La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/12/2022 | FRANCE | N°20/03663

France | France, Cour d'appel de Rouen, 1ère ch. civile, 14 décembre 2022, 20/03663


N° RG 20/03663 - N° Portalis DBV2-V-B7E-ITG6







COUR D'APPEL DE ROUEN



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 14 DECEMBRE 2022









DÉCISION DÉFÉRÉE :



16/03099

Tribunal judiciaire du Havre du 24 septembre 2020





APPELANTS :



Madame [E] [G]

née le [Date naissance 5] 1983 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Localité 8]



comparante en personne, représentée et assistée par Me Stanislas MOREL de la Scp DPCMK, avocat au barr

eau du Havre





Monsieur [J] [B]

né le [Date naissance 4] 1981 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Localité 8]



représenté et assisté par Me Stanislas MOREL de la Scp DPCMK, avocat au barreau du Havre





INTIMEES :
...

N° RG 20/03663 - N° Portalis DBV2-V-B7E-ITG6

COUR D'APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 14 DECEMBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

16/03099

Tribunal judiciaire du Havre du 24 septembre 2020

APPELANTS :

Madame [E] [G]

née le [Date naissance 5] 1983 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Localité 8]

comparante en personne, représentée et assistée par Me Stanislas MOREL de la Scp DPCMK, avocat au barreau du Havre

Monsieur [J] [B]

né le [Date naissance 4] 1981 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Localité 8]

représenté et assisté par Me Stanislas MOREL de la Scp DPCMK, avocat au barreau du Havre

INTIMEES :

SAS ANGEL & VANDER

[Adresse 6]

[Localité 7]

représentée et assistée par Me Marie-Pierre OGEL de la Scp GARRAUD OGEL LARIBI HAUSSETETE, avocat au barreau de Dieppe plaidant par Me Anne-Sophie LEBLOND

SCP Philippe MOIZEAU et Pierre LEMONNIER

anciennement dénommée Scp Yves Duboys Fresney et Philippe Moizeau

[Adresse 3]

[Localité 7]

représentée par Me Yannick ENAULT de la Selarl YANNICK ENAULT-CHRISTIAN HENRY, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Nicolas CHATAIGNIER, avocat au barreau du Havre

SCP [K] [C] et Jérôme HARANG

[Adresse 1]

[Localité 7]

représentée par Me Yannick ENAULT de la Selarl YANNICK ENAULT-CHRISTIAN HENRY, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Nicolas CHATAIGNIER, avocat au barreau du Havre

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 21 septembre 2022 sans opposition des avocats devant Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,

M. Jean-François MELLET, conseiller,

Mme Magali DEGUETTE, conseillère,

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER,

DEBATS :

A l'audience publique du 21 septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 14 décembre 2022.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Rendu publiquement le 14 décembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte sous seing privé du 23 décembre 2013, rédigé par la Sas Angel et Vander, agent immobilier exerçant sous l'enseigne Arthurimmo.com à [Localité 7] et comportant plusieurs conditions suspensives, M. [J] [B] et Mme [E] [G] ont fait l'acquisition auprès de M. et Mme [P] d'une maison individuelle à usage d'habitation, sise [Adresse 2] à [Localité 8] (76).

Par acte notarié du 15 février 2014, reçu par Me [F] [V], notaire salariée au sein de la Scp notariale Philippe Moizeau et Pierre Lemonnier, anciennement dénommée, Yves Duboys Fresney et Philippe Moizeau, avec le concours de Me [K] [C], notaire associé de la Scp [K] [C] et Jérôme Harang, assistant les acquéreurs, la vente immobilière a été réitérée par les consorts [B]-[G] moyennant le prix principal de 116 000 euros.

Les consorts [B]-[G] vont faire valoir en 2016, qu'ayant l'intention de diviser leur propriété pour en revendre une partie en terrain à bâtir, ils ont découvert que l'immeuble acquis se situait dans une zone couverte par un plan de prévention du risque inondation, se trouvant au surplus en zone inondable et qu'en réalité, aucun projet de construction ne pouvait être réalisé sur la parcelle. Considérant que les études notariales étant intervenues lors de la signature de l'acte authentique avaient connaissance de leur projet, ils ont mis en cause la responsabilité des professionnels

Par acte d'huissier du 27 décembre 2016, M. [B] et Mme [G] ont ainsi fait assigner la Scp Philippe Moizeau et Pierre Lemonnier, anciennement dénommée, Yves Duboys Fresney et Philippe Moizeau, et la Scp [K] [C] et Jérôme Harang en responsabilité et en réparation de leurs préjudices.

Par acte d'huissier du 4 juillet 2017, la Scp Philippe Moizeau et Pierre Lemonnier, anciennement dénommée, Yves Duboys Fresney et Philippe Moizeau, et la Scp [K] [C] et Jérôme Harang ont fait attraire en intervention forcée et en garantie la Sas Angel et Vander aux fins d'être relevées indemnes de toutes condamnations éventuelles prononcées à leur encontre au profit des consorts [B]-[G].

Par décision du 12 octobre 2017, les deux procédures ont été jointes sous le n° de rôle unique 16/3099.

Par jugement contradictoire du 24 septembre 2020, le tribunal judiciaire du Havre a :

- débouté M. [J] [B] et Mme [E] [G] de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires,

- condamné M. [J] [B] et Mme [E] [G] à payer à la Sas Angel et Vander une indemnité de 1 000 euros, et à payer à la Scp Philippe Moizeau et Pierre Lemonnier et à la Scp [K] [C] et Jérôme Harang une indemnité de 750 euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- condamné M. [J] [B] et Mme [E] [G] aux dépens de la procédure.

Par déclaration reçue au greffe le 13 novembre 2020, M. [J] [B] et Mme [E] [G] ont formé appel du jugement.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 10 février 2021, M. [J] [B] et Mme [E] [G], demandent à la cour, au visa des articles 1240 et 1231-1 du code civil, d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 24 septembre 2020, et en conséquence de :

- condamner in solidum la Scp Philippe Moizeau et Pierre Lemonnier, la Scp [K] [C] et Jérôme Harang et la Sas Angel et Vander à leur payer la somme de

66 000 euros outre intérêts au taux légal,

- condamner in solidum la Scp Yves Duboys Fresney, Philippe Moizeau et [F] [V], la Scp [K] [C] et Jérôme Harang et la Sas Angel et Vander à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Se fondant sur l'article 1382 ancien (nouveau 1240) du code civil, et sur le devoir de conseil incombant aux notaires, ils soutiennent que l'absence de transmission préalable à la vente des documents techniques constitue un manquement à l'obligation d'information des notaires ; que l'appréciation de l'existence d'une situation particulière concernant le terrain acquis appelait à une information et des conseils spécifiques des notaires notamment sur l'existence, l'importance et les conséquences d'un plan de prévention du risque inondation et ce, d'autant plus que le caractère constructible du terrain était un élément déterminant du consentement des acheteurs ; qu'il conviendra en conséquence d'infirmer la décision rendue.

Ils allèguent que les documents annexés à l'acte de vente apparaissent contradictoires et incomplets et auraient dû justifier que les notaires mènent des investigations complémentaires ou, pour le moins, informent leurs clients sur l'existence de doutes quant à la constructibilité du terrain acquis et son emplacement en zone inondable.

Ils estiment que l'agent immobilier n'a pas respecté son obligation d'information de la situation du terrain et de la zone dans laquelle il est situé de sorte que c'est à tort et pour les mêmes raisons que décrites pour les notaires, que le jugement du 24 septembre 2020 a cru bon de retenir une absence de faute de l'agent immobilier.

Enfin, ils affirment que les fautes commises ont entraîné un préjudice à leur égard ; qu'ils n'auraient proposé qu'un moindre prix de la propriété achetée s'ils avaient été informés du problème ensuite révélé.

Par dernières conclusions notifiées le 4 mai 2021, la Scp Philippe Moizeau et Pierre Lemonnier, anciennement dénommée Scp Yves Duboys Fresney et Philippe Moizeau, et la Scp [K] [C] et Jérôme Harang, demandent à la cour, de confirmer le jugement entrepris et de débouter M. [J] [B] et Mme [E] [G] de l'ensemble de leurs demandes dirigées à leur encontre, et à titre infiniment subsidiaire, au visa de l'article 1240, anciennement 1382 du code civil, de condamner la Sas Angel et Vander, exerçant sous l'enseigne « Arthurimmo.com », à les garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre en principal, frais, accessoires, intérêts, dépens et frais irrépétibles,

en toute hypothèse,

 -  condamner M. [J] [B] et Mme [E] [G] in solidum et, à défaut, la Sas Angel et Vander à leur payer à chacune, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- condamner M. [J] [B] et Mme [E] [G] in solidum et, à défaut, la Sas Angel et Vander, au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel.

Elles rappellent que conformément au droit commun, la responsabilité civile professionnelle du notaire est subordonnée à la preuve, par le demandeur, de l'existence d'une faute, d'un préjudice certain et d'un lien de causalité ; que les mentions claires et précises de l'acte authentique et les documents annexés à l'acte ont permis d'assurer une parfaite information, notamment sur le fait que le bien vendu se trouvait dans une zone présentant un risque d'inondation et couverte par un plan de prévention des risques naturels inondation ; qu'il ne saurait leur être reproché de n'avoir pas mené des investigations complémentaires sur la possibilité de diviser une parcelle et d'y construire une nouvelle habitation dans la mesure où elles n'avaient jamais été informées de ce projet.

Arguant du fait que le client du notaire ne saurait demander réparation d'un préjudice résultant d'une circonstance de fait dont il avait connaissance, elles soutiennent que l'acte de vente a été signé en connaissance de cause en ce qu'il rappelle expressément en page 9, que l'immeuble est situé dans une zone couverte par un plan de prévention des risques naturels prévisibles et que l'état des risques daté du 15 février 2014 était annexé à l'acte, accompagné des plans en couleur faisant apparaître, notamment les zones couvertes par le risque d'inondation. Le notaire ne saurait être condamné à indemniser les parties à un acte de l'impossibilité de réaliser un projet ou une opération, dès lors que cette impossibilité résulte de la loi ou de la réglementation et qu'aucun moyen régulier, que le notaire aurait omis de leur conseiller, n'est de nature à permettre la réalisation de l'opération.

A titre subsidiaire, elle sollicite la garantie pleine et entière de la Sas Angel et Vander, sur le fondement de l'article 1240 du code civil (anciennement 1382), si la cour considérait que l'agent immobilier avait été effectivement informé par les acquéreurs de leur projet et si par impossible elle entrait en voie de condamnation à l'encontre des sociétés notariales.  

Par dernières conclusions notifiées le 20 avril 2021, la Sas Angel et Vander, au visa de l'article 1147 du code civil dans la rédaction antérieure au 1er octobre 2016, demande à la cour, de confirmer le jugement entrepris, de débouter tant M. [J] [B] et Mme [E] [G] que la Scp Yves Duboys Fresney et Philippe Moizeau et [F] [V] ainsi que la Scp [K] [C] et Jérôme Harang de leur demande en garantie, de condamner M. [J] [B] et Mme [E] [G] au paiement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, outre les dépens.

Se prévalant des dispositions de l'article 1147 du code civil dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2016, elle fait valoir que le vendeur professionnel est tenu d'une obligation de conseil à l'égard de son client ; que s'agissant de l'agent immobilier, son obligation de conseil est limitée à l'opération envisagée ; qu'en l'espèce, contrairement à ce que rapportent les appelants, elle conteste avoir été informée du projet des acquéreurs de diviser la parcelle pour faire revendre une partie de sorte qu'aucune faute n'est établie à ce titre.

A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la cour devait juger qu'elle avait commis une faute, elle souligne qu'il n'existe pas de lien de causalité entre la prétendue faute et le préjudice invoqué par les appelants dans la mesure où ces derniers n'établissent pas qu'au moment de l'achat, le prix d'acquisition était supérieur au prix du marché compte tenu de cette prétendue possibilité de diviser et revendre une partie du terrain ; que de surcroît, ils ont acquis un ensemble immobilier et non pas un simple terrain à bâtir ; qu'en conséquence, ils ne peuvent arguer que la connaissance du caractère inconstructible aurait donc nécessairement entraîné une diminution du prix.

A titre infiniment subsidiaire, elle insiste sur le fait qu'il n'existe pas de préjudice au titre du caractère inconstructible du terrain litigieux ; que la demande formée par les appelants au titre de la valeur du terrain à hauteur d'une somme équivalente à la moitié de leur acquisition, terrain compris n'est à l'évidence pas sérieuse puisqu'une telle indemnité reviendrait à priver de toute valeur l'immeuble déjà implanté sur le terrain.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 mai 2022. 

MOTIFS 

A titre liminaire, il convient de préciser que les textes auxquels il est fait référence correspondent à leur version antérieure aux dispositions de l'ordonnance du 10 février 2016 applicable à compter du 1er octobre 2016.

Sur la responsabilité professionnelle des notaires

La responsabilité professionnelle du notaire pour les actes accomplis dans l'exercice de sa mission à l'égard de l'acquéreur est une responsabilité extracontractuelle fondée sur les dispositions de l'ancien article 1382 du code civil dans sa version applicable au présent litige, selon lequel tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Le notaire est tenu d'informer et d'éclairer les parties sur la portée et les effets, ainsi que les risques, de l'acte auquel il prête son concours. Il lui incombe de démontrer qu'il a rempli cette obligation.

L'article L. 125-5 du code de l'environnement dispose notamment que les acquéreurs ou les locataires de biens immobiliers situés dans des zones couvertes par un plan de prévention des risques technologiques ou par un plan de prévention des risques naturels prévisibles, prescrit ou approuvé, ou dans des zones de sismicité définies par décret en Conseil d'État, sont informés par le vendeur ou le bailleur de l'existence des risques visés par ce plan ou ce décret. A cet effet, un état des risques naturels et technologiques est établi à partir des informations mises à disposition par le préfet ; en cas de mise en vente de l'immeuble, l'état est produit dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 271-4 et L. 271-5 du code de la construction et de l'habitation.

 

L'article L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation prévoit qu'en cas de vente de tout ou partie d'un immeuble bâti, un dossier de diagnostic technique, fourni par le vendeur, est annexé à la promesse de vente ou, à défaut de promesse, à l'acte authentique de vente ; que le dossier de diagnostic technique comprend notamment (point n°5), dans les zones mentionnées au I de l'article L. 125-5 du code de l'environnement, l'état des risques naturels et technologiques prévu au deuxième alinéa du I du même article.

En l'absence, lors de la signature de l'acte authentique de vente, du document mentionné au 5°, l'acquéreur peut poursuivre la résolution du contrat ou demander au juge une diminution du prix.

En l'espèce, le dossier de diagnostic technique mentionné par les articles susvisés a été annexé au compromis de vente signé auprès de l'agence immobilière le 23 décembre 2013, chaque page ayant été paraphée par les acquéreurs : en outre, ces derniers ont été, individuellement, destinataires du compromis et de ses annexes suivant envoi et réception de la lettre recommandée adressée le 24 décembre 2013 par l'agence immobilière. Le dossier technique était également joint à l'acte authentique de vente signé le 15 février 2014, chaque page des annexes ayant été de nouveau paraphée par les acquéreurs.

Le diagnostic comprend notamment une fiche l'informations sur les risques naturels et technologiques majeurs émanant de la Préfecture de Seine-Maritime, qui indique expressément que : « située dans la vallée de la [Localité 8], la commune de [Localité 8] est concernée, dans ses parties urbanisée et naturelle, par des risques d'inondation liés au débordement de la rivière, ainsi qu'à des phénomènes de ruissellement provenant des plateaux environnants. Des remontées de nappes ont aussi été constatées localement en fond de vallée et aux endroits où la nappe est proche du terrain naturel ».

Il ne peut être reproché à la Scp Philippe Moizeau et Pierre Lemonnier et à la Scp [K] [C] et Jérôme Harang, une insuffisance d'information sur la situation en zone inondable du bien acquis par M. [B] et Mme [G] alors que les acquéreurs disposaient plusieurs mois avant la régularisation de la vente par acte authentique et encore le jour même des documents utiles paraphés de leur main.

En outre, l'cte de vente établi par Me [F] [V] le 15 février 2014, mentionne en page 9 et 10 que : « l'acquéreur déclare avoir pris connaissance que la commune de [Localité 8] est soumise à l'obligation de réalisation d'un document d'information communal sur les risques majeurs (DICRIM), et est concernée par :

*  un risque de cavités souterraines : commune concernée par la présence de cavités ou d'indices de cavités,

* risque inondation (communes concernées par au moins une reconnaissance d'état de catastrophe naturelle -évènements entre 1983 et décembre 2009) [']).'»

L'acte notarié stipule également en page 17, et à propos de la situation de la propriété objet de l'acte authentique de vente en bordure du lit d'un cours d'eau non domanial, que : « l'acquéreur reconnaît avoir reçu toutes les explications et les conseils nécessaires quant à cet état de fait et vouloir persister dans leur intention d'acquérir l'immeuble objet des présentes. A cet égard, ils déchargent le vendeur et le notaire associé soussigné de toute responsabilité à ce sujet ».

Par ailleurs, l'étendue du devoir d'information et de conseil du notaire s'analyse au regard de la volonté des parties telle qu'exprimée. Les appelants ne démontrent pas que Me [F] [V], notaire, aurait été informée du projet de division du terrain, lequel faisait partie de l'objet de la vente de l'ensemble immobilier sis [Adresse 2] à [Localité 8].

La seule pièce relative au projet de division qu'auraient révélé les consorts [B]-[G] aux professionnels est un écrit de M. [Z] [A] du 20 février 2016. Cette lettre n'est pas rédigée en la forme d'une attestation en ce qu'elle ne rappelle pas la possibilité et les conséquences de la production en justice et ne comporte pas en annexe la copie de la carte d'identité de son auteur. Les liens avec les appelants sont ignorés. Sa portée probatoire est limitée.

Sur le fond, M. [A] évoque :

- la signature d'un compromis de vente auprès de l'agence immobilière du bien ultérieurement acquis : ce compromis n'est pas communiqué ;

- l'engagement de l'agence de procéder à la vente de la partie de l'immeuble considérée comme terrain à bâtir : cet engagement n'est retracé par aucune autre pièce et n'est pas circonstanciée ;

- le caractère inondable du terrain de 1 200 m2 discuté.

En toutes hypothèses, outre la faible force probante de l'écrit, les informations portées ne concernent que la relation entre M. [A] et l'agence immobilière et ne visent en aucun cas un témoignage direct des volontés révélées des consorts [B]-[G], de surcroît aux notaires dont la responsabilité est recherchée.

Il ne peut dès lors être reproché aux professionnels, sur seule allégation des consorts [B]-[G] aucunement étayée par la production de pièces, de ne pas avoir prodigué des conseils sur les possibilités ou non de réalisation d'une opération dont il n'est pas prouvé qu'elles leur avaient été antérieurement révélées.

Il sera observé qu'en toutes hypothèses, les appelants ne produisent aucune pièce relative à leur préjudice puisque, se référant exclusivement au prix d'achat de l'immeuble, ils ne communiquent aucune estimation du bien susceptible de démontrer une surestimation du prix d'achat par rapport au marché immobilier au regard de l'impossibilité d'édifier de nouvelles constructions sur les lieux.

Par conséquent, en l'absence de faute commise par les sociétés notariales intimées et de tout préjudice, M. [J] [B] et Mme [E] [G] seront déboutés de leurs demandes et le jugement entrepris sera confirmé.

Sur la responsabilité professionnelle de l'agence immobilière

L'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable au litige dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Dès lors, l'agent immobilier est tenu d'un devoir de conseil et d'information à l'égard de son mandant, dont la violation permet d'engager sa responsabilité qui s'apprécie au regard des informations dont l'agent et les parties disposent.

D'une part, il est établi compte tenu des motifs ci-dessus que M. [J] [B] et Mme [E] [G] ont été amplement informés, grâce au dossier de diagnostic des risques annexés au compromis de vente, de la situation du bien acquis dans une zone assujettie à un plan de prévention des risques naturels ; d'autre part, les appelants ne versent aucune pièce aux débats permettant d'établir la connaissance qu'avait la Sas Angel et Vander de leur projet de division du terrain. L'écrit produit est à ce titre insuffisant comme déjà indiqué.

En conséquence, aucune faute ne peut être reprochée à la Sas Angel et Vander ; le jugement entrepris sera confirmé.

Sur les frais de procédure

M. [J] [B] et Mme [E] [G] succombent à l'instance et devront en supporter in solidum les dépens.

L'équité commande de les condamner in solidum à payer à la Scp Philippe Moizeau et Pierre Lemonnier, à la Scp [K] [C] et Jérôme Harang et à la Sas Angel et Vander, chacune la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [J] [B] et Mme [E] [G] à payer à la Scp Philippe Moizeau et Pierre Lemonnier, à la Scp [K] [C] et Jérôme Harang, à la Sas Angel et Vander, chacune la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

 Condamne in solidum M. [J] [B] et Mme [E] [G] aux dépens.

Le greffier, La présidente de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : 1ère ch. civile
Numéro d'arrêt : 20/03663
Date de la décision : 14/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-14;20.03663 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award