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15/12/2022 | FRANCE | N°20/02205

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 15 décembre 2022, 20/02205


N° RG 20/02205 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IQHR





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE



ARRET DU 15 DECEMBRE 2022











DÉCISION DÉFÉRÉE :





Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 09 Mars 2020





APPELANTE :





S.A.R.L. T'NET 93

[Adresse 2]

[Localité 4]



représentée par Me Matthieu ROUSSINEAU, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Laetitia ROUSSINEAU, a

vocat au barreau de ROUEN









INTIMEE :





Madame [B] [K] [E] épouse [N]

[Adresse 1]

[Adresse 5]

[Localité 3]



représentée par Me Céline ULBRICH, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Sophie LE MASNE D...

N° RG 20/02205 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IQHR

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 15 DECEMBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 09 Mars 2020

APPELANTE :

S.A.R.L. T'NET 93

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Matthieu ROUSSINEAU, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Laetitia ROUSSINEAU, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

Madame [B] [K] [E] épouse [N]

[Adresse 1]

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me Céline ULBRICH, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Sophie LE MASNE DE CHERMONT, avocat au barreau de ROUEN

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/008080 du 13/10/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 02 Novembre 2022 sans opposition des parties devant Madame ALVARADE, Présidente, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame ALVARADE, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 02 Novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 15 Décembre 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 15 Décembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame ALVARADE, Présidente et par Mme DUBUC, Greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [B] [N] a été engagée par la SARL T'net 93 en qualité d'agent de service, suivant contrat de travail à durée déterminée à temps partiel du 12 juillet au 2 septembre 2018, aux fins de pourvoir au remplacement d'un salarié absent. Son contrat de travail a été renouvelé jusqu'au 6 décembre 2018 par avenant du 6 septembre 2018, puis jusqu'au 7 mars 2019, par un second avenant du 7 décembre 2018.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de la propreté et des services associés.

La SARL T'NET 93 employait habituellement au moins onze salariés au moment de la rupture de la relation contractuelle.

Suivant requête du 8 octobre 2019, Mme [N] a saisi le conseil de prud'hommes aux fins de voir prononcer la requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, dire que la rupture de la relation de travail s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, prononcer la nullité de la clause de clientèle insérée au contrat de travail du 12 juillet 2018 et condamner la SARL T'NET 93 au paiement de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Par jugement du 9 mars 2020, le conseil de prud'hommes de Rouen a :

- fixé le salaire mensuel moyen de référence sur la base d'un taux horaire revalorisé à 10,28 euros brut pour un contrat de travail requalifié à temps plein, à hauteur de 1 552,93 euros brut,

- prononcé la requalification des trois contrats de travail à durée déterminée à temps partiel en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, à compter du début du premier contrat irrégulier en date du 12 juillet 2018 et condamner la société T'NET 93 à lui payer à titre de rappel de salaire la somme de 10 031,28 euros brut outre 1 003,13 euros brut au titre des congés payés sur ces rappels de salaire,

- condamné la société T'NET 93 à payer à Mme [N] ses congés payés dus à l'issue de son dernier contrat prenant fin le 7 mars 2019 soit 217,14 euros brut correspondant à 10 % des rémunérations perçues,

- condamné la société T'NET 93 à payer à Mme [N] l'indemnité de précarité due à l'issue de ses trois contrats de travail à durée déterminée débutant le 12 juillet 2018 à hauteur de 1 342,30 euros brut,

- prononcé la requalification des contrats de travail à durée déterminée de Mme [N] à compter du premier contrat irrégulier débutant le 12 juillet 2018, en contrat à durée indéterminée ;

en conséquence,

- condamné la société T'NET 93 à lui payer, à titre d'indemnité de requalification prévue à l'article L.1245-2 du code du travail, une indemnité équivalant à deux mois de salaire selon son salaire de référence revalorisé, soit 3 105,86 euros net,

- dit que la rupture des relations contractuelles au 7 mars 2019 emporte les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- constaté que Mme [N] ne demande pas sa réintégration dans l'entreprise,

En conséquence,

- condamné la société T'NET 93 à payer à Mme [N] les sommes suivantes :

indemnité de préavis : 1 552,93 euros brut outre 10 % au titre des congés pavés sur préavis : 155,29 euros brut,

dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse équivalents à 1 mois de salaire : 1 552,93 euros net,

- prononcé la nullité de la clause de clientèle insérée au contrat de travail du 12 juillet 2018,

- condamné en conséquence la société T'NET 93 à payer à Mme [N] la somme de 500 euros net de dommages et intérêts à ce titre,

- condamné la société T'NET 93 à payer à Mme [N] en indemnisation pour exécution déloyale du contrat de travail la somme de 1.552,93 euros,

- condamné la société T'NET 93 à payer à Mme [N] la somme de 500 euros net de dommages et intérêts en indemnisation de son préjudice financier et moral,

- ordonné les mesures suivantes :

- Remise des documents légaux (bulletins de salaire, certificat de travail, solde de tout compte, attestation Pôle emploi) sous astreinte de 10 euros par jour de retard et par document, à compter d'un mois après le prononcé du jugement. Le conseil se réservant la liquidation de cette astreinte,

- assortir les condamnations à intervenir des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil, avec capitalisation des intérêts,

- condamné la société T'NET 93 au paiement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La SARL T'Net 93 a interjeté appel le 13 juillet 2020.

Par conclusions remises le 9 octobre 2020 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions, la société T'Net 93, appelante, demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a :

- fixé le salaire mensuel moyen de référence de la salariée à hauteur de 1 552,93 euros bruts, sur la base d'un taux horaire revalorisé à 10,28 euros bruts et sur la base d'un contrat de travail requalifié à temps plein ;

- prononcé la requalification des trois contrats de travail à durée déterminée à temps partiel en contrat de travail à temps plein et, en ce qu'il a condamné la société T'Net 93 à lui payer à titre de rappel de salaires la somme de 10 031,28 euros brut outre 1 003,13 euros brut au titre des congés payés sur ces rappels de salaire ;

- condamné la société T'Net 93 à verser à Mme [B] [N] ses congés payés dus à l'issue de son dernier contrat prenant fin le 7 mars 2019 soit 217,14 euros brut correspondant à 10 % des rémunérations perçues ;

- en ce qu'il a condamné la société T'Net 93 à payer à Mme [B] [N] l'indemnité de précarité due à l'issue de ses trois contrats de travail à durée déterminée débutant le 12 juillet 2018 à hauteur de 1 342,30 euros brut ;

- en ce qu'il a prononcé la requalification des contrats de travail à durée déterminée de Mme [B] [N] à compter du premier contrat irrégulier débutant le 12 juillet 2018, en un contrat à durée indéterminée et, en conséquence, condamné la société à lui payer 3 105,86 euros nets à titre d'indemnité de requalification ;

- en ce qu'il a jugé que la rupture des relations contractuelles au 7 mars 2019 emporte les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- en ce qu'il a constaté que Mme [B] [N] ne demande pas sa réintégration dans l'entreprise ;

- en ce qu'il a prononcé la nullité de la clause de clientèle';

- en ce qu'il a condamné en conséquence la société T'Net 93 à payer à Mme [B] [N] les sommes suivantes :

indemnité de préavis : 1 552,93 euros brut ;

congés payés sur préavis : 155,29 euros brut;

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse équivalents à un mois de salaire : 1 552,92 euros net ;

exécution déloyale du contrat de travail : 1552,93 euros ;

dommages et intérêts en raison de la nullité de la clause de clientèle : 500 euros ;

dommages et intérêts pour préjudice financier et moral : 500 euros

article 700 du code de procédure civile : 1 000 euros ;

- en ce qu'il a ordonné la remise des documents légaux (bulletins de salaire, certificat de travail, solde de tout compte, attestation Pôle Emploi) sous astreinte de 10 euros par jour de retard et par document à compter d'un mois après le prononcé du jugement, et a assorti les condamnations à intervenir des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil avec capitalisation des intérêts ;

- condamner Mme [N] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions remises le 8 janvier 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, Mme [N], intimée, demande à la cour de débouter la société T'Net 93 de toutes ses demandes, confirmer le jugement dans toutes ses dispositions ;

subsidiairement, sur les seuls chefs de jugement critiqués que la cour devra examiner en application de l'article 954 du code de procédure civile :

- fixer le salaire mensuel moyen de référence sur la base d'un taux horaire revalorisé à 10,28 euros brut ;'

à titre subsidiaire, sur la base d'un contrat de travail requalifié à hauteur de 16 h x 10,28 euros x 4,33 par semaine = 712,69 euros bruts ;

à titre infiniment subsidiaire, au regard des trois derniers mois travaillés, et sur la base d'un contrat à temps partiel de 5 heures hebdomadaires = 328,83 euros brut ;

- condamner la société T'Net 93 à lui verser une indemnité au titre de la requalification des trois contrats de travail à durée déterminée à temps partiel en contrat à durée indéterminée débutant le 12 juin 2018, en contrat de travail à durée de 16 heures hebdomadaires selon selon le salaire de référence revalorisé soit :

- subsidiairement : sur la base de 16 heures hebdomadaires : 1 424,38 euros ;

- à titre infiniment subsidiaire : sur la base de 5 heures par semaine : 657,66 euros

Y ajoutant,

sur le fondement de l'article 560 du code de procédure civile,

- condamner la société T'Net 93 à lui payer la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour s'être abstenue, sans motif légitime, de comparaître en première instance, lui occasionnant un préjudice moral spécifique ;

- sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, condamner la société T'net 93 au paiement de la somme de 2 500 euros en cause d'appel et des entiers dépens de l'instance comprenant ceux de la procédure d'appel.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été prononcée le 13 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 - Sur l'étendue de la saisine de la cour':

L'article 954 du code de procédure civile énonce notamment que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion et par ailleurs que la partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.

Aux termes de ses écritures transmises le 9 octobre 2020, la société T'NET 93 a développé dans sa partie consacrée à la discussion, des moyens en fait et en droit, au soutien des prétentions relatives à'la fixation du salaire de référence, à la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein, à la détermination du montant de l'indemnité de requalification et au cumul des préjudices.

En application des dispositions susvisées, la cour se livrera donc au seul examen des prétentions exposées au dispositif des conclusions, ayant fait l'objet de moyens développés en fait et en droit dans le cadre de la discussion.

2 - Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet

Le principe de la requalification des contrats de travail à durée déterminée de Mme [N] régularisés entre le 12 juillet 2018 et le 7 septembre 2018 en contrat à durée indéterminée n'est pas débattu, le litige étant circonscrit à la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à durée indéterminée à temps complet.

Suivant les dispositions de l'article L 3123-27 du code du travail, un salarié à temps partiel doit être embauché au minimum 24 heures par semaine soit 108 heures par mois.

Aux termes de l'article L.3123-6 du code du travail, le contrat de travail doit mentionner obligatoirement :

- la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail convenue,

- la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine (en cas de durée hebdomadaire du travail) ou les semaines du mois (en cas de durée mensuelle du travail),

- les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir, ainsi que la nature de cette modification,

- les modalités selon lesquelles les horaires de travail, pour chaque journée travaillée, seront communiqués par écrit au salarié,

- les limites dans lesquelles le salarié peut effectuer des heures complémentaires.

En l'absence d'indication dans le contrat à temps partiel de la durée exacte de travail convenue et/ou de sa répartition sur la semaine (en cas de durée hebdomadaire du travail) ou le mois (en cas de durée mensuelle du travail) le contrat est présumé avoir été conclu à temps complet.

Il s'agit toutefois d'une présomption simple et il appartient à l'employeur de rapporter la preuve contraire tant de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, que du fait que le salarié n'était pas dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas dans l'obligation de se tenir à sa disposition.

Par ailleurs, le nombre d'heures complémentaires accomplies par un salarié à temps partiel au cours d'une même semaine ou d'un même mois ne peut être supérieur au dixième de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue dans son contrat et calculée, le cas échéant, sur la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l'article L. 3121-44 précité,(art. L.'3123-9 et L.'3123-28 ) ou à un plafond plus élevé ne pouvant excéder le tiers de la durée du travail contractuelle prévue par une convention ou un accord collectif de branche étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement.

En tout état de cause, les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par le salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement, si celle-ci est inférieure .

Au cas d'espèce, le contrat de travail du 12 juillet 2018 prévoit une durée de travail hebdomadaire de 5 heures, soit 21h35 par mois, outre la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine, soit le lundi de 8h30 à 10H30 et le jeudi de 8h30 à 11h30, les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir, soit en fonction des besoins et des affectations, outre la possibilité de modifier les horaires de travail en respectant un délai de prévenance. Il n'est toutefois pas stipulé les limites dans lesquelles les heures complémentaires sont susceptibles d'être accomplies au-delà de la durée de travail fixée par le contrat. Quant aux avenants, ils ne répondent pas à l'ensemble des exigences textuelles, seule la durée de travail hebdomadaire de 5 heures et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine y figurant.

Il est constant qu'en cas de modification des horaires, le non-respect du délai de prévenance n'entraîne pas automatiquement la requalification en contrat à temps plein si le salarié n'a pas à se tenir à disposition permanente de son employeur.

A l'appui de sa demande, Mme [N] fait valoir qu'elle a effectué des heures complémentaires à compter de novembre 2018, lesquelles étaient sollicitées par la SARL T'NET 93,

qu'elle était souvent appelée la veille pour le lendemain,

que la durée de travail contractuellement prévue était fréquemment dépassée,

qu'elle était dans l'incertitude de ses horaires de travail et n'a du reste exercé aucune activité parallèle à son emploi au sein de la société,

qu'aucune des heures complémentaires qu'elle a accomplies n'a fait l'objet de majoration au taux de «'11 %'»'ou 25 %.

L'employeur s'oppose à une requalification en contrat à durée indéterminée à temps complet, faisant valoir que Mme [N] a effectué des heures complémentaires au cours des mois de novembre 2018 à février 2019, pour assurer d'autres remplacements,

qu'elle a exécuté ses heures sans difficulté et n'a jamais allégué avoir réalisé un temps complet,

que ses horaires étaient fixes et le fait d'avoir travaillé 1 heure ou 2 heures de plus par semaine sur 4 mois, de novembre 2018 à février 2019, au demeurant avec son accord, ne peut caractériser le fait d'avoir été à la disposition permanente de l'employeur ou placée dans l'impossibilité de prévoir son rythme de travail.

Le contrat de travail prévoit que la salariée travaillait les lundis et les jeudis selon des horaires fixes. Il apparaît qu'elle a effectué des heures complémentaires à raison d'1 à 2 heures par semaine, soit 6 heures 01 en novembre 2018, 9 heures 01 en décembre 2018 et en janvier 2019 et 12 heures 99 en février 2019, qu'elle ne fait pas état de variations de ses horaires de travail d'une importance telle qu'elle était placée dans l'impossibilité de prévoir le rythme auquel elle devait travailler et qu'elle se trouvait dans l'obligation de se tenir constamment à la disposition de l'employeur, alors qu'elle ne soutient pas, et à fortiori ne démontre pas qu'elle était amenée à travailler les autres jours de la semaine et que les heures complémentaires effectuées, quand bien même elles ont dépassé le tiers de la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue par la convention collective, n'ont pas eu pour effet de porter la durée de travail accomplie au niveau de la durée légale du travail, de sorte que le jugement sera infirmé en ce qu'il dit y avoir lieu à requalifier le contrat de travail en contrat à temps complet, la salariée étant déboutée de sa demande de rappel de salaire et des congés payés y afférents.

2 - Sur la demande de rappel de salaire sur la base d'un temps partiel à hauteur de 16 heures hebdomadaires

Mme [N] invoque les dispositions de l'avenant n° 3 du 5 mars 2014 relatif au temps partiel, étendu par arrêté du 19 juin 2014 applicables dans le secteur de la propreté, l'accord spécifique à cette branche professionnelle, signé le le 17 janvier 2013, ayant été transposé à l'avenant à la convention collective et prévoyant que le nombre d'heures minimum pour les temps partiels est fixé à 16 heures par semaine, soit 69,28 heures par mois, sauf demande écrite et motivée du salarié.

Il résulte de l'article L. 3123-7 du code du travail que le salarié à temps partiel bénéficie d'une durée minimale de travail hebdomadaire déterminée selon les modalités fixées aux articles L.'3123-19 et L. 3123-27, sauf dans certains cas listés dans cet article, dont celui des contrats à durée déterminée conclus au motif du remplacement d'un salarié absent visé au 1° de l'article L.'1242-2 du même code.

Par ailleurs, si l'article L. 3123-7 prévoit qu'une durée de travail inférieure à celle prévue à son premier alinéa peut être fixée à la demande du salarié soit pour lui permettre de faire face à des contraintes personnelles, soit pour lui permettre de cumuler plusieurs activités afin d'atteindre une durée globale d'activité correspondant à un temps plein ou au moins égale à la durée mentionnée au même premier alinéa, il est néanmoins expressément précisé que cette demande est écrite et motivée.

Selon l'article L. 3123-27 du code du travail, à défaut d'accord prévu à l'article L. 3123-19, la durée minimale de travail du salarié à temps partiel est fixée à 24 heures par semaine ou, le cas échéant, à l'équivalent mensuel de cette durée ou à l'équivalent calculé sur la période prévue par un accord collectif conclu en application de l'article L. 3121-44.

La convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011 applicable à la relation de travail, telle que modifiée par avenant n°3» du 5 mars 2014 relatif au temps partiel, prévoit en son article 6-2-4-1 que «'la durée minimale de travail est fixée à 16 heures par semaine ou, le cas échéant, à l'équivalent mensuel de cette durée (69 h 28) sauf demande écrite et motivée du salarié d'une durée de travail inférieure en application de l'article L. 3123-14-2 et L.3123-14-4 du code du travail. [']».

En l'espèce, il n'est pas discuté que du 12 juillet 2018 au 7 mars 2019, Mme [N] a été employée par la SARL T'NET 93 dans le cadre de contrats à durée déterminée conclus en remplacement d'un salarié absent, motif prévu par l'article L. 1242-2 1° du code du travail et pour lequel la durée minimale de travail du salarié à temps partiel n'est pas applicable, ainsi que le précise l'article L. 3123-27 susvisé, de sorte qu'elle sera déboutée de sa demande.

3 - Sur la fixation du salaire de référence

Mme [N] sollicite la revalorisation de son salaire de base au motif que le salaire minimum conventionnel était fixé par les partenaires sociaux à 10,28 euros brut à compter du 1er janvier 2019 pour les agents d'exploitation classées AS échelon1 activité A, alors qu'il lui a été appliqué un taux horaire de 10,12 euros brut.

Elle produit l'avenant 17 sur les classifications de la convention collective mentionnant un coefficient de 10,28 pour un agent d'exploitation, niveau AS, échelon 1 catégorie A, à compter du 1er janvier 2019.

Au regard de ce qui précède, Mme [N] est fondée en sa demande.

Le salaire de référence moyen sera en conséquence fixé à la somme de 328,83 euros brut, sur la base des 3 derniers mois de salaire complet travaillés : (34,64 heures + 30,66 heures + 30,66 heures) x 10,28 euros / 3 = 328,83 euros brut.

4 - Sur l'indemnité de requalification

Lorsque le juge requalifie le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l'employeur est tenu au versement d'une indemnité de requalification conformément aux dispositions de l'article L.1245-2 du code du travail, ladite indemnité ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.

La SARL T'NET 93 sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser une indemnité de requalification à hauteur de 3 105,86 euros, soit plus de 14 fois le salaire contractuel (219,10 euros) et plus de 10 fois le salaire mensuel le plus élevé (310,28 euros).

Mme [N] observe que la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée n'est pas critiquée par l'appelant, dans le cadre de sa discussion des termes du jugement, que la demande d'indemnité de requalification calculée sur la base d'un salaire à temps plein, en conséquence de la requalification du contrat à temps plein, est justifiée.

Au regard des développements qui précèdent, l'indemnité de requalification devra être calculée sur la base du salaire à temps partiel revalorisé, soit 328,83 euros. Il lui sera en conséquence alloué la somme de 657 euros le jugement étant infirmé quant au montant de la condamnation.

5 - Sur les dommages-intérêts en raison de l'insertion d'une clause de non-concurrence nulle et pour exécution déloyale du contrat de travail.

La SARL T'NET 93 conteste ces demandes et fait grief au jugement d'avoir multiplié les condamnations indemnitaires, lesquelles se cumulent, sans que la salariée n'ait fait la preuve de ses différents préjudices allégués pour exécution déloyale du contrat de travail, en réparation du préjudice moral et financier et pour nullité de la clause de clientèle.

À raison de la nullité de la clause de non-concurrence

Mme [N] fait valoir que le premier contrat de travail fait état d'une clause lui faisant interdiction d'entrer en relation avec la clientèle de son employeur durant une période de 12 mois à compter de la cessation de ses fonctions,

que la clause mise à sa charge est nulle car elle ne satisfait pas aux critères de validité requises,

qu'elle a respecté cette clause depuis la fin de son contrat en mars 2019, alors qu'elle en ignorait le caractère nul, de sorte qu'elle est fondée en sa demande d'indemnisation.

Dès lors que la salariée soutient sans être utilement contredite que la clause litigieuse l'a empêchée de prospecter pour un emploi identique, ayant été dans l'ignorance de sa nullité flagrante, les conditions de validité n'étant pas remplies et en particulier en l'absence de contrepartie financière, le préjudice ainsi caractérisé sera réparé, par l'allocation d'une somme de 500 euros, le jugement étant confirmé de ce chef.

A raison de l'exécution déloyale du contrat de travail

Mme [N] fait valoir qu'en application de l'article 6 de la convention collective, elle était fondée à solliciter une indemnité mensuelle relative aux frais de transport, que n'ayant pas été informée de ces dispositions conventionnelles, elle n'a pas conservé ses titres de transport aux fins d'obtenir ultérieurement cette indemnité et a subi un manque à gagner,

qu'elle n'a passé aucune visite d'information et de prévention préalablement à son embauche ;

que la SARL T'NET 93 a indiqué à Pôle emploi une fin de contrat de travail au 1er avril 2019, ne correspondant pas à la réalité, ce qui a généré un retard dans la prise en charge de son dossier, ce dont elle justifie';

que la SARL T'NET 93 a en outre omis de régler les majorations pour les heures complémentaires dues ainsi que cela résulte de ses bulletins de salaire.

Mme [N] justifie de préjudices subis du fait des manquements de l'employeur, lesquels sont bien distincts de ceux éprouvés du fait de la nullité de la clause de non-concurrence, nés postérieurement à la relation de travail. Il lui sera octroyée la somme de 657 euros, le jugement étant infirmé quant au montant de la condamnation.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et appel dilatoire

Mme [N] indique que la SARL T'NET 93 n'a pas cru utile de se présenter devant les premiers juges, ni n'a fourni de motif légitime expliquant son attitude,

qu'elle s'est également abstenue de procéder à l'exécution des sommes dues au titre de l'exécution provisoire de droit,

que son attitude relève d'une volonté dilatoire manifeste à son égard qui lui a occasionné un préjudice moral supplémentaire.

Comme tout droit subjectif, le droit d'agir en justice est susceptible d'abus qui peut être sanctionné sur le fondement de l'article 1240, du code civil.

La demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive n'est pas fondée dès lors qu'il est seulement soutenu que l'appel est abusif et dilatoire sans que soit caractérisé plus avant la faute de nature à faire dégénérer en abus le droit d'ester en justice, alors qu'au cas d'espèce, l'intimée a été partiellement reçue en ses contestations.

La demande sera en conséquence rejetée.

Sur les frais du procès

Mme [N] qui succombe pour l'essentiel de ses prétentions doit supporter les dépens, qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la SARL T'NET 93 la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a alloué à Mme [B] [N] des dommages-intérêts pour nullité de la clause de non-concurrence,

Statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu à requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à durée déterminée à temps complet,

Condamne la SARL T'NET 93 à payer à Mme [B] [N] les sommes de':

657 euros à titre d'indemnité de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

657 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Fixe le salaire de référence moyen à la somme de 328,83 euros brut,

Déboute Mme [B] [N] de sa demande de rappel des salaire sur la base d'un temps complet et des congés payés y afférents,

Déboute Mme [B] [N] de sa demande subsidiaire de rappel de salaire sur la base d'un temps partiel à hauteur de 16 heures hebdomadaires,

Déboute Mme [B] [N] de demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et appel dilatoire,

Y ajoutant,

Condamne Mme [B] [N] aux dépens de la procédure d'appel, qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle,

Dit que chacune des parties conservera la charge des frais irrépétibles par elle exposés,

Rejette toute autre demande.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/02205
Date de la décision : 15/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-15;20.02205 ?
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