La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/12/2022 | FRANCE | N°20/01207

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 14 décembre 2022, 20/01207


N° RG 20/01207 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IOFJ





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE





ARRET DU 14 DECEMBRE 2022











DÉCISION DÉFÉRÉE :



Jugement du POLE SOCIAL DU TJ DU HAVRE du 12 Février 2020





APPELANTE :



Madame [G] [B] épouse [D]

[Adresse 1]

[Localité 4]



représentée par Me Yves GUERARD de la SCP GUERARD BERQUER, avocat au barreau du HAVRE




r>





INTIMEE :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN





























COMPOSITION DE LA COUR  :



En appli...

N° RG 20/01207 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IOFJ

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 14 DECEMBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du POLE SOCIAL DU TJ DU HAVRE du 12 Février 2020

APPELANTE :

Madame [G] [B] épouse [D]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Yves GUERARD de la SCP GUERARD BERQUER, avocat au barreau du HAVRE

INTIMEE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 02 Novembre 2022 sans opposition des parties devant Madame ROGER-MINNE, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

Madame POUGET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. CABRELLI, Greffier

DEBATS :

A l'audience publique du 02 Novembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 14 Décembre 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 14 Décembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par M. CABRELLI, Greffier.

* * *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [G] [B] épouse [D], qui exerce la profession d'infirmière, s'est vu notifier par la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 5] (la caisse) une pénalité financière à hauteur de 120 856,80 euros pour activité frauduleuse et activité fautive, par décision 22 mai 2015, après avis de la commission des pénalités et avis du directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie.

Mme [D] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Havre, devenu tribunal judiciaire, d'un recours à l'encontre de cette pénalité financière.

Par jugement du 12 février 2020, le tribunal l'a condamnée à payer à la caisse la somme de 120 856,80 euros.

Mme [D] a relevé appel de ce jugement le 12 mars 2020.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions remises le 27 octobre 2022, soutenues oralement à l'audience, Mme [D] demande à la cour de :

réformer, en toutes ses dispositions, le jugement,

annuler la pénalité notifiée le 22 avril 2015,

condamner la caisse à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la caisse aux entiers dépens.

Elle invoque l'irrégularité de la procédure au motif que la sanction ne peut être décidée que par le directeur de l'organisme, sans possibilité de délégation et que ni le courrier de notification des faits reprochés, du 12 mars 2015, ni la lettre de notification de la sanction, qui sont des actes de poursuite, ne sont signés par le directeur. Elle en déduit que la sanction est inexistante.

Sur le fond, elle invoque un acharnement de la caisse depuis 10 ans et relève qu'il lui a été appliqué le montant maximum prévu pour la sanction. Elle fait valoir en outre que la pénalité infligée manque de base légale dès lors que les prétendus indus ayant servi de base au calcul de celle-ci ne sont pas établis de manière certaine et définitive par une autorité de justice. Elle conteste avoir reconnu la réalité des faits reprochés et considère que la liste des dossiers, annexée au courrier du 22 mai 2015, n'est pas de nature à justifier de la réalité des griefs. Elle reproche au tribunal de ne pas avoir tenu compte du fait que l'enquête menée par les services de police, à la suite d'une plainte pénale déposée par la caisse visant précisément les falsifications qu'elle lui impute, a fait l'objet d'un classement sans suite.

Elle soutient enfin qu'il est nécessaire d'obtenir les procès-verbaux des auditions des patients réalisées par la caisse.

Par conclusions remises le 28 octobre 2022, soutenues oralement à l'audience, la caisse demande à la cour de :

confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

condamner Mme [D] aux entiers dépens.

Elle fait valoir que son directeur peut déléguer une partie de ses pouvoirs à certains agents de l'organisme et que les dispositions du code de la sécurité sociale n'exigent pas, à peine de nullité, que la notification de payer comme la notification d'une pénalité financière soit signée par le directeur ou par un agent titulaire d'une délégation de pouvoirs ou de signature. Elle affirme que l'appelante a parfaitement réceptionné la notification des griefs du 12 mars 2015, contrairement à ce qu'elle prétend et que cette notification précisait les faits reprochés, de même que la notification de la pénalité.

Sur le fond, elle soutient que les lots transmis par l'infirmière les 30 et 31 décembre 2013 ont révélé un certain nombre de manquements frauduleux et fautifs ; que la commission des pénalités a décidé que la matérialité des faits était reconnue et que la responsabilité de l'infirmière était avérée.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé détaillé de leurs moyens et argumentation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la régularité de la procédure

C'est à juste titre que le tribunal a retenu que les articles L. 161-1-14 et R. 147-2 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable au litige, n'exigeaient pas, à peine de nullité, que la lettre de notification des griefs et la lettre de notification de la pénalité financière soient signées par le directeur ou par un agent de l'organisme muni d'une délégation de pouvoir ou de signature de celui-ci. Ces actes ne constituent pas, en effet, des actes de recouvrement, comme une mise en demeure.

Il convient de constater que l'appelante n'invoque pas en cause d'appel, au soutien de sa demande de nullité, l'absence de motivation des lettres litigieuses.

2. Sur le bien-fondé de la pénalité financière

En premier lieu, un éventuel acharnement de la caisse, au cours des années précédant la notification de la pénalité, à supposer qu'il soit établi, ne saurait avoir pour conséquence d'affecter le bien-fondé de celle-ci.

En deuxième lieu, certaines des anomalies relevées par la caisse, concernant des prestations qui avaient déjà été payées à l'infirmière à la suite de la transmission des lots le 29 août 2013, ont fait l'objet, le 19 décembre 2014, d'une demande de remboursement d'un indu de 6 941,30 euros qui a été soldé en avril 2015 et le reste des anomalies retenues, représentant un montant de 56'963,62 euros, ont été détectées avant leur paiement par la caisse, de sorte qu'elles n'ont pas entraîné une notification d'indu. Il ne peut dès lors être considéré que la notification de la pénalité financière est dépourvue de base légale en raison de l'absence de décision de justice définitive sur la réalité de l'indu.

En troisième lieu, le classement sans suite du 29 juillet 2019, au motif que l'enquête n'a pas permis d'identifier la ou les personnes ayant commis l'infraction, faisant suite à la plainte de la caisse pour escroquerie, faux et usage de faux, ne saurait avoir pour effet d'empêcher cette dernière d'établir le bien-fondé de la pénalité infligée à l'appelante pour les motifs détaillés dans les lettres des 12 mars et 22 mai 2015.

En quatrième lieu, s'agissant des manquements spécifiquement reprochés par la caisse, outre la double facturation dont l'indu n'a pas fait l'objet de contestation, l'intimée indique que Mme [D] a réalisé différentes photocopies d'une même prescription afin de les lui adresser à différentes reprises, et en y ajoutant des mentions différentes.

Mme [D] conteste être l'auteur de ces faits.

En application de l'article R. 4312-29 du code de la santé publique, dans sa version applicable à l'époque des soins litigieux, l'infirmier ou l'infirmière applique et respecte la prescription médicale écrite, datée et signée par le médecin prescripteur, ainsi que les protocoles thérapeutiques de soins d'urgence que celui-ci a déterminés. Il doit lui demander un complément d'information chaque fois qu'il le juge utile, notamment s'il estime être insuffisamment éclairé.

Il en résulte que la prescription médicale est intangible et que seul le médecin peut la compléter avant que le soin ne soit réalisé.

Ainsi que l'a relevé le tribunal, il ressort des auditions menées par l'agent enquêteur de la caisse auprès des docteurs [T], [R], [C], [P], [O], [N], [E], [A] et [F] que certaines des prescriptions utilisées par Mme [D] n'ont pas été rédigées par eux, certains étant d'ailleurs à la retraite à la date de la prescription litigieuse, ou comportent des mentions ajoutées qui ne sont pas de leur main (telles que ' AR 1 fois', 'matin midi', 'hygiène', date de la prescription) ou comporte des mentions qui ont été effacées (telles que la date), certains médecins ayant qualifié certaines prescriptions montrées de faux ou encore, pour l'une d'elles, comporte des prescriptions qui ne sont pas possibles.

Ainsi il est établi que l'appelante a fait usage de prescriptions comportant des modifications qui n'émanaient pas des prescripteurs. Comme le relève le tribunal, l'existence de très nombreuses irrégularités qui affectent plusieurs cabinets médicaux permet d'écarter l'hypothèse d'une falsification par les patients ou leur famille. La production des auditions de certains d'entre eux, qui avaient pour objectif de vérifier la réalité des soins donnés, ne présente dès lors aucune utilité, étant observé qu'il importe peu que les soins aient été prodigués ou aient été nécessaires.

La commission des pénalités, pour proposer une pénalité totale de 120'856,80 euros, a retenu que l'appelante avait fait l'objet de plusieurs notifications d'indu en 2012 pour non-respect des délais réglementaires de transmission des pièces justificatives, que la caisse lui avait demandé, en octobre 2012, de mettre fin à son « comportement déviant » et que le caractère intentionnel des agissements ne faisait aucun doute. Le montant de la pénalité correspond au maximum encouru, soit le double des sommes présentées au paiement par le professionnel de santé.

Au regard de la pratique mise en place, du nombre d'anomalies constatées et de la gravité des faits, c'est à juste titre que le tribunal a considéré que la pénalité infligée était proportionnée à cette gravité et au montant des soins présentés au remboursement.

3. Sur les frais du procès

Mme [D] qui perd son procès sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort :

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire du Havre le 12 février 2020 ;

Y ajoutant :

Condamne Mme [D] aux dépens de première instance et d'appel ;

La déboute de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/01207
Date de la décision : 14/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-14;20.01207 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award