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01/12/2022 | FRANCE | N°21/01582

France | France, Cour d'appel de Rouen, Ch. civile et commerciale, 01 décembre 2022, 21/01582


N° RG 21/01582 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IXZK







COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE



ARRET DU 1 DECEMBRE 2022









DÉCISION DÉFÉRÉE :



1120001160

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'EVREUX du 22 Mars 2021





APPELANTE :



Madame [E] [S]

née le 08 Février 1940 à [Localité 8]

[Adresse 5]

[Localité 6]



représentée et assistée par Me Gaëlle MELO de la SCP SPAGNOL DESLANDES MELO, avocat a

u barreau D'EURE







INTIMES :



Monsieur [B] [M]

né le 08 Février 1957 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 3]



représenté et assisté par Me Marion QUEFFRINEC de la SCP PICARD LEBEL QUEFFRINEC BEAUHAIRE MOREL...

N° RG 21/01582 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IXZK

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 1 DECEMBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

1120001160

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'EVREUX du 22 Mars 2021

APPELANTE :

Madame [E] [S]

née le 08 Février 1940 à [Localité 8]

[Adresse 5]

[Localité 6]

représentée et assistée par Me Gaëlle MELO de la SCP SPAGNOL DESLANDES MELO, avocat au barreau D'EURE

INTIMES :

Monsieur [B] [M]

né le 08 Février 1957 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté et assisté par Me Marion QUEFFRINEC de la SCP PICARD LEBEL QUEFFRINEC BEAUHAIRE MOREL, avocat au barreau D'EURE

S.A.R.L. [U]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée et assistée par Me Jerôme DEREUX de la SELARL CARNO AVOCATS, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 21 Juin 2022 sans opposition des avocats devant Madame FOUCHER-GROS, Présidente, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme FOUCHER-GROS, Présidente

M. URBANO, Conseiller

M. MANHES, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DEVELET, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 21 Juin 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 20 Octobre 2022, prorogé au 24 novembre 2022, puis au 1er décembre 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Rendu publiquement le 1er décembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Mme Foucher-Gros, Présidente et par Mme Develet, Greffière.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :

Le 1er août 2018, Madame [E] [S] a accepté le devis émis par la SARL [U] pour les frais d'obsèques et d'inhumation de Monsieur [J] [O], d'un montant de 5 030,25 euros, en paiement duquel elle a remis un chèque de 2 000 euros à titre d'acompte.

Le 11 août 2018, la SARL [U] a émis la facture correspondante à l'adresse de Madame [E] [S].

Par courrier du 20 août 2018, cette dernière a indiqué au prestataire que le défunt avait un héritier, en la personne de Monsieur [B] [M], et qu'elle n'avait pas qualité pour autoriser le paiement de cette facture sur le compte du défunt.

Par acte du 16 juillet 2020, la SARL [U] a fait assigner Madame [E] [S] et Monsieur [B] [M] devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Evreux aux fins d'obtenir le paiement de cette facture, avant de se désister de cette demande.

Par acte du 25 septembre 2020, la SARL [U] a fait assigner Madame [E] [S] et Monsieur [B] [M] devant le tribunal judiciaire d'Evreux aux mêmes fins.

Par jugement du 22 mars 2021, le tribunal judiciaire d'Évreux a :

-reçu la SARL [U] en ses demandes,

-condamné Mme [S] à payer à la SARL [U] les sommes de 5.030,25 euros et de 40 euros, correspondant respectivement au montant de la facture des frais funéraires et de l'indemnité forfaitaire de recouvrement,

-débouté la SARL [U] du surplus de ses demandes formées contre Mme [S],

-débouté la SARL [U] de ses demandes formées contre M. [M],

-débouté Mme [S] de ses demandes formées contre M. [M],

-autorisé Mme [S] à s'acquitter de cette obligation par versements mensuels d'au minimum 200 euros, avant le 15 de chaque mois, à compter de la signification du présent jugement, la dernière mensualité étant majorée du solde de la dette, sauf meilleur accord avec le créancier pour prolonger l'échéancier de paiement au delà de 24 mois,

-dit qu'en cas de non versement d'une mensualité à son échéance, le solde restant dû deviendra exigible quinze jours après mise en demeure adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception restée sans effet,

-rappelé qu'en application de l'article 1343-5 du codé civil la présente décision suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier,

-condamné Mme [S] à payer, respectivement à M. [M] et à la SARL [U] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-rejeté toute demande plus ample ou contraire,

-dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire,

-condamné Mme [S] aux entiers dépens de l'instance.

Madame [S] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 15 avril 2021.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 juin 2022.

EXPOSE DES PRETENTIONS :

Vu les conclusions du 13 juillet 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments de Mme [S] qui demande à la cour de :

-déclarer Mme [S] recevable et fondée en son appel du jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Évreux le 22 mars 2021,

-réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Évreux le 22 mars 2021,

En conséquence,

A titre principal,

-déclarer prescrite l'action en paiement engagée par la SARL [U],

-déclarer en conséquence la SARL [U] irrecevable en ses demandes dirigées contre Mme [S],

A titre subsidiaire,

-débouter la SARL [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre Mme [S],

-débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre Mme [S],

A titre infiniment subsidiaire,

-condamner M. [M] à garantir Mme [S] de toutes condamnations susceptibles d'être mises à sa charge,

-autoriser Mme [S] à s'acquitter des condamnations susceptibles d'être mises à sa charge par versements mensuels de 150 euros par mois,

En tout état de cause,

-condamner la SARL [U] et M. [M] à verser à Mme [S] une indemnité de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner la SARL [U] et M. [M] aux entiers dépens de l'instance avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Spagnol Deslandes Melo en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions du 1er septembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments de M. [M] qui demande à la cour de :

A titre principal,

-voir réformer le jugement du tribunal judiciaire d'Évreux du 22 mars 2021 en ce qu'il a reçu la SARL [U] en ses demandes,

Statuant à nouveau,

-déclarer prescrite l'action de la SARL [U] à l'encontre de M. [M] conformément aux dispositions de l'article L 218-2 du code de la consommation,

-débouter la SARL [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

-débouter Mme [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire,

-confirmer le jugement litigieux en ce qu'il a :

-débouter la SARL [U] de ses demandes formées contre M. [M] au titre du droit des contrats,

-débouter Mme [S] de ses demandes formées contre M. [M] au titre du droit des contrats,

En conséquence,

-débouter la SARL [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre M. [M],

-débouter Mme [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre M. [M],

A titre infiniment subsidiaire,

-condamner Mme [S] seule au paiement de la facture litigieuse en vertu de l'adage nemo auditur propriam turpitudinem allegans,

En conséquence,

-débouter Mme [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de M. [M],

-débouter la SARL [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de M. [M],

A titre infiniment infiniment subsidiaire,

-donner acte de ce que M. [O] a manqué gravement à ses obligations envers M. [M],

En conséquence,

-décharger M. [M] de l'ensemble de ses obligations alimentaires à l'égard de M. [O], ce comprenant les frais d'obsèques,

-débouter Mme [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de M. [M],

-débouter la SARL [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de M. [M],

A titre très infiniment subsidiaire,

-réduire le montant des frais funéraires à proportion des moyens de M. [M] sur le fondement de l'article 806 du code civil,

A défaut,

-réduire le coût des frais funéraires à la somme de 3.800 euros en raison des dépenses somptuaires,

-accorder à M. [M] les plus larges délais de paiement sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil,

-débouter la SARL [U] de sa demande de condamnation à l'encontre de M. [M] pour résistance abusive,

-débouter la SARL [U] de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civil et aux dépens, à défaut réduire les dépens à cette seule instance ne comprenant pas les dépens exposés au titre de la saisine d'une juridiction incompétente,

-débouter Mme [S] de sa demande en garantie,

-débouter Mme [S] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

En tout état de cause,

-débouter la SARL [U] et Mme [S] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de condamnation aux dépens,

-condamner solidairement la SARL [U] et Mme [S] à payer à M. [M] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la première instance de 3.000 euros en cause d'appel,

-les condamner solidairement aux entiers dépens.

Vu les conclusions du 4 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments de la SARL [U] qui demande à la cour de :

-confirmer le jugement rendu le 22 mars 2021 en ce qu'il a :

-«'reçu la SARL [U] en ses demandes,

-condamné Mme [S] à payer à la SARL [U] les sommes de 5.030,25 euros et de 40 euros, correspondant respectivement au montant de la facture des frais funéraires et de l'indemnité forfaitaire de recouvrement,

-débouté Mme [S] de ses demandes formées contre M. [M],

-autorisé Mme [S] à s'acquitter de cette obligation par versements mensuels d'au minimum 200 euros, avant le 15 de chaque mois, à compter de la signification du présent jugement, la dernière mensualité étant majorée du solde de la dette, sauf meilleur accord avec le créancier pour prolonger l'échéancier de paiement au delà de 24 mois,

-dit qu'en cas de non versement d'une mensualité à son échéance, le solde restant dû deviendra exigible quinze jours après mise en demeure adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception restée sans effet,

-rappelé qu'en application de l'article 1343 5 du codé civil la présente décision suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier,

-condamné Mme [S] à payer, respectivement à M. [M] et à la SARL [U] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-rejeté toute demande plus ample ou contraire,

-dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire,

-condamné Mme [S] aux entiers dépens de l'instance'».

-infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

-débouté la SARL [U] du surplus de ses demandes formées contre Mme [S],

-débouté la SARL [U] de ses demandés formées contre M. [M]'»,

Et statuant à nouveau :

-recevoir la SARL [U] en son appel incident et l'en déclarer bien fondée,

-débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,

-débouter Mme [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

-condamner, in solidum avec Mme [S], M. [M] à payer à la SARL [U] les sommes suivantes :

-5.030,25 euros au titre de la facture FA00000027 du 11 août 2018,

-40,00 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement,

-2.000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

-condamner sous la même solidarité Mme [S] et M. [M] à payer à la SARL [U] la somme de 6.000,00 euros par application des dispositions de de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner sous la même solidarité Mme [S] et M. [M] aux entiers dépens de l'instance.

MOTIFS DE LA DECISION':

Sur la recevabilité de l'action':

Moyens des parties':

Madame [S] soutient que':

*les actions en paiement des opérateurs de pompes funèbres pour la prestation fournie à un consommateur se prescrit par deux ans.

*la société [U] s'étant désistée de son action devant le juge des référés l'acte introductif du 16 juillet 2020 devant ce juge n'a pas produit son effet interruptif de prescription. La facture ayant été émise le 11 août 2018, l'action diligentée le 25 septembre 2020 est irrecevable.

Monsieur [M] reprend les moyens développés par Mme [S].

La société [U] soutient que':

*son action à l'encontre de M. [M] n'est pas fondée sur les dispositions contractuelles et les dispositions de l'article L218-2 du code de la consommation ne lui est pas applicable.

*son action à l'encontre de Mme [S] se prescrit par deux ans. Le point de départ du délai est celui de la date à laquelle la facture a été adressée à Mme [S], soit le 11 août 2018. Le délai a été interrompu par l'assignation du 16 juillet 2020 devant le juge des référés. Le 18 novembre 2020, elle s'est désistée de son action après avoir saisi le tribunal judiciaire le 25 septembre 2020. Elle a déclaré se désister en raison de l'incompétence du juge des référés, de plus, pour que l'effet interruptif soit non avenu il doit s'agir d'un désistement pur et simple. La SARL [U] ayant énoncé que l'action était reprise devant la juridiction compétente, l'effet interruptif est maintenu.

Réponse de la cour':

Sur l'action à l'encontre de Mme [S]':

Aux termes de l'article L218-2 du code de la consommation': «'L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans'»

A l'égard de Mme [S] qui a commandé la prestation, le délai de prescription de l'action en paiement est le délai biennal prévu par les dispositions précitées. Le point de départ du délai est celui de la facture du 11 août 2018'.

Aux termes de l'article 2241 du code civil': «'La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure.'

Aux termes de l'article 2243 du même code':' «'L'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée.'»

Il résulte de ces dispositions que l'effet interruptif attaché à la demande en justice est non avenu lorsque le désistement est pur et simple. Mais il est maintenu lorsque le désistement est motivé par l'incompétence de la juridiction devant laquelle il est formulé et qu'il fait suite à la saisine d'une autre juridiction compétente pour connaître de la demande.

Il ressort de la chronologie des faits que':

Antérieurement à l'expiration du délai de prescription, la société [U] a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire d'Evreux par acte du 16 juillet 2020, afin d'obtenir le paiement de sa facture, outre le paiement de l'indemnité de recouvrement et le paiement de dommages et intérêts. Il ressort de l'acte d'assignation que celui-ci était en réalité destiné au tribunal judiciaire. Le 25 septembre 2020, la SARL [U] a saisi le tribunal judiciaire d'Evreux avant de se désister de sa demande par conclusions du 18 novembre 2020, l'assignation devant le juge du fond étant jointe à ses conclusions. La SARL [U] a exposé devant le juge des référés que son assignation avait été placée par erreur devant une juridiction incompétente et qu'elle avait saisi le juge du fond aux mêmes fins. L'ordonnance du 18 novembre 2020 a constaté ce désistement.

Ainsi, la saisine de la juridiction du fond a précédé le désistement, et celui-ci n'est pas pur et simple mais ne vise qu'à mettre fin à l'instance devant la juridiction saisie à tort, cette instance étant poursuivie devant la juridiction qui aurait dû être initialement saisie. Il en résulte que la saisine du juge des référés n'a pas perdu son effet interruptif et que l'action a été interrompue jusqu'au 18 novembre 2020, date à laquelle le juge des référés a rendu son ordonnance. L'action diligentée le 25 septembre 2020 est en conséquence recevable et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur l'action à l'encontre de M. [M]':

Aux termes de l'article 2224 du code civil':' «'Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.'»

L'action de la société [U] à l'encontre de M. [M] n'est pas née du contrat mais de l'obligation des héritiers d'acquitter les charges de la succession. Elle est en conséquence soumise à la prescription quinquennale à compter du jour où la société [U] a connu l'existence d'un héritier. Le 16 octobre 2018, la SARL [U] a reçu de Mme [S] les coordonnées du notaire chargé de la succession. Il en résulte que le délai court à compter de cette date et que l'action diligentée par l'assignation du 25 septembre 2020, avant l'expiration du délai de prescription est recevable.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur le fond':

Mme [S] soutient que':

*la charge des frais funéraire revient à la succession'; même si les héritiers y ont renoncé.

*elle n'était que la compagne de M. [O], ne vient pas à sa succession et n'a signé la commande qu'à défaut de toute personne pour organiser les obsèques, n'ayant même pas connaissance d'héritiers. A la réception de la facture, il lui a été demandé d'autoriser le prélèvement sur le compte de M. [O], ce qu'elle n'avait pas le pouvoir de faire.

*si la cour n'infirmait pas le jugement entrepris, sa situation justifie qu'il lui soit accordé des délais de paiement.

Monsieur [M] soutient que':

*il n'a aucunement contracté la dette dont il est demandé le paiement'; il a été privé de toute possibilité de négocier le contrat ou de choisir un autre entrepreneur';

*Mme [S] a contracté seule avec la société [U] alors qu'elle avait connaissance de l'existence du fils de M. [O]':

*il n'est pas tenu d'assumer les frais d'obsèques d'un père qui l'a délaissé dès l'enfance';

*si la cour entendait mettre les frais d'obsèques à sa charge, il n'y est tenu qu'à proportion de ses ressources.

La SARL [U] soutient que':

*Madame [S] est tenue en qualité de co-contractante qui a commandé la prestation';

*elle a déjà disposé de plus de deux années pour acquitter ce paiement et dispose le cas échéant d'un recours contre les héritiers de M. [O].

*M. [M] est tenu au paiement en sa qualité d'héritier. Il ne rapporte pas la preuve que sa situation justifie de l'octroi de délais de paiement.

Réponse de la cour':

Sur l'action de la société [U] à l'encontre de Mme [S]':

Aux termes de l'article 1104 du code civil': «'Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Cette disposition est d'ordre public'

Il est constant que Mme [S] a commandé seule, le 1er août 2018, la prestation de frais d'inhumation pour un montant total de 5030,25 euros. La prestation ayant été exécutée elle en doit le paiement à la SARL [U], outre l'indemnité forfaitaire de recouvrement de 40 euros prévu à l'article L441-6 du code de commerce dans sa version antérieure à l'ordonnance du 24 avril 2019, reprises à l'article L441-10 de ce code. Les dispositions de l'article 873 du code civil qui met aux héritiers les charges de la succession, lui permettent le cas échéant d'exercer un recours à l'encontre de M. [M] mais ne sont pas de nature à l'exonérer de son obligation à paiement pour la prestation qu'elle a commandée.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné Mme [S] à payer à la SARL [U] les sommes de 5.030,25 euros et de 40 euros.

Sur l'action de la société [U] à l'encontre de M. [M]':

Aux termes de l'article 806 du code civil : 'Le renonçant n'est pas tenu au paiement des dettes et charges de la succession. Toutefois, il est tenu à proportion de ses moyens au paiement des frais funéraires de l'ascendant ou du descendant à la succession duquel il renonce.'

La renonciation à une succession ne se présume pas et, en tout état de cause Monsieur [M] déclare qu'il a accepté la succession de son père sans réserve. A défaut d'être renonçant il ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 806 du code civil et opposer la défaillance de son père à son obligation d'entretien.

Les dispositions applicables sont celles de l'article 873 du code civil qui dispose que les héritiers sont tenus des dettes et charges de la succession.

Monsieur [M] demande subsidiairement que le coût des frais soit réduit en raison de la dépense somptuaire. Ce moyen qui peut être opposé à Mme [S] dans le cadre du recours en garantie ne peut être opposé utilement au prestataire qui a réalisé la commande dans l'ignorance de l'existence d'un héritier.

Il en résulte que M. [M] est tenu du paiement de la facture des frais d'obsèques, in solidum avec Mme [S].

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté la société [U] de sa demande à l'encontre de M. [M], et ce dernier sera condamné, in solidum avec Mme [S] à lui payer les sommes de 5 035,25 euros et 40 euros.

Sur les demandes de délais de paiement':

Aux termes de l'article 1343-5 du code civil': «'Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital (...).'

Sur la demande de Mme [S]':

Madame [S] justifie qu'elle acquitte un loyer mensuel de 470 euros mais ne justifie pas de ses ressources se bornant à alléguer qu'elle perçoit une retraite de l'ordre de 2 000 euros par mois. Elle ne justifie pas ainsi, et alors que sa dette est ancienne de plus de cinq années, d'une situation qui justifie que lui soit accordé des délais de paiement. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point et Mme [S] sera déboutée de sa demande.

Sur la demande de M. [M]':

Monsieur [M] est né en 1957. Il est retraité et justifie d'avoir perçu en 2019 un revenu annuel de 15 079 euros, soit 1 257 euros par mois. Même s'il partage ses charges avec son épouse qui a elle aussi un revenu, il justifie que ses ressources ne lui permettent pas d'acquitter le montant de la condamnation en une seule échéance. Il lui sera accordé des délais de paiement sur une durée de 18 mois selon les modalités indiquées au dispositif de l'arrêt.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive':

La SARL [U] ne démontre pas que Mme [S] et M. [M], qui ont pu se méprendre sur l'étendue de leurs obligations ont résisté au paiement avec une intention de lui nuire.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef de demande.

Sur le recours en garantie formé par Mme [S]':

Moyens des parties':

Madame [S] se prévaut des dispositions de l'article 873 du code civil.

Monsieur [M] répond que':

*il n'est pas tenu du paiement des dépenses somptuaires.

*c'est de mauvaise foi que Mme [S] n'a pas déclaré l'existence d'un héritier à l'entreprise de pompes funèbres.

Réponse de la cour':

En premier lieu, les propres déclarations de M. [M] dans sa lettre adressée le 4 septembre 2018 à Mme [S] et l'attestation de son épouse ne sont pas suffisants à démontrer que, c'est de mauvaise foi que Mme [S] n'a pas déclaré l'existence d'un héritier à la SARL [U]

En second lieu, Les frais funéraires n'engagent la succession que dans la mesure de leur nécessité ou de leur utilité pour celle-ci. Il ressort de la lettre de M. [M] qu'il a été avisé le 6 août 2018 à 11h30 du décès de son père et que la cérémonie funèbre se tenait le jour même à 14h30. Il indique qu'il s'est rendu directement à l'église. Ainsi, Monsieur [M] n'a pas contesté le principe de l'inhumation et de la cérémonie religieuse alors qu'il en avait la possibilité. Il en résulte que l'information qu'il produit sur le coût d'une crémation en province est inopérante et qu'il doit garantir Mme [S] du montant des frais inhérents à l'inhumation et celle de 180 euros figurant sur la facture comme ayant été destinée à la paroisse. En revanche, M. [M] n'a pas eu le choix du cercueil et peut invoquer utilement qu'un cercueil en chêne au prix de 1 155 € TTC n'était pas nécessaire. Le cercueil en chêne étant un produit milieu de gamme, il sera soustrait 600 euros du montant de la somme garantie par M. [M].

Ainsi celui-ci garantira Mme [S] à hauteur de 4 475,25 euros ((5035,25 euros + 40 euros)-600 euros).

Les frais de procédure étant dû à la résistance de l'un comme l'autre des débiteurs, Mme [S] sera déboutée du surplus de son recours en garantie.

PAR CES MOTIFS':

La cour,statuant par arrêt contradictoire';

Infirme partiellement le jugement entrepris et reprenant l'intégralité du dispositif pour une meilleur compréhension';

Déclare recevable l'action de la SARL [U] à l'encontre de Mme [S] et de M. [M]';

Condamne in solidum Mme [S] et M'. [M] à payer à la SARL [U] les sommes de 5 030,25 euros au titre de la facture FA00000027 du 11 août 2018' et 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement;

Déboute Mme [S] de sa demande de délai de paiement';

Dit que M. [M] pourra s'acquitter de ces sommes au moyen de 17 échéances mensuelles de 282 euros minimum avant le 10 de chaque mois à compter de la signification du présent arrêt et une échéance pour le solde.

Dit qu'en cas de non versement d'une mensualité à son échéance, le solde dû deviendra exigible quinze jours après mise en demeure adressée par lettre recommandée avec avis de réception restée sans effet';

Déboute la SARL [U] de sa demande indemnitaire pour résistance abusive';

Condamne M. [M] à garantir Mme [S] du montant des condamnations ci-dessus dans la limite de 4 575,25 euros';

Déboute Mme [S] du surplus de sa demande en garantie ;

Condamne in solidum Mme [S] et M. [M] aux paiements des dépens de première instance et d'appel';

Condamne in solidum Mme [S] et M. [M] à payer à la SARL [U] la somme de 1 000 euros au titre de ses frais irrépétible de première instance et 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles en cause d'appel';

Déboute Mme [S] et M. [U] de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Ch. civile et commerciale
Numéro d'arrêt : 21/01582
Date de la décision : 01/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-01;21.01582 ?
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