N° RG 20/01827 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IPNB
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 17 NOVEMBRE 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE ROUEN du 11 Mars 2020
APPELANT :
Monsieur [O] [I]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Ahmed AKABA de la SELARL NORMANDIE-JURIS, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Alexandre MAAT, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
S.A. LEGRAND FRANCE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Virginie CAREL, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 06 Octobre 2022 sans opposition des parties devant Madame POUGET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame ALVARADE, Présidente
Madame POUGET, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 06 Octobre 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 17 Novembre 2022
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 17 Novembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame ALVARADE, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 19 mars 1990, M. [O] [I] (le salarié) a été engagé par la société Legrand (la société) en qualité de technicien de maintenance selon contrat à durée indéterminée.
Au dernier état de la relation contractuelle, il occupait les fonctions de chargé d'études process engineering.
A compter de l'année 2011, il a exercé des fonctions syndicales et de représentation du personnel.
S'estimant victime d'une discrimination syndicale, M. [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Rouen le 24 mai 2018, lequel par jugement du 11 mars 2020, a :
- 'écarté des débats au titre de la prescription toutes les demandes de M. [I] antérieures au 1er mai 2014",
- rejeté l'existence d'une discrimination syndicale,
- débouté le salarié de sa demande d'un montant de 47 637 euros en réparation du préjudice financier en résultant,
- 'ordonné à la société d'établir un échantillon des salariés de son établissement de [Localité 3] relevant des mêmes catégorie et coefficient que M. [I], ouvert aux coefficients directement inférieurs et supérieurs, si l'échantillon initial s'avérait constitué de moins de 10 agents, de calculer la moyenne des augmentations de salaire et des primes générales et individuelles de l'échantillon, chaque année passée depuis 2015 et, pour les années à venir, de les comparer à l'évolution du salaire et des primes payés à M. [I]',
- condamné la societé à verser au salarié à titre de rappel de salaire toute différence en sa défaveur issue de l'opération ci-dessus,
- débouté les parties de leurs demandes,
- laissé les dépens et éventuels frais d'éxécution à la charge du salarié,
- déclaré exécutoire sa décision.
Le 15 juin 2020, M. [I] a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions du 27 septembre 2022, le salarié demande à la cour de :
- déclarer recevable et bien fondé l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- déclarer irrecevable l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société Legrand,
- d'infirmer le jugement, sauf en ce qu'il a ordonné la mesure d'instruction ci-dessus,
- statuant à nouveau, de condamner la société à lui verser les sommes suivantes :
58 074 euros en réparation de son préjudice financier,
10 000 euros en réparation de son préjudice moral,
3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société aux entiers dépens de l'instance.
Par conclusions remises le 4 octobre 2022, la société demande à la cour de :
- déclarer l'appel irrecevable,
- en tout état de cause, débouter M. [I] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- le condamner à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 6 octobre 2022 avant l'ouverture des débats.
A l'audience, M. [I] a sollicité que les conclusions du 4 octobre 2022 et les dernières pièces de la société soient déclarées irrecevables au motif qu'elles ont été transmises tardivement.
La société a fait savoir que sa réponse a été tardive du fait de la demande de son contradicteur.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé détaillé de leurs moyens et arguments.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'irrecevabilité des conclusions du 4 octobre 2022 de la société Legrand
Le prononcé de l'ordonnance de clôture, initialement annoncé pour le 15 septembre 2022, a été reporté et est intervenu le 6 octobre 2022, afin de permettre à la société Legrand de répliquer aux conclusions n° 2 de M. [I], remises le 14 septembre 2022, soit la veille de l'ordonnance de clôture, étant observé que les conclusions de l'intimée avaient été déposées depuis le 19 novembre 2020.
S'il est exact que la société Legrand a répondu par des conclusions n° 2 remises le 4 octobre 2022, la cour relève que l'appelant a de nouveau déposé, le 27 septembre 2022, des conclusions (n° 3).
Dans ces conditions, eu égard aux dates en présence, l'appelant qui a pu largement débattre de l'ensemble des points en discussion, ne peut légitimement se prévaloir d'une atteinte au principe du contradictoire.
Il n'y a donc pas lieu de déclarer irrecevables les conclusions déposées le 4 octobre 2022 par la société Legrand.
Sur la recevabilité de l'appel
La société Legrand soutient l'irrecevabilité de l'appel de M. [I] en ce qu'il a interjeté appel contre le 'comité d'établissement Legrand', personnalité morale qui n'était pas partie en première instance, et qui, au surplus, n'a plus d'existence juridique à la date de la déclaration d'appel suite à la transformation du comité d'établissement de la société en comité social et économique le 27 février 2019.
M. [I] soutient que son appel est recevable dans la mesure où en désignant comme intimé le 'comité d'établissement Legrand, [Adresse 4]' dans sa déclaration d'appel du 15 juin 2020, il entendait viser la société Legrand, partie en première instance ainsi que le démontre le jugement annexé, dont l'établissement est situé à [Localité 3]. Il s'agit d'une erreur sur la qualité de l'intimé qui n'est pas de nature à entraîner l'irrecevabilité de l'appel et, qu'en tout état de cause, la société ne démontre aucun grief susceptible de rendre nulle pour vice de forme la déclaration d'appel.
L'article 547 du code de procédure civile dispose qu'en matière contentieuse, l'appel ne peut être dirigé que contre ceux qui ont été parties en première instance.
S'il est exact que l'erreur manifeste dans la désignation de l'intimé n'est pas de nature à entraîner l'irrecevabilité de l'appel, celui-ci ne peut en revanche être dirigé contre d'autres personnes que celles ayant été parties en première instance sans encourir l'irrecevabilité tirée de l'article ci-dessus.
En l'espèce, la déclaration d'appel du 15 juin 2020 mentionne que l'intimé est le comité d'établissement Legrand lequel, d'une part, n'était pas partie en première instance et d'autre part, n'existait plus depuis le 27 février 2019, date à laquelle il avait été remplacé par le comité social et économique, doté d'une personnalité juridique propre en application de l'article L. 2315-23 du code du travail (ancien L. 2327-18, abrogé).
Dans ces conditions, la déclaration d'appel, dirigée contre une personne morale distincte de la société Legrand et qui n'était pas partie à l'instance devant le conseil de prud'hommes de Rouen, n'est pas entachée d'un vice de forme, lequel concernerait éventuellement la dénomination du comité d'établissement Legrand en lieu et place du comité social et économique Legrand si l'action était intentée contre cette entité. Peu important que le jugement annexé à la déclaration litigieuse concerne la société Legrand, puisque la cour n'est saisie que par la délcaration d'appel et les mentions qui y sont portées.
Par conséquent, la sanction encourue n'est pas une nullité pour vice de forme nécessitant la démonstration d'un grief mais bien l'irrecevabilité de l'appel formé par M. [I].
Sur les dépens et frais irrépétibles
En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner M. [I] aux entiers dépens d'appel, de le débouter de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile et de le condamner à verser à la société la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant contradictoirement et en dernier ressort,
Déclare recevables les conclusions déposées le 4 octobre 2022 par la société Legrand ;
Déclare irrecevable l'appel interjeté par M. [I] ;
Le déboute de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Le condamne à payer à la société Legrand la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Le condamne aux entiers dépens d'appel.
La greffière La présidente