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24/11/2022 | FRANCE | N°20/02940

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 24 novembre 2022, 20/02940


N° RG 20/02940 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IRXC





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE



ARRET DU 24 NOVEMBRE 2022











DÉCISION DÉFÉRÉE :





Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 20 Février 2020





APPELANTE :





Société GLOBAL SECURITY SERVICES

[Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Djehanne ELATRASSI-DIOME, avocat au barreau de ROUEN


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INTIME :





Monsieur [V] [O] [J]

[Adresse 1]

[Localité 4]



représenté par Me Gildas BABELA, avocat au barreau du HAVRE





(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/014658 du 15/03/2021 accordée par le b...

N° RG 20/02940 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IRXC

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 24 NOVEMBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 20 Février 2020

APPELANTE :

Société GLOBAL SECURITY SERVICES

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Djehanne ELATRASSI-DIOME, avocat au barreau de ROUEN

INTIME :

Monsieur [V] [O] [J]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Gildas BABELA, avocat au barreau du HAVRE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/014658 du 15/03/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 12 Octobre 2022 sans opposition des parties devant Madame BACHELET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. GUYOT, Greffier

DEBATS :

A l'audience publique du 12 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 Novembre 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 24 Novembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [V] [O] [J] a été engagé par la société Global security services en contrat à durée indéterminée à compter du 10 décembre 2016 pour un horaire mensuel de 65 heures, puis à compter du 1er novembre 2017 pour un horaire mensuel de 15 heures.

Par courrier du 14 mars 2019, M. [J], par le biais de son conseil, a pris acte de la rupture de son contrat de travail en faisant valoir l'absence de fourniture de travail, l'absence de paiement du salaire et la réduction unilatérale de son horaire de travail.

Il a saisi le conseil de prud'hommes de Rouen le 1er avril 2019 aux fins de voir requalifiée la prise d'acte de rupture du contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'en paiement de rappel de salaires et indemnités.

Par jugement du 20 février 2020, le conseil de prud'hommes a :

- dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail produisait les effets d'une démission,

- condamné la société Global security services à payer à M. [J] les sommes suivantes :

rappel de salaires : 3 539 euros

congés payés afférents : 353,90 euros

dommages et intérêts pour préjudice distinct : 1 000 euros

- ordonné la remise d'un seul bulletin de paie reprenant le rappel des sommes dues, le certificat de travail et l'attestation destinée à Pôle emploi rectifiés, sous astreinte de 20 euros pour l'ensemble des documents, par jour de retard, un mois après la notification du jugement, le conseil de prud'hommes se réservant le droit de la liquidation de l'astreinte,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes et condamné la société Global security services aux entiers dépens.

La société Global security services a interjeté appel de cette décision le 14 septembre 2020.

Par conclusions remises le 14 septembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, la société Global security services demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer 3 539 euros à titre de rappel de salaire, 353,90 euros au titre des congés payés afférents et 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par conclusions remises le 16 novembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, M. [J] demande à la cour de :

- dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société Global security services à lui payer les sommes suivantes :

indemnité compensatrice de préavis : 292,80 euros

congés payés afférents : 29,28 euros

indemnité légale de licenciement : 82,35 euros

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 512,40 euros

rappel de salaire : 4 124,60 euros, et à titre subsidiaire : 3 831,80 euros

congés payés afférents : 412,46 euros, et à titre subsidiaire : 383,18 euros

dommages et intérêts pour préjudice distinct : 4 124,60 euros

- condamner la société Global security services à lui remettre sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir les bulletins de salaire correspondant à chacun des quinze mois non payés ainsi que l'ensemble des documents légaux de rupture,

- condamner la société Global security services à verser à Me Gildas Babela la somme de 2 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 22 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de rappel de salaires

M. [J] soutient que son employeur ne lui a pas fourni de travail de juillet à décembre 2017, puis en mars et mai 2018, et enfin d'août 2018 à février 2019, et ce, sans lui verser le moindre salaire, aussi, réclame t-il pour ces périodes la somme mensuelle de 628,55 euros jusqu'en octobre 2017 inclus, puis celle de 146,40 euros à compter de novembre 2017, date à laquelle il a été prévu que son horaire de travail hebdomadaire passe de 65 heures à 15 heures.

En réponse, la société Global security services fait valoir qu'elle n'a cessé de contacter M. [J] pour connaître ses disponibilités mais sans grand succès puisqu'il n'était quasiment jamais disponible pour les prestations planifiées, soit en raison de son emploi dans une autre société, soit en raison d'arrêts de travail, sachant qu'il a également sollicité des congés sans solde en août et novembre 2018.

Alors qu'il appartient à l'employeur de justifier qu'il a fourni du travail à son salarié, la société Global security services n'apporte aucune pièce en ce sens pour la période antérieure à août 2018, sachant qu'il n'est produit ni les plannings, ni même les bulletins de salaire correspondant aux sommes réclamées, seuls ceux de juin 2017, janvier, février et juillet 2018 étant fournis, soit des mois pour lesquels M. [J] ne réclame aucune somme.

Il lui est donc dû pour cette période la somme mensuelle de 628,55 euros de juillet à octobre 2017 inclus, puis celle de 146,40 euros pour les mois de novembre et décembre 2017 et mars et mai 2018.

Pour le mois d'août 2018, il est indiqué que M. [J] aurait été en congés sans solde, sans que la société Global security services ne justifie de la moindre pièce corroborant la réalité d'une telle demande, aussi, lui est-il dû 146,40 euros.

Pour le mois de septembre 2018, il n'est pas produit le bulletin de salaire de M. [J] mais il est justifié de l'envoi du planning et d'une mise en demeure le 28 septembre pour une absence débutant le 21 septembre. Néanmoins, ce planning ne comportait que deux vacations au lieu des trois contractuellement prévues et il est donc dû à M. [J] la somme de 48,80 euros, sans qu'il puisse cependant utilement faire valoir qu'il n'avait pas à exécuter sa prestation à défaut pour l'employeur de lui proposer 15 heures de travail.

Pour le mois d'octobre 2018, s'il est justifié que M. [J] était en arrêt maladie pour la vacation du 15 octobre, ce dernier justifie au contraire que pour celle du 10 octobre, il a été prévenu la veille qu'elle était annulée, de même qu'il n'est apporté aucun élément par la société Global security services justifiant que ne lui soit pas payée la vacation du 22 octobre, aussi lui est-il dû pour ce mois, 97,60 euros

Pour le mois de novembre 2018, s'il est justifié d'une mise en demeure pour une absence le 12 novembre, il n'est cependant pas produit le moindre planning qui permettrait de s'assurer qu'il lui aurait été proposé des vacations et il convient de dire qu'il lui est dû 146,40 euros, étant au surplus relevé que cette mise en demeure est en contradiction avec la mention d'un congé sans solde portée sur le bulletin de salaire.

Pour le mois de décembre 2018, il est justifié d'un arrêt de travail pour les trois vacations proposées et il ne lui est donc dû aucune somme.

Pour le mois de janvier 2019, il est justifié d'un arrêt de travail pour les 11 et 18 janvier et il ne lui est donc dû qu'une vacation, soit 48,80 euros.

Pour le mois de février 2019, il n'est produit aucune pièce par la société Global security services et il lui est donc dû 146,40 euros.

Ainsi, infirmant le jugement sur les montants alloués, il convient de condamner la société Global security services à payer à M. [J] la somme de 3 734,20 euros à titre de rappel de salaire pour la période de juillet 2017 à février 2019, outre 373,42 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la prise d'acte de la rupture

La prise d'acte est un mode de rupture du contrat de travail par lequel le salarié met un terme à son contrat en se fondant sur des manquements qu'il impute à l'employeur.

Il appartient au salarié qui a pris acte de la rupture de justifier de manquements graves de l'employeur rendant impossible la poursuite du contrat de travail afin que cette prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à défaut la prise d'acte s'analyse en une démission.

En l'espèce, si M. [J] n'a mis en demeure la société Global security services de lui fournir du travail et de lui payer ses salaires que par courrier recommandé du 14 septembre 2018 alors que cette situation perdurait depuis de nombreux mois, il résulte néanmoins des précédents développements que les griefs invoqués étaient fondés et surtout, qu'ils se sont poursuivis malgré la demande de régularisation.

Aussi, et alors que les manquements reprochés à la société Global security services portent sur l'essence même du contrat de travail et rendaient en conséquence impossible la poursuite du contrat de travail, il convient d'infirmer le jugement et de dire que la prise d'acte de la rupture doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il y a lieu en conséquence de condamner la société Global security services à payer à M. [J] la somme de 292,80 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 29,28 euros au titre des congés payés afférents et 82,35 euros à titre d'indemnité de licenciement compte tenu d'une ancienneté de deux ans et cinq mois.

Enfin, conformément à l'article L. 1235-3 du code du travail, qui prévoit une indemnisation comprise entre 3 et 3,5 mois pour une ancienneté de deux ans dans une entreprise comptant plus de onze salariés, il y a lieu, alors que M. [J] justifie avoir perçu une allocation Pôle emploi du 10 au 30 novembre 2019, de condamner la société Global security services à lui payer la somme de 450 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct

M. [J] ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui déjà réparé par l'allocation des salaires non versés et par l'indemnisation d'une rupture aux torts de l'employeur. Il convient en conséquence d'infirmer le jugement et de débouter M. [J] de cette demande.

Sur la remise de documents

Il convient d'ordonner à la société Global security services de remettre à M. [J] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un seul bulletin de salaire récapitulatif dûment rectifiés, sans que les circonstances de la cause justifient de prononcer une astreinte.

Sur le remboursement Pôle emploi

Conformément à l'article L 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner à la société Global security services de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à M. [J] du jour de son licenciement au jour de la présente décision, dans la limite de un mois.

Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner la société Global security services aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à Me Gildas Babela la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société Global security services de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que la prise d'acte de la rupture intervenue le 14 mars 2019 s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SARL Global security services à payer à M. [V] [O] [J] les sommes suivantes :

rappel de salaire pour la période de

juillet 2017 à février 2019 : 3 734,20 euros

congés payés afférents : 373,42 euros

indemnité compensatrice de préavis : 292,80 euros

congés payés afférents : 29,28 euros

indemnité de licenciement : 82,35 euros

dommages et intérêts pour licenciement sans

cause réelle et sérieuse : 450,00 euros

Déboute M. [V] [O] [J] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct ;

Ordonne à la SARL Global security services de remettre à M. [J] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif dûment rectifiés conformément à la présente décision ;

Dit n'y avoir lieu à astreinte ;

Ordonne à la SARL Global security services de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à M. [J] du jour de son licenciement au jour de la présente décision, dans la limite d'un mois ;

Condamne la SARL Global security services à payer à Me Gildas Babela la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 en cause d'appel ;

Déboute la SARL Global security services de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL Global security services aux entiers dépens.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/02940
Date de la décision : 24/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-24;20.02940 ?
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