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24/11/2022 | FRANCE | N°20/02170

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 24 novembre 2022, 20/02170


N° RG 20/02170 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IQE4





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE



ARRET DU 24 NOVEMBRE 2022











DÉCISION DÉFÉRÉE :





Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'EVREUX du 09 Juin 2020





APPELANTE :





Société TRESOR DU PATRIMOINE

[Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Anne-Laure COCONNIER de la SELARL VERDIER MOUCHABAC, avocat au barreau de l

'EURE











INTIMEE :





Madame [B] [O]

[Adresse 4]

[Adresse 6]

[Localité 1]



Représentée par Me Thierry BRULARD de la SCP BRULARD LAFONT DESROLLES, avocat au barreau de l'EURE






























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N° RG 20/02170 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IQE4

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 24 NOVEMBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'EVREUX du 09 Juin 2020

APPELANTE :

Société TRESOR DU PATRIMOINE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Anne-Laure COCONNIER de la SELARL VERDIER MOUCHABAC, avocat au barreau de l'EURE

INTIMEE :

Madame [B] [O]

[Adresse 4]

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représentée par Me Thierry BRULARD de la SCP BRULARD LAFONT DESROLLES, avocat au barreau de l'EURE

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 19 Octobre 2022 sans opposition des parties devant Madame BIDEAULT, Présidente, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame ALVARADE, Présidente

Madame POUGET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 19 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 Novembre 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 24 Novembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu le jugement en date du 9 juin 2020 par lequel le conseil de prud'hommes d'Evreux, statuant dans le litige opposant Mme [B] [O] à son ancien employeur, la société Trésor du Patrimoine, a dit le licenciement de la salariée dépourvu de cause réelle et sérieuse, a condamné l'employeur à verser à Mme [O] différents sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis (11 953,23 euros) et congés payés afférents (1195,32 euros), indemnité légale de licenciement (8 215,78 euros), prime d'objectifs (3 000 euros), dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (21 000 euros), indemnité de procédure (1 500 euros), a ordonné à la société le remboursement des indemnités chômage versées dans la limite de six mois de prestations, a débouté l'employeur de ses demandes et l'a condamné aux entiers dépens ;

Vu l'appel interjeté par voie électronique le 10 juillet 2020 par la société Trésor du Patrimoine à l'encontre de cette décision qui lui a été régulièrement notifiée ;

Vu la constitution d'avocat de Mme [O], intimée, effectuée par voie électronique le 28 juillet 2020 ;

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 24 septembre 2020 par lesquelles l'employeur appelant, soutenant que la salariée a été intégralement remplie de ses droits au titre de l'exécution de son contrat de travail, affirmant que les griefs mentionnés au sein de la lettre de rupture sont matériellement établis, lui sont imputables et justifiaient le licenciement prononcé, sollicite l'infirmation du jugement entrepris, demande à titre principal que la salariée soit déboutée de l'intégralité de ses demandes et condamnée au paiement d'une indemnité de procédure (2 000 euros), requiert à titre subsidiaire qu'il soit dit que le licenciement est justifié par une cause réelle et sérieuse, que le montant des condamnations prononcées au titre de l'indemnité compensatrice de préavis soit limité à la somme de 9 591,84 euros et celle au titre de l'indemnité légale de licenciement à la somme de 6 594,39 euros, demande à titre infiniment subsidiaire, outre la limitation des sommes précédemment précisées, que le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse soit limité à 9 592 euros et qu'en tout état de cause la salariée soit déboutée de sa demande au titre de la prime d'objectifs ;

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 9 septembre 2022 aux termes desquelles la salariée intimée, réfutant les moyens et l'argumentation de la partie appelante, aux motifs notamment que les griefs invoqués ne sont pas établis, qu'ils ne justifiaient pas le licenciement prononcé, qu'elle pouvait prétendre au versement partiel de la prime d'objectifs pour l'année 2018, sollicite pour sa part la confirmation de la décision déférée sauf à augmenter le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 31 867,28 euros, à reconnaître le caractère brutal et vexatoire de son congédiement et à condamner son ancien employeur à lui verser la somme de 31 867,28 euros à titre de dommages et intérêts, sollicitant en outre la condamnation de l'appelante au paiement d'une indemnité de procédure (3 000 euros) ainsi qu'aux entiers dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 29 septembre 2022 renvoyant l'affaire pour être plaidée à l'audience du 19 octobre 2022 ;

Vu les conclusions transmises le 24 septembre 2020 par l'appelante et le 9 septembre 2022 par l'intimée auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel ;

SUR CE, LA COUR

La société Trésor du Patrimoine est spécialisée dans le secteur d'activité de l'affrètement et organisation des transports. Elle emploie plus de 10 salariés et applique la convention collective de commerce de détail non alimentaire.

Mme [O] a été embauchée par la société en qualité de contrôleuse de gestion senior qualification cadre niveau 8 au terme d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er mars 2010.

Par avenant en date du 5 avril 2017, il a été convenu qu'à compter du 1er avril 2017, le salaire mensuel de base brut de la salariée serait porté à la somme de 3 433,61 euros sur 13 mois et qu'une partie variable de 6 000 euros par an serait versé à la salariée suivant l'atteinte de résultats obtenus en fonction d'objectifs annuels fixé par le manager en début d'année lors de l'entretien de fin mars.

Mme [O] a été placée en arrêt de travail pour maladie du 23 mars au 30 avril 2018. Elle a repris son activité professionnelle le 2 mai 2018.

Mme [O] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 19 juin 2018 par lettre du 8 juin précédent, mise à pied à titre conservatoire, l'employeur précisant que cette période serait rémunérée, puis licenciée pour faute grave par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 22 juin 2018 motivée comme suit :

'Vous exercez au sein de Trésor du Patrimoine les fonctions de contrôleuse de gestion.

Par lettre remise en main propre le 8 juin 2018, nous vous avons convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement et vous avez été mise à pied à titre conservatoire sans perte de rémunération.

Vous avez assisté à cet entretien prévue le 19 juin 2018 au sein de nos locaux et vous étiez assistée de Madame [T] [I]'h.

Compte tenu des éléments recueillis lors de cet entretien, nous avons décide de procéder à votre licenciement pour faute grave pour le motif suivant: Comportement agressif et inadapté à l'égard de collaborateurs.

Nous déplorons en effet de graves incidents survenus entre le lundi 4 juin et le mercredi 6 juin 2018 :

- Le lundi 4 juin, lors du déménagement de votre bureau (il s'agissait d'un simple changement d'étage), vous avez provoqué un scandale, vous exprimant sur un ton vindicatif et avec un volume sonore qui a poussé à plusieurs reprises une de vos collègues du service informatique, Madame [G], dont le bureau est contigu au vôtre, à venir voir quelle était l'origine de ce 'raffut'.

Elle était inquiète pour son collègue Monsieur [F], chargé d'installer votre ordinateur, contre qui vous 'vocifériez'.

La présence de votre collègue ne vous a pas incitée à modérer votre ton, ni à cesser d'invectiver Monsieur [F], technicien helpdesk, apprécié par tous ses collègues pour sa patience à la recherche des pannes et ses qualités de formateur et d'aide pour tous les besoins.

Celui-ci a fini par quitter le bureau pour s'isoler, la situation devenant pour lui insupportable.

- Le mardi 5 juin, vous avez envoyé en fin de journée un email à Monsieur [H], contrôleur financier, dont, une fois encore, l'agressivité et les propos étaient tout à fait déplacés et inadmissibles: les trois quarts de l'email sont en gras et/ou soulignés et/ou en rouge, et vous remettez directement en question ses compétences et sa gestion de service, sans aucune légitimité pour le faire ( absence de lien hiérarchique, services différents): 'la comptabilité, c'est vous, non'' ; 'je ne comprends pas que vous ne soyez pas au courant'...

- Le mercredi 6 juin, alors que vous étiez sur le site d'[Localité 5] pour l'inventaire annuel, vous êtes allées dans la pièce où l'ensemble des chefs d'équipe et cadres du site étaient réunis pour coordonner les opérations.

En leur présence, vous avez dénigré la direction et la société en général et avez prétendu, que votre responsable, Monsieur [E], voulait vous 'virer' et que toute la direction était 'de connivence'.

Ce comportement est d'autant plus inadmissible et incompréhensible que lors de votre entretien avec [W] [E] le 4 mai dernier, à l'occasion duquel celui-ci vous expliquait qu'un recrutement était en cours pour renforcer votre service, vous avez formulé une demande de rupture conventionnelle. Vous aviez même eu un entretien à ce sujet avec [W] [E] et moi-même le 5 juin 2018.

Prétendre auprès du personnel que votre responsable et la direction veut vous licencier alors que vous êtes vous-même à l'initiative d'une demande de rupture conventionnelle procède évidemment d'une volonté de nuire à la société par diffusion d'informations fausses destinées à porter atteinte à l'image de ses responsables.

Votre agressivité envers vos collègues, qui se sont plaints auprès de leur responsable tant sur la forme que sur le fond de vos emails, et votre dénigrement de la société et de sa direction auprès de ses équipes, sont des comportements toxiques, pesants et nuisibles, qui instaurent un climat délétère et ont un impact négatif sur le moral de l'ensemble du personnel des sites de Pacy et [Localité 5].

Lors de l'entretien du 19 juin, vous n'avez manifesté ni remords ni regret, niant même certains faits pour lesquels nous avons pourtant des témoins.

Dans ces conditions, la poursuite de la collaboration et votre maintien dans l'entreprise sont impossibles, les faits que vous avons constatés caractérisant de ce fait une faute grave.

En conséquence, dès la première présentation, la présente notification de licenciement marquera la fin de notre contrat de travail, sans préavis, ni indemnité de licenciement. (...)'

Contestant la légitimité de son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail, Mme [O] a saisi le conseil de prud'hommes d'Evreux le 12 mars 2019, qui, statuant par jugement du 9 juin 2020, dont appel, s'est prononcé comme indiqué précédemment.

Sur l'exécution du contrat de travail

Sur la prime d'objectifs 2018

Mme [O] sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de la prime d'objectifs 2018.

Elle indique que selon l'avenant signé le 5 avril 2017, le versement d'une prime d'objectifs de 6 000 euros en deux mensualités de 3 000 euros payables en juin et décembre était contractualisée, qu'il ne lui a jamais été fixé d'objectifs en 2017 et 2018, qu'elle a ainsi perçu l'intégralité de cette prime en 2017.

Elle observe que son ancien employeur ne justifie pas de ce que le versement de cette prime serait conditionné par une présence au sein des effectifs en juin 2018.

L'employeur conclut au débouté de la demande et, par voie de conséquence, à l'infirmation du jugement entrepris de ce chef.

Il indique que le premier versement de cette prime aurait dû avoir lieu le 30 juin 2018, qu'à cette date, la salariée ne faisait plus partie des effectifs de l'entreprise en ce qu'elle a été licenciée le 23 juin 2018, qu'en conséquence elle est mal fondée à en solliciter le versement.

Sur ce ;

Il est établi par les éléments du dossier qu'à compter de l'année 2017 une prime de 6 000 euros payable en deux mensualités de 3 000 euros en juin et décembre était octroyée à la salariée suivant l'atteinte de résultats obtenus en fonction d'objectifs annuels fixé par le manager en début d'année lors de l'entretien de fin mars.

Il n'est ni allégué ni démontré par l'employeur que des objectifs aient été fixés à Mme [O] pour l'année 2018.

En outre, il ne résulte pas des termes de l'avenant du 5 avril 2017 que la présence effective de la salariée dans l'entreprise à la date du paiement constituait une condition d'attribution de la prime et que la somme due au titre de la prime devait être calculée en fonction de la présence de la salariée dans l'entreprise au cours de l'année.

En conséquence, c'est par de justes motifs que la cour adopte que les premiers juges ont fait droit à la demande formée par Mme [O].

Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail

Au soutien de la contestation de la légitimité de son licenciement, Mme [O] observe d'une part que les attestations produites aux débats par l'employeur ne sont pas conformes aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile, qu'elles devront en conséquence être écartées ; conteste d'autre part la matérialité des griefs invoqués.

L'employeur considère établis et imputables à la salariée les griefs repris au sein de la lettre de congédiement, soutient qu'en raison de l'attitude adoptée par Mme [O] à l'encontre de ses collègues, il lui appartenait de préserver la santé morale de ses collaborateurs.

Sur ce ;

Sur la recevabilité des attestations produites par l'employeur

L'article 202 du code de procédure civile dispose en son dernier alinéa que l'attestation est écrite, datée et signée de la main de son auteur. Celui-ci doit lui annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature.

En l'espèce, la salariée, qui constate que les attestations communiquées en pièces 14 et 15 par l'employeur ne sont ni manuscrites ni datées, demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il les a écartées des débats.

A titre liminaire, il sera constaté que les premiers juges n'ont pas expressément écarté des débats les attestations litigieuses, ont considéré que le contenu des attestations ne permettait pas de conclure à un 'scandale' provoqué par la salariée le 5 juin 2018 et ont 'noté' qu'elles n'étaient pas conformes aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile.

Il sera rappelé qu'en matière prud'homale, la preuve est libre.

Les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité et il appartient à la cour d'apprécier souverainement si chaque attestation non conforme présente des garanties suffisantes pour emporter sa conviction.

En l'espèce, il résulte de la procédure que les auteurs des attestations sont identifiables, qu'il n'existe aucun doute sur leur volonté d'attester en justice et que les irrégularités soulevées par la salariée ne lui ont causé aucun préjudice. Les témoignages établis par M. [F] et Mme [G], bien qu'ils soient dactylographiés et non datés, sont en conséquence recevables et il n'y a pas lieu de les écarter des débats.

Sur le licenciement

Pour satisfaire à l'exigence de motivation posée par l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement doit comporter l'énoncé de faits précis et contrôlables.

La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, qui fixe les limites du litige, lie les parties et le juge qui ne peut examiner d'autres griefs que ceux qu'elle énonce.

La faute grave s'entend d'une faute d'une particulière gravité ayant pour conséquence d'interdire le maintien du salarié dans l'entreprise.

La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe à l'employeur et à lui seul et il appartient au juge du contrat de travail d'apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, et s'ils ont revêtu un caractère de gravité suffisant pour justifier l'éviction immédiate du salarié de l'entreprise.

En l'espèce, il ressort de la lettre de congédiement telle que reproduite ci-dessus que l'employeur reproche à la salariée son comportement inadapté et agressif à l'égard de collaborateurs au regard de trois incidents survenus entre le 4 et le 6 juin 2018.

Il sera constaté qu'au sein de la lettre de licenciement, l'employeur n'évoque pas de précédents comportements de cette nature concernant Mme [O].

L'employeur reproche en premier lieu à Mme [O] d'avoir, lors du déménagement de son bureau, provoqué un scandale, en s'exprimant sur un ton vindicatif et avec un volume sonore important.

Il soutient notamment que la salariée a invectivé le technicien informatique, M. [F], chargé du branchement de son matériel, contraignant ce dernier à quitter les lieux, la situation devenant pour lui insupportable.

L'employeur produit les attestations de M. [F] et de Mme [G].

S'il ressort du témoignage de M. [F] que lors des opérations de branchement du matériel, Mme [O] a formulé plusieurs requêtes contradictoires, qu'elle s'est montrée directive, agacée et autoritaire, il ne résulte pas de cette attestation que la salariée ait proféré des invectives à M. [F] ou des propos déplacés.

Mme [G] confirme que sa collègue s'exprimait bruyamment, qu'elle était énervée et vociférait, ce qui l'a poussée à aller vérifier à deux reprises qu'elle ne s'en prenait pas directement à M. [S].

Si ces attestations établissent l'existence d'un comportement emporté et énervé de Mme [O] lors des opérations d'emménagement au sein de son nouveau bureau, ils ne permettent pas de démontrer qu'elle a invectivé le technicien informatique, que la situation a eu des conséquences particulières sur M. [F], ce dernier ayant uniquement tenté d'apaiser légitimement la situation en différant la fin de son intervention auprès de la salariée, celle-ci étant agacée et insatisfaite de la prestation.

Le terme 'scandale' utilisé par l'employeur apparaît disproportionné au regard des témoignages produits.

L'employeur reproche en outre à la salariée d'avoir, le 5 juin 2018, adressé un courriel agressif à M. [H], directeur financier, en utilisant des propos déplacés et inadmissibles et verse la copie du mail aux débats.

Il ressort de la lecture de ce mail que Mme [O] s'est adressée de façon agressive à M. [H]. Cependant, il ressort des éléments produits par la salariée que ce mail était un courriel de réponse à des interrogations formulées notamment par M. [E], s'inscrivait dans une discussion technique entre plusieurs salariés.

Si le caractère agressif des propos formulés par Mme [O] a été relevé en réponse par M. [H] qui s'est déclaré choqué par les propos tenus, il y a lieu de constater que ce dernier a reproché à la salariée son absence prolongée en raison de son arrêt maladie lors de la préparation de la situation comptable.

La société reproche enfin à Mme [O] d'avoir, le 6 juin 2018, dénigré la direction et l'entreprise en présence de l'ensemble des chefs de service et cadres du site réunis lors de l'inventaire annuel sur le site d'[Localité 5] en indiquant que son employeur souhaitait 'la virer' et que la direction 'était de connivence'.

L'employeur verse aux débats les attestations de M. [C] et de Mme [Z].

Il ressort de ces témoignages que le 6 juin 2018, Mme [O] s'est confiée à Mme [Z] en lui indiquant qu'un projet de licenciement était en cours et que la direction était de connivence.

Mme [Z] indique cependant qu'elle ne 'sait dire si ses collègues ont entendu les propos tenus'.

M. [C] confirme que ces propos lui ont été rapportés par Mme [Z], qu'il ne les a pas entendus directement.

L'employeur, qui ne verse pas aux débats d'autres attestations émanant des salariés présents, ne démontre pas le caractère public des propos tenus par la salariée.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que Mme [O] a commis des fautes dans l'exercice de ses missions, particulièrement le 5 juin 2018 en utilisant un ton agressif et déplacé dans son écrit.

Cependant, il ressort des éléments produits par Mme [O] qu'au cours de son absence pour maladie une offre d'emploi de contrôleur de gestion avait été publiée par son employeur. Si l'employeur produit l'attestation de M. [E] indiquant avoir expliqué à Mme [O] le 4 mai 2018 que cette embauche était destinée à renforcer le service, à revoir le périmètre de travail du contrôle de gestion, il reconnaît que cette annonce a déstabilisé la salariée qui a évoqué au cours de l'entretien la possibilité d'une rupture conventionnelle.

Il résulte des circonstances de la commission des faits que les faits établis n'ont pas revêtu un caractère de gravité suffisant pour rendre impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise, y compris pendant la durée limitée du préavis en raison notamment de leur caractère ponctuel et isolé.

L'examen de proportionnalité auquel doit se livrer le juge conduit également à retenir que le licenciement pour cause réelle et sérieuse pour sanction des seuls faits reprochés sur une période de trois jours consécutifs n'est pas non plus justifié, notamment au vu de l'ancienneté de la salariée, de sa bonne progression dans l'entreprise et son absence d'antécédent disciplinaire.

L'invocation par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat est sans effet en l'espèce, dans la mesure où il lui était loisible de prendre toute autre mesure, y compris disciplinaire, alternative, avant que de choisir la voie radicale du licenciement, disproportionné en l'espèce.

En conséquence, par confirmation du jugement entrepris, il sera jugé que le licenciement prononcé est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La salariée peut par conséquent prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, augmentée des congés payés afférents, ainsi qu'à une indemnité de licenciement.

Les parties s'opposent sur le montant du salaire moyen de la salariée.

Au regard des éléments produits, du salaire brut de 3 433,61 euros sur 13 mois fixé par avenant du 5 avril 2017, la cour retient que le salaire moyen de l'intimée doit être fixé à 3 719,28 euros.

Au regard de cet éléments, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux montants de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité légale de licenciement.

Compte-tenu de la date du licenciement sont applicables les dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail dans sa version issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.

Selon ces dispositions si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, en cas de refus de la réintégration du salarié dans l'entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de 1'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par ledit article, en fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise et du nombre de salariés employés habituellement dans cette entreprise.

Pour une ancienneté de 8 années dans une entreprise employant habituellement plus de onze salariés, l'article L. 1235-3 du code du travail prévoit une indemnité comprise entre trois et huit mois de salaire.

En considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge, à l'ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, la cour dispose des éléments nécessaires pour confirmer la réparation qui lui est due à la somme fixée par les premiers juges.

Aux termes de l'article L 1235-4 du code du travail dans sa version issue de la loi du 8 août 2016, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Il convient en conséquence de faire application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail et de confirmer le jugement entrepris qui a ordonné à l'employeur de rembourser à l'Antenne Pôle Emploi concernée les indemnités de chômage versées à l'intéressée depuis son licenciement dans la limite de six mois de prestations.

Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire

La salariée sollicite l'octroi de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire indiquant que son licenciement était programmé, que l'employeur avait diffusé une offre d'emploi le 13 avril 2018 pour un poste de contrôle de gestion, que lors de son retour de congé maladie il lui a été demandé de réfléchir à son avenir au sein de la société, qu'elle a été 'poussée à bout' par son employeur.

L'employeur conteste les affirmations de la salariée.

Sur ce ;

La salariée peut réclamer la réparation d'un préjudice particulier lié au caractère abusif et vexatoire de la procédure.

Il lui appartient d'établir à cet égard un comportement fautif de l'employeur.

Il ne résulte pas des pièces versées aux débats des éléments établissant des circonstances particulières de mise en oeuvre de la procédure de licenciement de manière brutale ou vexatoire, les allégations de la salariée n'étant pas corroborées par des pièces.

La demande d'indemnité présentée à ce titre ne peut par conséquent être accueillie.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [O] les frais non compris dans les dépens qu'elle a pu exposer.

Il convient en l'espèce de condamner l'employeur, appelant succombant dans la présente instance, à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel et de confirmer la condamnation à ce titre pour les frais irrépétibles de première instance.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de l'employeur les frais irrépétibles exposés par lui.

Il y a également lieu de condamner la société appelante aux dépens d'appel et de confirmer sa condamnation aux dépens de première instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement et en dernier ressort ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes d'Evreux du 9 juin 2020 ;

Y ajoutant :

Condamne la société Trésor du Patrimoine à verser à Mme [B] [O] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la société Trésor du Patrimoine aux dépens d'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/02170
Date de la décision : 24/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-24;20.02170 ?
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