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24/11/2022 | FRANCE | N°20/01179

France | France, Cour d'appel de Rouen, Chambre sociale, 24 novembre 2022, 20/01179


N° RG 20/01179 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IODS





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE



ARRET DU 24 NOVEMBRE 2022











DÉCISION DÉFÉRÉE :





Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 19 Février 2020





APPELANT :





Monsieur [E] [F]

[Adresse 1]

[Localité 4]



présent



représenté par Me Elise LAURENT, avocat au barreau de ROUEN




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INTIMEE :





Société FRANCE RESINE

[Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Linda MECHANTEL de la SCP BONIFACE DAKIN & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN



































COMPOSITION DE LA COUR  :





En applica...

N° RG 20/01179 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IODS

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 24 NOVEMBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 19 Février 2020

APPELANT :

Monsieur [E] [F]

[Adresse 1]

[Localité 4]

présent

représenté par Me Elise LAURENT, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

Société FRANCE RESINE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Linda MECHANTEL de la SCP BONIFACE DAKIN & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 12 Octobre 2022 sans opposition des parties devant Madame BACHELET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. GUYOT, Greffier

DEBATS :

A l'audience publique du 12 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 24 Novembre 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 24 Novembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [E] [F] a été engagé le 28 octobre 2013 par la société France résine en qualité d'applicateur de résine en contrat à durée déterminée, puis en contrat à durée indéterminée à compter du 29 novembre 2013.

Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective des ouvriers du bâtiment employant plus de dix salariés.

Il a été licencié pour faute le 27 octobre 2014 dans les termes suivants :

'(...) Le vendredi 3 octobre 2014, vous avez emprunté à l'entreprise Nouet à mon insu et donc sans mon autorisation, un engin motorisé de levage alors que, pourtant, vous n'êtes pas détenteur du CACES 1 mais seulement du CACES nacelle, ce que vous avez reconnu lors de l'entretien préalable.

Pour procéder au déchargement du camion, vous avez imaginé de pousser les deux palettes de fûts de résine avec une palette de sacs à l'aide de l'engin motorisé de levage.

Ce faisant, vous avez percé deux fûts de polyurée avec les fourches de l'engin, ce qui a occasionné le déversement de 400 litres de résine.

Indépendamment du préjudice économique significatif pour la société France résine du fait de la perte de la matière première et des mesures qu'il a fallu prendre pour éviter une catastrophe sanitaire ou encore du retard occasionné au chantier, votre initiative aurait pu avoir des conséquences bien plus graves.

Comme vous le savez, l'employeur est responsable de la sécurité de l'ensemble des salariés et vous n'aviez aucunement à prendre l'initiative d'emprunter un tel engin que vous n'êtes pas habilité à conduire.

Dans cette mesure, parce que ces faits mettent en cause la bonne marche de l'entreprise et que, pour toute explication, vous m'avez seulement fait savoir que vous n'étiez effectivement pas titulaire du CACES, je suis contraint de procéder à votre licenciement. (...)'.

Après radiation du dossier, par requête du 21 février 2019, M. [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Rouen en contestation du licenciement ainsi qu'en paiement de rappel de salaires et indemnités.

Par jugement du 19 février 2020, le conseil de prud'hommes a condamné la société France résine à payer à M. [F] 147,30 euros à titre de rappel de salaire du 26 novembre 2014, 14,73 euros au titre des congés payés afférents, 668,67 euros à titre de rappel de salaire de février à novembre 2014, 66,86 euros au titre des congés payés afférents, débouté M. [F] de toutes ses autres demandes, débouté la société France résine de sa demande reconventionnelle et partagé les dépens entre les parties.

M. [F] a interjeté appel de cette décision le 11 mars 2020.

Par conclusions remises le 26 janvier 2021, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, M. [F] demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné la société France résine à lui payer 147,30 euros à titre de rappel de salaire du 26 novembre 2014, 14,73 euros au titre des congés payés afférents, 668,67 euros à titre de rappel de salaire de février à novembre 2014, 66,86 euros au titre des congés payés afférents et débouté la société France résine de sa demande reconventionnelle, et statuant à nouveau, de :

- dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société France résine à lui payer les sommes suivantes :

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 11 676,45 euros

rappel de salaire sur heures supplémentaires : 5 094,76 euros

congés payés afférents : 509,48 euros

indemnité pour travail dissimulé : 19 433,76 euros

rappel de salaire au titre des journées comptées en congés sans solde : 2 223,69 euros

congés payés afférents : 223,37 euros

rappel de salaire pour les 9, 10 et 11 juillet 2014 : 170,85 euros

congés payés afférents : 17,09 euros

dommages et intérêts pour défaut de portabilité de la mutuelle : 1 598,61 euros

- ordonner la remise des bulletins de salaire et de l'attestation Pôle emploi rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter du 15ème jour suivant la notification de la décision à intervenir et se réserver le pouvoir de liquider l'astreinte,

- débouter la société France résine de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile et du surplus de ses demandes,

- condamner la société France résine à lui payer la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions remises le 29 octobre 2020, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, la société France résine demande à la cour de confirmer le jugement sauf sur les dépens, en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle et condamnée à un rappel de salaire pour la journée du 26 novembre 2014 et pour la période de février à novembre 2014, statuant à nouveau, débouter M. [F] de ces deux demandes et le condamner à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés en première instance et 3000 pour ceux engagés en appel, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 22 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de rappel de salaire pour la période de février à novembre 2014

Alors que M. [F] fait valoir que son taux horaire de 21,4884 euros en janvier 2014 a été unilatéralement baissé par la société France résine en février 2014 pour être fixé à 21,0434 et réclame en conséquence le différentiel de salaire dû à compter de ce mois, la société France résine indique que la lecture des bulletins de salaire permet de constater que le salaire net convenu n'a pas été modifié.

Contrairement à ce qu'affirme la société France résine, il ressort clairement des bulletins de salaire que le taux horaire a été modifié entre janvier et février 2014 comme indiqué par M. [F], ce qui a nécessairement impacté le salaire net dès lors qu'aucune autre prime n'a été attribuée par ailleurs à M. [F].

M. [F] ayant travaillé 144,67 heures en février 2014, 123,67 heures en mars, 151,67 heures en avril, 137,67 heures en mai, 144,67 heures en juin, 130,67 heures en juillet, 116,67 heures en août, 151,67 heures en septembre et octobre et 116,67 heures en novembre, soit un total 1 369,7 heures, il lui est dû 609,52 euros compte tenu du différentiel entre les deux taux horaires, à savoir 0,445 euros.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement et de condamner la société France résine à payer à M. [F] la somme de 609,52 euros à titre de rappel de salaire de février à novembre 2014, outre 60,95 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la demande de rappel de salaire au titre de la journée du 26 novembre 2014

Invoquant l'article 8-24 de la convention collective, M. [F] sollicite le paiement de la journée du 26 novembre 2014 lors de laquelle il a dû revenir du chantier situé en Bretagne pour respecter la date de fin de son contrat de travail, demande à laquelle s'oppose la société France résine en relevant qu'il ne peut être mis à sa charge des heures de travail non accomplies et un déplacement inutile.

Selon l'article 8-24 de la convention collective applicable, l'ouvrier envoyé en grand déplacement par son entreprise, soit du siège social dans un chantier ou inversement, soit d'un chantier dans un autre, reçoit indépendamment du remboursement de ses frais de transport, et notamment de son transport par chemin de fer en 2e classe pour les heures comprises dans son horaire de travail non accomplies en raison de l'heure de départ ou de l'heure d'arrivée, une indemnité égale au salaire qu'il aurait gagné s'il avait travaillé.

Aussi, et alors qu'il n'est pas contesté que M. [F] se trouvait sur un chantier situé en Bretagne et qu'il a dû revenir le 26 novembre afin de respecter la date de fin de son contrat de travail, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société France résine à lui payer la somme de 147,30 euros à ce titre correspondant à six heures de travail, ce qui est conforme aux horaires indiqués sur son billet de train, outre 14,73 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la demande d'indemnisation des journées des 9,10 et 11 juillet 2014

Alors que M. [F] fait valoir qu'il a été victime d'un accident du travail le 3 juillet 2014 et qu'il n'a pourtant pas perçu le maintien du salaire à hauteur de 90 % auquel il pouvait prétendre, la société France résine soutient qu'il appartient à M. [F] de solliciter la caisse pro-BTP afin qu'elle se charge du paiement dès lors qu'elle-même a réalisé les démarches nécessaires.

Outre que la déclaration d'accident produite ne permet pas de s'assurer que la société France résine l'a transmise à la caisse pro-BTP et a en conséquence réalisé les démarches nécessaires pour permettre à M. [F] de percevoir son maintien de salaire, en tout état de cause, il appartient à l'employeur d'en assurer le paiement, et si nécessaire, de se retourner contre l'organisme de prévoyance.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement et de condamner la société France résine à payer à M. [F] la somme de 170,85 euros au titre du maintien de salaire, outre 17,09 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la demande au titre des congés sans solde

M. [F] rappelle qu'un congé sans solde ne peut être imposé ni par le salarié, ni par l'employeur et, qu'à défaut pour la société France résine de justifier de son accord exprès à ces congés, elle doit lui payer les salaires ainsi soustraits, ce que la société France résine réfute en faisant valoir que l'absence de toute contestation permet de s'assurer que M. [F] avait donné son accord, sachant qu'il n'est prévu aucun formalisme particulier.

En l'espèce, M. [F] a été placé en congé sans solde le 20 décembre 2013, du 30 décembre 2013 au 4 janvier 2014, le 21 février 2014, du 6 au 7 mars 2014, les 14 et 17 mars 2014, les 9 et 30 mai 2014, le 16 juin 2014 et du 10 au 12 novembre 2014.

S'il est exact qu'il n'est pas produit le moindre courrier de contestation malgré la récurrence de ces congés sans solde, il doit cependant être rappelé que l'absence de contestation des mentions portées sur un bulletin de salaire ne peut valoir accord tacite, étant par ailleurs relevé que s'il n'est effectivement pas prévu de formalisme particulier pour accepter un congé sans solde, la société France résine n'apporte aucune pièce de nature à établir un accord, serait-il verbal.

Il convient en conséquence de faire droit à la demande de M. [F] et de condamner la société France résine à lui payer la somme de 2 223,69 euros à ce titre, outre 222,37 euros au titre des congés payés afférents.

Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte des articles L. 3171-2 à L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

A l'appui de sa demande, M. [F] produit un décompte semaine par semaine dans lequel il indique le nombre d'heures supplémentaires hebdomadaires accomplies ainsi qu'un agenda pour la période du 28 juillet au 10 août dans lequel apparaît le nombre d'heures travaillées par jour, puis une autre partie de l'agenda du 8 septembre au 9 novembre 2014 reprenant en plus les heures de début et de fin de service.

Il s'agit ainsi d'éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Si la société France résine fait valoir qu'il n'y a aucune mention sur le lieu de chantier, le temps de route ou la pause déjeuner, outre qu'il résulte de la lecture des horaires plus précisément décrits sur l'agenda que M. [F] a décompté une heure chaque jour pour la pause déjeuner, il appartient à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'apporter à la juridiction ces éléments.

En outre, s'il existe une différence entre les décomptes de M. [F] avec ceux de son fils alors qu'ils travaillaient en binôme, les seules différences concernent des semaines au cours desquels ce dernier était absent de la société.

Néanmoins, et alors qu'il ressort d'un courrier de l'employeur que la période de haute activité se situe en juillet-août, les horaires sollicités postérieurement au mois d'août, bien plus importants que ceux effectués tout au long de la relation contractuelle sont incohérents, de même que ceux réclamés pour les semaines 31 et 32 qu'il convient de limiter à huit heures hebdomadaires.

Ainsi, la cour a la conviction que M. [F] a effectué 144 heures supplémentaires, toutes majorées à 25 %, dont 136 au taux majoré de 26,8605 euros et 8 au taux majoré de 26,7756 euros.

Il convient en conséquence de condamner la société France résine à payer à M. [F] la somme de 3 867,23 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, outre 386,72 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé

Aux termes de l'article L. 8221-5 du Code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ; 2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli (...).

Selon l'article L. 8223-1, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l'espèce, s'il a été accordé un rappel de salaire pour heures supplémentaires à M. [F] à défaut pour la société France résine d'apporter des éléments permettant d'établir avec précision ses horaires de travail, il ne ressort cependant d'aucune pièce du dossier l'élément intentionnel permettant de caractériser le travail dissimulé, lequel ne saurait suffisamment résulter d'une erreur d'horaire indiqué à la caisse du BTP pour les congés payés, ni du paiement de telles heures préalablement à l'embauche en contrat à durée indéterminée sur deux mois ou encore du changement de taux horaire au moment de son embauche en contrat à durée indéterminée, sachant que M. [F] n'a par ailleurs jamais réclamé le paiement d'heures supplémentaires antérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes.

Il convient en conséquence de débouter M. [F] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé.

Sur le licenciement

M. [F] soutient avoir été licencié verbalement à l'occasion d'une réunion de chantier lors de laquelle M. [I] [K], fils du président de la société France résine, a annoncé publiquement son licenciement, ce qui le rend sans cause réelle et sérieuse, ce que conteste la société France résine qui rappelle que M. [I] [K] n'a jamais eu le pouvoir de licencier M. [F] et a simplement indiqué qu'il y avait un possible licenciement au regard des faits commis.

Conformément aux dispositions de l'article L.1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, laquelle implique qu'elle soit objective, établie et exacte et suffisamment pertinente pour justifier la rupture du contrat de travail.

S'il résulte de quatre attestations de salariés de la société France résine que M. [I] [K], lors d'une réunion de travail du 6 octobre 2014, a fait part du licenciement de M. [F] car il avait percé des fûts de résine, il ne saurait être considéré qu'il en ressort suffisamment que la décision irrévocable de le licencier avait été prise à cette date dans la mesure où les termes sont trop imprécis pour affirmer qu'il ne s'agissait pas de la simple évocation d'un possible licenciement, mais surtout en raison de l'auteur de ces propos, M. [I] [K], qui, sauf à être le fils du dirigeant, n'était ni l'employeur, ni même le supérieur hiérarchique de M. [F] et n'avait donc aucune qualité pour prendre une telle décision.

Sur le fond, il ressort du compte-rendu d'incident que le jour des faits, la société France résine s'est fait livrer des palettes de résine, que M. [Y] a dirigé le livreur vers M. [I] [K] qui a alors engagé la réception et guidé le chauffeur jusqu'au quai de déchargement, qu'il a demandé à un salarié de l'entreprise Nouet l'autorisation de pouvoir emprunter son manitou pour ensuite demander à M. [F] qui faisait de la maçonnerie de prendre ce manitou sur lequel se trouvait les clés pour décharger les palettes, que celui-ci a entrepris d'avancer les deux palettes de fûts de résine en poussant celles-ci avec une palette de sac sur les fourches mais que, ne voyant pas le bout de ses fourches et se croyant guidé par M. [J] qui assistait au déchargement, il a continué la manoeuvre jusqu'à sentir une secousse correspondant au perçage des fûts par les fourches.

Il ressort par ailleurs de l'arbre des causes réalisé à l'occasion de cet incident que M. [F] n'avait pas de Caces valide pour ne pas avoir été renouvelé sur décision de la société France résine mais surtout il est indiqué qu'il lui a été donné l'ordre de conduire.

Or, s'il n'est pas contesté que M. [I] [K] n'était pas le supérieur hiérarchique de M. [F], il est néanmoins légitimement mis en avant son statut particulier pour être le fils du dirigeant et il ressort de la description des faits qu'il avait pris en main la gestion de ce déchargement, sans que sa seule absence le jour de la rédaction du compte-rendu d'incident ne soit de nature à en remettre en cause la teneur dès lors que la description des faits résulte d'une participation des trois autres protagonistes, dont deux tiers à la situation, à savoir MM. [Y] et [J].

Aussi, en l'absence de toute enquête plus particulière menée auprès des personnes présentes pour déterminer plus précisément la responsabilité des deux protagonistes, sachant qu'il n'est pas justifié de la moindre sanction à l'égard de M. [I] [K], il ne saurait être retenu que ce licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, cette sanction étant en tout état de cause disproportionnée au regard du contexte décrit dans le compte-rendu d'incident.

Il convient en conséquence de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et, conformément à l'article L. 1235-5 du code du travail, alors applicable, au regard de l'ancienneté d'un an de M. [F], de la période de chômage qu'il a connue jusqu'en avril 2015 avant de retrouver un emploi, de condamner la société France résine à lui payer la somme de 3 000 euros.

Sur la demande de dommages et intérêts pour absence d'information sur la portabilité

M. [F] soutient qu'à défaut pour la société France résine d'avoir effectué les démarches nécessaires auprès de l'organisme de prévoyance, il a cessé de bénéficier du régime complémentaire santé à compter de la rupture de son contrat de travail, ce qui lui a imposé de souscrire une mutuelle pour 1 598,61 euros.

En réponse, la société France résine indique qu'ayant accompli l'ensemble des démarches nécessaires, il appartenait à M. [F] de justifier auprès de l'organisme de sa prise en charge par le régime d'assurance chômage, sachant qu'il a en tout état de cause pu bénéficier de la portabilité et qu'il en a même eu le bénéfice alors qu'il avait été embauché ailleurs.

Si, en méconnaissance des formalités édictées par l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, la société France résine n'a pas signalé le maintien des garanties dans le certificat de travail qui ne faisait référence qu'à la mutuelle, pour autant, il ressort de la lettre de licenciement que cette information a été portée à la connaissance de M. [F] et qu'elle lui a été particulièrement rappelée dans un courrier envoyé à son conseil le 20 novembre 2014.

Bien plus, M. [F] se contente de retranscrire le premier paragraphe de l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale, à savoir que les salariés garantis collectivement, dans les conditions prévues à l'article L. 911-1, contre le risque décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité bénéficient du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par le régime d'assurance chômage, sans néanmoins rappeler que cette gratuité est conditionnée à la période d'indemnisation du chômage.

Or, outre qu'il ne justifie pas avoir réalisé les démarches nécessaires pour en bénéficier en transmettant notamment un justificatif relatif à sa prise en charge au titre de l'assurance-chômage, en tout état de cause, il n'établit l'existence d'aucun préjudice dès lors que la mutuelle dont il réclame le remboursement a été souscrite en mai 2015 alors qu'il avait été embauché par la société Soprotec le 4 avril 2015 en contrat à durée indéterminée et qu'il n'avait donc plus aucun droit à la portabilité.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de cette demande.

Sur la remise de documents

Il convient d'ordonner à la société France résine de remettre à M. [F] une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif dûment rectifiés, sans que les circonstances de la cause justifient de prononcer une astreinte.

Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner la société France résine aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à M. [F] la somme de 1500 euros sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [E] [F] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé et de dommages et intérêts pour absence d'information sur la portabilité et a condamné la société France résine à lui payer la somme de 147,30 euros pour la journée du 26 novembre 2014, outre les congés payés afférents ;

L'infirme en ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de M. [E] [F] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SAS France résine à payer à M. [E] [F] les sommes suivantes :

dommages et intérêts pour licenciement sans

cause réelle et sérieuse : 3 000,00 euros

rappel de salaire sur heures supplémentaires : 3 867,23 euros

congés payés afférents : 386,72 euros

rappel de salaire pour la période de février à

novembre 2014 : 609,52 euros

congés payés afférents : 60,95 euros

rappel de salaire pour les journées des 9, 10

et 11 juillet 2014 : 170,85 euros

congés payés afférents : 17,09 euros

rappel de salaire au titre des congés sans solde : 2 223,69 euros

congés payés afférents : 222,37 euros

Ordonne à la SAS France résine de remettre à M. [E] [F] une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif dûment rectifiés conformément à la présente décision ;

Dit n'y avoir lieu à astreinte ;

Condamne la SAS France résine à payer à M. [E] [F] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SAS France résine de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS France résine aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/01179
Date de la décision : 24/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-24;20.01179 ?
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