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15/12/2022 | FRANCE | N°20/02330

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 15 décembre 2022, 20/02330


N° RG 20/02330 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IQQU





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE



ARRET DU 15 DECEMBRE 2022











DÉCISION DÉFÉRÉE :





Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE LOUVIERS du 21 Juillet 2020





APPELANT :





Monsieur [CY] [MM]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]



représenté par Me Mehdi LOCATELLI de la SELARL CABINET LOCATELLI, avocat au barrea

u de l'EURE







INTIMÉE :





Société ITM LOGISTIQUE ALIMENTAIRE INTERNATIONAL - (ITM LAI)

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par Me Anne-Laure COCONNIER de la SELARL VERDIER MOUCHABAC, avocat au barreau de l'EURE...

N° RG 20/02330 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IQQU

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 15 DECEMBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE LOUVIERS du 21 Juillet 2020

APPELANT :

Monsieur [CY] [MM]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté par Me Mehdi LOCATELLI de la SELARL CABINET LOCATELLI, avocat au barreau de l'EURE

INTIMÉE :

Société ITM LOGISTIQUE ALIMENTAIRE INTERNATIONAL - (ITM LAI)

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Anne-Laure COCONNIER de la SELARL VERDIER MOUCHABAC, avocat au barreau de l'EURE

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 02 Novembre 2022 sans opposition des parties devant Madame ALVARADE, Présidente, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame ALVARADE, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 02 Novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 15 Décembre 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 15 Décembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame ALVARADE, Présidente et par Mme DUBUC, Greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE

 

M. [CY] [MM] a été embauché en qualité de préparateur de commandes pour le compte de la SAS ITM logistique alimentaire international, suivant contrats de mission entre le 5 juillet 2017 et le 6 janvier 2018 et suivant contrat à durée déterminée du 10 juin 2018 au 13 janvier 2019. Il percevait en dernier lieu un salaire brut moyen mensuel qui était de 1 962,82 euros.

 

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

M. [MM] a été placé en arrêt maladie à compter du 2 novembre 2018.

 

Suivant requête du 28 janvier 2020, M. [MM] a saisi le conseil de prud'hommes afin de voir dire qu'il a été victime de harcèlement moral, requalifier la relation de travail en un contrat de travail à durée indéterminée, dire que la rupture de la relation travaillée doit s'analyser en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamner la société ITM logistique alimentaire international au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité de requalification, d'indemnité et de dommages et intérêts au titre de la rupture du contrat de travail et pour manquement à l'obligation de sécurité.

 

Par jugement du 21 juillet 2020, le conseil de prud'hommes de Louviers a prononcé la requalification des contrats de mission intérimaires et du contrat à durée déterminée tout en qualifiant la rupture de cette relation en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société ITM logistiques alimentaire international  à verser à M. [MM] les sommes suivantes :

indemnité de requalification : 1 926,13 euros ;

indemnité compensatrice de préavis : 1 926,13 euros ;

congés payés sur préavis : 192,61 euros ;

indemnité de licenciement : 762,42 euros ;

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et non-respect de la procédure de licenciement : 1 926,13 euros ;

- ordonné la remise d'un bulletin de salaire rectifié conforme à la décision sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 32ème jour suivant la notification du présent jugement et se réserve le droit de liquider la dite astreinte;

- accordé la somme de 3 900 euros net de CSG et CRDS au titre des demandes pour harcèlement moral et de non respect de l'obligation de sécurité.

 

M. [MM] a interjeté appel le 23 juillet 2020. 

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 02 novembre 2022 avant l'ouverture des débats.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions remises le 5 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens M. [MM], appelant, demande à la cour de :

- voir infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il :

qualifie la rupture de sans cause réelle et sérieuse ;

condamne la société ITM logistique alimentaire international à lui payer les sommes suivantes :

1 926,13 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et non-respect de la procédure de licenciement ;

3 900 euros net de CSG et de CRDS au titre des demandes pour harcèlement moral et de non-respect de l'obligation de sécurité ;

- rejeté ses autres demandes ;

Et, statuant à nouveau et y ajoutant :

- condamner la société ITM logistique alimentaire international à lui payer les sommes suivantes :

2 500 euros à titre de dommages et intérêts résultant de la privation de sa prime de participation ;

2 500 euros à titre de dommages et intérêts résultant de la privation de sa prime d'intéressement ;

15.000 euros à titre de dommages et intérêts résultant du harcèlement moral ;

15.000 euros à titre de dommages et intérêts résultant de la violation de l'employeur à son obligation de sécurité, de prévention et de protection de la santé physique et psychique du salarié ;

20.000 euros nette de CSG et de CRDS à titre d'indemnité résultant de la nullité du licenciement ou, subsidiairement, la somme de 3.852,26 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner, en cause d'appel, la société ITM logistique alimentaire international à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dire que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du dépôt de la requête et du jour de la décision à intervenir pour les sommes à caractère indemnitaire ;

- condamner la société ITM logistique alimentaire international aux entiers dépens.

 

Par conclusions remises le 15 janvier 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la société ITM logistique alimentaire international, intimée, demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le salarié des demandes suivantes :

réparation de l'ensemble des préjudices professionnels, financiers et moraux subis dans le cadre de son licenciement : 20 000 euros ;

dommages et intérêts résultant de la perte des avantages sociaux de l'entreprise : 2 500 euros ;

dommages et intérêts résultant de la perte du bénéfice de la mutuelle et de la prévoyance : 1500 euros ;

dommages et intérêts résultant de la perte du niveau de vie : 5 000  euros ;

dommages et intérêts résultant de l'humiliation du chômage et du préjudice moral : 5 000 euros ;

gains professionnels : 4 000 euros ;

rappel de participation : 2 500 euros ;

rappel d'intéressement : 2 500 euros ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande relative à la reconnaissance du harcèlement moral,

- déclarer irrecevable la demande nouvelle de M. [MM] tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement et à sa voir allouer sur ce fondement des dommages et intérêt pour un montant de 20.000 euros,

- voir infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser au salarié la somme de 3 900 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et non-respect de l'obligation de sécurité, tous préjudices confondus ;

- voir infirmer le jugement en ce qu'il a requalifié la relation de travail en un contrat à durée indéterminée et en ce qu'il l'a condamnée à verser au salarié les sommes suivantes :

indemnité de requalification : 1 926,13 euros ;

indemnité compensatrice de préavis : 1 926,13 euros ;

congés payés sur préavis : 192,61 euros ;

indemnité de licenciement : 762,42 euros ;

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et non-respect de la procédure de licenciement : 1 926,13 euros ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné le remboursement des indemnités de chômage versés à M. [MM] du jour de son licenciement à la date du présent jugement à hauteur de 6 mois d'indemnités de chômage ;

- condamner M. [MM] au paiement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

 

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 - Sur l'irrecevabilité de la demande en nullité du licenciement

La société ITM logistique alimentaire international conclut à l'irrecevabilité de la demande en nullité du licenciement présentée pour la première fois en cause d'appel par M. [MM].

Aux termes de l'article 910-4 du code de procédure civile : « A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions visées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.

Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 783, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinés à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ».

Il en résulte qu'il n'est plus possible de conclure au cours de l'instance d'appel à l'encontre d'un chef de jugement, dont la critique avait été omise dans les premières conclusions.

Sont toutefois toujours recevables les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance d'un fait nouveau (art. 564 du code de procédure civile).

L'article 566 du code de procédure civile précise par ailleurs que les parties peuvent présenter des demandes qui sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des prétentions soumises au premier juge.

Il est également toujours possible de soumettre à la cour une prétention, qui tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si son fondement juridique diffère (art. 565 du code de procédure civile).

Les prétentions ne sont pas nouvelles en appel dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges.

Il est constant qu'est recevable en appel la demande en nullité du licenciement qui tend aux mêmes fins que la demande initiale au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, dès lors que ces demandes tendent à obtenir l'indemnisation des conséquences du licenciement qu'un salarié estime injustifié.

Le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande de nullité du licenciement sera en conséquence rejetée.

2 - Sur la demande au titre du harcèlement moral

En application des dispositions de l'article L.1152-1 du code du travail, «aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Aux termes du même article et de l'article L.1154-1 du code du travail, en sa rédaction applicable à la cause, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il revient en conséquence à cour de rechercher si le salarié rapporte la preuve de faits qu'il dénonce au soutien de son allégation d'un harcèlement moral, si les faits qu'il présente, appréhendés dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral et dans l'affirmative, si l'employeur justifie que les agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L'article 1154-1 précité présuppose que les éléments de fait présentés par le salarié soient des faits établis puisqu'il n'est pas offert à l'employeur de les contester mais seulement de démontrer qu'ils étaient justifiés.

Au soutien de sa demande, M. [MM] fait valoir qu'il a fait l'objet de moqueries, de dénigrements, d'humiliations et de propos à caractère raciste, qu'il lui a en outre été imposé une surcharge anormale de travail, que ces agissements l'ont conduit à être placé en arrêt maladie à compter du 2 novembre 2018 et à suivre un traitement médicamenteux, le médecin du travail ayant en outre adressé à l'employeur un courrier d'alerte le 18 décembre 2018.

Il produit les attestations établies par plusieurs collègues de travail, déclarant :

Mme [TK], le 17 décembre 2018, « (') des collègues ont refusé de le saluer ('). Il a été victime de calomnies, d'insultes et de racisme (') M. [F] déplaçait des palettes pour les laisser au milieu des allées afin que [CY] se fasse réprimander en lui disant « tu emmerdes tout le monde ». 'mon collègue [CY] était toujours seul au tirage effectuant le travail de deux ou trois tireurs...',

M. [JP], le 21 décembre 2018,« (') certains collègues et même son supérieur hiérarchique ont tenu des propos racistes comme je cite : « une palette halal qui est pour les bougnoules et que le lait fermenté, les arables il en raffoles » (') certains personnes et collègues refusaient de le saluer »,

Mme [NG], le 8 janvier 2019, 'J'ai pu constaté que M. [MM] a été victime de médisances, de calomnies, de racisme (') son chef lui donnait des consignes et ensuite lui reprochait l'application (') il effectuait le travail de 2 tireurs. Il était souvent seul au tirage',

M. [D], Le 18 décembre 2018, « (') j'ai pu entendre du chef d'équipe de réception de nuit M. [C] [U], je cite : « la réception ce n'est pas pour les arabes », phrase dite à l'encontre de M. [MM] [CY], ou encore un chauffeur mal mettre sa remorque à quai et dire : « ça c'est encore un bougnoule » (') M. [F] critiquait systématiquement, il ignorait sa présence et le dénigrait par ses attitudes peu respectueuses »,

M. [N] le 20 décembre 2018, « (') dès le départ les bizutages divers, mettre un chariot de manière à le bloquer, les palettes à l'envers exprès, voir mélanger ou déplacer volontairement pour rire, se moquer, le faire craquer ('). Le fait aussi d'attendre qu'il parte assez loin pour hurler son nom et lui dire de revenir (rire assuré) ou de l'envoyer loin ou sur une autre mission et hurler qu'il n'est jamais là, alors que tout seul, il faisait le travail, juste avant son arrivée, il fallait 2 personne pour le faire ('). Travail qui était saboté également par son propre chef qui se permet au quotidien de planquer des palettes »,

M. [S], le 11 décembre 2018,« (') il était tout seul au tirage depuis que les deux autres tireurs sont partis ('). Tellement qu' ils le harcelaient, ils le suivaient jusqu'aux toilettes. Le chef et certains réceptionnistes criaient son nom alors qu'il n'était pas là (')»,

M. [T], le 2 septembre 2018,« (') Mr [MM] [CY] a été victime de harcèlement et de racisme, (') M. [Z] [U] et venu me voir et ma dit des propos qui m'ont choquer (trop d'Arabe en France, pas de place pour tout le monde, [CY] ne fera pas long feu, les arabes stops, on va recruter demain je pense)»,

outre, celle de M. [OA] qui témoigne d'une « méthode managériale » anxiogène et toxique qui « détruit les liens de coopérations et les liens de confiances » et déclare « les cadres, les chefs, les managers hurlent sur les gens, piques des colères sur commandes en hurlant ».

Il produit des pièces médicales à l'appui de la dégradation de son état de santé :

- les avis prescrivant des arrêts de travail jusqu'au 8 juillet 2018, puis à compter du 2 novembre 2018 jusqu'au 25 novembre 2018, faisant état de harcèlement moral, de burn out et d'un syndrome anxieux et les avis de prolongation,

- les ordonnances de prescription médicale,

- la lettre adressée par le docteur [H] le 18 décembre 2018 indiquant :«Son état de santé ne lui permet pas de reprendre son poste habituel de cariste... Il est venu me rencontrer aujourd'hui pour me faire état des conditions de travail qui auraient contribuées à la dégradation de son état de santé.

Compte tenu de ses propos très alarmants, je vous alerte et lui demande de vous rencontrer au plus vite.

Je demande également à ce qu'une enquête interne puisse être menée sur les agissements de l'équipe de nuit.

Je ne peux vous en dire plus actuellement mais je vais être très vigilante à partir de maintenant ».

Ces éléments pris dans leur ensemble permettent de laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral.

 

En réponse, aux fins de justifier que les faits avancés par le salarié sont étrangers à tout harcèlement moral, l'employeur répond :

que ce dernier n'avait jamais fait part de la moindre difficulté dans l'exercice de ses fonctions, ni évoqué une quelconque situation de mal être au travail, que ce soit auprès de ses supérieurs hiérarchiques, de la DIRECCTE que des institutions représentatives du personnel,

que suite à la réception du courrier du médecin du travail en date du 18 décembre 2018, par lettre du 28 décembre 2018, M. [MM] a été convoqué à un entretien fixé au 4 janvier 2019,

qu'au cours de cet entretien destiné à échanger sur sa situation de mal être, le salarié a tenu des propos particulièrement confus, précisé qu'il n'avait jamais été un témoin direct des faits et qu'il ne faisait que rapporter des propos de ses collègues de travail,

que la teneur du courriel adressé par M. [MM], non daté, adressé à la direction suite à l'entretien du 4 janvier 2019, l'a convaincue de ce qu'il entretenait une rancune à l'encontre du directeur de la société, M. [M], au motif qu'il ne lui avait pas été proposé de contrat à durée indéterminée,

que M. [MM] a notamment indiqué au sujet de ce dernier : « Mr [K] a fait la même chose avec [DS] et [E] elles sont sorties en pleurant de son bureaux j'ai vu dans votre regard j'ai entendu dans votre voix que vous n'étiez pas sincère c'est pour cela que vous avez haussé le ton pour m'intimider pour que je garde le silence j'étais là avant et pendant la mort de [IC] (. . ..) '', poursuivant en faisant état de l'animosité profonde, voire de la haine qu'il ressent pour le directeur,

que le témoignage de M. [JP], non conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, devra être rejeté et celui de Mme [TK] contient des propos mensongers, en ce qu'elle affirme que '[IC] [L] est mort dans les bras de M. [MM]', alors que celui-ci est décédé au centre hospitalier,

que les autres témoins cités font en outre état de faits auxquels ils n'ont pas personnellement assisté,

qu'ils ont tous quitté l'entreprise, Mrs [N], et [D] ayant été licenciés pour faute grave, de sorte que leurs déclarations devront être reçues avec prudence,

que les attestations sont en outre rédigées en termes généraux et ne visent aucun fait précis, se contentant d'indiquer que M. [MM] a été victime de calomnies, d'insultes ou de racisme,

qu'elle produit pour sa part des témoignages contredisant ces attestations,

qu'ainsi, M. [B], salarié et titulaire des mandats de secrétaire du CE et délégué du personnel indique n'avoir jamais été témoin de 'moqueries racistes' et en tant que représentant du personnel, n'avoir jamais été informé de telles pratiques '', M. [O], membre du CE et du CCE, confirmant ces déclarations,

que Mrs [G], [RD] et [A] et Mme [P], revenant sur les circonstances du décès de [IC] [L], attestent du soutien psychologique apporté par la direction,

que quant aux pièces médicales, elles ne permettent pas de démontrer que le syndrome dépressif dont se plaint le salarié est en lien avec ses conditions de travail, le traitement médicamenteux prescrit pouvant se rattacher à un événement personnel et le fait que le médecin traitant ait indiqué sur l'arrêt de travail 'harcèlement moral' n'est nullement probant, l'arrêt de travail ayant été rédigé sur les seules informations et interprétations de son patient.

La cour retient que, contrairement à ce que soutient l'employeur, plusieurs témoins font mention de faits précis et concordants qu'ils ont constatés personnellement, sans qu'il y ait lieu à mettre en doute la sincérité de leur déclaration. Ainsi, M. [JP] indique qu'un réceptionnaire et cariste a mélangé les circuits pour discréditer le salarié auprès de ses supérieurs hiérarchiques, que certains collègues même son supérieur hiérarchique tenait des propos racistes comme je cite une palette halal qui est pour les bougnoules et que le lait fermenté, les arables il en raffoles,

Mme [NG] indique 'à titre d'exemple son chef lui donnait des consignes et ensuite lui reprochait l'application... certains réceptionnaires refusé même de le saluer ou de parler directement, ajoutant ...j'ai pu remarquer que tous les jours il y avait des problèmes,

M.[D] 'J'ai pu entendre du chef d'équipe de réceptions de nuit, M. [C] [U], Je cite 'La réception ce n'est pas pour les arabes', phrase dite à l'encontre de M. [MM]...

Il résulte en outre de la lecture du courriel intitulé 'injustice, moi à [W]' adressé à sa direction à la suite de l'entretien du 4 janvier 2019, que le salarié dénonçait les agissements à son encontre, et contrairement encore à ce qui est affirmé par l'employeur, ledit document ne contenait pas seulement 'des considérations personnelles liées à l'absence de proposition d'un contrat à durée indéterminée', étant ainsi rédigé (extraits) :

'M. [M], vous vous enflez d'orgueil Même la mort de [IC] ne vous a pas servi à changer votre politique de qota qui épuise les réparateurs ' les pouces à s'insulter à se battre et à se détester entre eux, honte à vous...

Vous m'avez pas écouté vous m'avez manqué de respect vous m'avez crié dessus pour essayer de m'intimider et de me faire taire. Mr [K] a fait la même chose avec [DS] et [E] Elles sont sortis en pleurant de sont bureaux...la direction a une grosse part de responsabilité c'est à cause de vous qu'il y a tous ces problèmes vous est au courant de tout mais n'agissent pas pour que sa change j'ai vue trop de personnes pleurer...J'ai vu trop de personnes épuisé par la cadence de travail... [IW]... il m'a harcelé avec [J] tout au long de mon contrat et n'avait pris aucune sanction à leur égard tout le monde se plaind mais personne se manifeste... je devais signer mon contrat à durée indéterminée, [IW] a tout fait pour pas que je le signe et le chef a dit pas de bougnoul en réception témoin...Je comprends pas comment vous pouvez cautionner tout sa. Je suis SST on m'a jamais donné le gilet vert alors que vous avez besoin de SST j'ai attendu mes équipements pendant quatre mois... j'ai porté plainte contre mon chef pour propos racisme, contre [IW] et [J] pour harcèlement...'.

Les faits décrits sont constitutifs d'un harcèlement moral et s'apparentent également a du harcèlement managérial, ayant eu pour conséquence de provoquer une dégradation des conditions de travail du salarié l'ayant conduit à être placé en arrêt maladie en raison d'un syndrome anxiodépressif et ayant déterminé le médecin du travail à alerter l'employeur et à solliciter une enquête interne, l'employeur ne démontrant pas que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il sera fait droit aux demandes du salarié en reconnaissance et indemnisation d'une situation de harcèlement moral, le préjudice en résultant étant réparé par l'allocation d'une somme de 3 000 euros.

3 - Sur la demande au titre du manquement à l'obligation de sécurité

En application de l'article L.4121-1 du code du travail l'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Cette obligation, non seulement lui interdit de prendre, dans l'exercice de son pouvoir de direction, toutes mesures de nature à compromettre la santé physique et mentale des travailleurs mais lui impose de mener des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d'information et de formation, outre la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'article L. 1152-4 du code du travail décline cette obligation générale de sécurité pesant sur l'employeur en matière de harcèlement moral. Il dispose que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Manque à son obligation de sécurité, l'employeur qui, tenu d'en assurer l'effectivité, s'abstient de mettre en oeuvre les mesures nécessaires aux fins de prévenir de tels agissements et les faire cesser.

3 - 1 - Sur les faits de harcèlement moral

M. [MM] fait valoir qu'en sa qualité de salarié victime de harcèlement moral, il est fondé à solliciter réparation du préjudice distinct causé par le manquement de l'employeur à son obligation de prévention,

qu'il n'est pas la seule victime de l'équipe de nuit et du chef d'équipe,

que cet environnement toxique existe depuis plusieurs années, ainsi qu'en attestent d'anciens salariés.

La société ITM logistique alimentaire international indique qu'elle était informée pour la première fois par le médecin du travail d'une éventuelle situation de harcèlement moral dont serait victime M. [MM] par lettre datée du 18 décembre 2018,

que dès le 28 décembre 2018, elle a convoqué M. [MM] à un entretien aux fins d'échanger sur ces dénonciations,

que par courriel du 14 janvier 2019, la responsable des ressources humaines, Mme [V], a écrit au médecin du travail aux fins de lui faire part de la confusion des propos tenus par le salarié et sollicité un entretien téléphonique pour connaître les suites à apporter,

que le 23 janvier 2019, la direction a procédé à l'affichage d'une note de service rappelant aux managers les règles à observer en matière de prévention des risques d'atteinte psychologique au travail,

qu'aucun manquement ne saurait lui être reproché.

Il résulte des développements ci-avant que l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de prévention et de veiller à la protection de la santé psychique de son salarié de sorte que le manquement est caractérisé, la cour observant que la note de service du 23 janvier 2019 adressée à l'ensemble du personnel d'encadrement de l'établissement, rappelant « qu'il appartient au manager d'être capable de détecter les signaux et recevoir les différents signalements des salariées qui seraient victimes de RPS puis d'en tenir compte et d'en informer à leur tour la direction de manière à ce que des mesures soient adoptées dans les plus brefs délais... », est intervenue postérieurement à la rupture du contrat de travail du salarié et ne pouvait donc avoir aucun impact.

3 - 2 - Sur l'absence de soutien psychologique lors du décès d'un collègue de travail

M. [MM] fait valoir qu'il était présent lorsqu'un collègue de travail a fait un malaise fatal et est décédé dans ses bras,

qu'il n'a jamais été accompagné psychologiquement, alors que cet incident l'a extrêmement choqué,

que l'employeur n'a pris aucune mesure pour assurer la protection de la santé psychique de ses salariés.

Il produit les attestations rédigées par :

- M. [R] qui déclare : « il y a eu un grave accident de travail qui s'est produit sur le lieu de travail (') un chef nous a demander de retourner travailler alors que notre collègue était à terre. Nous avons tous refusé (') Nous avons vu des choses qui nous ont tous choqués ('). Aucune nouvelle sur l'état de santé a été donné durant toute l'intervention. Nous avons eu aucune cellule psychologique mise en place par la société pour pouvoir être suivi psychologiquement ('), [CY], [HI], [U] [RD] étaient au côté de [IC]. [U] [YO] [IC], [HI] tenait la tête [CY] notait l'heure et les pulsions de l'appareil. J'étais en compagnie de [I] et [IC] avant que [IC] tombe au sol »

- M. [S] qui ajoute : « M. [MM] est arrivé avec son transcombi après avoir été prévenu par [Y] (') Il est resté près de lui, il était avec [HI] et Mr [X] pour s'occuper de [IC]. ( ...) la Direction n'a pris aucune initiative, le directeur a décidé de faire un discours, il nous a félicité pour notre travail, il nous a encouragé mais pas d'informations sur un soutien psychologique, je n'ai pas vu de numéro de psychologue, la direction aurait dû nous envoyer un courrier avec toutes les informations nécessaires pour ceux qui auraient eu besoin d'un soutien psychologique ».

La société ITM logistique alimentaire international répond que le salarié, [IC] [L], n'est pas décédé dans les bras de M. [MM], comme il le prétend ainsi que cela ressort des propres témoignages qu'il verse aux débats, et en particulier celui de M [R],

que les sauveteurs secouristes du travail (Mrs [G] et [RD]) étaient présents jusqu'à ce qu'il soit conduit au centre hospitalier,

qu'elle a immédiatement pris attache avec le médecin du travail afin de connaître les mesures à mettre en 'uvre pour accompagner les salariés,

que le lendemain une réunion avec l'ensemble des collaborateurs, dont M. [MM] a été organisée aux fins de mettre en place une assistance psychologique,

qu'il a également été remis le numéro de téléphone d'un psychologue du travail, comme attesté par Mrs [P] et [A], ou encore par Mrs [RD] et [G],

qu'il ne saurait lui être reproché que le salarié n'ait pas souhaité ce suivi psychologique.

Il résulte des pièces du dossier que le salarié était présent le jour de l'accident du travail ayant causé la mort de son collègue, ce que ne remet pas en cause l'employeur qui soutient que ce dernier n'est pas décédé dans ses bras, qu 'au-delà des circonstances du décès de ce collègue de travail, il ne peut être discuté qu'il a eu des répercussions sur la santé de l'ensemble des salariés et en particulier de ceux présents sur place, dont il apparaît qu'ils n'ont pas bénéficié d'un soutien psychologique suffisant, l'employeur ne justifiant pas au demeurant des actions effectives qu'il indique avoir entreprises (Numéro de téléphone du psychologue, consultation du médecin du travail).

3 - 3 - Sur l'absence d'équipement de protection

M. [MM] fait valoir qu'il n'a pas été mis en mesure de bénéficier rapidement de l'équipement de protection individuelle qu'il incombait à l'entreprise utilisatrice et non à la société intérimaire de lui fournir. Il produit l'attestation de M. [JP] aux fins de corroborer ses dires.

La société ITM logistique alimentaire international conteste la valeur probante de l'attestation rédigée par M. [JP], qui déclare que le salarié aura dû attendre quatre mois, pour disposer de ces équipements alors que l'attestant ne faisait partie des effectifs que depuis le 20 mars 2018, le salarié ayant été embauché, pour sa part, en juillet 2017,

que tout au long de la relation de travail, M. [MM] a bénéficié de ses équipements de protection et notamment de ses chaussures de sécurité qui devaient lui être fournies par l'agence d'intérim.

Le manquement n'apparaît pas caractérisé dès lors que le contrat de travail mentionne que les chaussures de sécurité sont fournies par l'agence d'intérim et que le salarié ne produit aucun élément démontrant que la fourniture de vêtements relevait de l'entreprise utilisatrice.

Au regard des éléments subsistants, le manquement de l'employeur à son obligation de préserver la santé physique et psychique de son salarié est établi et sera réparé par l'allocation d'une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts.

4 - Sur la demande de requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée

4 - 1 - Sur la prescription

La société ITM logistique alimentaire international oppose la prescription de la demande, sur le fondement de l'article L.1471-1 alinéa 2 du code du travail, lequel dispose que « toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture ».

Elle fait valoir que la demande en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée équivaut à contester la rupture du contrat,

que la relation de travail s'inscrivant dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée et non d'un contrat à durée déterminée, l'employeur était tenu d'observer la procédure de licenciement ce qu'il n'a pas fait,

que c'est bien le délai d'un an qui est applicable et non celui de deux ans qui a trait à l'exécution du contrat de travail,

que M. [MM] a été embauché dans le cadre de plusieurs contrats d'intérim entre le 5 juillet 2017 et le 28 mai 2018 et dans le cadre d'un contrat à durée déterminée entre le 10 juin 2018 et le 13 janvier 2019,

qu'il disposait d'un délai jusqu'au 28 mai 2019 pour solliciter la requalification de ses contrats de travail temporaires successifs,

que son action est prescrite pour avoir saisi le conseil de prud'hommes le 26 juin 2019, le délai de prescription ne courant qu'à compter du terme du dernier contrat de mission, lequel marque la fin de la relation contractuelle,

que tout au plus le salarié peut solliciter la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, demande dont il devra être débouté, dès lors que sa contestation ne porte que sur les contrats d'intérim conclus antérieurement.

Il est toutefois constant que l'action en requalification du contrat à durée déterminée est une action relative à l'exécution du contrat soumise au délai de prescription de deux ans de l'article L.1471-1 alinéa 1 précité.

Par ailleurs, il est de principe que ledit délai court à compter de sa conclusion dans l'hypothèse où l'action est fondée sur l'absence de mention obligatoire au contrat ou à compter de la date de la rupture de la relation contractuelle, le point de départ se fixant en matière de succession de contrats à durée déterminée, au terme du dernier contrat.

Il en résulte que le salarié disposait d'un délai pour agir de deux ans à compter de la cessation de la relation de travail. Celle-ci ayant pris fin au 13 janvier 2019, son action, introduite le 26 juin 2019, est recevable, peu important l'absence de contestation portant sur le contrat ultérieur.

4 - 2 - Sur la requalification

M. [MM] soutient que si le recours à des contrats de travail précaires en cas d'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise est autorisé, l'employeur doit justifier d'un véritable pic d'activité en corrélation avec le recours à des contrats à durée déterminée ou des contrats d'intérim,

que toutefois si ces variations d'activité interviennent de manière régulière, suivant un mode d'organisation identique, elles constituent en réalité une activité permanente et non occasionnelle et le recours au contrat à durée déterminée ou contrat d'intérim n'est pas justifié,

que la société ITM logistique alimentaire international sollicite en réalité, de manière habituelle et en continue des salariés précaires, de sorte que la requalification en contrat à durée indéterminée s'impose,

qu'il a en outre signé à deux reprises le même jour deux contrats de mission (les 17 septembre 2017 et 10 décembre 2017), ce qui emporte la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée dès lors que la tâche qui lui a été affectée n'est pas précise,

que par ailleurs, la société utilisatrice n'a pas respecté les délais de carence puisqu'il a toujours exercé ses fonctions sur le même poste de travail,

que l'absence de délai de carence constitue un indice induisant que l'emploi occupé était lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

Aux termes de l'article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

L'article L.1242-2 du même code dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l'article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu'il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d'un salarié, l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise et les emplois saisonniers ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif étendu, il est d'usage de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

Selon l'article L.1245-1 du code du travail, est réputé à durée indéterminée tout contrat conclu en méconnaissance des dispositions des articles L.1242-1 à L.1242-4, et 1242- 6 à L.1242- 8, et 1242-12 alinéa 1, et 1243-11 alinéa 1, L.1243-13, et 1244-3 et L.1244-4 du même code.

Le motif du recours à un contrat de travail à durée déterminée s'apprécie au jour de sa conclusion.

En application des dispositions de l'article L.1251-6 du code du travail, il peut être fait appel à un salarié temporaire pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement pour remplacer un salarié absent ou en cas d'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.

En tout état de cause, selon l'article L.1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif ne peut avoir pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement à un emploi lié à l'activité normale ou permanente de l'entreprise utilisatrice.

Selon l'article L.1251-40 du même code, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L.1251-5 à L.1251-7, L.1251-10 à L.1251-12, L.1251-30 à L.1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

En cas de litige sur le motif du recours, il incombe à l'entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat de mission.

En l'espèce, il n'est pas discutable que M. [MM] a travaillé suivant plusieurs contrats de mission, entre le 5 juillet 2017 et le 6 janvier 2018, au motif d'un accroissement temporaire d'activité résultant du « prospectus N°... », « du prospectus anniversaire », « des fêtes de fin d'année » ou encore « des opérations promotionnelles », et suivant contrat à durée déterminée du 10 juin 2018 au 13 janvier 2019, pour le même motif, qu'il exerçait les fonctions de préparateur de commandes, que le recours par l'employeur à ce type de contrat répond manifestement à un besoin structurel de main d''uvre participant d'une activité durable et permanente de l'entreprise, justifiant la requalification en contrat à durée indéterminée, alors que les contrats de mission qui ont concerné le même poste de travail se sont enchaînés sans discontinuité, alors encore que la société ITM logistique alimentaire international, qui sollicite pour sa part l'infirmation du jugement, en ce qu'il a prononcé la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, ne développe aucun moyen, ni n'explicite le motif du recours au contrat précaire.

Le jugement sera en conséquence confirmé, les effets de la requalification remontant à la date du premier contrat de mission irrégulier.

4 - 3 - Sur les conséquences de la requalification de la relation contractuelle

Sur la prime d'intéressement et de participation

M. [MM] fait valoir que l'employeur a versé des primes d'intéressement et de participation à ses salariés en contrat à durée indéterminée et en contrat à durée déterminée, qu'il peut prétendre à un rappel de primes d'intéressement et de participation en raison de la requalification de ses contrats de mission en contrat à durée indéterminée,

qu'il sollicite une somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts aux fins de réparer le préjudice subi sur la période au cours de laquelle il a travaillé dans le cadre de contrats de mission, la somme versée de ce chef en 2018 par l'entreprise intérimaire, soit 582,47 euros, correspondant à la période postérieure au cours de laquelle il a été employé sous contrat à durée déterminée.

La société ITM logistique alimentaire international répond que le versement de la prime d'intéressement n'est pas conditionné à la détention d'un contrat à durée indéterminée,

que M. [MM] a d'ailleurs perçu la somme de 582,47 euros au titre de la prime d'intéressement en 2018,

que d'autre part, aucune prime d'intéressement et de participation n'était due M. [MM] puisqu'il était salarié de l'entreprise intérimaire, l'entreprise utilisatrice, à laquelle il n'est pas lié par un contrat de travail, n'étant redevable d'aucune somme de ce chef,

qu'en tout état de cause, les sommes réclamées ne peuvent se cumuler avec des primes de même nature au sein de l'entreprise utilisatrice.

Le principe du droit à la prime d'intéressement et de participation n'est pas discutable du fait de la requalification en contrat à durée indéterminée, alors que la société ITM logistique alimentaire international produit l'accord relatif à la participation et l'accord d'intéressement au titre de 2016, 2017 et 2018.

Elle s'abstient toutefois de fournir les éléments, dont elle est en possession, permettant de déterminer avec exactitude les sommes dues au salarié.

Il sera en conséquence fait droit à sa demande de dommages et intérêts pour avoir été privé de ces primes au titre de l'année 2017, par l'allocation d'une somme de 2 000 euros pour chaque poste de préjudice, le jugement étant infirmé sur ce point.

Sur l'indemnité de requalification

Selon l'article L.1251-41 du code du travail, le salarié dont le contrat de mission a été requalifié en contrat à durée indéterminée a droit à une indemnité de requalification mise à la charge de l'employeur ou de l'entreprise utilisatrice qui ne peut être inférieure à un mois de salaire, sur la base du dernier salaire mensuel perçu avant la saisine de la juridiction.

En l'espèce, le salarié peut prétendre à une indemnité de requalification à hauteur de 1 926,13 euros, cette somme étant confirmée.

Sur les effets de la rupture de la relation de travail

M. [MM] demande à la cour, à titre principal, de prononcer la nullité de la rupture de la relation de travail en raison des faits de harcèlement moral qu'il a subis.

Il ne résulte toutefois pas des éléments du dossier qu'un quelconque lien puisse être établi entre les agissements de harcèlement moral et la rupture de la relation travaillée, laquelle est survenue en raison du seul terme du dernier contrat précaire.

M. [MM] sera en conséquence débouté de sa demande en nullité.

En revanche, il sera accueilli en sa demande subsidiaire tendant à voir juger la rupture de son contrat de travail sans cause réelle et sérieuse. En effet, par l'effet de la requalification du contrat, la rupture du contrat de travail, au terme du dernier contrat, sans motif ni formalité est irrégulière et dénuée de cause réelle et sérieuse.

Par suite, le salarié est fondé à réclamer le paiement des indemnités liées à la rupture du contrat de travail.

En application des articles L. 1234-1 et suivants du code du travail et compte tenu des circonstances de l'espèce M. [MM] a droit à une indemnité compensatrice de préavis égale à un mois de salaire soit 1 926,13 euros, outre une somme de 192,61 euros au titre des congés payés y afférents. Il conviendra de confirmer le jugement qui lui a alloué les sommes en cause.

En application de l'article L. 1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte huit mois d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a octroyé à M. [MM] la somme de 762,42 euros de ce chef.

En application de l'article L 1235-3 du code du travail 'si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous'.

M. [MM], qui ne remet plus en cause la conventionnalité du barème prévu à l'article sus-visé sollicite une indemnité de deux mois de salaire, soit la somme de 3 852,26 euros.

Au moment de la rupture de son contrat de travail, M. [MM] comptait une année d'ancienneté et la société ITM logistique alimentaire international employait habituellement au moins onze salariés.

En application de l'article L.1235-3 du code du travail précité, M. [MM] peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois, ni supérieure à deux mois.

En raison de son âge, comme étant né en 1976, de son ancienneté dans l'entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi, les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice matériel et moral qu'il a subi en lui allouant la somme de 1 926,13 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

5 - Sur les intérêts

Les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation.

Les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent du jugement entrepris sur les sommes confirmées, et du présent arrêt sur le surplus.

6 - Sur les frais du procès

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société ITM logistique alimentaire international sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 1500 euros.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a rejeté la demande au titre de l'intéressement et la participation, en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts pour harcèlement moral et pour manquement à l'obligation de sécurité,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne la société ITM logistique alimentaire international à payer à M. [MM] la somme de :

3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

2 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la privation de la prime d'intéressement,

2 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la privation de la prime de participation,

Y ajoutant,

Rejette le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande de nullité de la rupture de la relation de travail,

Déboute M. [MM] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul,

Dit que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris sur les sommes confirmée et du présent arrêt sur le surplus,

Dit que les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,

Condamne la société ITM logistique alimentaire international aux dépens de la procédure d'appel,

Condamne la société ITM logistique alimentaire international à payer à M. [MM] une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/02330
Date de la décision : 15/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-15;20.02330 ?
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