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17/11/2022 | FRANCE | N°21/01757

France | France, Cour d'appel de Rouen, Ch. civile et commerciale, 17 novembre 2022, 21/01757


N° RG 21/01757 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IYE3





COUR D'APPEL DE ROUEN



CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE



ARRET DU 17 NOVEMBRE 2022











DÉCISION DÉFÉRÉE :



19/03981

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'EVREUX du 06 Avril 2021





APPELANTE :



MONSIEUR LE DIRECTEUR DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DE [Localité 15]

[Adresse 16]

[Localité 8]



représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE,

avocat au barreau de ROUEN







INTIMEES :



Madame [I] [Y] épouse [H]

née le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 11]

[Adresse 6]

[Localité 7]





Madame [N] [Y]

née le [Date naissance 4] 1972 à [Loc...

N° RG 21/01757 - N° Portalis DBV2-V-B7F-IYE3

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 17 NOVEMBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

19/03981

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'EVREUX du 06 Avril 2021

APPELANTE :

MONSIEUR LE DIRECTEUR DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DE [Localité 15]

[Adresse 16]

[Localité 8]

représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEES :

Madame [I] [Y] épouse [H]

née le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 11]

[Adresse 6]

[Localité 7]

Madame [N] [Y]

née le [Date naissance 4] 1972 à [Localité 11]

[Adresse 13]

[Localité 2]

représentées par Me Emilie HILLIARD de la SELARL EHMA AVOCATS, avocat au barreau DE L'EURE

COMPOSITION DE LA COUR  :

Lors des débats et du délibéré :

Mme FOUCHER-GROS, Présidente

M. URBANO, Conseiller

Mme MENARD-GOGIBU, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DEVELET, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 20 Septembre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 Novembre 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Rendu publiquement le 17 Novembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Mme Foucher-Gros, Présidente et par Mme Chevalier, Greffière présente lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :

Monsieur [V] [Y] est décédé le [Date décès 3] 2011, laissant pour lui succéder :

-son épouse, madame [U] [T] veuve [Y] ;

-ses deux filles, madame [N] [Y] et madame [I] [Y] épouse [H]

Madame [U] [T] veuve [Y] a opté pour bénéficier de la totalité en usufruit de la succession de son époux;

La succession incluait plusieurs biens immobiliers dont l'usufruit appartenait à la mère du défunt, madame [E] [O] [P] veuve [Y]. Ces biens ont été déclarés dans la succession pour leur valeur en nue-propriété, fixée selon l'âge de l'usufruitière.

La déclaration de succession de Monsieur [V] [Y] a été déposée en mars 2012, accompagnée du règlement des droits de succession dus de 56.756 euros.

Madame [E] [O] [P] veuve [Y] est décédée le [Date décès 5] 2017.

Estimant qu'à la suite du décès de leur grand-mère, leur mère, madame [T], a exercé son usufruit sur les biens précédemment soumis à l'usufruit de madame [P], mesdames [N] et [I] [Y] ont déposé une déclaration de succession rectificative et demandé une restitution de droits à hauteur de 29.326 euros en application de l'article 1965 B du code général des impôts.

La demande de restitution a fait l'objet d'une décision de rejet du 20 août 2019, au motif que le délai de réclamation avait expiré le 31 décembre 2014.

Une réclamation contentieuse a été effectuée le 22 août 2019 et a été rejetée le 9 septembre 2019.

Le 8 novembre 2019, Mesdames [N] et [I] [Y] se prévalant de la règle applicable en cas d'usufruits successifs, ont fait assigner la Direction Régionale des Finances Publiques d'Ile de France et du Département de [Localité 15] devant le Tribunal judiciaire d'Evreux.

Par jugement du 6 avril 2021, le tribunal a :

-annulé la décision de rejet du 9 septembre 2019 du Directeur du centre des finances publiques d'[Localité 10] de la réclamation contentieuse du 22 aout 2019,

-condamné la Direction régionale des finances publiques d'Ile de France et du département de [Localité 15] à restituer à Mesdames [N] et [I] [Y] une somme globale de 29.326 euros au titre des droits versés en trop en application de l'article 1965 B du code général des impôts,

-condamné la Direction régionale des finances publiques d'Ile de France et du département de [Localité 15] à verser à Mesdames [N] et [I] [Y] une somme globale de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné la Direction régionale des finances publiques d'Ile de France et du département de [Localité 15] aux dépens (frais de signification et frais d'enregistrement du mandat, à l'exclusion des frais de constitution d'avocat car la représentation n'est pas obligatoire),

-rejeté toutes les autres demandes des parties.

La Direction régionale des finances publiques d'Ile de France et de [Localité 15] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 26 avril 2021.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 septembre 2022.

EXPOSE DES PRETENTIONS :

Vu les conclusions du 5 juillet 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments de du Directeur régional des finances publiques d'Ile de France et de [Localité 15] qui demande à la cour de :

-recevoir le Directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de [Localité 15] en son appel et l'y déclarer fondé,

-infirmer le jugement du tribunal judiciaire d'Évreux du 06 avril 2021 (RG 19/03981),

Et statuant à nouveau,

-confirmer la décision de rejet de l'administration opposée à la demande de restitution présentée par Mesdames [N] et [I] [Y],

-condamner Mesdames [N] et [I] [Y] au versement d'une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner Mesdames [N] et [I] [Y] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Vu les conclusions du 22 septembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments de Mesdames [N] et [I] [Y] qui demandent à la cour de :

-confirmer, en tout point, le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Évreux le 06 avril 2021,

En conséquence, confirmer :

-l'annulation de la décision de rejet du 9 septembre 2019 du Directeur du Centre des finances publiques d'[Localité 10] de la réclamation contentieuse du 22 août 2019 en ce qu'elle fait grief à Mesdames [N] et [I] [Y],

-le dégrèvement de la somme de 29.326 euros au titre des droits versés en trop,

-la condamnation de la Direction régionale des finances publiques d'lle de France et du département de [Localité 15] à verser une somme de 2.000 euros à Mesdames [N] et [I] [Y], en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais de première instance,

-la condamnation de la Direction régionale des finances publiques d'Ile de France et du département de [Localité 15] aux entiers dépens de l'instance dont distraction sera faite au profit de Maître Hilliard, avocat au Barreau d'Évreux, dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile.

Pour la procédure en appel :

-condamner la Direction régionale des finances publiques d'Ile de France et du département de [Localité 15] à verser une somme de 2.500 euros à Mesdames [N] et [I] [Y], en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais d'appel,

-condamner la Direction régionale des finances publiques d'Ile de France et du département de [Localité 15] aux entiers dépens de l'instance dont distraction sera faite au profit de Maître Hilliard, avocat au Barreau de l'Eure, dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

La décision de rejet du 9 décembre 2019 est fondée sur deux motifs': La prescription de la demande et l'inapplicabilité de l'article 1965B du code des impôts à l'espèce.

Sur la prescription de la demande':

Moyen des parties':

Mesdames [Y] soutiennent que le délai de prescription a commencé à courir au décès de Mme [P] le [Date décès 5] 2017, de sorte qu'elles pouvaient présenter leur demande jusqu'au 31 décembre 2019';

Réponse de la cour':

Aux termes de l'article R196-1 du livre des procédures fiscales':'«'Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas :

(...)

c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. Ne constitue pas un tel événement une décision juridictionnelle ou un avis mentionné aux troisième et cinquième alinéas de l'article L'.190

(...)'»

Mmes [Y] ont présenté une demande de restitution sur le fondement de l'article 1965B du code général des impôts, prétendant que l'usufruit de Mme [P] sur les biens dont leur père était nu-propriétaire avait au décès de celle-ci profité à Mme [T], conjoint survivant de leur père.

Les demandes sur ce fondement doivent être présentées à partir de la date du décès du précédent usufruitier et jusqu'au 31 décembre de la deuxième année suivante. L'administration fiscale se borne à rappeler ce principe sans reprendre le motif de sa décision de rejet. Cette décision est motivée sur le fait que le décès de Mme [P] «'est exclu des événements pour Mme [Z] [Y] et ne peut permettre de motiver sa réclamation'»

Mais quelle que soit la solution applicable sur le fond du litige, Mmes [Y] qui se prévalaient de l'existence d'usufruits successifs disposaient d'un délai expirant jusqu'au 31 décembre de la deuxième année suivant le décès de Mme [P]. Celle-ci étant décédée le [Date décès 5] 2017, la demande de restitution présentée le 27 février 2019 était recevable.

Sur l'existence d'usufruits successifs':

Moyens des parties':

L'administration fiscale soutient que les conditions d'application des dispositions de l'article 1965B du code général des impôts ne sont pas réunies.

*au moment de son décès, M. [Y] ne disposait pas de l'usufruit éventuel sur les biens dont il était nu-propriétaire'. Il est décédé sans que son usufruit éventuel se soit ouvert, de sorte qu'il n'a pu en disposer au profit de sa conjointe. Les héritiers en nue-propriété de M. [Y] sont devenus plein propriétaires au décès de Mme [P] sans qu'aucun usufruit se soit ouvert au profit de Mme [U] [T].

*la disposition par Mme [T] de l'usufruit sur certains bien postérieurement au décès de Mme [P] ne constitue pas l'ouverture d'un usufruit successif à son profit. Cette disposition ne résulte que de la transmission à son profit de cet usufruit par les nues-propriétaires, qui du fait du décès de Mme [P] ont retrouvé la pleine propriété des bien qui leur avaient été transmis par leur père en nue propriété.

Mesdames [Y] soutiennent que':

*lors de son décès, M. [Y] détenait la nue propriété en totalité ou en indivision de quatre biens immobiliers';

*l'usufruit de Mme [T] est né sur l'ensemble des biens constituant la successsion de son époux, y compris pour ceux qu'il détenait en nue-propriété seulement';

*au décès de Mme [P], Mme [Y] a exercé son usufruit sur ces biens, de sorte qu'il y a eu une succession d'usufruits.

*au décès de leur père, les filles de M. [Y] n'ont pas hérité de la pleine propriété des quatre biens immobiliers mais uniquement de la nue-propriété sous l'usufruit légal de leur mère. Cet usufruit s'est ouvert, sans qu'il y ait besoin de dispositions testamentaires, par l'application des dispositions de l'article 757 du code civil.

Réponse de la cour':

Aux termes de l'article 1965 B du code général des impôts': «'Dans le cas d'usufruits successifs, l'usufruit éventuel venant à s'ouvrir, le nu-propriétaire a droit à la restitution d'une somme égale à ce qu'il aurait payé en moins si le droit acquitté par lui avait été calculé d'après l'âge de l'usufruitier éventuel'»

Il résulte de ces dispositions que pour que la restitution au profit du nu-propriétaire puisse avoir lieu, il faut que le second usufruit se soit ouvert par la cessation du premier.

L'article 595 du code civil prévoit que l'usufruitier peut céder son droit.

Aux termes de l'article 757 du même code': «Si l'époux prédécédé laisse des enfants ou descendants, le conjoint survivant recueille, à son choix, l'usufruit de la totalité des biens existants ou la propriété du quart des biens lorsque tous les enfants sont issus des deux époux et la propriété du quart en présence d'un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus des deux époux.'» '

Le nu propriétaire ne peut céder son usufruit que lorsque celui-ci lui est définitivement acquis. Dès lors, l'option en usufruit du conjoint survivant, qui ne porte que sur les biens existants ne peut porter sur un usufruit qui n'était pas entré dans le patrimoine du défunt.

Il ressort de la déclaration de succession de M. [Y] que Mme [T] est intervenue à la succession en qualité de conjoint survivant et Mmes [N] et [I] [T] sont intervenues à la succession en qualité d'héritières. La masse active de succession comprenait':

-la nue propriété d'une maison d'habitation sise à [Localité 14]

-la nue propriété d'une maison d'habitation sise à [Localité 17]

-la nue propriété de la moitié d'un immeuble à usage commercial sis à [Localité 9]

-la nue-propriété de la moitié des 109 250/675 000 èmes d'une maison d'habitation sise à [Localité 12].

Ces quatre biens étant soumis à l'usufruit de Mme [P].

Il n'est ni justifié ni même allégué que Mme [T] était habile à se porter héritière de Mme [P]. Il en résulte qu'au décès de cette dernière l'usufruit sur les biens énoncés ci-dessus, s'est éteint sans entrer dans le patrimoine de Mme [T]. Par voie de conséquence, nonobstant l'option de Mme [T] sur les biens composant la succession de son époux, les conditions d'usufruits successifs n'étaient pas réunies.

Le jugement entrepris sera infirmé en toutes ses dispositions et la décision de rejet du 9 septembre 2019 sera confirmée.

PAR CES MOTIFS':

La cour, statuant par arrêt contradictoire';

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions';

Statuant à nouveau':

Confirme la décision de rejet du 9 septembre 2019 opposée à la demande de restitution de Mmes [N] et [I] [Y]';

Y ajoutant,

Condamne Mmes [N] et [I] [Y] aux dépens de première instance et d'appel';

Condamne Mmes [N] et [I] [Y] à payer à la Direction Régionale des Finances Publiques d'Ile de France et de [Localité 15] la somme de 1 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Formation : Ch. civile et commerciale
Numéro d'arrêt : 21/01757
Date de la décision : 17/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-17;21.01757 ?
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