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01/12/2022 | FRANCE | N°21/01238

France | France, Cour d'appel de Rouen, Ch. civile et commerciale, 01 décembre 2022, 21/01238


N° RG 21/01238 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IXCP





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE



ARRET DU 1 DECEMBRE 2022











DÉCISION DÉFÉRÉE :



2019J00171

TRIBUNAL DE COMMERCE DU HAVRE du 05 Février 2021





APPELANTE :



Madame [L] [W]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représentée et assistée par Me Claude AUNAY de la SCP AUNAY, avocat au barreau du HAVRE substituée par Me Caroline PAILLOT, avocat au barreau de ROU

EN









INTIMEES :



Madame [J] [I] [R]

née le [Date naissance 1] 1969 à ALGERIE

[Adresse 2]

[Adresse 2]





Société CERISE ET CANNELLE

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représentée et assistée par Me Chr...

N° RG 21/01238 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IXCP

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 1 DECEMBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

2019J00171

TRIBUNAL DE COMMERCE DU HAVRE du 05 Février 2021

APPELANTE :

Madame [L] [W]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée et assistée par Me Claude AUNAY de la SCP AUNAY, avocat au barreau du HAVRE substituée par Me Caroline PAILLOT, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEES :

Madame [J] [I] [R]

née le [Date naissance 1] 1969 à ALGERIE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Société CERISE ET CANNELLE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée et assistée par Me Christele DUBOC-THOMAS de la SELARL PARTHEMIS ENTREPRISE, avocat au barreau du HAVRE substituée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

Lors des débats et du délibéré :

Mme FOUCHER-GROS, Présidente

M. URBANO, Conseiller

M. MANHES, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DEVELET, Greffier

DEBATS :

A l'audience publique du 22 Juin 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 20 Octobre 2022, prorogé au 24 novembre 2022, puis au 1 décembre 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Rendu publiquement le 1 décembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Mme Foucher-Gros, Présidente et par Mme Develet, Greffière.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :

Mesdames [I] [R] et [W] ont constitué ensemble une société à responsabilité limitée au capital de 1.000 euros, la Société Cerise et Cannelle aux termes de statuts du 29 janvier 2018.

La Société a pour objet l'activité de traiteur, fabrication et vente artisanale de plats salés et sucrés, confiseries, épicerie fine exploitée [Adresse 2].

Les deux associées à parts égales ont été nommées co-gérantes.

Des différends sont apparus entre les deux associées. Aux termes d'une promesse de cession de parts du 27 août 2018, Mesdames [I] [R] et [W] ont tenté de trouver une solution amiable par le rachat par Mme [I] [R] des parts de Mme [W] et remboursement du compte d'associé de Mme [W] après que la situation financière de chaque compte courant soit établie par le comptable.

Aucun accord n'ayant été trouvé, le 29 octobre 2019, Madame [W] a assigné la société Cerise et Cannelle et Mme [I] [R] devant le tribunal de commerce de terre et de mer du Havre au fins de voir prononcer la dissolution et la liquidation de la société.

Par jugement du 5 février 2021, le tribunal a :

-reçu Mme [W] en sa demande de dissolution et l'a déclarée mal fondée ;

- dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts ;

-dit n'y avoir lieu à transmission du jugement au ministère public et invité Mme [W] à mieux se pourvoir éventuellement sur la connaissance d'information la justifiant ;

-débouté les parties de leurs autres ou plus amples demandes ;

-condamné Mme [W] aux entiers dépens, ceux visés à l'article 701 du code de procédure civile étant liquidés à la somme de 83,08 euros ;

-dit n'y avoir lieu à une condamnation au titre des frais exposés non compris dans les dépens.

Madame [W] à interjeté appel de ce jugement par déclaration du 23 mars 2021.

L'ordonnance de clôture a été rendue le14 juin 2022.

EXPOSE DES PRETENTIONS :

Vu les conclusions du 22 juin 2021 auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de Mme [W] qui demande à la cour de :

-recevant Madame [L] [W] en son appel

Infirmant le jugement,

-prononcer la dissolution de la société Cerise et Cannelle SARL au capital de 1.000,00 euros, dont le siège social est [Adresse 2], immatriculée au RCS du Havre sous le numéro 835 055 906, et nommer tel liquidateur qu'il plaira au tribunal avec mission de procéder aux opérations de liquidation conformément aux dispositions de l'article 1844-8 du code civil.

-ordonner la transmission de la présente procédure et de l'arrêt par les soins du greffe à Monsieur le Procureur de la République en application de l'article 40 du code de procédure pénale,

-condamner Madame [J] [I] [R] au paiement à titre de dommages et intérêts, à la société Cerise et Cannelle d'une somme de 10.000,00 euros, et à Madame [L] [W] d'une somme de 15.000,00 euros.

-condamner Madame [J] [I] [R] au paiement de la somme de 4.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC, ainsi qu'en tous les dépens

Madame [W] soutien, au visa des articles 1844-7 et 1844-8 du code de commerce que :

*l'action peut être introduite par un associé agissant individuellement ;

*la cour dispose d'éléments suffisants pour ordonner la dissolution de la société ;

*le défaut de comptabilité, le défaut de publicité des modifications statutaires, le défaut de réunion de l'assemblée des associés dans les délais de la loi, le défaut de publicité des comptes, justifient la transmission de la présente procédure à Monsieur le procureur de la République en application de l'article 40 du code de procédure pénale.

*ces fautes justifient la condamnation de Mme [I] [R] au paiement de dommages et intérêts à Mme [W] et à la société Cerise et Cannelle.

Vu les conclusions du 23 septembre 2021 auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la société Cerise et Cannelle et Mme [I] [R] qui demandent à la cour de :

-confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

-condamner Mme [L] [W] àverser à la société Cerise et Cannelle et à Mme [I] [R] chacune la somme de 4 000 euros au titre de leur frais irrépétibles ;

-la condamner aux dépens.

La société Cerise et Cannelle et Mme [I] [R] soutiennent que :

*Madame [I] [R] avait vocation à être aux fourneaux tandis que Mme [W] était au comptoir pour servir la clientèle et surtout en charge de la gestion et de l'administratif ainsi que des achats de marchandises auprès des fournisseurs.

*au départ de Madame [W], Madame [I] [R] s'est retrouvée seule pour tout assumer.

*elle a découvert que la société était en dette auprès de ses fournisseurs et que Madame [W] avait encaissé en espèce des acomptes sur des commandes, lesquels n'ont pas été déposés sur le compte bancaire ou dans la caisse de la Société. Ces retraits ont mis à mal la trésorerie déjà fragile de la Société qui n'avait que quelques mois d'existence. Mme [W] à également engagé des dépenses à titre personnel,

*la démission de Mme [W] ne résulte d'aucun acte non équivoque ;

*la société a retrouvé un équilibre et le seul défaut qu'elle encourt est l'absence d'approbation des comptes et le dépôt qui en est la suite ; l'impossibilité d'approuver les comptes n'est pas établie, la société continue son activité et le fonctionnement n'en est pas paralysé.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la démission de Mme [W] :

Aux termes des statuts de la société Cerise et Cannelle « Le ou les gérants seront nommés par décision collective des associés aussitôt après la signature des présents statuts » « Les fonctions du ou des gérants cessent ('.) Le gérant peut également démissionner de ses fonctions, mais il doit prévenir chacun des associés trois mois à l'avance.

La cessation des fonctions du ou des gérants n'entraîne pas la dissolution de la société.

En cas de cessation des fonctions du gérant, pour quelque cause que ce soit, la collectivité des associés est habilitée à modifier les statuts en vue de supprimer le nom du gérant, à la majorité simple des associés représentant plus de la moitié des parts sociales »

Mesdames [W] et [I] [R] ont été désignées co-gérantes lors de la création de la société. Il ressort de la chronologie des faits que la société a été créée au mois de janvier 2018. La discorde entre les deux associées co-gérantes est apparue dès les premiers mois. Le 29 août 2018, Mmes [W] et [I] [R] ont signé une promesse de cession des parts de Mme [W] à Mme [I] [R]. Il est mentionné à la promesse « A compter de ce jour, Mme [W] présente sa démission de ses fonctions de gérante. »

Le projet de cession mentionne en son article 10 «Par décision de l'assemblée générale en date du 27 septembre 2018, la collectivité des associés a pris acte de la démission de Madame [L] [W] de son mandat de co-gérant, en date du 29 août 2018 »

L'assemblée générale du 27 septembre 2018 n'est pas produite aux débats. Mais en tout état de cause, il ne résulte ni d'une disposition réglementaire ni des statuts de la société Cerise et Cannelle, que l'effectivité de la démission du gérant est soumise à une « prise d'acte » par l'assemblée générale. Il ressort de la promesse de cession et du projet de cession communiqué à Mme [W] par le conseil de Mme [I] [R] que les deux associées se sont accordées pour une démission de Mme [W] au 29 août 2018. Contrairement à ce que soutiennent Mme [I] [R] et la société Cerise et Cannelle, la promesse de cession est sans équivoque sur ce point et ne soumet aucunement la démission de Mme [W] à la réalisation de la cession.

Ainsi, Mme [W] n'est plus co-gérante depuis le 29 août 2018. Il appartenait à Mme [I] [R] uniquement de faire publier, conformément aux dispositions de l'article 1846-2 du code de commerce, la cessation des fonctions de Mme [W].

Sur la dissolution de la société :

Il résulte des dispositions de l'article 1844-7 du code civil que la société prend fin par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société.

Ainsi qu'il est précisé aux statuts de la société Cerise et Cannelle, la démission de Mme [W] n'entraîne pas, de droit, la dissolution de la société.

La conséquence en est que, depuis le 29 août 2018, il appartient à la seule Mme [I] [R] de convoquer les assemblées générales.

Même s'il n'est pas démontré que c'est de mauvaise foi, qu'elle a considéré que la démission de Mme [W] n'était pas acquise, il lui appartenait, en sa qualité de co-gérante et alors que Mme [W] n'entendait plus exercer son mandat, de provoquer les assemblées générales ne serait-ce que pour l'approbation des comptes préalable à leur dépôt. Il lui appartenait aussi de procéder aux dépôts conformément aux dispositions de l'article L232-22 du code de commerce.

Madame [I] [R] ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle s'est aqcuittée de ces obligations, reconnaissant que les comptes annuels ne sont pas déposés. Toutefois, l'inexécution de ses obligations par Mme [I] [R], comme la mésentente entre les associées ne sont de nature à entraîner la dissolution de la société pour juste motifs qu'à la condition qu'elles paralysent le fonctionnement de la société.

La société Cerise et Cannelle et Mme [I] [R] produisent aux débats l'extrait du compte bancaire pour les mois de janvier à août 2018 dont il ressort un solde positif de 956 euros et la déclaration d'impôt sur les sociétés pour l'exercice 2018 dont il ressort un bénéfice de 917 euros. Aucun élément n'est versé aux débats de nature à démontrer que le fonctionnement de la société est paralysé.

Par voie de conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [W] de sa demande de dissolution.

Sur l'application de l'article 40 du code de procédure pénale :

Aux termes de l'article L241-5 du code de commerce : « Est puni de 9 000 € d'amende le fait, pour les gérants, de ne pas soumettre à l'approbation de l'assemblée des associés ou de l'associé unique l'inventaire, les comptes annuels et le rapport de gestion établis pour chaque exercice »

Madame [I] [R] ne justifiant pas, alors que Mme [W] en fait état dans ses conclusions, d'avoir soumis à l'approbation des l'assemblée des associés les comptes annuels et le rapport de gestion pour chaque exercice, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à transmission du jugement au ministère public. La cour ne peut que faire application des dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale et porter sa décision à la connaissance du procureur de la République près le tribunal judiciaire du Havre pour toute suite qu'il entendra lui donner.

Sur la demande de dommages et intérêts :

Outre que Mme [W] ne peut demander de dommages et intérêts pour la société Cerise et Cannelle qu'elle ne représente plus depuis sa démission, elle se borne à demander pour elle-même comme pour la société, des dommages et intérêts sans justifier d'un préjudice, ni même le caractériser. Le jugement entrepris sera confirmé pour le surplus de ses dispositions.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire ;

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à transmission du jugement au ministère public et invité Mme [W] à mieux se pourvoir éventuellement sur la connaissance d'information la justifiant ;

Statuant à nouveau :

Dit qu'en application de l'article 40 du code de procédure pénale, la présente décision sera portée à la connaissance du procureur de la République près le tribunal judiciaire du Havre pour les suites qu'il appréciera de lui donner ;

Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions ;

Condamne Mme [W] aux dépens en cause d'appel ;

Déboute les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Ch. civile et commerciale
Numéro d'arrêt : 21/01238
Date de la décision : 01/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-01;21.01238 ?
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