajet domicile/nouveau lieu de travail inférieure à 60 minutes.
L'article 7 relatif à l'incidence des notions précise que toute évolution du lieu d'exercice de l'activité professionnelle au sein de la zone géographique d'emploi (ZGE) constitue une simple évolution des conditions de travail qui ne saurait être assimilée à une mobilité géographique. Elle ne donne donc pas droit, en principe, aux mesures d'accompagnement de la mobilité géographique décrites par le présent accord.
Il est enfin précisé que la situation du collaborateur inscrit dans un changement de lieu de travail au sein de la ZGE sans déménagement impliquant une augmentation significative de son temps de trajet fait l'objet d'une attention particulière de son manager et de son responsable ressources humaines, afin de s'assurer de l'absence de conséquences négatives de celle-ci sur ses conditions de travail et sa santé.
Selon l'article L.2242-19 du code du travail alors applicable, les stipulations de l'accord conclu au titre des articles L.2242-17 et L.2242-18 sont applicables au contrat de travail. Les clauses du contrat de travail contraires à l'accord sont suspendues.
Il en résulte que, dès lors que l'accord est entré en vigueur, M. [H] [E] était soumis au dispositif relatif à la zone géographique d'emploi fixant une distance depuis son domicile et non plus seulement un département pour permettre à l'employeur de proposer au salarié une affectation différente de celle initialement convenue, au titre des conditions de travail, zone géographique d'emploi qui se distingue de la clause de mobilité, laquelle répond à d'autres conditions et modalités, avec notamment des mesures d'accompagnement.
En l'espèce, M. [H] [E], domicilié à [Localité 6] dans l'Eure, travaillait à l'établissement Rexel de [Localité 8] sis [Adresse 1], situé à 19,3 kilomètres de son domicile. Son employeur a décidé qu'il serait affecté à l'agence de [Localité 4], située dans le département de la Seine-Maritime et à 35,3 kilomètres de son domicile, en tout cas à moins de 50 kilomètres et quelque soit l'itinéraire choisi, le plus rapide ou le moins coûteux, et nécessitant moins de 60 minutes de trajet.
Il s'en déduit qu'en proposant une affectation à [Localité 4], l'employeur a modifié les conditions de travail du salarié, ne nécessitant pas son accord.
Contrairement à ce que soutient le salarié, la procédure de licenciement économique en cas de refus de l'application à son contrat de travail des stipulations de l'accord relatives à la mobilité interne ne s'applique qu'aux stipulations de l'accord relatives à la mobilité interne mentionnées au premier alinéa de l'article L.2242-17 du code du travail alors applicable, ce qui ne vise que les situations de mobilité géographique ou fonctionnelle pouvant induire des modifications de contrat de travail face auxquelles les salariés sont placés dans l'alternative de s'y soumettre ou de faite l'objet d'un licenciement pour motif économique, ce qui exclut l'hypothèse découlant de la zone géographique d'emploi, laquelle relève des conditions de travail ne nécessitant pas l'accord du salarié comme relevant du pouvoir de direction de l'employeur.
Aussi, le refus persistant de M. [H] [E] de rejoindre sa nouvelle affectation alors que l'employeur avait accédé partiellement à une compensation financière, ne peut être légitimé, dès lors que la modification ne porte pas une atteinte excessive à sa vie privée et n'a pas d'impact sur sa rémunération, et constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement comme s'opposant de manière injustifiée au pouvoir de direction de l'employeur dont il n'est pas établi qu'il aurait été exercé dans des circonstances exclusives de bonne foi, puisqu'au contraire, la SAS Rexel France a accepté de discuter avec le salarié et de prendre en compte le surcoût généré par les déplacements supérieurs d'une quinzaine de kilomètres par trajet et qu'il n'est pas davantage établi que le choix opéré par l'employeur résulterait d'une volonté discriminatoire par rapport aux autres salariés composant l'agence de l'établissement Rexel de [Localité 8] sis [Adresse 1], Mme [C] ayant une situation différente en sa qualité de responsable point de vente, alors que M. [H] [E] était vendeur conseil et que le poste à occuper à [Localité 4] était similaire et que les deux autres salariés ne se trouvaient pas dans une situation plus favorable en terme de proximité de l'agence située en Seine-Maritime puisqu'au contraire, c'est M. [H] [E] qui de son domicile était le moins éloigné de cette agence.
Dans ces conditions, la cour confirme le jugement entrepris ayant dit le licenciement fondé.
II - Sur la demande au titre des congés pour événements familiaux
M. [H] [E] sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 364,56 euros au titre des quatre jours de congés dont il aurait dû bénéficier suite à la conclusion de son PACS conformément aux dispositions conventionnelles, faisant valoir que sa demande est recevable comme étant en lien avec la rupture du contrat de travail.
La SAS Rexel France soulève l'irrecevabilité de cette demande non présentée dans la requête saisissant le conseil de prud'hommes et ne se rattachant pas aux prétentions originaires par un lien suffisant.
Conformément à l'article 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
Il résulte de l'examen de la requête introductive d'instance devant le conseil de prud'hommes du 27 novembre 2019 que le salarié a présenté des demandes uniquement en lien avec la rupture de son contrat de travail.
Aussi, la demande additionnelle relative aux congés pour événements familiaux relevant de l'exécution du contrat de travail ne peut être rattachée aux prétentions originaires par un lien suffisant, de sorte que la cour confirme le jugement entrepris l'ayant rejetée, sauf à dire cette demande irrecevable.
Sur les dépens et frais irrépétibles
En qualité de partie principalement succombante, M. [H] [E] est condamné aux entiers dépens et débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de les frais générés par l'instance et non compris dans les dépens en considération de la situation économique respective des parties.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris sauf à dire irrecevable la demande au titre des congés pour événements familiaux ;
Y ajoutant,
Condamne M. [H] [E] aux entiers dépens ;
Déboute les parties de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile en appel ;
La greffière La présidente